Step right, this way, watch carefully !
Bonjour/Bonsoir !
Me voici pour cette seconde vague avec un premier texte regroupant normalement les trois ordres [mais franchement, j'en suis pas sûre ^^'). Je m'excuse par avance pour cet énorme pavé, mais j'ai retrouvé un ordinateur alors fallait le fêter ^^' puis on est là pour écrire après tout, non ? Bref, voici mon texte ^^
Les vacances mouvementées de Lulu
Pour la première fois depuis longtemps, Lulyah était heureuse. Et pour cause ! Après de longues semaines, pour ne pas dire de longs mois, à travailler comme une forcenée, elle avait enfin le droit à des vacances ! Miiko semblait avoir décidé d’arrêter de l’exploiter ! Quelle joie innommable que d’avoir trouvé la petite lettre qu’elle attendait tant sous le pas de sa porte à peine réveillée. D’ailleurs, la gardienne de l’Obsidienne ne pouvait s’empêcher de la relire une fois encore, pour s’assurer qu’elle ne rêvait pas.Gardienne Lulyah Olpharya de l’Obsidienne.
En raison de vos récents bons et loyaux services pour le bien de la cité blanche, votre demande de jour de congé a été acceptée.
Je vous informe donc, par la présente, que la semaine que vous aviez demandée vous a été accordée, et démarrera ce jour comme vous l’aviez souhaité.
Bien à vous.
Miiko Fubuki.
Bon, la lettre était assez froide et dénuée de tout sentiment, mais au moins elle était polie. Et Miiko prenait la peine de la vouvoyer par écrit. Un égard qu’elle n’avait pas à l’oral. Peut-être parce que la gardienne essuyait le plus souvent une foule de remontrances pour des rapports rendus en retard. Mais qu’importe ! Le plus important, c’était bien qu’elle allait enfin pouvoir se reposer une petite semaine, loin de toutes les obligations qui faisaient partie de son quotidien depuis qu’elle était arrivée à Eldarya, dix-huit mois plus tôt.
— Hey Diabolo ! s’exclama-t-elle à l’intention de son familier. Je viens de recevoir une lettre de Miiko ! Nous sommes officiellement en vacances aujourd’hui !
Elle se retourna pour constater que son majestueux danalasm n’avait que faire de la bonne nouvelle. En effet, il semblait, une fois de plus, bien trop occupé à grignoter le coin du tapis de la jeune faelienne. Quand donc comprendrait-il que ce n’était pas une crêpe de Candy Canes ? Et pourquoi diable ce familier n’avait pas un comportement aussi majestueux que le suggérer son apparence ? Qu’importe. Lulyah l’aimait comme il était et ne le changerait pour rien au monde. Elle s’approcha tout de même de lui et lui caressa le dos, gagnant son attention.
— Comme prévu, nous allons pouvoir partir sur l’île dont tout le monde parle et qui n’est qu’à seulement une heure de navigation d’ici ! Il paraît que c’est l’endroit rêvé pour passer de formidables vacances !
Après tout, on lui avait vanté la plus belle plage de sable fin du monde et des arbres donnant des fruits bien juteux toute l’année. On lui avait également parlé du plus grand parc d’attractions de tout Eldarya, assurant que rien sur Terre ne pouvait rivaliser avec une telle chose. Des cocktails les plus divins s’y trouvaient également et l’eau la plus cristalline qui soit. Lulyah ne savait pas réellement où s’arrêtait la réalité et où commençait la légende, mais elle comptait toutefois passer un bon moment sur cette île paradisiaque. Une plage et des palmiers, c’était selon elle la condition sine qua non pour passer de bonnes vacances. Le reste, ce n’était que du bonus.
Aussi, elle ne perdit pas de temps pour se jeter sur son armoire dont elle sortit le sac qui était prêt depuis une semaine déjà. Parce que naturellement, bien qu’elle n’ait eu la réponse officielle que ce matin, elle avait espéré qu’en raison de la baisse d’activité de la garde pendant cette période estivale, ses congés lui seraient octroyés. Et heureusement, puisqu’elle avait déjà réservé un petit bateau pour son voyage. Et qu’elle avait étudié comment le manœuvrer pour arriver à bon port.
Une dernière fois, elle observa le contenu de son sac pour vérifier que tout y était bien. Un maillot de bain, violet comme la quasi-totalité des vêtements qu’elle portait, avec son paréo, une serviette et un chapeau. De la crème solaire, juste au cas où. Même si, depuis que sa peau avait verdi en arrivant dans ce monde, elle semblait moins sensible aux coups de soleil que ce qu’elle était jadis. Des boucles d’oreilles, pour si jamais l’envie de changer celle qu’elle portait toujours à gauche lui prenait. Un rouge à lèvres puisqu’elle ne pouvait pas s’en passer. Des lotions pour refaire sa teinture blanche. Des lunettes de soleil pour protéger son regard hétérochrome. Des Candy Canes pour son familier adoré. Des vêtements en tout genre, plus que ce qu’elle pourrait d’ailleurs porter en une semaine. Et un livre qu’elle n’ouvrirait probablement pas de toutes ses vacances. C’est bon, tout y était !
— Tu es prêt Diabolo ? On peut y aller ?
Cette fois, elle semblait avoir toute l’attention de son danalasm, qui arriva vers elle d’un trot léger. Il faut dire que le familier était toujours prêt à suivre sa maîtresse absolument partout, aimant énormément se promener avec elle. Aussi, ni une ni deux, ils quittèrent la petite chambre que la jeune femme prit grand soin de verrouiller avant de traverser les couloirs. Il ne fallut pas longtemps avant que le duo n’arrive dans les jardins de la cité blanche. Celle-ci était baignée par les doux rayons du soleil, le tout surplombé d’un ciel sans nuage. La chaleur estivale avait pris possession des lieux et il n’était donc pas rare de voir des gardiens en repos lézarder paresseusement sur l’herbe grasse.
— Tu as vu Diabolo ? Pas l’ombre d’un nuage au-dessus de nos têtes ! Mamie disait toujours qu’un ciel tout bleu était un ciel à miracle ! Ça veut dire qu’il va nous arriver de bonnes choses aujourd’hui !
Le danalasm hocha la tête, même s’il paraissait peu probable qu’il ait compris toute l’essence de ces mots. Mais Lulyah était heureuse et c’était tout ce qui importait au familier. La joie de la jeune femme se retrouvait d’ailleurs dans son pas légèrement sautillant alors qu’elle arpentait les rues pavées en direction du port de la cité. Elle arriva bien vite au petit kiosque du loueur de bateaux. Cependant, en voyant l’expression embarrassée de l’homme de petite taille face à elle, ne cessant de se triturer nerveusement les mains, elle ne put que hausser les sourcils d’incompréhension.
— Bonjour monsieur Jones, déclara-t-elle toutefois.
— Bonjour mademoiselle Olpharya. Vous êtes venue pour… le bateau ?
— Naturellement ! Celui que j’avais réservé la semaine dernière. Pourquoi ? Il n’est plus disponible ?
Sans navire, comment pourrait-elle atteindre l’île qu’elle convoitait ? Après tout, elle n’avait pas prévu de plan B.
— C’est… je suis navré, mademoiselle. Il semblerait que mon apprenti ait fait une erreur et que le bateau que je vous ai réservé a été loué à quelqu’un d’autre. Et les premiers à revenir de tous ceux que j’ai loués ne seront pas là avant trois jours.
Lulyah ne put empêcher ses épaules de s’affaisser de déception. Trois jours, ça serait la moitié de sa semaine de vacances partie en fumée. Et elle ne voulait pas rester à tourner en rond dans le QG. C’était un coup à ce que, si elle la voyait faire, Miiko lui donne du travail même pendant ses vacances. Et il en était hors de question !
— Vous n’avez vraiment rien d’autre ? questionna-t-elle d’un ton implorant. Au point où j’en suis, même un radeau ou un vulgaire tonneau fera l’affaire !
N’importe quoi qui puisse flotter et qui soit en mesure de l’amener à bon port. L’homme réfléchit un instant avant de la regarder.
— J’ai bien quelque chose, oui, commença-t-il. Mais ce n’est pas quelque chose de prévu pour les longs voyages. Et ce n’est pas le summum du confort non plus. M’enfin… si vous voulez bien me suivre.
La jeune Obsidienne ne se le fit pas dire deux fois et emboita le pas à son guide, elle-même suivi de Diabolo. Ils remontèrent ainsi les quais, passant devant les navires de croisières et les bâtiments de guerre sans s’arrêter. Lulyah constata que plus ils avançaient, plus les bateaux perdaient de leur taille et de leur splendeur. Après être passé devant quelques navires de pêche, le loueur s’immobilisa devant une barque. Celle-ci était modeste, les rames déjà en place de chaque côté.
— C’est malheureusement tout ce qu’il me reste.
— Je la prends !
Après tout, une barque, c’était tout de même mieux que d’y aller à la nage ! La mer était clémente et la jeune fille appartenait à l’Obsidienne. Elle était donc en mesure de braver les flots à la force de ses bras. Tout du moins, elle l’espérait.
— Vous en êtes sûre ?
— Certaine !
L’homme approuva d’un signe de tête et alla rapidement chercher des papiers à faire remplir à la demoiselle. L’avantage de ce désagrément, c’était que la location lui coûterait finalement bien moins cher que ce qui était initialement prévu. Toutefois, elle dut signer une quantité pléthorique de papier permettant au loueur de se dédouaner de toutes responsabilités si jamais elle venait à couler et se noyer à bord de cette embarcation. Une fois cela fait, elle aida Diabolo à s’installer. Son familier étant de taille conséquente, il ne restait plus nécessairement beaucoup de place. Toutefois, il se coucha docilement à l’avant, regardant l’horizon, et Lulyah lui accrocha son sac sur le dos pour gagner un peu de place. Elle s’assit par la suite sur le petit siège avant de se saisir des pagaies.
— Bon… j’ai connu mieux comme ciel à miracle… Mais ce n’est pas grave, nous avons quand même un bateau Diabolo ! Nos vacances vont quand même pouvoir avoir lieu ! Et j’aperçois l’île que nous cherchons à atteindre ! Alors, direction le paradis de plage et de cocotiers !
Elle reçut un vague bruit d’approbation avant qu’elle ne commence à donner son premier coup de rame. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que c’était beaucoup plus éprouvant que ce qu’elle s’était imaginé. Toutefois, même si ce n’était pas très vite, ils avançaient vers leur destination. Ce qui n’était déjà pas si mal.
Le cri des familiers de mer retentissait au-dessus de leurs têtes, évoquant les mouettes du monde natal de Lulyah. Le clapotis des vagues contre la coque de la barque et le bruit des pagaies dans l’eau était apaisant. De temps à autre, il était possible d’apercevoir un poisson-libellule bondir hors de l’eau avant de replonger dans les profondeurs sous-marines. Et puis, il ne fallut pas longtemps avant que le bruit d’un moteur malade ne commence à se faire entendre. Et la jeune femme ne put que sourire à ce son. Une fois encore, il était étonnant qu’un familier aussi majestueux que Diabolo ronfle aussi horriblement fort. Mais c’est ce qui faisait son charme. Et visiblement, malgré son pelage, il ne semblait pas souffrir de la chaleur. Mais étant arrivé sur les terres d’Eel alors qu’il n’était qu’un bébé, elle se demandait si son ami avait déjà vu la neige ne serait-ce qu’une fois.
Quoi qu’il en soit, il fallut bien trois heures à Lulyah avant de pouvoir enfin atteindre l’île qu’elle convoitait. Et cela non pas parce que le trajet était long, les conditions climatiques étant optimales, mais parce qu’elle devait faire des pauses régulières pour reposer ses petits bras endoloris. Preuve était donc faites qu’elle n’était pas si forte qu’elle le pensait. Mais ses vacances de rêves en dépendaient et il était hors de question de les gâcher.
Toutefois, quand elle put enfin accoster sur l’île qu’elle convoitait, elle constata que celle-ci ne correspondait pas exactement à ce qu’elle s’était imaginé. Il y avait une plage, oui. Mais elle ne ressemblait pas exactement à celle de sable fin et orné de palmiers qu’on lui avait vanté. En fait, elle était déserte. Seuls quelques cailloux, çà et là, sortaient et la plage se transformait en une forêt d’aspect lugubre. Toutefois, son cher danalasm, champion toute catégorie des poules mouillées, ne semblait pas trembler face à cette intense végétation. Cela voulait dire que les lieux n’étaient peut-être pas dangereux.
— Ce n’est pas exactement ce à quoi je m’attendais, marmonna tout de même Lulyah en regardant une nouvelle fois autour d’elle. C’est… moins joyeux que ce que j’escomptais… Qu’est-ce que tu fais Diabolo ?
En effet, cela faisait plusieurs minutes — depuis qu’il avait mis le sabot au sol pour être précis — qu’il grattait le sable de sa patte. Et en s’approchant, la jeune fille constata qu’il semblait vouloir dégager un coquillage brillant. Celui-ci avait la forme d’une coquille d’escargot, lisse, et brillait sous les rayons d’un éclat doré, le faisant ressembler à de l’or.
— Eh ben alors ? Tu es attiré par ce qui brille ? Tu te transformes en pie ou quoi ?
Elle sourit quand le familier tourna ses yeux ambrés vers elle, comme pour la supplier de l’aider dans sa besogne. Ce que la jeune fille fit sans se faire prier. S’accroupissant, elle commença à creuser autour du coquillage en veillant à ne pas l’abîmer. C’est après quelques minutes qu’elle parvint à l’extraire de son refuge sableux, constatant qu’il faisait la taille de sa paume.
— Il est beaucoup plus gros que ce que je pensais ! s’exclama-t-elle avant de le retourner. Et il semble vide de tout habitant. Tu le veux Diabolo ?
Son compagnon se hâta d’approuver d’un franc signe de tête alors que Lulyah se relevait, époussetant ses genoux du sable qui s’y trouvait.
— Tu as raison ! Même si nous ne sommes pas réellement sur l’île paradisiaque que nous sommes venus chercher, nous pouvons profiter de belles vacances ensemble. Et autant ramener un souvenir !
Aussi, elle plaça délicatement leur nouveau trésor dans son sac avant de s’arrêter. Entre les premiers arbres de la forêt, elle pouvait apercevoir une silhouette les observer. Et son cœur rata un battement devant ce physique. Bien qu’elle ne l’eût pas connu avec la peau verte, elle savait que c’était d’elle qu’elle tenait cet attribut. Son œil gauche, le seul visible derrière l’arbre, était violet et ses longs cheveux étaient blancs. Une boule d’émotion vint se loger dans sa gorge à cette réalisation.
— Mamie ! s’exclama-t-elle.
En entendant sa voix, la personne se retourna avant de disparaître dans les profondeurs de la forêt.
— Non ! S’il te plaît, attends !
Sans réfléchir, Lulyah se mit à courir à la poursuite de cette silhouette. Cependant, au bout de quelques minutes, elle se rendit compte qu’elle avait perdu sa trace. Elle s’arrêta, essoufflée, avant que son fidèle compagnon ne vienne vers elle pour frotter son museau contre elle.
— Je suis désolée Diabolo, j’ai perdu sa trace. Mais… je suis certaine que c’était elle…
Le familier pressa plus fort son museau contre sa poitrine, lui donnant quelques coups de ses grands bois, mais sa maîtresse ne lui en tint nulle rigueur.
— Je sais. Mamie est décédée, juste avant mon arrivée ici. C’est d’ailleurs en allant chez elle une dernière fois avant la vente de sa maison que j’ai marché dans un cercle de champignon. Mais… je sais au fond de moi que c’est elle. Peut-être qu’à sa mort, son esprit est revenu sur ses terres d’origine ? Elle est la personne la plus importante de ma vie. C’est parce que je voulais toujours plus de points communs avec elle que j’ai commencé à me teindre les cheveux en blanc. Alors… même si c’est un fantôme… si je peux avoir l’opportunité de lui parler encore une fois, je veux la saisir.
Lulyah s’essuya les yeux, même si aucune larme n’en coulait, avant d’offrir un câlin à son familier, son meilleur remède contre les vagues à l’âme.
— Mais nous avons perdu sa trace, reprit-elle. Je nous ai fait courir jusqu’ici pour rien sous une chaleur de plomb. Et j’ai laissé le sac près de la barque. Alors, retournons là-bas avant de finir dessécher.
La gardienne tourna les talons avant de commencer à rebrousser chemin. Cependant, elle se rendit bien vite compte que son ami ne la suivait pas. Au contraire, il semblait occuper à renifler le sol avant de gratter la terre de sa patte.
— Diabolo ? Tu viens ?
Voyant que l’animal ne bougeait toujours pas, la demoiselle revint près de lui. Et elle remarqua alors que ce qui accaparait toute l’attention de son compagnon était une clé. D’une couleur dorée ternie par les âges, elle était de petite taille. La tête avait une forme de F tandis que l’autre extrémité était frappée d’un emblème de trèfle.
— Je réitère ce que j’ai dit tout à l’heure, tu es une vraie pie Diabolo.
Elle se baissa toutefois pour ramasser l’objet avant de le faire rouler doucement dans sa main. Son pouce vint retracer lentement le motif végétal imprimé dans le métal.
— Mamie s’appelait Marriah. « Chance » en vouivrien. C’est forcément à elle ! Cherchons un peu Diabolo ! Cette clé doit forcément ouvrir quelque chose !
Elle fut approuvée d’un grognement enthousiaste avant qu’ils ne se remettent tous deux à avancer. Ils ignorèrent la chaleur suffocante de l’été et la soif qui commençaient à les tirailler alors qu’ils avançaient dans les méandres de cette vaste forêt. Et alors qu’ils n’y croyaient plus, leurs efforts furent récompensés par l’apparition d’une étrange maison, directement creusée dans la roche d’un énorme rocher. D’ailleurs, celui-ci s’élevait en différentes formes au milieu de la végétation, le faisant ressembler à un buisson de cristaux. Dépourvue de fenêtres, la seule chose qui laissait supposer qu’elle était habitée était la porte en bois qui se trouvait sur un côté et qui jurait un peu avec le reste du décor.
Déglutissant, Lulyah s’approcha prudemment de la bâtisse avant de frapper contre le vantail. Elle actionna la poignée, mais le panneau de bois ne bougea pas d’un centimètre. Elle prit donc la clé qu’elle avait trouvé un peu plus tôt et fut soulagée de constater qu’elle entrait à merveille dans la serrure. Elle tourna donc et entendit le verrou bouger avant d’actionner de nouveau la poignée. La porte s’ouvrit sans opposer de résistance et elle entra doucement, suivit de son familier.
— Je t’attendais, Lulu.
La voix, appartenant à une vieille femme, était chargée de réverbération. Cette dernière se tenait dos à l’entrée, versant du liquide aux senteurs fruitées dans un verre et un bol. D’ailleurs, il était étonnant de voir un fantôme aussi tangible.
— Ma…
Le reste de la phrase de Lulyah mourut dans sa gorge au moment où son interlocutrice se retourna. Non, ce n’était pas sa grand-mère. Parce que son aïeule était une voyokoda, une vouivre serpentaire. Son front était orné d’une rosace dorée et des points d’or courraient sous ses yeux et l’arête de son nez, tatouage de cette espèce. Mais la femme face à elle, bien qu’elle semblait d’un âge avancé aux rides qu’elle possédait, n’avait pas ce signe distinctif. Ce qui voulait dire qu’elle n’était qu’une voyostoda, une faelienne mi-humaine, mi-vouivre. De même, la grand-mère de la faelienne avait les yeux violets. Son interlocutrice avait seulement le gauche de cette couleur, le droit étant bleu. Une boucle pendait uniquement à son oreille gauche et du rouge orné ses lèvres. D’ailleurs, la demoiselle sentit une pierre tomber dans son estomac à cette constatation.
— Tu es…
— Oui. Je suis toi. Je suis l’un de tes futurs, tu es mon passé.
Lulyah la regarda, interdite, cherchant dans ces yeux, identiques aux siens, la moindre trace de plaisanterie. Mais cette vieille femme était sérieuse, elle le savait. Diabolo les regardaient toutes deux tour à tour, lui aussi semblant noter la ressemblance. Il s’arrêta toutefois quand la plus âgée des deux tendit la main vers lui.
— Diabolo, quelle joie de te revoir. Viens-là mon beau !
Lulyah fut surprise de voir que son familier, d’ordinaire si peureux, s’approchait d’une inconnue sans peur. Il se laissa faire quand la vieille femme le serra dans ses bras. L’obsidienne fut surprise de voir une larme couler sur sa joue ridée.
— Je pensais ne plus jamais avoir la chance de te serrer à nouveau dans mes bras.
— Pourquoi ? Qu’as-tu fait de ton… votre ? Diabolo ? Si vous… euh… tu es moi, nous devrions avoir le même familier, non ?
Il était perturbant pour la demoiselle de s’adresser à elle-même sans savoir si elle devait se vouvoyer ou se tutoyer. Toutefois, elle se figea quand elle vit le regard triste de son interlocutrice se poser sur elle.
- J’étais jeune… et naïve… C’est de ma faute… La vie passe en un instant, tu sais ?
Et la jeune fille n’insista pas. Cette réponse triste, bien que sibylline, suffisait à elle seule à lui dire tout ce qu’elle avait besoin de savoir. D’un coup, elle ressentait de la peine pour cette version future d’elle-même. Âgée et seule, sur une île où il n’y avait visiblement qu’elle.
— Enfin, je ne suis pas ici pour ressasser ces tristes souvenirs. Assieds-toi Lulu. J’imagine que tu dois avoir soif. Toi aussi mon beau.
La Lulyah âgée déposa le bol devant Diabolo pour qu’il puisse boire avant de tendre le verre à sa version plus jeune. Celle-ci le prit doucement, sentant la fragrance fruitée avant d’y tremper ses lèvres. Et elle devait avouer avoir rarement bu quelque chose d’aussi bon.
— Pardon, mais qu’est-ce que tu fais ici ? questionna la gardienne, la moitié de sa boisson déjà bue. Comment ai-je pu te rencontrer ?
— Parce que tu doutes. De la place que tu as dans ce monde. De l’importance que tu revêts aux yeux de tes proches. De savoir si tu fais les bons choix.
Lulyah haussa les sourcils, dubitative. Non, elle n’avait pas ce genre de pensées transcendantales. Ou plutôt, si, elle doutait d’avoir un jour une quelconque valeur en tant que gardienne aux yeux de Miiko, mais pas de quoi en faire un fromage en somme. Elle savait bien que la kitsune ne la porterait jamais dans son cœur.
— Non.
— Peut-être pas consciemment. Mais si tu n’avais vraiment aucun doute, cette île ne te serait pas apparue.
— Apparue de quoi ? Je voulais aller sur l’île paradisiaque que mes collègues m’ont vendue. J’ai juste fait une erreur de trajectoire.
— C’est l’île du mirage. Mais on l’appelle également l’île de la guidance. Elle apparait à ceux qui ont perdu leur chemin et qui ont besoin d’être guidés jusqu’à le retrouver.
La faelienne venait de finir son verre, regardant toujours son interlocutrice avec scepticisme.
— Je n’ai pas besoin de…
— Viendra un moment où tu connaîtras des temps sombres Lulu. Nevra, ton meilleur ami, en sera le cœur. Tu risques de douter, mais aie confiance en toi. Crois en tes convictions et écoute toujours ton cœur pour ne jamais avoir de regret. Ne fais pas comme moi ou tu perdras gros.
La vieille femme s’arrêta un instant pour caresser la tête de Diabolo entre ses bois, avant de prendre les mains de sa version plus jeune.
— Lulyah, notre prénom, signifie « Espoir ». Ne l’oublie jamais ! Il te rappellera toujours que, même au cœur des ténèbres, la lumière brille toujours.
La demoiselle peinait subitement à garder les yeux ouverts, comme si de la fumée embrouillait son esprit en même temps qu’elle remplissait la petite maison. D’ailleurs, d’où venait-elle ? Depuis quand était-elle là ? Et pourquoi son esprit était si confus ?
— Je ne comprends pas, marmonna-t-elle d’une voix se chargeant de plus en plus de sommeil. Quels temps sombres ? Qu’est-ce que Nevra a à voir avec ça ? Qu’est-il arrivé à Diabolo ?
— Suis ton cœur Lulyah. Toujours.
— Lulyah… Lulyah !
La demoiselle rouvrit les yeux en entendant son prénom être prononcé aussi fort. Elle eut la surprise de constater que le ciel au-dessus de sa tête était chargé d’une myriade d’étoiles. Même si l’arrivée de la nuit n’avait en rien atténué la chaleur suffocante de l’été.
— Il fait nuit ?!?
— Brillante observation.
La jeune femme se releva d’un bon, constatant qu’elle s’était endormie contre Diabolo, dans la barque. Et face à elle se trouvait son meilleur ami qui la toisait, les bras croisés.
— Nevra ? Qu’est-ce que tu fais là ?
— Mon tour de garde. C’est plutôt à moi de te poser cette question.
— Ben je…
Honnêtement, la gardienne n’en avait aucune idée. La dernière chose dont elle se souvenait, c’était d’avoir rencontré sa version du futur sur l’île qui s’été avérait ne pas être celle qu’elle cherchait. Mais il était à peine plus de midi. Comment avait-elle pu dormir aussi longtemps ? Et qui l’avait ramenée au port ?
— Comment je suis arrivée ici ?
— À toi de me le dire. Je t’ai trouvé, attiré par tes ronflements qui s’entendent à des kilomètres, surtout quand on a l’ouïe fine.
— Alors déjà, ce n’est pas moi qui ronfle, c’est Diabolo ! Et ensuite, je voulais aller sur l’île balnéaire dont tout le monde parle. Du coup, je me suis dirigée sur celle d’en face en croyant que c’était la bonne.
Lulyah pointa du doigt la direction, mais s’arrêta en ne voyant rien. Et cela n’avait rien à voir avec l’obscurité de la nuit. Il n’y avait tout simplement rien à voir à l’horizon.
— Quelle île ? Celle dont tu parles se trouve de l’autre côté, au nord-est.
— Mais je te jure qu’il y avait une île ! Et j’y ai rencontré une moi du futur ! Pas vrai Diabolo ?
Le familier approuva d’un franc signe de tête. Mais ceci ne sembla pas convaincre le vampire, dont l’unique sourcil visible se fronça davantage.
— Toi qui affirmes détester les blagues d’Ez, je vois que tu essaies de suivre son exemple.
— Mais ce n’est pas une blague Nev’, je te jure !
— Écoute. Ce que je pense, c’est que tu as fait une insolation et que tu as été victime d’un mirage, une hallucination, une illusion. Bref, appelle ça comme tu veux, mais tu as déliré. Et si tu as dormi en plein soleil toute la journée, ce n’est pas étonnant que ça n’aille pas mieux ce soir. Tu ferais mieux de rentrer t’hydrater. Prends du sodium également et va voir Ewelein.
— Mais Nev’…
— Rentre au QG Lulyah. Tu as de toute évidence besoin de te reposer et tu gênes la garde nocturne.
La jeune fille ne put que grincer des dents. Le vampire était adorable, un peu lourd, mais gentil en temps normal, mais était toujours intransigeant dès lors qu’il était dans l’exercice de ses fonctions. Comme s’il était quelqu’un d’autre, un peu à l’image de Jekyll et Hyde. Aussi, la demoiselle grogna une vague approbation avant de commencer à rejoindre le chemin de la cité en traînant les pieds.
— Ce n’est pas vraiment comme ça que j’imaginais notre premier jour de vacances, soupira-t-elle après avoir vérifié que Nevra n’était plus dans les parages. Tu crois vraiment qu’on est devenu fou à cause de la chaleur Diabolo ? Je n’ai pourtant pas le sentiment d’avoir fait une insolation. Je me sens même plutôt bien.
Le danalasm la regarda un instant, penaud, avant de sembler être pris d’une illumination. Il commença alors à s’approcher de sa maîtresse pour frotter sa tête contre le sac.
— Qu’est-ce qui te prend subitement ? Tu veux des Candy Canes ?
Lulyah ouvrit la fermeture éclair avant de finalement s’arrêter quand le bout de ses doigts toucha quelque chose de dur et lisse. Prudemment, elle sortit sa trouvaille pour la regarder.
— Ce n’était pas un rêve.
Dans sa paume se trouvait un énorme coquillage qui brillait faiblement de doré sous les rayons de la lune. Un fin sourire étira les lèvres de Lulyah.
— Finalement, mamie avait bien raison. Les ciels sans nuages annoncent des miracles !
Et même si elle n’avait pas réellement compris les paroles nébuleuses de sa version du futur, elle n’était pas près de les oublier. Finalement, ce premier jour de vacances, quoiqu’un peu surprenant, n’était pas si mal.
Commentaires de la vague 2
@Khidra : déjà, je trouve que tu as une plume très agréable à lire. C'était un texte très fluide, presque autant que le fleuve que suit ton personnage. J'aime bien les petits indices disséminés çà et là montrant sa proximité avec sa mère. Etant très famille, c'est toujours quelque chose que j'aime bien retrouvé dans les textes. et ce mystérieux brouillard et l'apparition tout aussi mystérieuse... ça donne envie de lire la suite ! ^^
@ivicy : contente de te revoir, toujours fidèle au poste pour cette deuxième vague ^^. J'ai trouvé ça super original que tu reprennes des lieux de la carte des fenghuangs pour les adapter à ton propre univers. Egalement qu'Ivy semble à ce point habituée à se parler à elle-même, j'ai trouvé ça marrant. Même si elle aurait peut-être mieux fait d'écouter son double pour le coup. Là aussi, j'ai bien envie de savoir la suite et ce qui se passe dans ce lieu qui semble si étrange
Je ne promets rien, mais j'essaierais de revenir commenter les textes de la vague une depuis mon dernier passage si j'ai un peu de temps.
D'ici là, bonne journée/soirée et que l'inspiration guide vos plumes ^^
See you, next illusion !
Dernière modification par Lulyah (Le 13-07-2025 à 21h05)
@iNeptuna