L E S H I S T O I R E S L U N A T I Q U E S
NEW! (Lance) Rédemption et Résilience /// TW: spoil TO/ANE + automutilation
Information avant lecture :
Cet OS a pour but de retracer l'arc de rédemption inexistant de Lance dans le jeu (et aussi d'évacuer une certaine frustration et déception vis-à -vis de sa route).
Je n'insinue pas posséder la science infuse, ni même savoir ce qu'avaient les scénaristes en tête. Cet OS a été inventé à la suite des éléments que nous avions à disposition dans TO, les archives et ANE. Et laisse libre court à ce que j'aurais voulu voir dans sa route.
L'écrit commence à la fin de l'épisode 30 de The Origins et progresse jusqu'aux premiers épisodes de ANE. Du point de Lance.
Veillez à être à jour dans l'histoire car j'utiliserai certains éléments du scénario initial.
Musique d'ambiance : Lovely - Billie Eilish ft. Khalid
Ma main draconnique est enfoncée dans sa cage thoracique. Je n'entends plus rien autour de moi. Mon regard plonge dans celui mordoré de mon cadet. Nous nous fixons. Nous le savons. Mes griffes se serrent autour de son cœur. Je n'entends pas le cri déchirant d'Erika. Je ne vois rien qui ne semble nous arrêter. Même pas le fantôme de Fafnir. Un faible sourire se dessine sur le visage de Valkyon.
« Je t'aime mon frère. Je te pardonne, me souffle-t-il. Prends soin de tout ce que je perds. »
Je le fixe. L'adrénaline me fait trembler. Ou alors est-ce son cœur qui s'agite dans ma paume. Ma tête se penche sur le côté. Le souffle de Valkyon s'amoindrit, son corps est pris de léger spasme. Je sens encore son cœur battre dans le creux de mes griffes. Les battements diminuent au fur et à mesure que j'enserre son organe. Je sens son corps convulser. Ses ailes de dragon se déploient dans son dos. Je suis fier de toi, tu as pu les déployer sans te blesser, je le félicite. Comme s'il m'avait entendu, Valkyon me sourit. Ou alors n'est-ce que la réaction d'un corps qui meurt ? Il ne cherche même pas à se défendre. Faible. Tu aurais pu te battre pour éviter ça. Ma main arrache son cœur. Je n'ai pas réfléchi. C'est l'adrénaline. Un rire euphorique, presque fou monte dans ma gorge et secoue mes mâchoires. Je n'ose imaginer mes yeux exorbités et mon sourire dément.
La carcasse sans vie de mon jumeau s'écroule sur le mien. Je sens son dernier souffle au creux de mon cou. Son sang encore chaud cascade le long de mon bras. Je sens quelque chose me quitter. Une moitié. Je lève les yeux vers le toit en verre de la salle du cristal, les larmes coulent au coin de mes yeux. Je n'entends pas les hurlements déchirés de ses alliés. Mes lèvres se posent contre sa tempe.
« Je suis désolé, je lui réponds d'une voix rauque, j'aurais voulu que cela se passe autrement. Je te promets de faire attention à tout ce que tu as perdu. Je t'aime. Salue Mère pour moi. »
Ma voix se serre dans ma gorge. Qu'est-ce que j'ai fait ? J'ouvre ma paume et laisse rouler son cœur au bout de mes doigts. Lorsqu'il heurte le sol, je sens Leiftan me percuter de plein fouet. Je tombe. Il me frappe le visage avec toute sa rage de daemon. Je ris. Comme un fou à lier. Erika tente désespérément de l'arrêter. On me hait davantage. Me voilà seul contre tous. Contre mon avenir déjà tracé. Je ne quitte pas les émeraudes de mon ancien partenaire, ce qu'il est bon de le voir enragé. Il n'est pas aussi faible qu'il le pense.
« Deux frères ennemis, l'un du froid, l'un des flammes s'affronteront un jour au-dessus des nuées. L'un devra vaincre l'autre pour trouver la paix. L'un devra vaincre l'autre en y laissant l'âme. » dis-je entre deux toux suintantes de sang.
Je le méprise. Il m'a abandonné le premier alors qu'il était l'un de mes plus fidèles sous-fifre. Je le déteste de vouloir se racheter les bonnes grâces de la Garde. Leiftan. Lui, il sera pardonné de ses actes passés. Je ne le serai jamais. Mon corps heurte le sol, je me tourne sur le flanc, près de son cadavre. Mon regard fixe les yeux vitreux de mon frère. J'éclate en sanglot en tendant ma main ensanglantée vers ses paupières pour les fermer. Je suis en paix. J'ai réussi ma mission. Je suis une bonne personne. Un soldat loyal. Je n'ai pas à envier Leiftan. On m'assomme. Erika a déversé sa rage sur moi. On me relève. Jamon m'écrase les poignets et me les bloque dans le dos. Je peux l'exterminer. Je suis un dragon. Ezarel me force à boire l'une de ses potions immondes. Mes yeux se posent sur la carcasse de mon frère. Je suis incrédule, dans le déni. Je ne ressens plus rien, plus aucune émotion. Il y a juste un flottement, un engourdissement. Je suis dans un mauvais rêve. Je vais me réveiller. L'énergie me quitte. Mon corps est un poids trop lourd à porter. Mon esprit me torture de cauchemar. Ma main dans sa poitrine, la chaleur de son cœur, la tendresse de son regard, de sa dernière étreinte, ses derniers mots. La mort. Mes larmes coulent sur mes joues, l'étau se resserre autour de ma gorge, je suffoque, je panique. L'abandon.
Je me réveille dans une cage suspendue au-dessus de l'eau verte fluorescente. Mon dos me fait un mal de Blackdog, mes joues sont humides. Je m'assois en tailleur et contemple mon habit simple de prisonnier, une pâle tunique rouge. Je hais le rouge. On m'a dépouillé de mon armure. La tunique sent la solitude, la poussière et l'humidité. Des mèches mutines me tombent dans les yeux, je passe une main pour les tirer en arrière. Ce que j'ai mal. Un mouvement attire mon regard. En contrebas, j'aperçois Miiko. Elle me fixe, je plonge mon regard dans le sien. J'ai tout détruit. Un sourire cynique ourle le coin de ma lèvre. La kitsune tourne les talons pour quitter la prison du Q.G. Je suis de nouveau seul avec mes pensées. Les voix se moquent dans ma tête, me félicitent, me glorifient. D'autres me torturent et me donnent la nausée. Je laisse mon dos heurter la cage en acier. Mes bras tombent mollement entre mes cuisses, mes yeux se perdent dans les eaux vertes en-dessous de moi.
Je ne sais pas combien de temps on me laisse seul dans cette cage. Ni combien d'heures, de jours. Ma faim me brûle de l'intérieur. Ma soif a rendu ma gorge aussi sèche qu'un désert, c'est un supplice de déglutir. Ma langue pâteuse humecte mes lèvres. On ne me laissera pas mourir aussi pitoyablement. Un bruit attire mon attention. Mon cœur s'échappe de ma poitrine et me fais grogner. La cage est en chute libre. Je reste impassible malgré l'acidité de l'eau sous mes fesses. Mes yeux se lèvent vers l'assemblée qui m'attend. Miiko me toise alors que Jamon ouvre la porte de ma prison, et m'attrape avec violence. L'ogre menotte mes poignets et mes chevilles avec des chaînes dont des boulets traînent sur le sol, m'obligeant à courber l'échine et traîner un semblant de fardeau. Il me force à monter les marches de la cave où je suis enfermé. Mes jambes manquent de céder sous le manque de force. La lumière de la salle des portes m'aveugle et je grogne. On me pousse jusqu'à la salle du cristal. Une ambiance morbide y règne. Tout le monde semble vidé de son énergie vitale. Ils fixent le cristal flamboyant. Je sens sa chaleur raviver la vie de mon dragon. Mon regard se tourne instinctivement vers l'endroit où mon frère est mort. Il n'est plus là .
« A genoux. » m'ordonne la kitsune.
Je lui jette un regard condescendant du coin de l'œil. Comment ose-t-elle me parler ainsi ?
« Tu as toujours rêvé de ça. » je provoque d'une voix caverneuse.
Ces quelques mots suffisent à blesser ma gorge. Elle abat sa main contre ma joue. Mon visage se détourne. La colère monte en moi. Peut-être que je l'ai mérité, je pense ironiquement. Mes genoux cèdent et j'obéis.
« Regarde ce que tu as fait. » dit-elle en attrapant avec une violence surprenante ma mâchoire.
Je lève mes yeux et observe le cristal flamboyant. J'aperçois deux corps à l'intérieur, en état de stase. C'en est presque hypnotisant. Je cille.
« Deux êtres importants se sont jetés dans le Cristal pour réparer ton génocide. Regarde qui s'est sacrifié pour nous sauver ! Dénombre les vies que tu nous as retiré. » vocifère la kitsune.
Je contemple les corps d'Erika et de Leiftan, impassible. Je ne peux empêcher un sourire mauvais ourler au coin de mes lèvres. Au moins, les plus faibles ont pu faire quelque chose. Leiftan, le repenti a la gloire qu'il a toujours voulu. Et auprès de sa stupide âme-sœur. C'est qu'il a toujours mérité. Le pardonné. Miiko me gifle à nouveau, je lève les yeux vers elle. Son visage est noyé par les larmes. Je suis le paria de la cité d'Eel.
« Pourquoi ? POURQUOI ? »
Je ne lui réponds pas. Mon regard se détourne vers l'endroit où j'ai tué mon frère. Parce que je le devais. J'aurais aimé être dans ce cristal pour tout réparer moi aussi. Je les envie.
« Je te bannis à jamais. Je te renie de ces terres. Je vais te laisser mourir à petit feu. Tu ne participeras pas à l'enterrement de Valkyon. Je te déteste. Je te hais. Je te maudis. » cracha Miiko.
Et pourtant tu m'aimais à en mourir. Jamon tire sur mes chaînes, je me laisse traîner comme un poids mort. J'accepte ses nouvelles blessures sur mes cuisses et mes talons qui râpent le sol. Je regarde le cristal disparaître de ma vue, les dernières traces de sang de mon jumeau. Je suis faible. Je ne réalise pas. Qu'est-ce que j'ai fait ?
L'eau est montée et est descendue au fil de mon emprisonnement. Je ne sais pas combien de temps a passé depuis la dernière visite de Miiko dans les caves. Des jours, au vue des marées sous-marines. J'ai perdu en carrure, ma barbe a poussé, mes cheveux aussi peut-être. Je ne sais pas depuis combien de temps je ne me suis pas regardé dans un miroir. Encore une fois, cette sensation de mon cœur qui s'échappe de ma poitrine me sort de ma torpeur. Ma cellule chute jusqu'à frôler les eaux fluorescentes et acides. Ebranlée, elle frôle le seul ponton qui permet d'y enfermer quelqu'un. Je grogne et ne prend pas la peine de me relever, les boulets à mes pieds et mes mains m'ont fragilisé les articulations. Mon regard reste baissé, on me balance un cadre qui se fracasse entre mes jambes. Mon corps peine à se pencher pour le ramasser. Je balaie d'un revers de doigts les éclats de verre et scrute le dessin.
Il me représente avec mon frère. Mon cœur se serre dans ma poitrine. Je le tiens par les épaules, le sourire radieux. Lui aussi est rayonnant, hilare. Miiko avait réussi à capturer cet instant complice en quelques coups de crayon. Je m'en souviens comme si c'était hier. Je commençais à peine mes débuts dans la Garde de l'Obsidienne en tant que chef. Mon petit frère me suivait docilement chaque jour pour qu'on s'entraîne, qu'on reste soudé, lié comme une seule et même entité. Ce jour-là , nous étions sous le cerisier, c'était notre anniversaire. Je lui avais tendu un paquet vivant, il m'avait regardé avec méfiance et je m'étais contentais de lui sourire :
« Un cadeau à la hauteur de ta tendresse. »
Sceptique, il avait ouvert le cadeau et éclata d'un rire franc à la vue du bébé musarose. Je l'avais enlacé d'un bras, il m'avait serré contre lui. C'était mon jumeau, ma moitié, mon tout. On ne voulait jamais se séparer parce qu'on avait vu les nôtres se déchirer pour un stupide sacrifice. J'étais sorti le premier de mon œuf, cela faisait de lui mon cadet. Nous étions fusionnels. Si fusionnel que nous partagions une même petite amie : Miiko. Mais plus le temps passait, plus elle s'entichait de moi et plus je me rapprochais d'elle, prenant soin de ne jamais abandonner mon frère.
« C'était la seule chose qui restait de toi pour lui. Ce sera la dernière chose qui te restera de lui après l'avoir tué. » dit la voix éraillée de la kitsune.
J'ose à peine lever mon regard vers elle. Ses yeux sont gonflés d'avoir trop pleuré. J'entrevois le bout de ses doigts trembler de fatigue, ou de colère, je ne sais pas trop. Je baisse à nouveau les yeux, je n'ai pas la force de me battre, de prendre part à une énième joute verbale.
« Il adorait passer du temps avec toi, jamais vous ne vous sépariez. Vous étiez tout le temps ensemble. J'en étais presque jalouse. Comment as-tu pu ? »
Je hausse imperceptiblement mes épaules. Pour l'honneur des miens, pour l'équilibre. Je l'entends soupirer. Elle n'a pas non plus la force de se quereller avec moi.
« Je vais partir d'ici. Je ne peux plus te regarder. Je ne peux plus vivre avec l'absence de Valkyon. Je n'ai plus la foi de prier l'Oracle pour libérer Erika et Leiftan du Cristal. Cela fait un an et la blessure est toujours aussi béante dans mon cœur. »
Mes yeux se posent sur elle, impassible.
« Alors toi aussi, tu me quittes. » dis-je d'un timbre sans vie, calme et froid.
Elle me foudroie du regard. Pour la première fois depuis mon geste, je sens mon cœur tomber douloureusement dans ma poitrine. Je réalise. L'abandon.
« Je ne t'ai jamais quitté, tu l'as fait bien avant moi. » me reproche-t-elle d'une voix serrée.
Je lis le déchirement dans son regard. Je hais les adieux. Mon regard se baisse sur mes mains que je vois encore teintes de rouge. Le sang de mon frère. Je déglutis péniblement en fermant les poings. Je hais le rouge.
« Je...
- Ne te permets plus aucune parole. Je ne veux plus rien savoir de toi. Je ne veux plus entendre le son de ta voix. Je ne veux plus ancrer la beauté morbide de ton visage dans ma mémoire. Tu n'existes déjà plus à mes yeux. » tranche-t-elle d'une voix froide avant de tourner les talons.
Miiko disparaît. Je ne la reverrai plus. Comme Valkyon. C'est mon jugement dernier.
La vie a repris son cours au-dessus de moi, comme si rien ne s'était passé. Je suis confrontée à l'absence de mon jumeau, je n'ai pu lui dire un dernier au revoir. Sa voix et son regard, son sourire et ses mimiques, son odeur, sa personnalité, me manquent. C'est si vide sans lui, si fade. Je ne pourrais plus partager de moments complices dorénavant. Je n'ai plus personne. Je suis minable. Je supplie le premier soldat qui vient me surveiller de m'apporter un fouet. Je dois me punir pour évacuer ma souffrance. Il ne cède pas, ni le second. Jamon arrive pour son tour, m'informe que l'on va me changer de cachot. Depuis combien de temps suis-je dans les entrailles de la cité ? On me descend de ma cage suspendue pour me faire avancer dans une geôle à même la pierre. Je marche derrière l'ogre. Je puise dans mes dernière force pour lui dérober le fouet en cuir qu'il cache dans son dos. Lorsqu'il n'y a plus personne, je pose notre portrait devant moi. Ma main est armée du martinet et les lanières giflent à sang la peau nue de mes épaules, de mes côtes. Je me flagelle en grondant et mes yeux ne quittent pas ceux de mon frère. C'est pour toi. Les coups sont plus vifs, le cuir est tâché de sang et je continue jusqu'à ce que des larmes ruissellent sur mes joues, que le ruisseau vermillon colore mon dos. J'entends sa voix me supplier d'arrêter. Je tombe à genoux en éclatant en sanglots, le front contre notre photo. Reviens, je supplie.
Les jours passent. J'ai toujours cette impression d'entendre ses pas, sa voix. Valkyon occupe toutes mes pensées, de jour comme de nuit, son parfum m'embaume et je m'endors de fatigue, sous la douleur du fouet qui flagelle mon dos. Les cicatrices ont pris place sur ma chair insensible. Je voudrais me punir pour l'éternité. La porte claque en haut de la cave, je cache l'objet de ma rémission et écoute les pas venir vers ma geôle. Huang Hua apparaît de l'autre côté des barreaux. Je me sens fou à lier alors que je reste assis au sol, le dos contre la pierre. Nous nous fixons et un rire cynique passe la barrière de ma gorge. Ma vie est tout aussi misérable que tout ce qu'il se passe au-dessus de moi.
« Je n'ai pas le droit au visite de courtoisie. Mais les soldats sont bavards. Je connais ta position au sein de la cité. Je sais les dernières rumeurs. Tu es tellement désespérée que tu viens à moi pour solliciter mon aide ? »
La fenghuang secoue son visage avec dépit et pitié.
« Je ne pense pas que tu sois en position pour faire un quelconque commentaire, Lance. » me fait-elle remarquer.
Je fais tout aussi pitié qu'elle. Un rire jaune résonne dans ma gorge. La nouvelle cheffe d'Eel reprend :
« J'ai besoin de toi. »
Quelle ironie. Je croise les bras. Huang Hua soupire et s'accroupit à ma hauteur. Elle veut marchander. M'appâter. Me racheter.
« A quel prix ? je demande.
- Celui de sonder ton esprit et lire ton âme.
- Tu pourrais avoir peur du grand dragon, jeune phœnix.
- Grand dragon qui a perdu une partie de lui. » dit-elle d'une voix cassante.
La fenghuang me laisse pantois et s'excuse d'un signe de tête. Voilà le visage hypocrite qu'elle manie à la perfection. Culottée pour celle qu'on dit altruiste. Tu as bien changé, ta coupe de cheveux n'en est qu'un reflet. Quel lourd secret caches-tu ? Elle reprend d'une voix douce, me sortant de mes pensées :
« J'ai besoin de quelqu'un pour la Garde de l'Obsidienne. J'ai besoin d'un grand soldat, d'une personne prête à mettre sa vie en péril pour Eldarya. Je te propose ce poste en échange de la lecture de ton âme.
- Qu'est-ce que j'ai à foutre de ce statut dorénavant ? Tu trouveras bien meilleur remplaçant que moi. Caméria, par exemple.
- Si tu acceptes mon offre, je te donnerai l'autorisation de te recueillir sur la tombe de Valkyon. »
C'est mesquin. Vicieux. Je me rembrunis et ne répond pas. Huang-Hua me fixe avec intensité. Qu'est-ce que j'ai à perdre dorénavant ? Je me rends et accepte d'un signe de la tête. La résilience avant la rédemption. Je ne pourrais pas rester indéfiniment dans cette prison sans faire le geste de trop. Le sacrifice qui me permettra de rejoindre mon petit frère. Au pire on le fera pour moi. Ma réintégration ne fait pas l'unanimité et je le conçois. Mais le peuple finit par faire confiance à la cheffe de l'Etincelante, mon âme est remplie de remords, de regret et de tristesse. Je ne suis plus une menace pour eux. Je ne veux plus l'être. Les choses ont changé depuis deux ans. Nevra est devenu le bras droit de Huang Hua, laissant sa place de chef de l'Ombre à Chrome. Huang-Chu, la demi-sœur de la fenghuang, a rejoint les rangs de l'Absynthe. Ezarel est parti pour vivre de nouvelles aventures et aider les plus démunis. Leiftan et Erika sont toujours coincés dans le cristal, il m'arrive de regarder leurs ombres au travers du joyau avant de quitter les lieux pour rejoindre la plaine de la cité. Tous les soirs, je me repens sur la sépulture de mon frère. Mes paroles se heurtent au marbre, mes larmes arrosent les fleurs qui sont déposées à ses pieds. Il m'arrive parfois de me tuer aux entraînements, je m'étourdis pour oublier ces satanées images de mon fratricide. Je m'explose les phalanges, je rouvre les blessures de mon dos, je laisse ma rage s'évacuer.
Deux années s'écoulent. Mon quotidien est le même. Je me lève tôt, je déguste les plats très salés de Karuto. Seul. Je m'entraîne une première fois. Seul. Je relève la garde sur les remparts. Seul. J'effectue des missions. Seul ou en compagnie de celles et ceux qui souhaitent m'accompagner pour me poser des questions indiscrètes. Comment je me sens. Qu'est-ce que ça fait de tuer son frère. Comment c'est d'être un dragon. Je rentre. Je fais mes rapports. Seul. Je dîne. Seul. Je vais aux bains quand il n'y a plus personne. Et je recommence ce cycle incessant ponctué par les perturbations davantage présentes à Eel, le Cristal semble ne plus nous protéger. Je me donne corps et âme dans mon poste de chef de l'Obsidienne. Mon deuil ne m'aide pas à me surpasser, j'ai l'impression de régresser. Le plus dur n'est pas passé. Je ne suis pas entouré. Seul, seul, seul. Huang Chu me répète souvent, avec hostilité :
« Il faut que tu tournes la page, il faut que tu oublies le passé. C'est derrière toi. »
Et ce, à chaque moment où Valkyon me manque le plus, où son absence me pèse. Le jour de notre anniversaire. L'instant où je me sens le plus seul. Je suis à genoux devant sa tombe et lui adresse une pensée, lui promet de ne plus me faire de mal. Il m'arrive parfois, de façon déraisonnée, de demander à Koori de me montrer une réalité alternative, mais cela me brise le cœur. Comme la dépendance à de la poudre de perlimpinpin, l'herbe de sabali ou autres potions dérisoires. Koori est la seule qui me porte de l'intérêt. Peut-être trop. J'ai quelque chose avec les kitsunes. Je me perds en elle. Plusieurs fois. Jusqu'à perdre de l'intérêt. Il fallait bien que je la récompense pour ce qu'elle m'offrait.
Jusqu'au jour où je me trouve une nouvelle obsession. Sauver des vies m'importe davantage, frôler la mort diffuse une adrénaline, une euphorie, dont je suis fou, être médiateur à défaut de Nevra me convient. Je me sens tout aussi puissant que lui. Et je vois dans le regard chocolaté d'un rescapé humain, l'espoir avec laquelle me regardait mon frère. Cette bataille avait été dure pour tout le monde, avait soulevé de nouvelles interrogations sur le Sacrifice Bleu et sur le sort qui nous attendait. La venue de Mathieu nous avait rappelé celle d'Erika. Il est devenu l'ancre dont j'avais besoin. Je suis resté à son chevet, sans plus jamais le quitter. Je lui ai fait cette jambe de maana avec l'aide de Huang Chu et Koori. Je l'ai aidé à s'intégrer à Eel malgré la haine des faëliens à son égard. Je lui ai appris à se battre à l'épée, à monter la garde sur les remparts de la cité. Je l'entends encore me dire :
« On se croirait dans Skyrim.
- Skyrim ?
- C'est un jeu vidéo. »
Il marque une pause et rit à pleine gorge. Je dois avoir l'air idiot à ne pas comprendre ses répliques humaines.
« Laisse-tomber, tu ne ressembles pas assez au grand méchant dragon Alduin. Et même si tu as été le méchant une fois, tout le monde a le droit à une seconde chance, non ?
- Je suppose, dis-je. »
Je ne le comprends pas plus avec son charabia humain mais cela semble l'animer. Il me suit à la trace et me supplie sans cesse de l'aider à fuir la garde de l'Absynthe. J'aime son regard pétillant de joie quand il me regarde lorsqu'il m'en parle. La même énergie qu'il m'arrive de déployer lorsque je lui parle de mon frère. Il était la perfection à mes yeux et pourtant Mathieu m'aide à garder les pieds sur terre. Il est presque ce nouveau petit-frère. Mais je ne lui en touche aucun mot. Je reprends peu à peu ma place dans ce monde. Mon frère me manque et me manquera toujours mais ne plus être sans lui n'est plus une cicatrice déchirante.
Ma vie bascule une nouvelle fois lorsque Mathieu retrouve Erika hors du cristal. Sept ans sont passés. Huang Hua me conseille de me faire aussi discret qu'une musarose, ses souvenirs s'arrêtent au meurtre de Valkyon, son ex-amant. Me voir ici, ne l'aiderait pas dans son deuil. L'acceptation serait longue et je sais de quoi je parle. Il m'a fallu sept longues années pour quitter cette sensation désagréable. Aujourd'hui, les plaies béantes se referment et ne s'ouvrent plus. Leiftan est le premier à venir à ma rencontre. Je le sens changé, renfermé. Je le méprisais à l'époque, aujourd'hui, il fait pitié. Il se place en tant que martyr, victime de tout. Il n'a pas l'attention qu'il aurait voulu avoir. Il prêche les bonnes paroles et agit comme une coquille vide. Le daemon refoule sa nature et cherche à se repentir. C'est un partenaire que je ne connais pas, mais qui suscite un léger intérêt. Sa patience et son calme sont inspirants. Nevra s'acharne sur lui parce qu'il craint la fin soudaine d'Eldarya, parce qu'on a besoin de lui, d'un dragon et d'une demie aangel pour rétablir l'équilibre.
Je croise à nouveau la route d'Erika au marché. J'avais cru pouvoir passer sous sa vigilance, mais lorsqu'on lui avait appris ce que j'étais devenue, elle s'était mise en tête de me traquer. Nos retrouvailles ne sont pas celles auxquelles je m'attendais. Je n'en suis pas non plus surpris ou déçu. Érika m'attaque avec rage. C'est une réaction justifiée. Le temps semble s'arrêter sur la place, les Purrekos nous dévisagent. Je la laisse frapper deux fois, avec une puissance vengeresse, mon armure avant de lui attraper les poignets pour qu'elle ne se fasse pas plus de mal. Elle hurle. Elle pleure alors que je la maîtrise fermement sans lui faire de mal. Son visage est rouge de colère, sa voix rongée par la haine. Elle m'insulte, m'offense et tente à nouveau de m'attaquer. J'évite son coup maladroitement parce que je suis hébété. Je ne souhaitais pas que ça se passe comme ça.
« Je ne veux pas te blesser. Je ne suis pas ton ennemi, lui dis-je d'une voix calme.
- Menteur. Manipulateur. Assassin ! » hurle-t-elle.
Nevra intervient aussitôt avec Huang Hua pour nous séparer. Je regarde Érika une dernière fois, désemparé avant de tourner les talons pour quitter les lieux. Je ne veux pas plus l'incommoder de ma présence. Je retrouve Mathieu au cerisier un peu plus tard, en fin de journée, car il m'a supplié de l'aider à s'entraîner. Il me regarde.
« Écoute chef, commence-t-il.
- Je ne suis pas ton chef, je le réprimande d'une voix calme.
- Mon mentor. Bref. Ne t'apitoie pas trop. C'est une réaction plutôt normale. Laisse-lui du temps, elle viendra sûrement te voir quand elle sera prête à encaisser le coup. Huang Hua a dû lui dire dans les grandes lignes ce qu'il s'est passé. Érika ne semble pas stupide, même si elle a agi avec impulsivité. Elle fera ce qui est bon pour elle, et pour toi en temps voulu.
- Et si tu continues à être aussi sentimental, je devrais te coucher au sol, dis-je, un léger sourire narquois au coin des lèvres alors que mes doigts entourent mon épée.
- Mais enfin ! Ce que je dis est vrai ! » s'indigne mon apprenti alors que je commence à l'attaquer.
Oui, tu as raison. Tout le monde a le droit à une seconde chance. Et j'ai promis à mon frère de prendre soin de ce qui lui était le plus cher avant son départ.
C'est ce que je fais, lors de l'attaque du Warrifang, lors de notre voyage vers Genkaku lorsqu'elle se jette à la suite de Leiftan pour le sauver. Erika semble ailleurs, assise en boule contre les balustrades de notre bateau à grelotter. Je m'accroupis à ses côtés après avoir passé autour de ses épaules une couverture. Le silence est gênant entre nous et je préfère la laisser. Sa voix s'élève timidement :
« Je suis désolée de ce qu'il s'est passé au marché, la dernière fois. »
Mes épaules se haussent avec indifférence.
« Je ne t'en veux pas. Tu as agi comme une personne censée. Huang Hua est plutôt la fautive dans cette affaire, elle ne semblait pas t'avoir prévenue. Ou cherchait à te protéger. Tu as le droit de m'en vouloir, de ne pas accepter ma présence, de me haïr. Ça m'est égal dans le fond. Mais j'espère juste qu'un jour, quand tu seras prête, tu me laisseras me confier, que tu comprendras que je n'avais plus rien et que c'était la seule chance de m'en sortir pour l'honneur de Valkyon. »
Erika se contente d'hocher la tête tandis que je la laisse seule avec ses pensées. Notre mission à Genkaku nous oblige à travailler ensemble et elle reste à mes côtés alors que j'observe avec perplexité les draflayels anormalement grands. Mon cœur déborde de chagrin et de culpabilité. Memoria n'existe plus. Ma terre n'est plus. Et j'ai blessé ces êtres importants à ma race. Erika pose une main réconfortante sur mon épaule. Cela me déchire davantage. Je ne veux pas lui donner une quelconque pitié à mon égard. C'est elle qui en souffre le plus maintenant.
« J'étais aveuglé par la rage. J'ai ravagé tout ce qui avait un rapport avec la naissance du Sacrifice Bleu, dont les draflayels alors que j'aurais dû les protéger. Tout autant que Memoria. »
J'ose m'apitoyer sur mon sort alors que j'en ai causé la perte. Elle me regarde de ses grands yeux améthyste. Je n'y vois que du réconfort alors que cela devrait être mon rôle. Je secoue la tête en soupirant et reporte mon attention sur le familier.
« Dans nos légendes draconniques, les draflayels représentent les familiers spirituels des dragons. Je ressens une certaine connexion avec eux. Nos anciens pensaient qu'ils étaient la réincarnation des Dragons sacrifiés.
- Alors tente d'apprivoiser celui-ci. » me dit-elle en pointant celui qui me fixe.
Je nie de la tĂŞte.
« Je n'ai pas le temps d'en prendre soin. La garde obsidienne et le travail que j'accomplis sur moi me prennent énormément de temps. »
Je marque une pause et me tourne vers l'humaine que mon frère a aimée. Ma main tapote légèrement le haut de son crâne.
« Merci de m'avoir écouté. Je n'aime pas vraiment parler de tout ça. »
Je m'écarte et rejoins Nevra qui m'attend, la mission doit continuer. Je ne saisis pas vraiment ce revirement de situation et je préfère passer outre car la mission est plus importante à mes yeux. Parce que les émotions et les sentiments n'ont pas être présent sur le terrain. Me transformer en dragon sur les terres de Tenjin ne nous apporte pas leur faveur. Il tente de me provoquer, mais je reste froid. Un conflit diplomatique n'arrangerait rien. Je scrute Koori du coin de l'œil, elle est apeurée. Nous convenons à un marché. Erika s'ouvre un peu à moi pendant notre tour de garde dans l'immeuble, je découvre un ascenseur et elle prend le temps de m'expliquer le fonctionnement de l'électricité. Mais je ne suis pas sûre d'avoir tout compris. Je l'ignore lorsque nous nous retrouvons sur le toit. Le draflayel est revenu, mon cœur se serre. Est-ce le signe que j'attendais depuis sept ans ? Erika m'encourage à l'approcher et une attaque fuse, je me retrouve à la protéger avec le familier. Il se prend une flèche dans l'aile. Je m'en inquiète bien plus qu'il ne faudrait. Je veille sur lui avec Erika qui, poliment, me fait la conversation.
« Penses-tu que leur taille diffère selon les régions ? me demande-t-elle.
- Je pense que c'est une nouvelle preuve du dérèglement que nous subissons. Les familiers y sont plus sensibles. Regarde le sersea, les maripodes, le warrifang qui t'a attaqué, ce n'est pas leur comportement naturel. En tant que faerie, nous ne sommes pas plus immunisés. Nous devrions faire attention. »
Elle hoche la tête en caressant le crâne du draflayel blessé. Etonnamment, il se blottit contre moi en émettant un son semblable d'un bébé dragon bercé par sa mère. Je pince mes lèvres et Erika me sourit légèrement.
« Il aime ta présence. Il ne veut pas te quitter.
- Tu parles couramment la langue des draflayels ? je tente d'ironiser.
- Je le sens, c'est tout. C'est comme les émotions de Leiftan. »
Je me contente de cette réponse. Comme je me satisfais de toute nos différentes rencontres depuis son retour. Cela commence même à me faire cogiter. J'essaie d'interpréter les signes que je ne vois, d'imaginer des choses qui n'ont pas lieu d'être. Je ne veux pas qu'elle soit mon dernier souvenir de Valkyon. Ma dernière ancre. Un soir, elle me propose de la rejoindre au cimetière, je lui emboîte le pas en silence. Nous nous installons à genoux devant sa sépulture. Le silence s'installe entre nous.
« Quand tu croiseras Lance, promets-moi de ne pas lui en vouloir et de faire tout ce qui est en pouvoir pour le guider, dit-elle à voix. Ce sont les dernières paroles que m'a dit ton frère lorsque je l'ai croisé dans ce monde entre la réalité et l'astral. »
Je baisse la tĂŞte.
« Je suis sincèrement désolé... Du plus profond de mon cœur. Je suis désolé, Erika. Désolé de t'avoir provoqué autant de peine et de chagrin. D'avoir détruit ta vie. D'avoir ôté la sienne. Je n'avais pas réfléchi à la conséquence de mon acte, j'étais obnubilé par la haine. Je regrette. Je ne mérite pas ton attention, pas après tout ça. »
Ma voix est rauque. Touché par son approche et sa façon à elle de tenter de me pardonner.
« Pourquoi tu fais ça ? je demande.
- Parce que je connais ta peine et ta douleur. Que je ne suis pas quelqu'un de sans cœur. Le fait de te repentir est une chose. Demander pardon est un acte brave, parce que tu as conscience de la cruauté qu'il y avait en toi il y a sept ans. Et sur ce point-là , je peux affirmer que tu as changé. J'arrive à accepter le bien que tout le monde dit de toi. Mathieu te voue un culte et je t'ai vu le protéger comme s'il était ton frère. J'ai aperçu la détermination dans ton regard de ne pas céder aux provocations de Tenjin. Je t'ai observé avec Skala. Tu n'es plus celui que j'ai connu avant ma disparition. »
Elle caresse la pierre tombale avec affection. Je sens mon cœur se gonfler d'une étrange joie. Mes lèvres se pincent. Je comprends pourquoi Valkyon l'aimait tant.
« Parfois, il faut rouvrir une blessure pour mieux qu'elle cicatrise. On ne pourra jamais changer le passé. Mais le pardon élargira les horizons du futur. J'ai promis à Valkyon de ne pas t'en vouloir. Même si dans le fond, je t'en veux terriblement. Mais je ne souhaite pas vivre dans la rancœur ou la vengeance. Je ne sais pas si nous deviendrons amis ou si nous resterons de simples collègues. Je peux tenter moi aussi de te pardonner, ou à minimum t'écouter, parce que tu en as besoin autant que moi. Car nous sommes les dernières pièces de la vie de Valkyon. »
Je tourne mon visage vers mon ex-belle-sœur. Elle pose sa main sur la mienne avec un faible sourire. Je reste sans voix et presse sa paume. Erika reprend :
« Je suis prête à t'écouter. Te pardonner me prendra du temps. Oublier, je ne le ferai pas. Mais si je veux accéder à la prochaine étape de mon deuil alors je suis prête, ici et maintenant. Et j'espère sincèrement pouvoir aussi t'aider à prendre le chemin de la paix. »
Je sens les larmes me monter aux yeux. Je porte sa main à mes lèvres et y dépose un simple baiser. Mon regard larmoyant se pose sur la tombe.
« Je ne sais pas par où commencer. Peut-être te remercier de m'avoir offert une entrevue ici, de me permettre d'accéder à la dernière épreuve de ma rédemption. Je l'attendais et je n'en suis pas digne. Il n'y a pas de mots assez forts pour te dire encore une fois combien je regrette chacun de mes gestes. Je m'en veux de la peine que j'ai provoquée. A toi, à Valkyon, à la garde. La mort ne m'apportera jamais la paix que j'ai perdue dans ma quête folle. J'ai été guidé par la haine et l'envie de revanche. J'ai tué sans pitié. Je me suis perdu. Je suis désolé Erika. Je suis désolé Valkyon. Sincèrement. Je n'ai jamais voulu en arriver là . J'étais trop obnubilé par cette prophétie, j'ai laissé mon instinct draconnique décider pour moi. Ce n'était pas moi. Pardonne-moi. »
Le vent nous caresse la peau. A cet instant, j'ai l'impression de sentir la présence de mon cadet derrière nous. Il sera toujours là . Je sens sa main fantomatique caresser mon épaule, ses bras enlacer Erika avec amour. Elle soupire fébrilement en fermant les yeux.
« Si seulement je pouvais remonter le temps..., je dis en posant mon front sur la pierre.
- On pourrait tout faire. Mais Valkyon nous demande d'avancer. »
Je relève la tête et prend sa main. Elle est émue à mes côtés et je tente de lui transmettre, en serrant sa paume, la chaleur dont elle a besoin. Une larme roule sur ma joue lorsqu'elle se laisse aller contre moi pour pleurer sur mon épaule. Je l'enserre maladroitement, assez pour tenter d'apaiser ses sanglots. Mes doigts caressent ses cheveux, son dos. Erika s'accroche désespérément à mes épaules. Elle avait besoin de ce moment, d'ouvrir son cœur et les vannes de ses larmes. Ma joue se pose sur le sommet de son crâne. C'est notre étrange façon de faire la paix, de se tourner vers notre nouvelle vie. Elle était la copine de mon défunt frère. J'étais son meurtrier. L'humaine semble accepter son deuil, la perte de l'être cher. Ses épaules s'affaissent. Tout comme moi, elle entre sur la voie de la guérison sous la bienveillance de Valkyon. J'espère être à la hauteur de leurs attentes. Nous restons enlacés pendant une heure durant devant la sépulture, lorsque ses larmes ne coulent plus. J'essuie de mes pouces ses joues humides et la regarde avec une certaine tendresse. Je ferais tout pour elle.
Depuis cette mise au point, notre relation a évolué vers quelque chose de positif. Voir ambiguë. Je la complimente maladroitement et la soutient dans tout ce qu'elle entreprend. Je me sens parfois coupable de ressentir une attirance envers elle. Comme si elle était le remède à tous mes maux. Nous nous regardons parfois sans nous comprendre et pourtant quelque chose nous lie bien. Je l'ai vu dans son regard lorsque je l'ai croisé dans les couloirs en pleine nuit après ma douche, seulement habillé d'une serviette autour de mes hanches. Elle avait scruté mes nouvelles cicatrices et je prenais un certain plaisir à la tirailler en contractant mes muscles tout en lui ordonnant une mission pour le lendemain avant de la laisser pantoise. Je l'invite à danser lors du bal, sans arrière-pensée. Enfin je le crois. Parce que j'aime sentir son corps près du mien. J'aime ce qu'elle dégage habillée dans cette robe, la sensualité de sa jambe qui se découvre quand nous tournons. Je suis un peu gauche dans mes pas et cela semble l'amuser. Nos corps sont proches et elle me confie avoir envie de croire en moi. Je me noie dans son regard.
Et même si je craque secrètement pour elle, je ne laisse pas mes sentiments diriger mon statut de chef. Mais je tue pour elle lorsqu'on lui fait du mal. Je me torture en pensant à elle, à ce que nous pourrions être. Ces petites répliques cinglantes, sa langue acérée que je voudrais punir. N'être que le seul témoin de sa fragilité, le seul receveur de son attention, ses caresses, ses regard... Je reste impitoyable lorsque ses lèvres se posent sur les miennes. Je craque en lui faisant l'amour sauvagement. Je veux la posséder, la chérir et la protéger comme me l'a demandé mon frère.
Je pourrai mourir pour elle. Je tiendrai ma promesse, Valkyon. Je deviendrai meilleur grâce à elle. Nous ne sommes plus seuls, et tu nous lies.

(Nevra) Cupidonevra
Lot FC Nevra - Event Saint Valentin 2023 - Mini OS pour Manocab
Une brise s'engouffrait dans ses longues boucles rousses. Le soleil chauffait avec douceur ses épaules à peine dénudées. Son regard s'était baissé sur la pierre tombale à ses pieds. Marie se mit à genoux en des gestes lents, précautionneux, un léger sourire ourla ses lèvres. Elle déposa sur la tombe un bouquet de fleurs cristallisées avant de poser ses mains à plat sur ses cuisses. Ses yeux ne quittaient pas l'inscription gravée dans le marbre. « Ci-gît Valkyon. Chef de l'Obsidienne. Vaillant dragon de feu et de rubis. » La rousse ne ressentait plus cette douleur déchirante à la lecture de ces quelques mots. Elle ferma les yeux et murmura :
« Tu sais, je ne crois pas à toutes ces choses trop romantiques. Je ne suis pas du genre à célébrer cette fête de l'Amour. Je pense simplement que toutes les personnes que j'ai pu aimer devraient recevoir un peu de ma tendresse au moins une fois dans l'année. Et même si tu n'es plus là , tu mérites tout autant mon affection. Prends-le comme une marque d'amour, de remerciement et de respect. Je te vois sourire, tu sais ? Toi aussi tu me trouves trop romanesque sur ce coup. »
Elle eut un léger rire avant de reprendre :
« Je crois que Nevra me tire sur un autre chemin. Et je pense que c'est bon pour moi de sortir de ma zone de confort. Je ne sais pas à quoi m'attendre aujourd'hui. Il en a encore fait des caisses pour cette fête, en commençant d'abord par me lancer un défi. Tu sais que j'adore les défis. Alors me voilà presque habillée comme lui, pour flatter son égo. Qu'est-ce que tu en penses ? »
Une brise fit de nouveau s'envoler sa crinière frisée et Marie ouvrit les paupières, offrant un sourire radieux vers les cieux. Un signe de sa part.
« Merci. J'ai voulu jouer avec la symétrie et l'asymétrie, dévoiler sans trop dévoiler. A mes chevilles, j'ai mis des Gallyflores pour aussi faire plaisir à Sheitan. Parce qu'il aime les détails. Mais qu'importe. Me voilà dans de beaux draps ! »
La jeune femme, amusée, secoua son visage, ses iris violettes se posant à nouveau sur la sépulture de son défunt ex-amant. Elle se pencha en avant pour déposer un baiser sur la pierre froide. Ses lèvres se pincèrent lorsque son pouce caressa le marbre en silence. Un bref soupir s'échappa de ses narines. Elle se releva sur ses deux jambes et s'inclina respectueusement devant la tombe.
« Je repasserai te voir dès que possible. »
Sur ses mots, Marie tourna les talons pour quitter le cimetière et remonter la plaine d'un pas léger. Ce genre de moment la réconfortait toujours et elle appréciait que le vampire lui laissait ce genre d'intimité. Le bras-droit de l'Étincelante l'attendait patiemment, et à bonne distance, avachi sur un rocher près du terrier. La soldate de l'Obsidienne posa ses mains sur ses hanches, arquant un sourcil en le fixant. Un sourire malicieux se dessina sur la bouche du vampire qui tourna sa tête vers elle. Il tenait entre ses mains un arc avec des flèches, dont le bout en ventouse était en forme de cœur. Il avait revêtu une tenue semblable à celle de Cupidon. Marie gloussa avant de lever les yeux au ciel, elle ne savait pas si cela était ridicule ou absolument craquant. Néanmoins, ce qui était sûr, c'est que cela ne la laissait pas indifférente. Nevra sauta à pied joint sur le sol et banda son arc en direction de sa dulcinée qui leva un index réprobateur vers lui.
« N'y penses même pas ! » dit-elle d'une voix calme, le sourire au coin des lèvres
Un rictus belliqueux éclaira le visage de l'homme qui lâcha volontairement la flèche vers la rousse, en direction de sa poitrine.
« Touchée en plein cœur. » railla-t-il.
Marie éclata d'un rire cristallin, la tête penchée en arrière, la main autour de la flèche.
« Je serai touchée en plein cœur si tu ne portais pas cette affreuse tenue ! » renchérit-elle, posant son regard moqueur sur son amant.
Nevra fit la moue et baissa son œil valide sur sa tenue. Un drapé blanc barrait la moitié de son torse finement musclé, une large culotte cachant son intimité. Il avait choisi de mettre de fausses ailes dans son dos et de faire de légères boucles dans sa chevelure de jais. Ce qui dénotait était peut-être ses bottes. Il se gratta l'arrière de la nuque, l'air hébété.
« J'avoue que les chaussures sont de trop, concéda le vampire en posant son regard sur son amante.
- Tu penses ou tu en es sûr ? rétorqua-t-elle avec sarcasme.
- Je ne te plais pas ainsi ? se vexa-t-il faussement, une main contre son cœur.
- Je dirais que si Vénus se promenait nue, c'était pour apprendre à son fils, Cupidon, de le faire. »
Un sourire narquois ourla les lèvres de l'homme qui s'approcha d'un pas vers Marie, attrapant la flèche à pleine main pour la tirer vers son torse et l'y plaquer.
« Tu veux me voir nu, petite coquine ?
- Tu comprends vite, mais il faut t'expliquer longtemps. » charia la demoiselle en se lovant contre lui, les bras noués derrière sa nuque.
Il lui adressa un de ses sourires mystérieux, laissant sa main libre glisser le long de ses courbes pour se déposer dans le creux de ses reins. Sa bouche embrassa sa tempe avant de venir murmurer à son oreille :
« Je pense qu'il faudrait plutôt qu'on soit à égalité, tu ne penses pas ?
- Ce serait effectivement sympathique. Mais pas au milieu de la plaine, rétorqua-t-elle en effleurant du bout de ses ongles la nuque de l'homme.
- On peut toujours aller au fond de la forêt et je pourrais te déshabiller comme une nymphe. » proposa-t-il en faisant glisser ses lèvres contre la mâchoire de sa partenaire.
Marie gloussa en penchant son visage en arrière pour lui offrir un meilleur accès à sa gorge.
« Tu ne vas pas me déshabiller. Tu vas m'effeuiller joli vampire. Tu devras t'attarder sur chaque étape, observer chaque détail, dévorer chaque parcelle de ma peau avant que je ne sois nue. »
Elle sentit Nevra sourire contre la peau tendue de son cou et l'entendit grogner de contentement. Il approuvait cette idée alléchante. Sa langue caressa la jugulaire pulsante de sa compagne avant de se détacher de son corps chaud pour lui prendre la main. Si elle souhaitait mettre sa patience à rude épreuve alors il accepterait de relever le défi sans rechigner. Mais il ne se priverait pas de jouer avec la rousse pour la faire craquer avant lui. Nevra marcha d'un pas guilleret vers les bois d'Eel, un sourire triomphant sur les lèvres tandis que Marie le suivait docilement, amusée par la situation. Elle était prête à jouer jusqu'au bout de la nuit. Le vampire l'emmena au travers de la forêt jusqu'à un recoin paisible et romantique. Il avait un coup d'avance : une nappe de pique-nique était posée sous un saule pleureur, sur la ripisylve près du petit lac d'eau limpide. Seuls quelques nénuphars se laissaient transporter sur sa surface tandis que les logivis gazouillaient leur parade nuptiale. L'Obsidienne ne se laissa pas démonter pour autant par ce coup de maître, prenant place sur le tissu au sol. Sans crier gare, elle leva une jambe vers son amant, cheville gracieusement courbée, sourcil arqué avec sournoiserie. Il ricana faiblement en posant sa main sous son talon pour lui ôter sa chaussure d'une lenteur extrême.
Ce jeu allait leur plaire. Tout autant que la tension qui commençait à s'installer. Chacun provoquait l'autre à sa façon, le repoussant hors de ses retranchements jusqu'à ne plus tenir, jusqu'à s'adonner au ballet sensuel de leur amour, de leur passion. Les logivis les avait laissé reprendre leur chanson au rythme de leurs gémissements, grognements et soupirs. Le saule pleureur camouflant leurs mouvements lascifs, lui entre ses cuisses, elle sur lui, l'extase au bord des lèvres, les mains effleurant chaque parcelle de peau. Sur terre, contre le tronc, dans le lac. Rien n'arrêtait ces intrépides de l'Amour.
(Valkyon) Mission : Miracle de Noël - 2/2
Commande pour Aespenn. Suite de Devine qui je suis.
Rose sentait émaner de lui une colère certaine et frustrée, rongé par ses sentiments et la perte de contrôle de la veille. Valkyon avait pris sa défense alors qu'il était rétabli, Rose n'avait plus osé le regarder pendant le repas auquel il avait été convié. Le vampire n'avait quasiment rien mangé et s'était tendu en entendant Moody tenter de dévier la conversation sur quelque chose de tendancieux et embarrassant pour lui. Son regard assassin se posa sur cette dernière qui était plongée dans un manuel. Se sentant observée, elle relevait ses yeux de ses lignes.
« Quoi ? Ne me regarde pas comme ça. » s'exclama la petite femme aux cheveux décolorés.
Le vampire se contenta de grogner faiblement à son égard, baissant ses yeux assassins sur son rapport de mission.
« Tu ne peux pas m'en vouloir pour l'éternité ! renchérit Moody qui toisait le bras droit de son amant.
- Oh si, je le peux ! » railla le jeune homme qui finit par serrer la mâchoire.
La lunienne soupira légèrement et leva les yeux au ciel, croisant les bras sous sa poitrine opulente. Elle ne détacha pas son regard de lui.
« Tu vois... commença-t-elle.
- Quoi, s'agaça Rose.
- Tu as déjà franchi une étape avec Valkyon : vous vous parlez. » sourit-elle, belliqueuse.
Rose lui montra les crocs alors qu'elle gloussait d'un rire cristallin et discret.
« Avoue que dans le fond, tu te sens mieux. » ajouta-t-elle en posant son talon sur ses jambes.
Rose fronça les sourcils et attrapa la cheville blanche pour la dégager. La lunienne gloussa à nouveau en se penchant en avant sur la table, y posant ses coudes pour blottir son visage en cœur au creux de ses paumes. Son regard mielleux coula dans les émeraudes de son supérieur. Le vampire ferma les yeux en restant silencieux, passant une main sur son visage avant de soupirer avec exagération. Elle était insupportable quand elle s'y mettait.
« Oui. » concéda-t-il au bout d'un moment.
La lunienne lui décocha un sourire éclatant et replongea aussitôt dans la lecture de son grimoire de sorcière. Un silence s'installa, mais le vampire fut perturbé par les questions qui assaillaient son esprit.
« Comment fais-tu ? questionna soudainement Rose, son visage faisant face à son homologue.
- Quoi donc ? » s'enquit la lunienne en se redressant, le regard pétillant de curiosité.
- Pour savoir flirter, être... Ouverte. » dit-il en pinçant ses lèvres.
Elle gloussa en posant sa joue ronde contre ses doigts, susurrant :
« Dévergondée tu veux dire ? La clé... C'est de s'assumer mon mignon, de porter ce que tu as entre les jambes pour te déclarer.
- Je ne pourrais jamais me déclarer à Valkyon ! » s'étrangla le vampire. Il n'est pas de ce bord-là . Je le vois dévorer tes formes du regard. Je ne l'intéresse pas. Je ne suis pas plantureux... Je. »
Moody se pencha légèrement sur la table et son doigt manucuré se posa sur sa bouche. Rose battit des cils avec surprise.
« Un : tu n'en sais rien. Deux : j'ai couché avec Valkyon, donc ce n'est pas du tout objectif. Trois : la sexualité est un spectre, Rose. Quatre : les apparences sont trompeuses. Cinq : un doigt dans le cul et ça repart. »
Rose, par dégoût, dégagea la main de la lunienne de sa bouche. Elle éclata une nouvelle fois de rire, s'attirant les foudres de Yhkar au loin. Moody se tassa dans sa chaise mais ne perdit pas de sa superbe.
« Promis, ce n'est pas celui-là que préfère Nevra, dit-elle avec un air mutin.
- Tais-toi par pitié. » geint le vampire.
Moody caressa son petit nez retroussé avant de le replonger dans son grimoire. Un silence s'installa entre les deux compères. Rose replaça du bout des doigts sa frange droite sur son front, avec tout ce stress, il aurait besoin d'un bon bain ce soir. La lunienne lui faisait vivre des émotions bien trop fortes à son goût. Pourquoi l'introverti qu'il était avait réussi à se faire attraper entre les griffes de cette extravertie ? Non pas qui le regrettait, loin de là . Sa petite vie tranquille lui manquait.
« Tu te souviens quand je t'ai dit que les yeux étaient le miroir de l'âme ? » dit Moody à voix basse.
Rose hocha la tête et fronça les sourcils, suspicieux. Qu'allait-elle encore lui sortir comme parole de sorcière ?
« Je pense que tu devrais vraiment tenter de te confier à Valkyon. Les yeux trahissent nos émotions. Depuis son accident, et le fait qu'il ait recouvré la vue, quand tu parles, dans le fond de son regard, je vois une petite flamme s'illuminer. Après je ne suis pas dans sa tête il est vrai, je ne connais pas le fond de ses pensées mais je me dis que ça pourrait marcher, dit-elle, glissant une mèche à l'arrière de son oreille.
- Je ne peux pas faire ça Moody. Même s'il est ouvert d'esprit, ça ne marchera pas, soupira le vampire en s'asseyant.
- Si tu ne demandes pas, ou n'essaie pas, la réponse sera toujours négative, Rose. » souligna la petite femme. « On aime un cœur, pas un sexe. Et nous sommes tous plus ou moins curieux. J'ai déjà fantasmé sur des femmes. J'ai déjà eu un ménage à trois avec deux hommes. Et je suis en couple avec deux hommes. Ceux que ça dérange sont extérieurs à tout ça. »
- Il va me rejeter. » trancha le vampire.
Elle haussa les épaules et leva les yeux au ciel à son ton réfractaire et défaitiste.
« Valkyon ne rejette personne. Je pense qu'il a beaucoup d'estime pour toi. Laisse-toi aller, et si ça foire, alors je te laisserai me mettre dans les missions les plus dégueulasses et me botter le cul pendant trois mois. »
Rose soupira en baissant le regard, observant ses mains. Il n'était pas prêt à se sentir de nouveau mal à l'aise, ça lui convenait très bien de fantasmer dans son coin. Il était redevenu taciturne et froid. La lunienne se releva doucement de sa chaise et s'approcha avec douceur auprès de lui pour lui attraper la mâchoire, déposant un chaste baiser sur sa pommette. Rose s'empourpra et Moody lui adressa un clin d'œil complice.
« Si j'étais un homme, je te ferais la cour tous les jours.
- Je suis sûr que tu porteras toujours ton intérêt sur Nevra. » sourit le vampire.
- Mon mignon, je vis dans un ménage à trois, on trouvera un arrangement. »
Rose eut un léger rire et laissa partir la sulfureuse lunienne, laissant un regard vide la suivre jusqu'à la sortie de la bibliothèque. Dans le fond, il enviait sa sensation. Non pas d'aimer deux hommes, celle d'être simplement aimée et choyée. Il aimerait ressentir la même chose dans les bras puissants de l'Obsidien, se sentir aussi libre que sa subalterne. Mais le regard des gens et l'abandon l'effrayaient plus que de raison. Rose soupira et se replongea dans son rapport, il ne devait pas se laisser submerger. Il repoussa toutes ses pensées intrusives pour se concentrer sur les nouvelles informations concernant sa mission.
Le soir-même, le jeune vampire s'offrit un peu de répit dans les bains fumants de la cité. Par chance, il se retrouvait seul. Seul. Rose passa une main sur son visage lorsqu'il pensa à Valkyon. Il avait vraiment le béguin. Rien que de penser à lui, son estomac se tordait agréablement, libérant de petites explosions dans le creux de son ventre et lorsqu'il baissa le regard entre ses jambes, Rose ne put s'empêcher de rougir.
« Merde. » murmura-t-il en cachant sa proéminence d'une main.
Il ne pouvait pas faire ça ici, ni même oser penser à Valkyon sans son consentement. Et pourtant, Rose finit par s'isoler pour se soulager, trahissant sa propre règle. Ca ne pouvait plus continuer comme ça: ses fantasmes, ses pensées malsaines... Rose n'aimait pas perdre le contrôle.
‹※›‹※›
Deux jours passèrent et le vampire était plus que torturé par ses pensées et ses sentiments. Il ne se passa pas un instant sans qu'il pense à Valkyon. Rose se demandait même si l'Oracle ne se moquait pas de lui en forçant le destin de façon grotesque. En effet, il lui arrivait parfois de croiser la route du guerrier au détour de chemin qu'il pensait être le seul à connaître ou même encore, recevoir un sourire de la part de son coup de cœur. Rose ne savait pas comment interpréter ces signes, ni pourquoi il devenait obsédé à la moindre interaction, l'obligeant le soir à imaginer une suite s'il avait choisi un meilleur choix. Le jeune vampire en avait naturellement fait part à la lunienne, beaucoup plus exubérante que lui à croire aux signes du destin, et ne cessait de ressasser ses paroles quand ils s'étaient de nouveau retrouvés seuls lors d'un tour de garde. Il aimait les défis, et il avait accepté impulsivement celui de la malicieuse lunienne.
« Tu as cinq jours pour te confier à Valkyon, sinon c'est moi qui lui dit. Et tu devras m'appeler Miracle de Noël jusqu'à la fin de tes jours. » avait-elle provoqué.
Rose serra les mâchoires, offusqué. Il n'appréciait pas qu'elle se mêle de son histoire imaginaire avec Valkyon. Mais il ne pouvait pas non plus le lui reprocher trop longtemps puisque c'est lui-même qui se confiait. Dans le fond, le vampire ne voulait simplement pas que la lunienne provoque quoi que ce soit qu'il ne pouvait contrôler. Deux jours étaient déjà passés et il maudissait toujours autant son démon intérieur d'avoir accepté ce défi et se lâcher. Il s'était déjà trop lâché lors de la convalescence de l'Obsidien.
Ses bras se croisèrent sur son torse, les sourcils froncés. Que faisait Moody ? Elle allait les mettre en retard pour leur nouveau tour de garde nocturne. A cette simple pensée, un léger sourire ourla ses lèvres, ça devait être les deux seuls soldats de la garde de l'Ombre à apprécier la vie nocturne. Tous deux ne supportaient pas l'astre diurne. Son rictus fut aussitôt porté disparu lorsqu'il vit au loin la large carrure de Valkyon approcher. Le vampire sentit son corps se liquéfier et son cœur mort s'affoler. Sur l'instant, il décida impulsivement que Moody ne serait plus jamais son amie. Pour sûr que c'était l'un de ses coups du destin ! L'Obsidien le salua d'une main lorsqu'il fut à sa hauteur et Rose le regarda d'un air hébété en cillant.
« Moody s'excuse, elle semblait un peu malade ce soir, expliqua Valkyon de sa voix bourrue. Je vais donc la remplacer exceptionnellement car Nevra reste auprès d'elle.
- Ah... » lâcha le vampire, complètement effaré.
-Tout va bien ? s'enquit son homologue.
- O-oui. » répondit Rose en s'ébrouant et tournant mécaniquement les jambes vers les marches pour monter sur les remparts.
Il était au bord de la crise de panique.
« Tu ne voulais peut-être pas de ma compagnie, suggéra Valkyon, aucunement blessé.
- Bien sûr que si ! » s'exclama un peu trop précipitamment le vampire, réprimant l'envie de se frapper la tête contre une pierre.
L'Obsidien parut surpris un instant et laissa un faible sourire amusé se dessiner sur ses lèvres charnues en rejoignant son compagnon de garde en trois grandes enjambées. Rose se pétrifia légèrement, laissant son regard émeraude fixer un point devant lui. Il avait l'air complètement possédé ou alors sur le point de faire un malaise.
« Tu as besoin de sang ? proposa l'Obsidien, légèrement inquiet de son comportement et de son teint bien trop blême.
- N-non ! Je ne bois pas de sang à la source, bégaya le vampire.
- Je ne te proposais pas de boire à mon cou, je sais que c'est un geste très intime pour vous. Ni même au poignet, répondit le grand gaillard. J'ai juste prévu une poche de sang alchimique pour toi. »
Rose leva un regard surpris vers le guerrier, touché par ce simple geste. Sa bouche trembla légèrement mais il ne répondit rien, se dégonflant. Il soupira en baissant à nouveau les yeux sur les pavés irréguliers des remparts. Valkyon le jaugea mais n'ajouta rien. Le duo marcha côte à côte en silence. Deux taciturnes n'avaient pas grand-chose à se dire, et pourtant Rosa avait beaucoup de choses à confesser. Il releva son visage diaphane vers l'astre nocturne voilé par quelques nuages de neige.
« Tu n'as pas froid ? » demanda Rose.
Valkyon posa son regard ambré sur le vampire à ses côtés.
« Les nuits hivernales ne sont pas celles que je préfère, mais je m'en accommode. Merci de t'en soucier. »
Le jeune homme aux cheveux de jais eut un léger sourire en glissant une mèche de cheveux derrière son oreille. Un nouveau silence s'installa entre les deux hommes. Valkyon se racla la gorge. C'était bien la première fois qu'il se trouvait dans une telle situation.
« Est-ce qu'on t'embête toujours ? relança l'Obsidien. Je veux dire, est-ce qu'on te fait toujours des remarques désobligeantes sur tes goûts et tes choix ?
- Non. Plus depuis que tu es intervenu. » répondit Rose.
Il continua son chemin tout en observant les alentours, dépassant légèrement le guerrier alors qu'un bruit attirait son ouïe. Le vampire baissa le regard en contrebas des remparts, remarquant le familier.
« Tout va bien. Seulement un Seifaun qui cherche à manger, indiqua le vampire à son coéquipier.
- Nous devrions en faire de même. » ajouta le guerrier aux cheveux blancs en sortant de sa besace la poche de sang et un sandwich fait de protéine.
Il tendit le liquide vermillon au vampire et croqua pleinement dans son repas, satisfait. Rose le jaugea en prenant délicatement sa boisson rouge. Même si Valkyon avait l'air d'une grosse brute, il comprit enfin les propos de Moody à son égard. Il ne rejetait personne malgré les différences.
« Merci... » murmura Rose avant de se sustenter avec élégance.
Le duo avait stoppé leur marche pour s'abriter de la neige dans une petite tour. L'espace restreint les contraignait à emmêler leur jambe pour avoir une position correcte et agréable pour continuer leur repas. Par chance, le peu de lumière permettait à Rose de rougir en sentant le genou chaud de son homologue contre sa maigre cuisse. Il se sentait vraiment comme un adolescent qui avait son premier béguin. Quant à Valkyon, il laissa un regard discret se promener sur le vampire, ne trahissant aucune de ses pensées secrètes. Le reste de la ronde dura une bonne partie de la nuit sous la neige. Il ne restait plus que deux jours à Rose pour se confier. Il tomba, mortifié, dans son lit. Il ne pouvait tout simplement pas se déclarer, trop incertain de ce que pensait Valkyon. Et même si Rose avait voulu suivre le conseil de Moody en plongeant son regard dans le sien, il ne tenait jamais plus de cinq secondes, de peur que le guerrier comprenne ses sentiments. Il grogna en aplatissant un oreiller sur le sommet de son crâne.
Dans l'après-midi de la troisième journée de son défi, il croisa le chemin de la lunienne sur le marché, derrière elle se tenait Lance et Valkyon qui l'accompagnait dans son shopping. Ce qui étonna le vampire qui se pétrifia à nouveau quand elle le remarqua. Elle sautilla gaiement vers lui, un sourire ravageur sur le visage.
« Mon joli Rose ! J'ai besoin de tes conseils. Ces deux brutes sont incapables de m'aider ! s'enquit-elle.
- Non, c'est encore un de tes plans machiavéliques, c'est hors de question, se renfrogna le jeune homme.
- Mais non, dit la lunienne sur le ton de la promesse en attrapant son poignet pour l'entraîner vers l'étalage rempli de bijoux. J'ai besoin d'un avis expert pour le repas de Noël ! »
Rose accorda un signe de tête à ses deux supérieurs avant de baisser le regard vers les multiples joailleries. Son amie, et subalterne, avait la peau très blanche et ne cessait d'arborer des décolletés plongeant même en plein hiver. Son choix se porta sur un long collier avec une petite lune en pierre qui lui tomberait entre les seins. Le jeune vampire connaissait très bien son côté vaniteux et provocateur, cela plairait sûrement à Nevra et Lance. Lorsqu'il se redressa pour faire part de son choix, Rose eut l'air hébété en clignant des yeux. Sans qu'il s'en rende compte, Moody lui avait joué un nouveau tour en disparaissant, main dans la main avec Lance. Il parut surpris et ne chercha même pas à lui courir après. C'était encore un plan foireux pour le laisser en compagnie de l'Obsidien. Rose se maudit intérieurement. Je le savais, putain. Il soupira en reposant le bijou.
« Ne t'en fais pas. L'amour est un drôle de jeu. » dit la voix bourrue de Valkyon dans son dos.
Rose sursauta et fit volte-face. Le guerrier eut un léger rire et posa une main chaude et rassurante contre son épaule. Le brun aurait pu fondre à ce simple geste. Le regard ambré fixait le couple au loin : Moody arborait son air mielleux pour décrocher un sourire au guerrier flegmatique.
« Pour Moody, l'amour n'a ni sexe, ni genre, ni nombre. Et je pense qu'elle a raison. »
Valkyon posa à nouveau son regard sur lui, le détaillant silencieusement. Rose haussa un sourcil, qu'est-ce qu'il sous-entendait ?
« Les sentiments ne sont pas des choses qui se contrôlent. Alors qui sommes-nous pour juger les choix et les envies d'autrui?
- Je. Oui, effectivement..., balbutia le brun, déconcerté par cette drôle de discussion.
- Au moins, ils ne sont pas seuls pour les fêtes et sont heureux. » dit d'un ton mystérieux le guerrier.
Rose fronça les sourcils en le regardant, suspicieux de cette déclaration incongrue. Cependant, quelque chose sembla turlupiner le jeune homme. Valkyon pencha son visage sur le côté avant de rire faiblement. Le vampire croisa les bras et tenta de soutenir le regard de son homologue.
« Pourquoi cette discussion, Valkyon ? »
Rose pinça ses lèvres, surpris de son élan de confiance. L'interpellé haussa simplement les épaules avant de répondre d'une voix calme :
« Je pense que c'est surtout pour que tu me vois comme quelqu'un en qui tu as confiance. Tu as été là pour moi et j'aimerais te rendre la pareille. Sache que je ne te juge pas et que je ne le ferai jamais. »
De nouveau, le jeune vampire fronça légèrement les sourcils, suspicieux. Valkyon leva les yeux au ciel et toisa les émeraudes devant lui :
« Je crois que j'ai du mal à me faire comprendre, alors je vais le dire de façon brusque : je n'ai rien contre deux hommes qui s'aiment. Je rejoins Moody sur un point, nous devons aimer un cœur. »
Rose manqua de s'étrangler en avalant sa salive, détournant son visage rougi vers les bijoux, y trouvant un faux intérêt alors que Valkyon continuait à se confier :
« Je ne pourrais pas dire que je n'aime pas les hommes, ou que je les aime. Je n'ai jamais essayé après tout. Donc, tu peux te montrer amical avec moi et te confier si tu le souhaites. »
Était-ce une déclaration ou une simple discussion informelle ? Le jeune vampire pinça les lèvres en serrant ses mains moites dans les poches de son veston en velours.
« Oui, c'est sûr. C'est un peu comme un aliment qu'on n'a jamais goûté. On ne peut pas dire que l'on n'aime pas, si on n'a jamais croqué dedans. » marmonna Rose dans sa barbe.
Il voulut étrangler son démon intérieur pour lui avoir fait dire ses paroles, détournant son regard du guerrier qui se contenta d'hocher la tête. Mal à l'aise, le vampire s'excusa avant de s'enfuir en direction de Moody et Lance. Il saisit maladroitement le poignet blanc de la lunienne, tout en demandant l'autorisation de lui parler au géant à ses côtés. Rose ne se sentait pas fier sous son regard glacial. La petite femme gratifia l'homme d'une caresse sur la joue avant de s'extirper de son emprise en interrogeant innocemment son ami du regard, loin des oreilles indiscrètes.
« Tu as complètement perdu la raison ! » explosa Rose.
- Je dirais plutôt que je suis un génie de l'amour, répondit Moody en faisant la moue. Tu n'es pas décidé à remplir ton défi, alors je t'aide un peu à gagner. »
- Je sais très bien ce que je fais ! s'agaça le vampire.
- C'est pour ça que tu es en train de me parler. C'est pour te donner du courage. » taquina-t-elle d'un ton sarcastique.
Le vampire feula légèrement et elle leva en signe de paix en gloussant légèrement, Lance faisant un pas vers les deux acolytes de l'ombre.
« Si tu ne fais rien de plus, le repas de Noël sera une torture pour toi mon mignon. » dit Moody sur le ton d'une promesse avant de claquer un baiser sur le coin de sa joue.
Rose n'eut pas le temps de rétorquer qu'elle avait fondu dans les bras de l'homme de glace pour continuer sa balade. Le jeune vampire soupira, le moral assombri par les entourloupes de la lunienne.
‹※›‹※›
Les derniers jours s'écoulèrent aussi vite qu'une avalanche de neige. Rose n'eut jamais l'occasion de se confesser auprès de Valkyon et Moody avait cessé ses petits jeux malicieux pour qu'ils se retrouvent en tête. Tu es vraiment un lâche, pensa-t-il en boutonnant son corset qui ceignait sa taille, par-dessus sa chemise en soie ample. Il avait opté pour une couleur rouge qui rappelait Noël. Ses pensées l'assaillirent et le firent paniquer intérieurement, levant un regard hagard vers son reflet. Moody mettrait sa menace à exécution ce soir, elle ferait tout pour qu'il se confesse. Le vampire couina en baissant la tête. Merde. Il inspira brusquement, gonflant son torse, pour se donner du courage.
L'élégant vampire finit de se préparer en ressassant les derniers jours passés. Il y arriverait. Du moins, il s'en convainquait en laçant ses bottes. Rose regarda une dernière fois son reflet dans le miroir. Ses yeux charbonneux mettaient en valeur l'émeraude de ses iris, ses cheveux étaient soigneusement attachés en catogan, seule sa frange caressait son front. La finesse de ses jambes étaient mis en valeur par son pantalon en cuir noir. Il exposait timidement ses clavicules par les boutons ouverts de sa chemise, enfilant ses mitaines en dentelle. Le vampire hocha la tête, il était prêt pour cette soirée.
C'était absolument faux. Lorsqu'il rejoignit la salle des portes, il se sentait barbouillé et nauséeux. Son regard balayait la foule, à la recherche d'un quelconque support. Moody apparut dans son champ de vision, tout sourire. Elle avait revêtu sa plus belle robe rouge bordeaux, dévoilant sa cuisse et ses seins opulents dans un décolleté pigeonnant, mettant sa peau diaphane en valeur. Comme à son habitude, elle avait opté pour de hauts talons. La lunienne avait dégagé son visage de poupon, les cheveux argentés tirés et soigneusement structuré en un chignon, dévoilant deux baisers fiévreux au creux de son cou. La jeune femme déposa une main sous le coude de son supérieur.
« T'es plus blême que d'habitude. » lui fit-elle remarquer.
Il croisa les yeux vairons malicieux avant de grimacer.
« Promets-moi de ne pas me planter un pieu dans le cœur ce soir. Ou de me jeter de l'eau bénite. Ou me brûler avec tes bijoux en argent. » rétorqua le vampire.
Elle gloussa légèrement.
« Je n'y comptais pas. Je pensais simplement affoler ton cœur mort, sourit-elle malicieusement.
- Plutôt mourir. »
- Tu l'es déjà à moitié. » commenta-t-elle avec sarcasme.
Rose rit nerveusement avant de saluer les deux amants qui s'approchaient de leur dulcinée. Nevra sourit à son subalterne avant de baisser son œil valide sur la petite femme.
« Cesse de l'embêter, gronda-t-il gentiment à son oreille.
- Je veux juste créer un miracle de Noël.
- Mêle toi de ton cul, femelle. » intervint son autre compagnon qui empoignait avec possessivité sa taille.
Rose blêmit. Avait-elle osé en parler à ses deux concubins, dont l'un qui était le frère de son coup de cœur ? Moody pencha son visage sur le côté en fixant son supérieur tout en glissant ses mains dans les deux grandes paumes de ses amants.
« Ne t'en fais pas. Nevra est une tombe, et Lance très peu intéressé par les ragots. » le rassura la lunienne avec un sourire désolé.
Le jeune vampire se pinça l'arrête du nez en soupirant. Même si elle lui promettait la sécurité de ses confidences, il savait qu'une bombe serait lâchée ce soir contre toute attente. Il s'avança avec le trouple en direction de la salle des fêtes, prenant place à leurs côtés à une table ronde. Moody se mit à sa droite, laissant ses deux hommes se chamailler pour prendre la place à ses côtés. En fin de compte, Nevra réussit à avoir le privilège, laissant un Lance penaud à ses côtés. La lunienne se pencha sur les cuisses du vampire pour venir embrasser les lèvres du guerrier mauvais perdant. Rose se sentit rougir jusqu'aux oreilles en voyant tant d'affection et en remarquant le dernier convive de leur table à l'entrée.
Valkyon avait troqué son habituel tenue pour une chemise blanche à manches courtes, une veste rouge posée sur ses larges épaules. Le reste de son corps athlétique et imposant était serré dans un pantalon noir en lin, mettant en valeur le roulement de ses muscles lorsqu'il marchait vers la table. Ses cheveux blancs étaient tirés en arrière, et il avait pris soin de raser sa mâchoire, a contrario de son jumeau. Moody eut un petit sifflement.
« A deux doigts de plaquer mes deux mecs pour me jeter à ton cou mon joli obsidien. » lâcha-t-elle, déclenchant les grognements des deux concernés.
Valkyon eut un rire grave en prenant place à gauche de Rose qui se figea comme un ado en panique, ses doigts enserrèrent le bord de la table. Moody lui jeta un regard en coin avant de sourire malicieusement.
« T'en penses quoi, toi, Rose ? » minauda-t-elle alors que Nevra posa une main sur sa cuisse pour lui intimer secrètement de stopper son petit jeu.
Rose déglutit et jeta un bref coup d'œil à sa gauche.
« Oui. Oui. Très bien. » réussit-il à articuler en posant ses coudes sur la table.
Il sentit la botte de Lance donner un coup dans le tibia de sa dulcinée sous la table. La lunienne couina faiblement et fit une moue boudeuse. Valkyon se pencha vers Rose pour lui murmurer :
« Ne te sens pas gêné de me faire des compliments, je les aime bien, que ça vienne de la bouche d'une femme ou d'un homme. »
Rose tourna la tête vers l'Obsidien, cillant plusieurs fois avant de rire avec gêne, levant son pouce en signe d'approbation. Il n'irait pas plus loin dans ses déclarations. Pas maintenant. Des serveurs s'approchèrent de leur table pour leur servir le premier verre d'un nectar pétillant et alcoolisé. Chaque convive prit son verre pour s'entrechoquer aux autres avant d'en boire une gorgée. Rose lécha sa lèvre pour ne manquer aucune goutte, Valkyon ne loupant rien du spectacle, ni Moody qui arborait un rictus mutin. La musique s'éleva dans la salle des fêtes et les mets furent distribués au fur et à mesure de la soirée. Le jeune vampire sentait ses joues lui brûler doucement sous les gorgées d'alcool qu'il avait déjà bu. Il jeta un bref regard circulaire: chacun avait l'air plus éméché que d'autre. Lance ne laissait rien voir, comme son frère. Nevra et Moody se lançaient des regards libidineux tout en flirtant avec quelques gestes déplacés.
Les heures passèrent, et la fête battait son plein. Il faisait de plus en plus chaud dans la pièce. Des faeries dansaient, s'embrassaient, s'abreuvaient. Valkyon poussa un peu trop brusquement sa chaise, faisant sursauter le jeune vampire à ses côtés. L'obsidien, pour toutes excuses, posa une main maladroite sur la fine épaule de son voisin avant de s'enfoncer au travers de la foule pour rejoindre les commodités, la bière avait fini par faire effet sur le guerrier.
« Je veux danser ! s'exclama subitement la lunienne, assise sur les genoux du vampire. Et comme aucuns de vous ne veut danser avec moi. » dit-elle à l'attention de ses deux amants.
Son visage empourpré se balança en arrière pour croiser le regard brillant de Rose.
« Toi, tu vas m'accompagner. »
Il se contenta d'hocher la tête docilement. Ce n'était pas son genre, mais l'alcool semblait jouer sur ses choix. Il perdait le contrôle. Rose observa la jeune femme embrasser fiévreusement tour à tour ses deux amants avant de quitter les genoux de Nevra pour lui attraper la main. La petite lunienne l'emmena sur la piste de danse, se laissant enivrer par sa valse tournoyante. Les deux compères se mirent à rire gaiement en continuant leur pas, et sans qu'il ne se rende compte, Moody le guida sous le houx où les couples s'agglutinaient pour un baiser afin de sceller une promesse d'amour. La lunienne lui offrit un rictus carnassier en posant ses mains sur son torse afin de doucement le pousser. Il ne vit pas Valkyon faire un pas pour le rattraper. Rose percuta de plein fouet son torse imposant. Hébété, le brun pencha son visage en arrière et ne cacha pas sa surprise alors que les mains calleuses de l'homme se posèrent sur sa taille.
« Maintenant embrassez-vous sous le houx pour vous porter bonheur ! » ordonna Moody avec un sourire malicieux, les poings sur les hanches.
Rose comprit un peu trop tard son plan machiavélique. Les lèvres de Valkyon se posèrent sur les siennes, le faisant s'exclamer de surprise, les yeux écarquillés. L'Obsidien avait bêtement obéit à la lunienne, le vampire en était sûr. Moody applaudit gaiement en sautillant sur place. Rose avait viré au rouge, mort de honte et de gêne, se détachant de Valkyon. Il était au bord de l'explosion, des larmes. Son regard foudroya la petite femme qui hoqueta doucement en reculant d'un pas.
« Range tes crocs. » ordonna Nevra non loin de lui, Lance plaçant sa compagne derrière lui pour faire barrière de son corps.
Rose feula après la lunienne et tourna les talons avec colère pour quitter l'endroit. Ça n'avait rien de magique, rien de miraculeux. Il avait un goût amer en cette fin de soirée. C'était la pire de toutes, à jamais. Une forte poigne attrapa son bras. Rose était prêt à en découdre avec Lance s'il n'avait pas apprécié son comportement envers sa petite amie. Il ne craignait pas les dragons. Le jeune vampire fit volte face avec colère et resta pantois en voyant Valkyon devant lui.
« Allons parler. Ailleurs. » ordonna-t-il d'une voix sèche.
Lui aussi allait lui en vouloir d'avoir manqué de respect à Moody ? C'était sa faute s'il se retrouvait dans cette situation. Mais il ne dit rien, emboîtant docilement le pas du chef de l'Obsidienne, la tête baissée. Il ne faisait pas attention à ce qui l'entourait et fut une fois de plus surpris. Il était entré dans la chambre du guerrier. Rose soupira avec dépit, s'il se laissait ainsi déborder par ses émotions colériques il pourrait perdre sa place. Le vampire croisa les bras en redressant le visage pour affronter le regard ambré rendu brillant par l'alcool. Valkyon soupira en s'asseyant au bord du lit.
« Je n'étais pas au courant de ce qu'allait faire Moody. Ni qu'elle irait aussi loin pour une stupide histoire, dit abruptement Rose pour toute excuse.
- Au moins, on ne peut pas lui reprocher qu'elle fasse bouger les choses. » rétorqua l'Obsidien.
Le vampire fronça légèrement les sourcils, sceptique.
« Comment ça ? osa-t-il questionner.
- Ni toi, ni moi, n'aurions fait quelque chose, répondit Valkyon en posant ses yeux ambrés dans les émeraudes de l'autre homme.
- Je ne suis pas sûr de te suivre, hésita son homologue en penchant son visage sur le côté.
- Je suis peut-être alcoolisé, mais je suis conscient de ce que je vais te dire : Moody ne se donnerait pas inutilement du mal pour faire ce qu'elle a fait ce soir. Je pensais que l'alcool me rendrait plus courageux...
- Mais tu es courageux, souligna Rose.
- Pas quand je bois. Parce que je réfléchis. Beaucoup trop. »
Le plus jeune se gratta l'arrière de la nuque avant de croiser ses bras dans son dos.
« Désolé d'avoir pu t'incommoder. Ça ne se reproduira plus. Je serai comme une ombre, et tu n'entendras plus parler de moi, promit le vampire en s'inclinant avec respect.
- Ce n'est pas ce que j'ai demandé. » fit remarquer Valkyon.
Rose haussa un sourcil, dubitatif, osant relever son regard vers le guerrier.
« J'apprécie ta compagnie et je ne sais pas comment gérer ça. Je ne sais pas ce que ça vaut. Je ne sais pas dans quoi je veux m'engager, ni même ce que ça réservera. Et je ne peux dire si j'aime ou non, je n'ai jamais essayé. Je veux que tu me montres cette voie. »
Le vampire cilla à plusieurs reprises, hébété, la bouche légèrement entrouverte. Venait-il de se confesser ou hallucinait-il ? Il secoua la tête avant de rétorquer à voix basse :
« Je ne suis pas sûr de comprendre ces paroles, Valkyon... »
Ce dernier se redressa brusquement de son lit, faisant sursauter Rose qui tenta de s'enfoncer dans le bois de la porte pour s'enfuir. Mais il regretta cette pensée quand les lèvres du guerrier trouvèrent les siennes pour un baiser timidement brûlant. Le vampire se laissa aller à ce contact chaleureux, celui qu'il avait toujours secrètement voulu. Valkyon encadra son visage en diamant de ses paumes calleuses, appuyant un peu plus ses lippes contre celles de son partenaire. Rose croisa le regard ambré et fiévreux, entrouvrant légèrement sa bouche pour sentir sa langue entamer une danse sensuelle avec celle de l'Obsidien, le faisant soupirer lascivement. L'homme aux cheveux blancs s'écarta légèrement pour souffler :
« Et maintenant tu comprends mieux ? »
Rose humecta ses lèvres en hochant positivement la tête, intimidé. Il baissa le regard, faisant grogner son homologue qui lui releva le visage du bout de ses doigts afin d'happer à nouveau ses lèvres avec un peu plus de sauvagerie. Ce qui se passa après, Rose ne sut le contrôler et décida de se laisser aller, sans regret à son fantasme secret, guidant le grand gaillard dans ses gestes inexpérimentés. Ses mains filiformes caressant chaque muscle basané et scarifié de son amant conscient de ce qu'il se passait. Ils se cherchèrent, se trouvèrent, se caressèrent, s'empoignèrent jusqu'à leur petite mort, les yeux dans les yeux, le souffle court. Ils s'écroulèrent, côte à côte, le corps recouvert d'une légère pellicule de sueur. Rose ne réalisait pas encore ce qu'il s'était passé. Un miracle de Noël, lui souffla sa conscience. La vampire se redressa et Valkyon posa une main chaude autour de son poignet. Il refuserait de le laisser partir sans avoir eut connaissance de chaque chose intime, sensuelle et amoureuse de leur futur couple.
(Valkyon) Devine qui je suis - 1/2
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Rose, les mains croisées devant lui, attendait dans l'ombre de l'encadrement de la chambre d'hôpital, silencieux, comme à son habitude. Ses yeux jaugèrent la petite femme aux cheveux de couleur métallique assise sur le lit, près du blessé : Valkyon. La demoiselle replaçait correctement le bandeau sur les yeux du gardien alité qui eut l'ombre d'un petit sourire.
« Qu'est-ce que tu fais, Moody ? » demande le guerrier d'une voix bourrue.
- Tu me remercieras plus tard d'avoir protégé tes yeux de la lumière de Soleil, répondit-elle avec un sourire.
- Je ne peux même plus le voir, rétorqua l'homme.
- Tu sais... Il est un peu moche en vrai. La Lune est davantage splendide. » dit Moody, une pointe de sarcasme dans la voix.
Sa main opaline caressa la barbe du guerrier.
« Et tu dis naturellement ça, sans aucune influence et avec impartialité, taquina Valkyon.
- Tu t'en doutes. » s'amusa son homologue.
Le vampire enviait secrètement cette conversation entre les deux. Il était fasciné par la capacité de sa subalterne à mélanger flirt et discussion en même temps avec le chef de l'Obsidienne. Tout comme son côté mielleux avec son propre Capitaine. A vrai dire, il soupçonnait Nevra et Moody de se fréquenter en secret, à l'abri des regards. Rose les avait déjà vu se voler un baiser ou se murmurer des paroles doucereuses voir obscènes... Moody devait sûrement oublier que Rose avait l'ouïe aussi fine que son amant.
« Tu as une barbe à faire concurrence au Père Noël. Je suis sûre que les enfants myconides adoreraient, ricana la lunienne. Je n'ai pas le temps de t'aider avec ça aujourd'hui.
- Je le ferai. » s'entendit dire le vampire.
Il cilla, hébété. Quel Sgarkellogy lui avait piqué les fesses ? La petite femme venait de se tourner vers lui en tenant la main de l'Obsidien. Rose se racla la gorge, gêné.
« Pardon. J'aurais dû m'annoncer plus tôt, je ne voulais pas vous déranger, s'excusa Rose en baissant la tête.
- Il n'y a pas de mal, le rassura la lunienne. Je suis rassurée de savoir Valkyon en bonne compagnie même pour un court laps de temps.
- Moody. Je suis aveugle, pas sourd, ni sur le point de mourir. Je peux m'occuper seul, intervint le guerrier qui n'appréciait guère être réduit au rang de blessé.
- Ah oui ? En comptant les crylasms dans le ciel que tu ne vois pas ? railla-t-elle. Un peu de compagnie te fera du bien. La mienne est exceptionnelle je sais, mais j'ai un chef qui a réclamé ma présence cet après-midi pour m'occuper des enfants. »
La lunienne coula un regard vers le vampire à l'entrée de la chambre, un sourire narquois au coin de ses lèvres pulpeuses. Rose fronça légèrement les sourcils. Il avait déjà croisé Moody et avait déjà expérimenté ses petits coups malicieux, ou du moins en avait entendu parler. Il n'appréciait pas la flamme espiègle dans son regard. Méfiant, il plissa les yeux.
« Mais ta nouvelle compagnie sera tout aussi charmante, dit-elle d'un ton mystérieux.
- Tu es vraiment... » commença Valkyon.
La lunienne posa un doigt sur sa bouche tout en s'esclaffant d'un rire cristallin.
« Ne dis rien que tu pourrais regretter. » conseilla-t-elle avant de se glisser au sol.
Moody déposa un baiser sur la pommette piquante de son ami. Elle tourna les talons vers Rose, tout sourire.
« A plus tard bel Obsidien ! Je te laisse entre les mains d'une ombre. »
La lunienne dépassa Rose. Le second de Nevra lui saisit doucement le poignet et baissa le regard vers elle, baissant la voix :
« Qu'est-ce que tu mijotes ? »
Elle lui sourit avec ambiguïté.
« Tu viens chaque jour ici. Tu le regardes sans cesse. Les yeux sont les miroirs de l'âme, tu sais ? Et je suis une sorcière de la garde de l'Ombre, j'observe mes camarades, je les introspecte et je les jauge. La Lune me souffle des choses. Et je suis une femme ! » murmura la lunienne, à l'intention de son supérieur.
Elle tapota chaleureusement le torse maigre de l'homme avant d'ajouter :
« C'est Noël. Provoque-toi un petit miracle. Les folies sont les seules choses qu'on ne regrette pas. Et il faut distraire ce grand gaillard. »
Son ton était énigmatique. Moody offrit un dernier sourire à Rose avant de disparaître dans les corridors. Le vampire resta planté là , comme un idiot. Il voulait être discret et pourtant la lunienne l'avait percé en un coup d'œil. Rose épousseta son corset en soupirant, il ne pouvait plus reculer maintenant. Son regard opal se leva vers le guerrier qui s'était assis au bord de son lit, simplement vêtu d'un pantalon en lin. Son torse imposant, strié de cicatrices, se soulevait calmement au rythme de son souffle.
« Tu viens m'aider, barbier ? » questionna Valkyon.
Rose détourna le regard, embarrassée. Ce n'était pas poli de mater quelqu'un à son insu. Il s'avança vers le guerrier et posa sa main sur celle basanée de son homologue qui sursauta.
« Désolé. Je ne suis pas quelqu'un de très chaud naturellement, s'excusa Rose.
- Ce n'est rien. Qui es-tu ? » demanda aussitôt l'Obsidien.
Il avait besoin de mettre un visage sur une voix. Le vampire ne répondit pas tout de suite, pinçant ses lèvres. Moody avait pris soin de ne pas stipuler son prénom quand il s'était annoncé.
« Bien alors je ferai sans, si tu ne veux pas me donner ton identité, s'impatienta Valkyon.
- Ce-ce n'est pas ça... » répondit le vampire en guidant l'infirme vers la salle d'eau.
- Je ne t'en veux pas. J'imagine que si tu es ami avec Moody, tu dois avoir un brin d'espièglerie et de malice. Ça me divertira pour le reste de la journée. » ajouta l'autre homme en tâtant de sa large paume le rebord de la baignoire pour s'y asseoir.
- Ou jusqu'à la fin de ta convalescence. » renchérit Rose.
L'Ombre maudit son Sgarkellogy intérieur. Ou alors l'audace que lui avait insufflée la lunienne lors de ses nombreux rendez-vous avec le guerrier, sous son regard discret. Était-ce cela qu'elle évoquait avant de partir ? Cette folie qu'il ne regretterait pas ? Le vampire cherchait du regard le matériel de rasage après avoir placé d'une main tremblante une serviette sur le torse de l'homme sur lequel il craquait secrètement. Qu'avait-il à perdre après tout ? Il ne pourrait qu'être une voix pour Valkyon et il ne saura jamais rien.
« Tu comptes revenir me voir ? » demanda le guerrier.
Rose s'empourpra aussitôt en posant le matériel près de lui.
« Si c'est le cas, il faudra me laisser quelques indices sur la personne que tu es pour que je te sois ensuite reconnaissant de ton aide.
- Il n'y a pas besoin. » dit le vampire en étalant de la crème sur le visage de Valkyon.
Ils se turent. Deux taciturnes dans une même pièce n'avaient pas de grande discussion. Et l'audace qui l'avait conquis il y a un instant s'était aussitôt enfuie. Rose s'appliqua à raser la barbe du guerrier, suivant soigneusement sa mâchoire carrée de son couteau.
« Tu es un vampire. » dit Valkyon, abruptement.
Rose écarquilla les yeux en levant la lame pour la rincer dans un bol d'eau.
« Pardon ? s'enquit ce dernier.
- Tu as la peau froide. Et tu ne respires pas. Tu es donc un vampire, dans la garde de Nevra, car tu es un bon élément de discrétion. Cela réduit les champs de recherche pour plus tard.
- Tu es un homme têtu. » fit remarquer Rose.
Valkyon eut un rire grave et le cœur mort du vampire ne put s'empêcher de fondre dans sa poitrine à ce son. Sa petite âme extravertie se mit à hurler dans sa tête. Il secoua ses longs cheveux de jais et reprit son activité de barbier débutant. Étant quelqu'un de plutôt méticuleux, le vampire s'appliqua à enlever chaque poil pour donner à nouveau à Valkyon un visage aussi doux qu'à l'accoutumée. Rose essuya sa mâchoire puis appliqua du gel d'aloe pour la peau rouge. Quand il en eut finit, le vampire le conduisit à nouveau à son lit, Valkyon soupira légèrement en tentant de tourner son visage vers son homologue.
« Tu reviens demain ? demanda l'obsidien.
- Si tu le souhaites.
- J'aime les énigmes. Offre-moi un indice par jour, jusqu'à ce que je recouvre la vue, quémanda le guerrier.
- D'accord. » répondit audacieusement Rose, se frappant discrètement le front.
Tous les jours, le vampire revint au chevet du chef de l'Obsidienne. Chaque jour, comme convenu, il semait des indices à son sujet mais jamais Valkyon ne sut trouver son identité. Rose se sentait plus à l'aise, plus loquace, se pensant à l'abri de son secret. Quand le guerrier serait guéri, le vampire serait sûrement mélancolique de ce petit jeu où il avait un avantage considérable.
« Donne-moi l'étymologie de ton prénom. » dit la voix bourrue de Valkyon qui s'était installé près de la fenêtre pour sentir le soleil hivernal caresser son visage.
Rose s'était reculé de la lumière vive. Même si pendant cette saison c'était supportable, le vampire préférait rester loin de cette source vivante et chaleureuse.
« Mon prénom signifie la force, la virilité et la gloire. » dit le sous-chef de l'Ombre.
Valkyon se mura dans le silence, l'air pensif avant de tourner son visage vers la voix qu'il avait entendue.
« Tu es un tortionnaire, jolie voix, dit l'Obsidien.
- Pourtant, je suis tout le contraire de la signification de mon prénom, se dénigra le vampire.
- Pourquoi dis-tu cela ? » se désola l'infirme en se guidant de sa canne offerte par Moody la même journée.
Le bout cogna la botte du vampire qui se crispa aussitôt en levant son visage vers l'homme qui s'était approché de lui. Il le laissa poser sa main sur son épaule, effleurant la manche bouffante de sa chemise indigo.
« D'accord tu es mince, mais ça n'enlève en rien à la force. Tu peux l'être mentalement. » lui fit remarquer le guerrier.
Rose prit la main large de l'homme entre ses doigts fins pour la déposer sur son corset au niveau de sa taille. Valkyon pencha son visage sur le côté en tentant de comprendre le vêtement avant d'hausser les épaules avec indifférence.
« Très bien. Et ? Nevra porte aussi des corsets, et ça n'atteint pas sa virilité. Moody ne s'en lasse pas.
- Je ne suis pas le genre d'homme qui aime les courbes voluptueuses des femmes. » dit Rose avec gêne.
Une nouvelle fois, l'infirme haussa les épaules avec détachement, ôtant sa main du corps de l'homme qu'il ne voyait guère.
« La gloire va à ceux qui sont uniques. » le réconforta Valkyon, un sourire léger sur ses lèvres.
Rose s'empourpra en reculant d'un pas, se raclant ensuite la gorge avec gêne. C'est à ce moment là que la lunienne fit de nouveau irruption dans la chambre d'hôpital, les mains remplies de sac. Valkyon la remarqua bien avant le vampire perturbé.
« Moody. Comment est mon interlocuteur ? » questionna son ami.
L'interpellée gloussa doucement en passant entre les deux hommes pour déposer le repas sur la table. En revenant, elle tapota affectueusement le ventre du guerrier.
« Valky. Je ne suis pas tes yeux. Et je ne joue pas à votre petit jeu de devine qui je suis. J'ai déjà mon propre divertissement avec Nevra. » dit-elle avec espièglerie.
L'obsidien ricana légèrement avant de se diriger vers la nourriture pour se sustenter. Il salua le duo de la garde de l'Ombre. C'était la fin des visites pour aujourd'hui.
Le lendemain, ce fut presque le même scénario. Valkyon ne demanda pas un indice verbal cette fois-ci. Ses grandes mains s'étaient déposées en douceur autour du visage du vampire pris d'une panique certaine en se sentant aussi proche. Le guerrier faisait glisser ses pouces calleux autour de son nez droit, creusant le creux de ses yeux pour remonter sur ses pommettes hautes. Ses phalanges caressèrent ensuite sa peau pâle et douce, redessinant son visage en diamant, s'attardant sur sa mâchoire étroite et ses lèvres pleines. Rose se dégagea en douceur de l'emprise de Valkyon, le visage empourpré. Heureusement qu'il était aveugle. Ce jour-là était un tournant négatif pour Rose : il avait fini par s'enfuir lâchement.
Il se sentait perdre le contrôle, reprochant à Moody de l'avoir entraîné sur ce terrain dangereux et l'incompréhension de ses sentiments. Il n'était pas comme ça. Il ne serait jamais comme ça. Rose regrettait de s'être autant attaché à ce jeu, d'avoir cultivé ce sentiment chaleureux dans sa poitrine. Il ne revint pas dans la chambre de Valkyon le lendemain, ni le surlendemain et les jours qui suivirent jusqu'au réveillon. Ça lui déchirait le cœur, mais tout devait redevenir comme avant. Il devait aimer en secret. De toute manière, tout est voué à l'échec. Rose s'agaça un peu plus contre son comportement audacieux et se décida à sortir dans les rues enneigées de la cité. L'ambiance de Noël l'agaça un peu plus et lui rappela sa solitude. Le vampire voulait retrouver un peu de réconfort, et mécaniquement, il se dirigea vers l'infirmerie.
« Bah alors Rosinette ! » héla une voix nasillarde. « On retourne sucer les infirmes aveugles ? Ça faisait longtemps, non ? » railla-t-elle.
Rose se crispa aussitôt, la main au-dessus de la poignée de la porte qui s'abaissa sans qu'il eût besoin de le faire seul. Les yeux rivés sur le sol, le vampire vit les bottes noires de Valkyon apparaître, non accompagnées de sa canne. L'infirme dépassa Rose pour s'adresser à son agresseur :
« Retourne à ton poste Erfrish ! » tonna-t-il d'une voix froide.
L'interpellé déguerpit aussitôt. Le vampire releva le regard vers le guerrier.
« Merci Valkyon. » dit-il d'une voix timide.
Le chef de l'Obsidienne se tourna vers lui et le visage de Rose se décomposa aussitôt. Il ne portait plus son bandeau et ses yeux avaient retrouvé leur teinte ambrée. Le vampire voulut s'enterrer avec son cercueil et ne plus en sortir. Il sentait son corps se mettre à trembler imperceptiblement alors que son coup de cœur penchait le visage sur le côté.
« Une voix aussi douce que la nuit. Un corset qui enserre ta taille. Le teint pâle et le visage en diamant, commença à énumérer Valkyon. Tu as menti en promettant de venir chaque jour jusqu'à la fin de ma convalescence. »
C'était un reproche.
« Rose ! s'écria la voix suave de la lunienne qui accourut vers les deux hommes, talonnée par Nevra. Tu as vu, c'est un miracle de Noël ! Valkyon peut de nouveau apprécier notre présence fabuleuse. »
Elle tentait de désamorcer la situation embarrassante avec son air malicieux. Son Capitaine déposa sa main filiforme sur sa bouche pour la faire taire. La petite femme marmonna dans sa paume, un air exaspéré sur le visage, les bras en l'air. Valkyon la jaugea avant de poser son regard sur le vampire qui se tenait face à lui et qui était devenu livide.
« Tu es une fleur forte, virile et glorieuse, fit remarquer l'Obsidien avec un léger sourire, croisant ses bras puissants sur son large torse. Ne fais donc pas cette tête, j'étais aveugle, pas sourd. Je suis ravi de faire enfin ta connaissance, monsieur le mystérieux. »
Le regard paniqué de Rose jaugeait le guerrier. Aucun signe de dégoût, de rejet. Juste de la bienveillance et du calme... La tension sur ses épaules se relâcha aussitôt. Pourquoi s'était-il mis à paniquer ? Il ne lui avait que caché son identité et n'avait rien dévoilé de son autre secret après tout. Son regard jaugea son Capitaine puis la malicieuse lunienne qui lui offrait un clin d'œil complice. Elle garderait son secret précieusement, comme elle l'avait toujours fait.
« Viens passer la soirée moi Rose, vous aussi Moody et Nevra. Nous pourrons dîner ensemble, il faut bien que je remercie les personnes qui ont si bien occupé mes journées. » ajouta Valkyon en laissant sa main chaude s'écraser fortement sur l'épaule du jeune vampire quelques instants.
Un geste un peu trop viril mais qui ne déplut pas au jeune vampire qui se contenta de sourire maladroitement. Son Sgarkellogy, lui, en revanche, se mettait à danser la salsa à ce simple acte. Il suivit le trio en silence vers la salle des fêtes. En fin de compte, il avait vaincu sa timidité et avait réussi à se dévoiler à l'obsidien. C'était une petite victoire. Et même s'il n'éveillait pas l'intérêt du guerrier, il avait réussi à se rapprocher de lui et ça, il ne le regretterait pas. C'était un miracle de Noël.
(Leiftan) Désenchetement
Cadeau pour EnigemCenia lors de l'inter FC Leiftan/Nevra, Saint-Valentin 2021
Démunie, Lucem le regardait partir au bras du succube. La jeune femme se laissa tomber à genoux au sol, sentant la rage s’emparer de son être. Ses cheveux prirent cette teinte sombre, noire. La partie ténébreuse qui règnait en elle prenait possession de son corps. Il était hors de question qu’elle laisse Akire emporter Leiftan loin d’elle. Enragée, elle se relevait. Ça n’allait pas se passer comme ça.
La faëlienne tourna les talons et se précipita à travers le Q.G pour rejoindre la salle d’alchimie. La femme aux cheveux noirs savait qu’une solution se dégagerait à cet endroit, il fallait rompre le sort et au plus vite. Elle se laissa guider par ce qu’elle appelait « Darkside », son autre, sa complémentarité, son opposé. Lucem gravit les marches de la salle des portes qui menait au laboratoire et sans annoncer sa présence elle pénétra dans la pièce. Huang-Chù qui se trouvait là parut surprise, une fiole à la main. Ses sourcils se froncèrent avec colère.
« Par l’Oracle ! On ne vous a jamais appris à frapper à une porte avant d’entrer ? Je manie des éléments dangereux ! Je pourrais faire une grave erreur. C’est un endroit de paix, de concentration et d’harmonie ici ! Commença-t-elle à pester en dardant son regard sur la faëlienne aux cheveux noirs. »
Darkside leva ses yeux vers elle, haussant les épaules d’un air incrédule.
« Je n’ai pas le temps de frapper. J’ai une urgence. Je dois à tout prix rompre le sort sous lequel Leiftan est emprisonné. Dit-elle d’une voix presque inhumaine. »
Sans écouter les railleries de la chef de l’Absynthe, la brune agissait selon ses pulsions dictées par son autre, énumérant et prenant les ingrédients dont elle avait besoin sous les yeux d’une Huang-Chù déconcertée.
« Quel culot ! Râla la cheffe Absynthe en déposant la fiole qu’elle avait en main sur le plan de travail.
- Essence de putois forestier, larmes d’hydracalys, ongle d’Erinyes, eau purifiée. Dit l’autre complètement plongée dans son travail. »
Darkside déposa les ingrédients sur un autre plan de travail. Un instant elle s’arrêta, fronçant les sourcils d’un air soucieux. Il lui manquait un ingrédient, mais lequel ? Un faible grognement lui échappa. Elle l’avait sur le bout de la langue. Sa mémoire commençait à lui faire défaut. Ne te laisse pas envahir par le stress , pensa-t-elle.
« Si tu veux préparer la potion du Désenchantement ténébreux, il te manque un ingrédient. Intervint la rousse d’un air narquois.
- Je le sais. Répondit sèchement la gardienne de l’Ombre.
- A tout faire de mémoire, on oublie des choses dit la cadette de Huang-Hua avec amusement. »
Un éclair de clairvoyance jaillit dans l’esprit de Darkside.
« La poudre minérale de la statue de Mnémosyne ! S’exclama-t-elle.
- Merci Huang-Chù, tu es la meilleure. Marmonna l’autre en retournant à sa préparation. »
L’Ombre ne releva pas son commentaire, se hâtant dans l’armoire à ingrédients. Elle se posta devant son plan de travail après avoir récupéré le matériel dont elle avait besoin. D’un côté comme de l’autre, elle craqua les articulations de sa nuque et laissa un soupir lui échapper. Il ne fallait pas perdre de temps et être minutieuse dans son antidote.
Dans un récipient, elle versa deux cents millilitres d’eau purifiée avant d’y ajouter les trente mililitres de larmes d’Hydracalys avec les quinze grammes d’essence de putois forestier. Ensuite, la jeune femme alluma le réchaud et mit la préparation sur feu doux. Quand cette dernière se mit à frémir, Darkside ajouta les dix grammes de poudre minéral puis les cinq grammes d’ongle d’Erinyes avant que la préparation ne se mette à bouillir. D’un geste vif, elle mélangea le tout.
Quand la potion fut assez liquide et homogène, la faëlienne coupa le gaz et transvasa la substance vert claire dans une bouteille. Il fallait la laisser refroidir avant de faire consommer cette dernière à Leiftan. Malheureusement, elle ne pouvait pas se permettre de perdre autant de temps sur cette partie. Darkisde pinça ses lèvres entre elles d’un air contrarié. Connaissait-elle quelqu’un capable de manier le froid ? Son visage se secoua, et son attention se porta sur le rangement de son matériel et du nettoyage de son plan de travail. Huang-Chù porta son regard sur sa consœur. Darkside s’appliquer à frotter le plan de travail avant de se stopper net.
« Lance ! S’écria-t-elle en délaissant le chiffon pour attraper sa potion.
-C’est une manie de crier à chaque fois que tu as une idée ? S’énerva l’Absynthe. C’est un lieu de concentration ici, pas un théâtre ! »
L’Ombre fila aussi vite qu’elle était arrivée dans la salle d’alchimie, abandonnant une cheffe complétement dépassée par la situation.
Lucem courut à travers le Q.G, à la recherche du dragon de glace. Par élimination, elle se doutait qu’il n’irait pas dans la forge, un endroit beaucoup trop chaud pour lui. Où le croisait-elle souvent en ce moment…
Le marché !
Darkside se dirigea vers la grande porte et fut aveuglée par la lumière extérieure. Un grognement lui échappa le temps qu’elle s’accommode. D’un pas rapide, la femme fila entre les étalages de la place du marché, regardant tout autour d’elle. Pas une seule grande perche aux cheveux blancs à l’horizon.
« Par l’Oracle, maugréa-t-elle. C’est quand on a le plus besoin de lui qu’il disparaît.
- Qui cherches-tu ma mignonne ? Dit la voix de Purral dans son dos. »
La jeune femme se retourna vers le félin roux.
« Oh ! Purral. As-tu vu Lance ? Lui demanda-t-elle sans perdre de temps.
- Bien sûr. Répondit-il d’un sourire carnassier.
- OĂą est-il ? Le pressa-t-elle
- Cent cinquante maanas pour l’information. Dit-il le regard pétillant de malice. Et du sel centenaire. Les informations sont dures à trouver en ce moment. »
Elle arqua un sourcil, prise au dépourvu. Sa bouche s’entrouvrit, prête à protester et c’est à ce moment-même que le guerrier de l’Obsidienne apparut dans son champ de vision. Elle jeta un dernier un regard vers le félin roux puis partie à la rencontre de l’homme qui s’engouffrait dans la boutique de Purriry.
« Lance ! » Le héla-t-elle.
L’homme fit volte-face et lui adressa un signe de tête respectueux. Son visage était fermé, mais elle ne chercha pas à s’en inquiéter, elle se fichait pas mal de ses états d’âme. Cenia lui offrit à son tour un hochement de tête avant d’enchaîner :
« Puis-je me permettre de solliciter votre aide ? Demanda-t-elle d’une voix calme.
- Je t’écoute.
- Pourriez-vous me refroidir cette bouteille ? Dit-elle en tendant l’objet rempli de sa potion. »
Le guerrier parut surpris mais ne dit rien. De ses larges mains, il prit le récipient et en quelques instants laissa opérer sa magie glaciale autour. Lucem le stoppa d’un geste de la main. Il ne fallait pas non plus qu’il congèle le liquide. Lance lui rendit son bien dans un mince sourire. Elle le remercia chaleureusement avant de déguerpir dans une direction opposée. En quelques minutes, elle fut aux côtés de son Bakrahell, Satan. Le familier avait pris soin de suivre Amaya qui tentait de sauver son maître.
Satan regarda sa maîtresse. Lucem lui adressa une caresse sur le haut de son crâne tout en guettant Akire et Leiftan au loin. Comme à leurs habitudes, les succubes aimaient se pavaner avec leur nouveau jouet. La main enserrée autour de sa potion, Lucem sortit de sa cachette pour courir vers eux. Tout se passa si vite. Elle décocha un coup de pied puissant dans le bas du dos d’Akire pour la mettre au sol. Le succube gronda en faisant volta-face, prête à attaquer son assaillante. La femme aux cheveux noirs défit le bouchon de sa potion et se pressa de contraindre le lorialet à la boire.
Akira sauta à la gorge de Lucem, qui lâcha la potion de ses mains dans un râle avant de rouler quelques mètres plus loin. Dans un grognement, elle tenta de se relever mais le succube était vorace et prêt à la réduire en charpie. Darkside tentait de se défendre comme elle le pouvait, mais Akire avait plus de puissance qu’elle.
« N’as-tu pas honte de te mettre en travers de mon chemin ? Hurla le succube, pris de rage. »
Lucem évita un coup mortel de justesse, elle se prépara à recevoir un autre coup mais Leiftan, sous sa forme de daemon avait bondi sur Akire. Ils se battaient avec souplesse, ponctuait leurs coups de quelques cris. Leiftan saisit la démone à la gorge et la leva sans peine, prête à l’anéantir. La jeune femme eut un rire malicieux.
« Je t’aurai un jour, je t’aurai ! Minauda-t-elle avant de s’évaporer dans un nuage de fumée noire. »
Le lorialet pesta un instant avant de se hâter vers Lucem qui tentait de se relever. Il lui tendit la main et prit soin de reprendre sa forme initiale.
« Tu vas bien ? S’enquit-il, l’air inquiet.
- Oui… Répondit Lucem qui abandonnait lentement Darkside. »
Ses cheveux redevinrent aussi clairs que la lumière, son air plus angélique, ses gestes plus doux. Un mince sourire se dessina sur ses lèvres roses. Leiftan glissa une mèche de ses cheveux à l’arrière de son oreille avec un rictus désolé.
« Je suis navré que tu aies dû risquer ta vie pour moi, confessa le blond. Je me suis fait avoir comme un débutant.
- Il est facile de confondre un verre de jus de cerise centenaire avec le philtre Amare Succubus Studium, le consola-t-elle. »
Leiftan lui sourit à nouveau, tendrement. Il lui caressa les cheveux tout en la scrutant, lèvres pincées. Le lorialet s’en voulait réellement, et jamais il ne se serait pardonné que quelque chose lui arrive. Lucem était son âme-sœur. C’était celle qu’il désirait ardemment. Le blond vint à se gratter la nuque.
« Ecoute… Je ne veux pas que cette journée soit entièrement ruinée. J’étais venu à la base te chercher pour te proposer quelque chose. Commença-t-il. »
La jeune femme pencha son visage sur le côté, un air curieux sur ses traits. Leiftan lui offrit un sourire chaleureux.
« Je voulais… Enfin. Je souhaiterai, si tu l’acceptes, me retrouver avec toi ce soir, sous le cerisier centenaire. »
Lucem sentit ses joues s’empourprer. Était-il lui-même ? Elle entrouvrit ses lèvres, bredouillant ses paroles :
« Je. Euh. Oui. Oui. Mais. Euh. Pourquoi ?
- Tu le sauras le moment venu, lui confia-t-il d’un ton énigmatique. On se retrouve vers vingt-et-une heure. Cela te convient-il ?
- O-oui.
- On se voit à la cantine alors. »
Sur ses derniers mots, Leiftan la laissa seule avec ses pensées. Elle le regarda complètement déboussolée. Était-ce un rencard ? Ou juste un rendez-vous nocturne sans aucune raison ? Satan donna un coup de tête contre sa cuisse pour lui offrir un peu de réconfort. Lucem sourit faiblement à son familier.
« Tu as raison, il ne faut pas trop que je réfléchisse. C’est la saint-Valentin, peut-être qu’il veut juste ne pas être seul. Murmura-t-elle avant de prendre le chemin vers ses quartiers. »
‹※›‹※›
La soirée se passa sans encombre. Leiftan avait fait un rapport à Huang-Hua. Lucem s’était faite félicitée et tous s’étaient réunis chaleureusement à la cantine pour savourer le repas « amore » de Karuto. Leiftan avait jeté quelques regards affectueux à la jeune femme. Elle avait les joues en feu et s’était empressée de quitter la table pour se préparer à son rendez-vous nocturne.
Une fois dans sa chambre, enroulée dans une serviette de bain, la jeune femme analysait sa penderie. Tout allait pour le mieux, Darkside s’était rendormie pour laisser place à Lightside. Lucem se laissa guider par sa personnalité intérieure pour se vêtir. Elle opta pour des tons lumineux, naturellement. Une robe au décolleté généreux, moulant chacune de ses formes. Ornée de parure argentée et d’une longue jupe voilée, laissant place à l’imagination quand ses jambes bougeaient sous le drapé. Ses cheveux restèrent longs et détachés. Ses bras décorés de quelques bijoux fantaisies, tout autant que son cou.
Lucem se contempla une dernière fois dans le miroir. Elle inspira profondément pour se donner du courage et fila au travers du corridor des gardes pour rejoindre la salle des portes. La lune était haute dans le ciel, l’air un peu frais. Ses talons claquaient au sol, et elle s’empressait de rejoindre le cerisier centenaire sans croiser aucune musarose. L’arbre géant se dressa devant elle. Lucem se perdit dans son observation, un fin sourire sur les lèvres.
Elle n’entendit pas Leiftan se placer derrière elle. Le lorialet effleura son épaule et elle sursauta dans un hoquet de surprise. Elle porta l’une de ses fines mains à sa poitrine, tout la poussait à croire que son cœur allait s’échapper. Leiftan eut un petit rire en lui saisissant la main avant de déposer un chaste baiser sur le dos de cette dernière.
« Désolé de t’avoir fait peur… Tu es splendide ce soir.
- Oh. Je. Merci. Bafouilla-t-elle avant de rire nerveusement. »
Elle baissa un instant la tête et Leiftan lui fit relever en plaçant son index sous son menton. Un instant, ils se regardèrent dans les yeux. Lucem tentait d’y déchiffrer quelque chose.
« Pourquoi m’as-tu fait venir ? Demanda-t-elle d’une voix basse. »
Leiftan lui intima de se taire et de tendre l’oreille. La jeune femme se concentra, et laissa un fin sourire illuminait ses traits. Elle entendait au loin, les piaillements harmonieux des logivis. Leiftan passa doucement un bras autour de sa taille et prit sa petite main dans la sienne. Lucem se laissa faire. De sa main libre, elle releva les pans de sa robe pour faciliter ses mouvements et la plaça contre les hanches de son partenaire. Le lorialet l’entraîna dans une valse au rythme des chants des oiseaux. Leurs corps virevoltaient sous le cerisier centenaire, seul témoin de leur parade.
Les deux tourtereaux ne se quittèrent pas du regard. Ils n’avaient rien besoin de se dire, ils se complétaient à la perfection. Ils ont su s’attendre et maintenant, ils étaient prêts à se retrouver avec pour seuls témoins, la lune et le cerisier. La musique des logivis se rapprocha, Lucem leva les yeux au ciel pour admirer, dans les bras de Leiftan, la nuée des oiseaux en pleine parade nuptiale. L’instant fut saisissant, magique. La jeune femme émerveillée restait accrocher à l’homme qui continuait de la faire valser. Le temps s’était arrêté.
Cette nuit-là , après l’envol. Leiftan la fit redescendre sur Eldarya. Il avait pris soin de comprendre ses attentes, ses réactions et ses envies. Le lorialet avait saisi son visage en coupe entre ses mains puis avait déposé ses lèvres contre les siennes. Ce baiser avait scellé leur amour et leur offrait un avenir prometteur. S’embrasser après le passage de la nuée nuptiale était signe d’un amour éternel, de deux âmes sœurs qui avait su s’attendre et s’étaient enfin retrouvées.
(Nevra) Leithian dan I faeg Meleth
Cadeau pour Edmia lors de l'inter FC Leiftan/Nevra, Saint-Valentin 2021.
Akire claqua sa langue sur son palais avec un air condescendant, savourant les propos menaçants de Nevra à l’attention d’Edmia. Un sourire narquois naquit au coin de ses lèvres lorsqu’elle prit le bras du chef de l’Ombre pour l’entraîner avec elle, loin de l’autre. La jeune femme les regardait s’éloigner avec un air ahuri. La situation lui avait échappé des doigts. Un voile triste traversa son regard, il était hors de question de s’avouer aussi facilement vaincue, même par les propos du vampire à son égard. Il n’avait pas été tendre, mais elle ne lui en tenait pas rigueur. Jamais il ne lui aurait dit de telles choses dans son état naturel. Ses yeux bruns se baissèrent vers Sohalia, sa fenrisulfr.
« Surveille-les pendant que je trouve une solution. Assure-toi d’allier tes forces avec Sheitan, d’accord ? » lui ordonna-t-elle d’une voix douce.
Edmia lui adressa une tendre caresse sur le haut de son crâne. Sohalia grogna puis partit en direction du nouveau couple de l’année. La druidesse tourna les talons, des traits sévères se dessinant sur son visage angélique.
« Ça va se jouer entre toi et moi, succube.» grommela-t-elle entre ses dents.Â
Sans perdre un seul instant, la druidesse se rendit naturellement vers la salle d’alchimie. Un bref soupir passa la barrière de ses lèvres, il fallait qu’elle maîtrise ses émotions. Il était hors de question de s’en prendre à sa nouvelle cheffe de garde. La brune inspira profondément et expira lentement, abattant sèchement son poing contre le bois de la salle d’alchimie.
« C’est pour quoi ? Dit Huang Chù de l’autre côté, d’une voix peu chaleureuse.
- C’est moi, Edmia. J’ai besoin d’accéder au labo, cheffe. Une urgence. Informa Edmia en tentant de maintenir son sang-froid. »
Un silence.
La druidesse tendit l’oreille, Huang Chù avait l’air de reposer des objets sur le plan de travail. Ses pas foulèrent le sol, et enfin, l’Absynthe ouvrit la grande porte. Edmia la salua d’un signe de tête respectueux avant de se glisser dans la pièce. Elle fut surprise de voir Mathieu, fiole à la main. Il lui adressa un sourire chaleureux, auquel elle répondit de la même manière, mais se rembrunit quand Huang-Chù se racla la gorge.
« Concentre-toi l’humain ! Lui ordonna-t-elle.
- Ne faîtes pas attention à moi. Je n’en ai pas pour longtemps, dit Edmia de sa voix douce. »
Et de toutes manières, il ne fallait pas perdre son temps. Son regard se posa sur la bibliothèque de la salle, Ezarel l’avait toujours invitée à le faire. Il avait toujours eu une confiance aveugle en elle. A cette simple pensée, le cœur d’Edmia se serra. Assurément que l’elfe lui manquait, elle avait toujours eu une relation particulière avec lui, sans ambiguïté. Et puis, elle lui avait toujours promis de prendre soin de Nevra.
Nevra.
Elle secoua son visage pour reporter son attention sur la mission qu’elle s’était donnée. Ses doigts se saisirent d’un grimoire aux lettres elfiques. De son ongle, elle parcourait l’index des potions répertoriées dans le livre. Un fin sourire se dessina sur ses lèvres : Leithian dan I faeg Meleth, ou la délivrance contre le mauvais amour. Edmia traduit à une vitesse surprenante les termes de la recette, prenant le moindre ingrédient dont elle avait besoin : nectar doré, eau purifiée, sel centenaire, pétales de rose éternelle, orbe de sagesse, une mèche de ses cheveux, de la roche magnétique et de la poussière arcanique. Puis les ustensiles, qu’elle disposa sur son plan de travail : mortier, pilon, réchaud et son petit chaudron, pipette, fiole et filtre. Elle alla se désinfecter les mains après s’être retroussé les manches. D’un geste rapide, elle fit craquer ses doigts, attirant l’attention des deux autres vers elle.
« Effectivement, c’est une urgence si tu te comportes ainsi, remarqua sa cheffe. Si tu le permets, je vais laisser Mathieu en prendre un peu de la graine. Peut-il te regarder faire ? »
L’humain leva les yeux au ciel. Pourquoi Diable s’était-il retrouvé dans la garde absynthe ? Il était bien meilleur aux côtés de Lance. Edmia releva son regard vers ses deux homologues avant de ranger le grimoire là où elle l’avait trouvé. Elle n’avait pas besoin de l’avoir à ses côtés, Ezarel lui avait toujours appris à mémoriser rapidement, même les potions inconnues.
« Ça me va.
- Quel genre de potion fais-tu ? Demanda Mathieu en prenant appui contre le plan de travail situé face à elle.
- Akire s’est amusée à ensorceler Nevra. C’est un succube. Donc tu dois savoir de quoi cela relève. Je vais tenter une potion pour nuire à ce mauvais sort. Si tu le souhaites, je t’expliquerai tout, plus en détail, une prochaine fois. Je ne dois pas perdre de temps, s’excusa la druidesse. »
Le brun se contenta d’hocher la tête. Edmia lui adressa un fin sourire avant de se replonger dans sa préparation sous le regard curieux de l’humain. Dans le chaudron, qu’elle plaça au-dessus du réchaud, elle mit le nectar doré afin de le porter à ébullition. Au même moment, elle broya dans le mortier, à l’aide du pilon, les pétales de rose éternelle, avant d’y ajouter une de ses mèches de cheveux. Edmia lui adressa le même sort qu’aux pétales. A la suite, elle ajouta l’eau purifiée afin que cette dernière soit imprégnée des ingrédients.
Une fois le tout infusĂ©, la jeune femme prit un filtre afin de faire dĂ©canter l’eau infusĂ©e de ses cheveux et des pĂ©tales pour avoir un ensemble sans impuretĂ©. Cela fait, elle laissa reposer la mixture pour reporter son attention sur le nectar bouillant. Cette substance hors du feu, Edmia incorpora l’orbe de sagesse Ă cette dernière afin de le faire fondre. La jeune femme se pencha pour attraper une cuillère en bois pour mĂ©langer les deux Ă©lĂ©ments ensembles pour qu’ils ne fassent qu’un. Quand ils ne firent qu’un, des reflets rosĂ©s s’étaient imprimĂ©s dans la dorure du nectar.Â
Satisfaite du résultat, elle transvasa le liquide dans la fiole prévue à cet effet puis ajouta, grâce à une pipette, les douze gouttes de sel centenaire à la préparation. Edmia vint à refermer la fiole et la secoua avec vivacité pour que le tout se mélange bien. Après cela, elle mit en place les roches magnétiques en pentagone puis les relia grâce à la poussière arcanique avant de badigeonner les pierres avec l’eau précédemment préparée. L’alchimiste plaça en son centre la fiole contenant le liquide doré aux reflets rosés, qu’elle lia au pierre grâce à la poussière.
« C’est de la magie noire ? Pensa à haute voix Mathieu, fasciné par ce qu’il se passait sous ses yeux.
- Crétin. S’énerva Huang Chù. »
Edmia eut un petit rire en relevant un regard amusé vers lui.
« Je suis druidesse, pas nécromancienne ou sorcière. Je te conseille de côtoyer un peu plus les Ombres si tu veux voir de la magie noire en action. L’informa-t-elle.
- Ne lui donne pas d’aussi mauvaise idée. S’offusqua Huang Chù.
- Il faut bien qu’il apprenne pour être moins bête à tes yeux, dit Edmia pour défendre Mathieu. »
Sa cheffe fronça les sourcils. Edmia se contenta d’hausser les épaules d’un air désinvolte. Elle plaça ensuite ses mains au-dessus de la fiole, fermant les yeux pour se concentrer sur la magie qui régnait dans la pièce. Ses pensées se focalisèrent sur Nevra tandis qu’elle psalmodiait :
« Que par cet enchantement je libère ton âme de cette manifestation qui étouffe ton cœur. Que par ma volonté je fasse ressortir la tienne pour chasser le mauvais amour. Libertas ! »
Quand elle rouvrit les yeux, Edmia prit en main la fiole et lui offrit un baiser prometteur et convaincant. Elle espérait que cela allait fonctionner. Un instant, elle se perdit sans ses pensées: elle entendait Ezarel ricanait dans son dos.
« Arrête de te dévaloriser, tu es aussi doué que moi en alchimie. Dirait-il. »
Un triste sourire étira ses lèvres. Edmia reporta son attention sur les deux autres. L’un était émerveillé, l’autre satisfaite. Huang-Chù se tourna vers Mathieu.
« J’espère qu’un jour t’arrivera à faire de telle potion de tête, l’humain. »
La cheffe absynthe reporta son attention sur Edmia, un air fier sur son visage.
« Comme d’habitude, tu m’épates. Maintenant file sauver ton prince charmant avant que le succube ne parte en Enfer avec lui. Nous allons ranger ton plan de travail. »
La druidesse lui adressa un sourire de remerciement et s’empara de la fiole sans s’attarder. Elle salua d’un signe vague de la main les deux autres avant de quitter la pièce.Â
En quelques minutes, Edmia fut de retour sur la place du marché, guettant les alentours pour repérer Akire et Nevra. Elle héla Sohalia d’une voix forte. La fenrisulfr répondait toujours à ses appels. Sa fourrure bleue ne tarda pas à scier la foule qui s’écartait sur son passage.
« Où sont-ils ? Lui demanda sa maîtresse. »
Le familier grommela doucement et l’invita à la suivre d’un signe de museau. Trottinant derrière elle, Edmia traversa le marché pour rejoindre le kiosque, puis l’allée des arches où marchait le couple. S’ils passaient les portes de la cité, alors Nevra ne serait plus. La jeune femme inspira profondément puis porta sa fiole à sa bouche pour la déboucher d’un coup de dent. Ses yeux chocolat se posèrent sur Sohalia.
« Prête ? »
Le familier montra les dents et se para pour attaquer.
« Sheitan ! Cria la druidesse. »
La Black Gallytrot sortit de sa cachette pour se planter face aux deux faux amants, le poil hérissé de colère. Akire eut un rire sadique tandis que son aura maléfique dansait autour d’elle. Edmia mit l’antidote dans sa bouche, prenant soin de ne pas l’avaler. « A nous deux, pétasse. » Pensa-t-elle en se mettant à courir vers eux, son fenrisulfr sur ses talons. Son familier sauta sur le dos du succube pour le renverser et l’attaquer avec Sheitan. Dans ce court laps de temps, Edmia détourna l’attention du vampire en lui saisissant avec force son visage. Non sans douceur, la jeune femme l’embrassa contre son gré. Le forçant à entrouvrir ses lèvres, résistant à ses coups pour la repousser.
Enfin le liquide glissa de sa bouche Ă la sienne, et d’une force insoupçonnĂ©e, elle lui fit boire dans un grognement avant de recevoir un coup contre son flanc. Un râle de douleur lui Ă©chappa alors qu’elle roulait sur le sol. Edmia eut le souffle coupĂ© et peina Ă se redresser. Son regard se releva vers le succube qui se rapprochait dangereusement d’elle, Nevra restait stoĂŻque derrière. La potion avait-elle fonctionnĂ© ?Â
Une gifle s’écrasa contre sa joue. Un cri échappa à Edmia qui porta sa main contre la brûlure de l’impact sur sa joue. Son regard croisa celui de la démone, elle n’allait faire qu’une bouchée d’elle. Akire l’asséna de coup, et Edmia tenter de se protéger avec ses bras. La druidesse n’était pas une très bonne combattante, mais elle savait se couvrir pour subir les assauts contre son corps. Ses côtes lui faisaient un mal de Gallytrot, son souffle était coupé, elle pourrait encore subir. Mais combien de temps si personne n’intervenait ? Son corps se mit en boule, ses bras protégèrent son visage.
Puis, plus rien. Les coups s’arrêtèrent, un grondement sourd se fit entendre à côté d’elle, puis une ombre balaya son assaillante. Edmia ôta ses bras de son faciès puis se redressa sur ses coudes avant de se reculer en observant le combat sous ses yeux. Akire contre Nevra. Il avait retrouvé ses esprits, et était prêt à en découdre avec la démone, qui d’un rire cynique s’évapora avant qu’il n’abatte son épée sur elle. On entendit au loin l’écho de sa voix nasillarde :
« Je t’aurai mon cher et tendre Nevra. Je t’aurai un jour. Lui promit le succube. »
Nevra gronda avec rage. Edmia dut se faire violence pour ne pas rétorquer une insulte. Un bref soupir douloureux lui échappa lorsqu’elle porta une main à ses côtes. Akire ne l’avait pas loupé et lui avait offert un souvenir de sa présence. La jeune femme grimaça doucement, elle avait gagné un ticket pour l’infirmerie. Nevra s’accroupit devant elle, l’air désemparé. Edmia se contenta de lui adresser un mince sourire, acceptant volontiers son aide pour se relever. Elle prit appui sur son bras et scruta les alentours avant de se détendre. Il faudrait qu’elle pense à créer une potion anti-succube pour la prochaine période de l’Amour.
« Je suis sincèrement désolé. Dit Nevra en passant un bras autour de ses hanches.
- Une blessure de plus ou de moins, lui sourit-elle, tapotant sa main de la sienne. Et puis tu ne pouvais pas prévoir qu’elle allait revenir.
- Cette bouteille sentait terriblement bon le sang… Ton sang. J’aurais dû me contrôler. Se blâma l’homme à ses côtés. »
Edmia levait les yeux au ciel et se planta devant le vampire, glissant ses doigts contre sa joue. Nevra lui adressa un regard voilé de tristesse, rongé par la culpabilité. Elle lui adressa un faible sourire, lui volant un chaste baiser du bout de ses lèvres.
« Au moins, tu n’as pas bu le sang d’une autre. Ne t’en veux pas Nev, car je ne t’en veux pas. Les succubes sont malicieux, comme tous les démons. Tu n’aurais pas pu prévoir une de ses attaques. Le principal c’est que tu aies repris le contrôle sur ton esprit. »
L'homme la serra contre son torse. Elle couina de douleur et il relâcha aussitôt la pression.
« Mais toi tu es blessée. Je ne peux pas me le pardonner. Je t’emmène voir Eweleïn ! Dit-il d’un ton déterminé.
-Arrête ton air dramatique. Je ne suis plus aussi fragile ! Râla-t-elle avec amusement. »
Il était comme ça, toujours dans les extrêmes. Mais c’est ce qui faisait son charme. Un éternel romantique. Il y avait pire qu’un simple succube ici bas. Elle avait presque su l’évincer, et elle s’en félicitait intérieurement. Nevra fit la moue, mais concéda à stopper son cinéma en l’accompagnant à l’infirmerie. L’elfe parut dépitée en voyant les deux tourtereaux débarquer dans son antre, mais à la vue des blessures de son amie, Eweleïn la força à s’asseoir sur la table d’examen.
« Qu’est-ce que tu nous as fait là ? Demanda la soignante en appliquant un baume sur les hématomes de la blessée.
- J’ai voulu sauver un vampire.
- Mais enfin. Quelle idée. Ce n’est pas à l’homme de sauver la femme normalement ? Dit Eweleïn d’un ton sarcastique.
- Ce temps est révolu, très chère, ricana Edmia avant de grogner douloureusement. »
L’infirmière secoua le visage d’un air désolé en passant des bandes autour des côtes de l’Obsidienne alchimiste.
« Avec des côtes fêlées, j’ai bien peur que tu n’aies plus le droit de rire ou de faire des galipettes pour le moment, lui dit-elle d’un ton entendu.
- Quoi ? S’écria Nevra, sorti de sa torpeur. »
Edmia retint le rire qui la menaçait, affichant un large sourire.
« Ça va aller. Tu peux tenir une semaine, non ?
- Tu rêves ma vieille. Vous en avez pour un mois, là . Intervint Eweleïn l’air sévère.
- Quoi ?! S’étonna Edmia en braquant son regard sur elle. »
L’infirmière haussa les épaules d’un air désinvolte, et lui tapota l’épaule avec sollicitude.
« T’as voulu sauver un vampire, t’en paie les conséquences. On n’est pas ensemble. Dit l’elfe en aidant Edmia à se relever. »
La druidesse la fusilla du regard pour son sarcasme. Nevra prit son aimée par les épaules, pinçant ses lèvres. Un soupir lui échappa.
« Bon s’il n’y a plus de galipettes pendant un mois… On peut au moins diner sur la plage ce soir ? Demanda Nevra d’une voix sourde. »
La druidesse s’étonna presque de ce changement de situation. Nevra avait le don pour être aussi abrupte dans ses pensées. Edmia lui adressa un tendre sourire tout en caressant son torse du bout de ses doigts.
« Ça me convient. Lui dit-elle dans un murmure.
-Allez mettre vos effluves de Vénus ailleurs que dans mon infirmerie tous les deux. Allez oust, du vent ! Dit Eweleïn en les congédiant de la pièce. »
‹※›‹※›
Le vampire accompagna sa douce dans leur chambre et l’installa confortablement dans leur lit. Nevra s’excusa auprès de sa demoiselle pour aller mettre en œuvre leur rencard de ce soir. Il fallait célébrer la fête de l’Amour, qu’importe les blessures et les événements. Edmia s’était toujours dit de dire ce qu’elle ressentait aux gens qu’elles appréciaient avant de les perdre. Ce n’était pas qu’une fois séparés que ces mots auraient de l’impact. Elle l’avait appris contre son gré. Quelqu’un frappa à la porte, et Karenn pointa le bout de son nez.
Edmia lui adressa un sourire chaleureux en s’extirpant lentement des draps. Elle avait sollicité son aide un peu plus tôt, après le départ de son frère pour l’aider à se laver, s’habiller et se coiffer. Avec plusieurs côtes fêlées, le moindre effort lui était douloureux. Mais sa belle-sœur était douce dans ses gestes, et Edmia s’étonnait de ne rien sentir, elle en remerciait l’Oracle. Elle laissa Karenn dévaliser son armoire pour lui préparer une tenue adéquate à son rendez-vous. Règle d’or : tout en l’honneur de l’Amour. La vampire se tourna vers elle avec un sourire carnassier.
« Si mon frère ne te croque pas, je n’y comprends plus rien ! Dit-elle confiante. »
Edmia rit faiblement en se tenant la côte puis observa la tenue concoctée par Karenn. Du rouge, de la dorure, des voiles, des bijoux et des roses noires. La jeune druidesse relâcha sa serviette pour la laisser tomber au sol et enfila un body qui lui maintiendrait les côtes comme il faut pour la soirée, en plus de ses bandages. Karenn s’occupa du reste : passant la robe rouge sur son corps blessé, glissant de magnifique dorure écaillées à ses bras, nouant sa ceinture sur sa taille fine, ornant son corps de bijoux dorés. Elle vint à l’aider pour enfiler les ornements sur ses cuisses, puis opta pour une coiffure ondulée, parant le tout avec une feuille rouge dans ses cheveux et un maquillage en fumée.
La brune se contempla dans le miroir avec un air satisfait et remercia sa styliste d’un soir d’une accolade. Karenn l’aida à quitter le Q.G afin de l’amener à la plage, lui servant d’appui dans les escaliers quelques peu exiguës qui menaient à la plage. Nevra l’attendait en bas des marches avec un sourire radieux et quand il offrit sa main à sa dulcinée, Karenn s’évapora comme une ombre après avoir adressé un clin d’œil aux tourtereaux.
« Tu es… Resplendissante, éclatante, magnifique. Dit Nevra en la contemplant avec amour. »
Edmia sentit ses joues s’empourprer, ce qui la rendait davantage mignonne aux yeux de son vampire. Il glissa un bras autour de sa taille et l’amena dans leur petit coin secret. Nevra y avait dressé une table pour deux, voilée d’une nappe blanche et d’argenterie brillante. Un chandelier et un gros bouquet de roses noires décoraient en plus la table. A côté de cela se trouvait un guéridon qui renfermait des mets délicieux d’après l’odeur qui s’en dégageait. Quelque chose de vanillé et ionique. Le bras droit de l'Étincelante tira une chaise et aida Edmia à s’installer avant de prendre place face à elle.
« Je n’ai pas d’autres mots à part « waouh » pour décrire ce que tu as fait, mon amour. Se confia-t-elle en glissant ses doigts contre les pétales de roses.
- Parce que tu es « waouh », et que ton geste aujourd’hui était « waouh ». Sourit Nevra en s’emparant de sa main pour la baiser tendrement. »
Edmia lui adressa un sourire timide en penchant son visage sur le côté.
« J’élaborerai toutes les potions du monde pour te garder à mes côtés, déclara-t-elle d’un ton amoureux.
- C’est donc toi le succube qui obsède mes pensées ? Dit le vampire, d’un petit air amusé. »
La druidesse s’offusqua d’une manière dramatique, portant une main à sa poitrine.
« Comment osez-vous Vampire ? »
Il ricana en embrassant chacun de ses doigts. Edmia lui offrit un sourire complice tout en glissant ses doigts entre les siens à la suite de ses baisers. Ils se contemplèrent, et discutèrent de tout et de rien jusqu’à ce que leurs estomacs trahissent leurs faims. Nevra adressa une dernière caresse sur la main de sa conjointe pour lui servir à manger. Un homard à la sauce vanillée, accompagné d’une petite ratatouille. Il sortit aussi une bouteille de vin blanc, Edmia pouvait y lire sur l’étiquette « Pouilly-Fumé ». Nevra lui sourit.
« Mathieu m’a dit que c’était l’un des meilleurs breuvages de Terre.
- Il a sûrement raison alors, s’amusa-t-elle. »
Et il avait raison, l’alcool se mariait à la perfection avec le goût sucré du homard. Chacun se délectait de ce copieux repas, osant même lécher le plat d’un air satisfait. Le dessert n’était que meilleur, des fraises marinées dans du basilic, agrémentée d’une boule de glace gin fizz et de chantilly. Edmia grogna de plaisir, ce qui fit rire Nevra. Tout était délicieux et savoureux. L’estomac repu et heureux, le couple se laissa aller mutuellement contre le dossier de leur chaise, contemplant les reflets argentés de la lune danser parmi le calme des vagues de la mer.
« Et si on allait goûter l’eau ? Pour digérer. Demanda Nevra en portant son attention sur la jeune femme. »
Elle se mit Ă sourire en hochant positivement la tĂŞte.
« D’accord. Mais il faut que tu m’aides à ôter tous ces bijoux sur mes cuisses. Lui intima-t-elle. »
Il ne se fit pas prier. A genoux à ses pieds, il ôtait les ornements avec douceur, sans oublier quelques baisers, ce qui fit frémir la jeune femme.
« Un mois sans galipette, lui rappela-t-elle dans un murmure. »
Nevra marmonna dans sa barbe avant de se redresser pour lui voler un baiser et lui adresser un sourire qui dévoilait le bout de ses crocs. Le vampire lui prit délicatement la main une fois qu’il eut retiré ses bottes, Edmia tenait les pans de sa robe d’une main. Le couple s’avança vers l’océan qui battait un rythme régulier sur le sable. Leurs pieds plongèrent dans l’eau froide, se laissant fouetter par les quelques vagues. Nevra se mit derrière Edmia, passant ses bras autour de ses épaules pour la câliner. Elle en profita pour prendre appui contre son torse et contempler avec lui, la beauté de la nuit. Lui, déposa son visage près du sien, se blottissant contre elle.
« Je t’aime Edmia. Murmura-t-il à son oreille.
- Et je t’aimerai jusqu’à la fin de nos jours Nevra. Lui répondit-elle sur le même ton. »
Edmia se tourna vers lui avec un tendre sourire sur le visage. Elle enroula ses bras autour de sa taille, levant le visage vers lui. Nevra n’avait pas bougé ses bras et se pencha vers elle pour lui offrir un baiser prometteur et plein d’amour. Il n’y avait qu’elle qui le rendait ainsi.
(Lance) Besoin de toi ❣ - 2/2
Commande pour Caliawëën, suite de Pardonne-moi.
Je soupirai en me laissant tomber sur l'herbe, les biceps en feu. L'épée qui était dans ma main tomba lourdement au sol. Ma nuque était en sueur et je ne rêvais que d'une chose... Prendre une douche. Brûlante. Pour détendre chacun de mes muscles endoloris. Je roulais des épaules dans un faible grognement de douleur. Un ricanement grave se fit entendre à mes côtés. Pourquoi avais-je eu l'idée de rejoindre l'Obsidienne, déjà ?
« Eh bien ? Tu n'as plus de force ? Me demanda Lance qui s'était accroupi à mes côtés. »
Je sentis une pointe de moquerie dans le son de sa voix. Mes yeux dardèrent sur lui un regard assassin ce qui le fit rire de plus belle.
« Pauvre de toi. Tu étais sûrement mieux en Absynthe, non ?
- Ferme-la, bougonnai-je en lui tapant le bras. »
Mon chef leva les yeux au ciel, tapotant le haut de mon crâne par la suite. Il me tendit la main après s'être relevé. Je la pris et le laissai me tirer sur mes deux jambes. Un nouveau soupir m'échappa, j'étais fatiguée.
« Je vais finir par croire que tu es la créatrice du vent. »
Je me fis violence pour ne pas réagir impulsivement à sa taquinerie, serrant mon poing contre ma bouche. L'homme de glace se pencha à mon oreille :
« N'oublie pas que tu me dois entraînement acharné jusqu'à la fin du mois après ton petit coup avec Purral... » me rappela-t-il d'un timbre presque menaçant.
Je déglutis... Certes. Il avait raison. Cet été, j'avais demandé à Lance de jouer l'appât pour que Purral réussisse sa vente de glaces sur la plage auprès de la gent féminine. Pari gagné auprès du félin. Vengeance née près du dragon. Je lui avais promis de devenir plus assidue pour l'aider à s'entraîner. Mais d'un point de vue extérieur, cela semblait être une sorte de séance de torture quotidienne. Je levai les bras en signe de soumission. Le Dragon se radoucit aussitôt, m'offrant un sourire du coin des lèvres. Je me baissais pour ramasser mon épée, relevant ensuite mon visage vers le sien dans une moue attendrissante :
« On a fini ? Je peux aller me prélasser dans un bon bain chaud ?
- J'y suis convié ?
- Non mais tu peux toujours aller te doucher. Ça ne te ferait pas de mal... » suggérai-je.
Mon interlocuteur gronda et j'éclatai de rire en reculant d'un pas, la main enserrée autour du pommeau de mon épée tandis qu'il se rapprochait de moi d'un air terrifiant. J'en riais plus nerveusement en parant une défense. J'aperçus l'ombre d'un sourire amusé sur son visage alors qu'il dégaina son arme pour m'attaquer, sans toutefois chercher à me blesser.
Ce combat dura à peine trois minutes avant que je ne retombe au sol avec les zygomatiques en feu. Cela faisait bien longtemps que je n'avais pas autant ri aux éclats. Du bout de mes doigts, je massais mes joues, prise encore par quelques gloussements. Lance se joint à moi, restant debout à mes côtés, appuyé sur son khépesh. Le silence s'installa, et nous fixions tous les deux l'horizon sans rien ajouter. L'euphorie était toujours présente entre nous. Lance semblait plus détendu qu'à l'accoutumée, et ce... Uniquement en ma présence. Car lorsque Mathieu apparut dans notre champ de vision, mon chef reprit cet air blasé qui lui était devenu coutumier. Je me relevai.
« A force de faire cette tête, tu vas finir par porter ce masque horrible. Ce serait dommage...
- Dommage ? Me questionna-t-il.
- Dommage. Répétai-je en rangeant mon épée dans son fourreau. Mathieu est un chic type immature. Tu es son modèle, ne sois pas si crispé. »
Ma main tapota son épaule avec affection. Même avec sa tête de con constipé, il arrivait à me procurer ses sensations d'antan, quand j'étais avec Valkyon. Non pas que je le comparais à son frère, loin de là l'idée mais... Je n'aurais jamais cru à notre rapprochement si on me l'avait dit sept ans plus tôt. Mon ex-conjoint avait raison, j'étais entre de bonnes mains avec son frère. Et je voyais enfin la figure idéale que Valkyon voyait en lui. A cette pensée, je levai mon regard vers le ciel, lui adressant une tendre pensée. Mon attention se reporta sur les yeux bleus qui me fixaient avec intérêt et questionnement. Je me contentai d'adresser un rictus à mon chef.
« On se voit ce soir ? Me sonda Lance.
- Je te manque déjà ? » Taquinai-je avant de lui adresser un clin d'œil.
Il grommela quelque chose dans sa langue natale et j'eus un petit ricanement. Mathieu s'était approché de nous tout sourire.
« A ce soir. Lançais-je à la volée, d'un signe de la main, m'éloignant des hommes.
- Tu nous quitte déjà ? Dit Mathieu.
- J'ai un bon bain chaud qui m'attend. Et toi... Un dragon Ă dompter !
- Mais... Ce n'est pas à toi de dompter le dragon main- AÏE. »
Le brun s'était pris un coup derrière la tête par le capitaine de l'Obsidienne. Mathieu se frottait bêtement l'arrière du crâne tandis que Lance le foudroyait du regard. Je fuyais en direction du Q.G avec un rictus gai au coin des lèvres. Ces deux-là étaient de pair.
‹※›‹※›
Je me regardai une dernière fois dans la glace. Je me trouvai plaisante et jolie sans être trop provocatrice dans les vêtements que j'avais choisis. Une robe en soie d'araignée blanche qui arborait un décolleté en cœur, de la dentelle sur mes bras. J'avais cintré ma taille avec un bustier marron et avais opté pour une paire de bottes de la même couleur. Mes cheveux étaient tirés en une queue-de-cheval, quelques mèches rebelles retombant sur mon visage que j'avais légèrement maquillé. Un sourire étira mes lèvres. Au fond, j'espérais que cela plairait à Lance. J'inspirais longuement puis expirais lentement pour calmer les battements de mon cœur. Mes yeux se levèrent au ciel, je devenais vraiment naïve. Un dernier regard sur mon reflet et je parfumai mon corps d'une brume florale avant de quitter ma chambre pour gagner la taverne. Sur le chemin, je fus rejointe par Lance qui était sorti de je-ne-sais-quel-endroit. Je cillai avant de faire la moue.
« Tu te la joues encore super vilain masqué ? Lui demandais-je dans un petit sourire.
- Si je n'avais pas été dans la garde de l'Obsidienne, on m'aurait sûrement salué pour ma discrétion. Me confia-t-il.
- J'ai du mal à t'imaginer avec des dents pointues et des habits de vampire... »
Lance me jeta un regard amusé en m'ouvrant la porte de la taverne.
« J'ai tout autant de doigté que notre cher Nevra. M'informa mon chef.
- Je ne peux pas confirmer la chose, ni vous comparer. Mais... C'est bien d'avoir confiance en soi. »
Un gloussement m'échappa alors que je pénétrai dans le lieu chaleureux. Lance appuya sa main au creux de mes reins, se penchant à mon oreille pour murmurer :
« Tu n'auras pas besoin de nous comparer puisque tu ne pourras te passer de moi. »
Je déglutis discrètement. Était-ce là une invitation ? J'arquai un sourcil avant de les froncer, suspicieuse. Mes yeux verts croisèrent ses iris bleus. Ils pétillaient de malice avec une pointe de lubricité. Mon corps réagit aussitôt, m'enveloppant d'une chaleur réconfortante et aphrodisiaque. Je détournai le regard en me raclant la gorge.
« La seule chose dont je ne peux pas me passer est l'hydromel dans le fond d'une bonne pinte bien fraîche. » Lui dis-je.
Il ricana en se redressant, me guidant jusqu'au comptoir sans ôter sa main du creux de mes reins. Un instant, je me surpris à me demander si sa main pouvait englober la totalité de ma fesse mais me ressaisit aussitôt. Sa proximité était très appréciée, mais je ne devais pas me laisser aller à mes fantasmes. Un bref soupir m'échappa, Lance me jeta un coup d'œil et je me contentai de le rassurer avec un sourire. Je me penchai sur le comptoir pour passer commande au tavernier. Un bon homme chaleureux à la moustache et au rire gras. Sa bedaine avait l'expérience des meilleures bières d'Eldarya. Le dragon de glace en fit de même, posant sa large paume sur mon épaule lorsqu'il paya pour nous deux. Je ne cherchai pas à rechigner et me réduisis à le laisser faire. Nos boissons en mains, nous sommes restés accoudés au bois du comptoir pour discuter.
L'alcool fit rapidement son effet sur moi. Je n'étais pas une grande buveuse, et pouvais devenir éméchée à la première gorgée d'une bière blonde. Je sentis mes joues se réchauffer et avoir ce petit air hébété, gai se dessiner sur mon visage. Mon regard se baladait sur la pièce. Les rires gras, l'euphorie des gardes, les roucoulements des femmes... Je me laissais happer par ses vagues entraînantes en reposant mon regard sur l'homme qui me scrutait. Lance humecta ses lèvres, et par mimétisme, je fis la même chose. Mon regard resta fixé sur sa bouche charnue qui se courbait avec malice. Je remontai le regard sur son nez retroussé pour plonger dans le bleu de ses yeux. Il ricana. Son rire avait quelque chose de chaud, ce qui me provoqua des sensations agréables au creux de mon bas-ventre. Le dragon s'approcha un peu plus de moi, me permettant de glisser mes doigts sur son avant-bras.
« À quoi penses-tu ? » me demanda mon homologue.
Je me contentai de sourire en passant mon ongle le long d'une de ses veines apparentes.
« Et toi ? » rétorquai-je.
L'homme porta son verre à ses lèvres, se délectant de sa boisson avant de répondre :
« Au fait que tu es resplendissante. Et que le peu d'alcool que tu as bu me donne envie de t'embrasser fiévreusement dans un coin reculé et de t'entraîner ailleurs avec moi pour ne pas partager ce joli minois gai. »
Je manquai de m'étouffer en buvant une nouvelle gorgée de mon breuvage. Mon visage se teignit de rouge. A la fois intimidée et prise au dépourvue, j'entrouvris mes lèvres pour répondre, mais les mots ne sortirent pas... L'air hébété, je cillai plusieurs fois avant de reprendre mes esprits. Il ne ferait rien en public, ni contre mon gré. Cependant, je sentais son regard me dévorer et ne pus empêcher le mien de lui répondre avec concupiscence. Ce n'était pas la première fois que cela nous arrivait. La première fois, nous nous étions rapprochés lors d'une chasse au trésor à Mémoria. Nous avions fini dans les eaux troubles d'un bain de minuit, ressentant cette attirance mutuelle. Plus le temps avait passé, et plus nous avions continué à nourrir cette attraction. Jamais nous n'étions allés plus loin, mais ce soir...
« Tu veux qu'on aille prendre l'air ? » me coupa Lance.
Je hochai la tête en finissant mon verre d'une traite. L'alcool avait tendance à délier les langues et les pensées, me permettant de devenir le réel moi, sans contrôle. Et je me rendis compte que plus je repoussais l'éventualité d'aller plus loin avec Lance, plus je voulais enfreindre la limite. Ma main dégagea ma chevelure de mon épaule d'un geste souple. Mon chef m'offrit sa main pour m'aider à descendre du haut tabouret. J'étais consciente et consentante pour la suite des choses. Je n'étais pas ivre. Tout autant que Lance qui me tirait lentement hors de l'air étouffant de la taverne pour rejoindre les ruelles. Ma main avait enserré son bras, et j'avançai près de lui en silence, le regard baissé sur nos pas qui foulaient les pavés pour prendre la direction des jardins de la musique. Il y avait quelque chose de rassurant dans cet endroit, et être avec lui renforçait cette idée. Nous avancions dans l'herbe fraîche du soir pour y prendre place en son centre.
L'instant d'après, nous étions allongés côte à côte. Nos bras se frôlaient et nos doigts cherchaient la compagnie de leurs homologues. Nous fixions le ciel, le silence nocturne brisé par la chute d'eau dans la fontaine, les quelques hululements des Seryphons et nos respirations. Mes yeux parcoururent les constellations, tentant de me les remémorer.
« Tu te rappelles de notre altercation sur Memoria ? » Demanda Lance d'une voix calme.
Je tournai le visage vers lui, le regard interrogateur. Il me jeta un bref regard avant de reprendre sa contemplation des étoiles, un fin sourire sur son visage.
« Tu m'avais dit que les gens ne pensaient pas à écouter et suivre les étoiles.
- Oui... dis-je en l'invitant à continuer dans son cheminement de pensée.
- On cherchait un trésor. Et tu avais élucidé un mystère en les écoutant. Un mot me revient souvent en tête quand je te regarde, aujourd'hui.
- Lequel ?
- Pandore. »
Je sentis mon cœur s'emballer dans ma poitrine, pinçant mes lèvres pour ne pas l'interrompre.
« C'est comme si toute notre histoire était écrite dans le ciel. Tout ce que nous avons vécu et traversé. Pandore se trouve au bout de la constellation du dragon. Et tu es là , à mes côtés. Ce qui nous relie, c'est Orion. » continua-t-il en suivant les constellations des yeux.
J'en fis de même avant de répondre faiblement :
« Tu compares ton frère au dieu grec ?
- Il était bon chasseur. Beau et violent, malgré son apparence calme. Et je suis heureux aujourd'hui de voir qu'il nous a réunis... »
Bien que Lance fût l'auteur de sa mort, je me contentai de serrer ses doigts contre ma paume. Nous ne pouvions pas échapper à une prophétie. Le dragon de glace se tut et tandis qu'il avait le regard fixé au ciel, je le contemplais à mon tour. Il avait été le meurtrier de mon ex-fiancé, je lui avais pardonné, il avait prouvé sa valeur à mes yeux et à celle de la garde. Les gens me prendraient pour une folle à tomber dans les bras de l'ancien assassin. Mais comment leur expliquer que toutes les âmes sœurs étaient faites pour se retrouver, qu'importe les situations et les crimes. Même moi je ne comprenais pas. Mais je savais ce que je voulais : rester auprès de Lance.
Je me redressai doucement, obligeant l'Obsidien à tourner le visage vers moi. Je lui adressai un sourire tendre. J'avais inexorablement besoin de lui et de tout ce qu'il avait à m'apporter sur le plan personnel, physique, charnel et psychique. Je ne réfléchis plus, et me penchai sur lui, une main sur la joue. Le visage tourné vers le mien, je déposai mes lèvres contre les siennes. J'y scellai un baiser alangui et prometteur auquel il répondit langoureusement, sa main blottie à l'arrière de mon crâne. Nous nous embrassions sous les étoiles, enivrés d'une passion nouvelle.
Nous avions besoin l'un de l'autre.
Nos pas nous amenèrent vers le quartier général, pas un Molecat à l'horizon. Lance avait enserré mes hanches tout le long du trajet. Notre baiser avait réveillé des instincts primitifs et désireux d'y répondre. Or... Nous n'y avions pas répondu, coupés dans notre élan par un Dafala Nocturne qui pourchassait un Chestok. Pourtant ce n'était pas l'envie qui nous manquait. Mon corps avait pris en chaleur et était devenu plus sensible, le moindre frottement du tissu de ma robe sur ma chair me donnait envie de gémir au supplice. Ma poitrine était compressée dans le bustier et la main de Lance sur mes hanches me donnaient envie de l'inviter à descendre. Un soupir lascif discret quitta ma bouche lorsque je repensais à la faible bosse apparente dans le pantalon de mon chef. Mon chef... Voir mon nouveau partenaire de vie. Nous n'avions pas mis de mots sur cette nouvelle relation. Nous voulions la découvrir au jour le jour. Lance me raccompagna jusqu'à ma chambre. Je regardais bêtement le bois de ma porte. De quoi avais-je envie ?
DE LUI.
L'homme n'avait pas lâché ma croupe, et je sentis son regard ardent descendre le long de mon dos. Ma langue humidifia mes lèvres et je me tournai vers lui. Mon regard fiévreux n'avait pas quitté le sien, son corps appelait le mien. Nous ne voulions clairement pas nous quitter et encore moins lorsque Lance me plaqua contre le bois de la porte pour m'embrasser avec fougue. Sa langue dansait avec la mienne, ses mains pressaient la chair de mes hanches avec envie, m'arrachant un faible gémissement. Mes mains s'étaient nouées derrière sa nuque où je tirai doucement ses cheveux. Je m'enivrais déjà et j'en voulais plus. Beaucoup plus que de simples baisers volés et prometteurs.
Je le voulais en entier, pour la nuit et pour toutes les autres. Son corps se pressa contre le mien et je m'embrasai, cherchant à tâtons ma clé pour déverrouiller la porte. Le clic se fit entendre, et un soupir lascif quitta ma bouche pour s'écraser contre la sienne. Nous pénétrâmes dans ma chambre et Lance claqua la porte d'un coup de pied. Il avait pris mon visage entre ses mains. Nous nous regardions haletants et ébranlés par notre désir. C'est lui qui revint à la charge contre mes lèvres, me guidant alors que je marchais à reculons. Mes jambes heurtèrent le bas de mon lit et je me laissai tomber dans les draps, accueillant Lance entre mes cuisses. Il s'y moulait très bien. Je pliai les genoux, l'emprisonnant avec possessivité tandis que ses lèvres déviaient contre ma mâchoire. Je gémis. Mes doigts s'étaient à nouveau perdus dans la blancheur de ses cheveux, le faisant chuter dans le creux de mon cou. Ses lèvres frôlaient ma peau chaude. Il s'amusait à redessiner la forme de ma poitrine compressée dans le bustier. Je le suppliais de continuer en tirant sur ses mèches prises entre mes doigts.
Instinctivement, mon corps se cambra quand Lance fit remonter ses larges paumes autour de ma taille. Mes jupons avaient dévoilé mes cuisses mais je fus tirée hors de ma pudeur quand il écrasa sa bouche sur l'un de mes seins. L'Obsidien avait su défaire mon bustier sans que je ne m'en rende compte. Mes joues me brûlaient, mon corps me donnaient l'impression d'être ardente. Mes yeux se baissèrent vers lui, le visage blottie entre mes seins, léchant du bout de sa langue la peau fine entre mes globes. Un soupir fiévreux m'échappa et il m'adressa un sourire en coin, rempli de lubricité.
Lance continua sa chute, tirant avec lui les malheureux tissus qui cachaient mon corps. Il se stoppa à hauteur de mon ventre, prenant le temps de déguster la moindre parcelle de peau. Mes mains sur ses épaules le poussaient avec envie et impatience. Je réagissais spasmodiquement à ses baisers sur ma chair sensible, déversant au creux de bas-ventre cette envolée de papillons, suintante d'envie. Mes jambes étreignaient les côtés de mon amant, glapissante quand il continua son chemin. Le dragon dégagea ma robe et la lança au travers de la pièce. Me surplombant, je sentais son regard de glace détailler chaque partie de mon anatomie. Automatiquement, je serrai mes cuisses et cachai mes seins de mes avant-bras, triturant ma bouche de mes doigts. Ses yeux se posèrent sur la cicatrice de mon bas ventre. Je le sondais, la respiration lourde. Je cherchais son contact visuel lorsqu'il effleura cette marque.
Cette marque qu'il m'avait fait sept ans auparavant lorsque je cherchais à protéger Valkyon.
Lance gronda et j'apposai doucement une main contre sa joue. Il me fixa d'un air à la fois indéchiffrable et désolé. Mon pouce caressa sa bouche. Je lui offris un faible sourire réconfortant, il n'était plus cet être imbuvable.
« C'est du passé..., murmurai-je.
- Je te demande pardon. »
Aussitôt, mon partenaire s'était penché sur mon bas ventre pour embrasser la cicatrice. Je fermai les yeux, le ventre contracté par l'euphorie. Ses mains passèrent sur mes cuisses lorsque je le sentis embrasser ma petite culotte humide, sa bouche embrassa mon intimité à travers le tissu et je me cambrai dans un râle lascif. À nouveau, je portai mon attention sur l'homme entre mes cuisses qui semblait m'interroger du regard.
Je n'avais pas envie de sexe oral. Je voulais du physique. Du tangible. J'avais besoin de le sentir en moi, au plus vite.
Je déglutis en me redressant sur les coudes puis m'asseyant avant d'attraper le visage de Lance pour l'embrasser à nouveau. Je l'obligeais à s'allonger afin de pouvoir passer à califourchon sur lui, ma féminité posée sur son ventre. Son baiser fougueux répondait à mon baiser langoureux, ses mains avaient pris possession de mes fesses. Mes doigts quant à eux tirèrent sur son haut. Bénis soit-il d'avoir troqué son armure stupide pour une tenue plus décontractée. Les pans entre les phalanges, je passais son vêtement par-dessus sa tête et le balançai je-ne-sais-où. Ma poitrine s'écrasa contre son torse, sa chaleur me fit décoller à nouveau. Plus que je ne l'avais souhaité.
Mes mains passèrent sur ses larges épaules pour venir effleurer ses flancs. Mes doigts retracèrent la forme de sa musculature, rejoignant lentement le haut de son pantalon. Avec habileté je défis la boucle de la ceinture, m'empressant pour défaire le bouton. Lance était déformé à l'intérieur de son vêtement, à l'étroit. Il grogna faiblement lorsque je réussis à faire baisser la pression. Je détachai ma bouche de la sienne. Nos souffles chauds s'entremêlaient, impatients, fébriles. J'humectai mes lèvres avant de descendre sur les cuisses de mon amant. J'épousai, l'espace d'un instant, sa proéminence, mordant ma lèvre avec une certaine envie.
Il allait me combler, et me remplir. Je frémis à nouveau, sentant mon bas-ventre se contracter d'excitation, lubrifiant mon intimité. J'avais hâte de ce moment. Les paumes de Lance me sortirent de ma rêverie. Mon chef pétrissait fermement ma poitrine, et je balançais mon visage en arrière, prise d'une nouvelle vague d'excitation. Il profita de cette action pour embrasser mon cou, déviant sur mes clavicules pour finir par entourer l'un de mes seins de sa bouche. Il m'attaquait délicieusement, et je gémis. Je fis glisser mes mains à l'arrière de son crâne. J'en voulais plus. Mes hanches ondulèrent timidement contre lui, et je sentis ses paumes prendre possession de mes fesses. Lance tirait sur la fine dentelle de ma culotte, attaquant mon autre sein.
« L-Lance... » balbutiai-je, brûlante de désir.
Le dragon gronda contre mes seins, levant ses yeux de glace vers moi. Je pouvais sentir le rouge me monter aux joues. Ma langue passa sur mes lèvres et je me râclai la gorge, prise au dépourvu. Ma voix se fit plus faible :
« J'ai envie de toi. »
Ce n'était qu'un murmure. Un murmure assez puissant pour sentir ses doigts se resserrer autour de ma chair et faire grimper notre excitation. J'inspirai lentement, et pris la tête de mon initiative en glissant ma main contre lui, attrapant les pans de son sous-vêtement pour le faire glisser. Soudainement Lance arracha à son tour mon dernier vêtement, me faisant glapir de surprise. Il eut un ricanement en se relevant, m'emportant avec lui dans son sillage. Mon cœur tambourina jusqu'à mes tempes. J'étais désemparée et avide de la suite des événements. Je crevais d'envie de le sentir en moi.
Lance se débarrassa de ses vêtements à l'aide de ses pieds et me reposa au sol, me tournant dos à lui. Il dégagea mes cheveux pour embrasser fiévreusement ma nuque et instinctivement, je creusai le creux de mes reins dans un gémissement fébrile. L'Obsidien se colla à mon corps. Nous étions au milieu de ma chambre, debout, haletants. Je passai mon bras à l'arrière de la nuque de mon amant, l'invitant à me posséder. Je le sentis contre moi, puis lentement en moi. Le temps sembla se suspendre. La bouche ouverte, muette, je le laissai me posséder. J'en eus le souffle coupé. Mes doigts se resserrèrent autour de ses cheveux, mes jambes se mirent à trembler d'euphorie. Un râle m'échappa alors que je balançais à nouveau mon visage en arrière.
C'était déjà bon alors que cela venait à peine de commencer.
Lance ne bougeait pas. Nous savourions cette sensation de proximité entre nos deux corps, le mariage parfait de nos intimités. Une sensation grisante qui me fit fermer les yeux. Mon amant commença alors à se mouvoir, prise au piège entre ses bras puissants, je déposai mon crâne contre son épaule, le laissant embrasser ma jugulaire tout en accélérant ses mouvements en moi. Je défaillais. Mes gémissements devenaient de plus en plus aigus, entrecoupés. Mes doigts tirèrent les cheveux de Lance qui me possédait passionnellement. Il gronda et cela m'excitait davantage. Mon corps s'arcbouta contre le sien. Mes chairs fourmillaient de plaisir, et je n'avais pu empêcher quelques cris de s'échapper, invitant Lance à être plus sauvage, moins refoulé dans ses ardeurs.
Son bassin claquait contre moi et je me délectais. Lance descendit sa main entre mes jambes, m'électrifiant de plaisir. Sa bouche s'étira en un sourire lubrique contre ma chair alors que mes jambes tremblaient de plaisir. Je gémis, me cramponnant à sa nuque. Sentir ses mains sur chacune de mes courbes, ses doigts sur mes parties les plus intimes, ses lèvres chaudes qui dévoraient ma peau de baisers humides me faisaient défaillir un peu plus dans le cercle vicieux du plaisir. Mon bas-ventre se contractait de plus en plus, et ma respiration se fit plus lourde, plus haletante. Les râles de mon amant étaient saccadés. Il lui arrivait d'accélérer la cadence puis de se stopper net en moi. Je le sentais vibrer. Mon corps se cambra, mes jambes avaient de plus en plus de mal à supporter mon poids, les doigts de Lance entre mes cuisses m'arrachaient un nouveau cri. J'étais si proche...
Et mon chef le sentit. Son bras serra davantage ma taille. Ses coups de reins se firent plus sauvages, plus affamés...
« Calia... » soupira-t-il à mon oreille.
Sa voix était rauque, pleine de lubricité. Je roulai des yeux avec plaisir, les doigts crispés autour de sa nuque. Je lui étais offerte, gémissante, jouissante. J'étais si proche...
« Continue. » suppliai-je.
Et Lance redoubla d'effort, claquant son bassin au mien dans des râles plus sauvages. Il me fit sombrer dans cet abysse qu'est l'orgasme. Tout mon corps se crispa, mon cri se bloqua dans ma gorge et je me cramponnai à mon amant, le visage en arrière, la bouche ouverte et le corps recouvert d'une fine pellicule de sueur. Des millions de feux d'artifice explosèrent dans le creux de mon ventre. Mon corps se secoua de soubresauts, manquant de me faire tomber au sol. Lance resta contre moi, ses lèvres plaquées à mon oreille. Il jouit à son tour, discrètement, bien qu'un râle résonnait à mon oreille. Je fermai les yeux, un gémissement fébrile s'échappant de ma gorge, suivi d'un juron. Le plaisir était si grand, si déstabilisant que j'eus l'impression de défaillir. Mes jambes n'étaient plus que du coton, et j'avais la vague impression d'être sur un nuage dans lequel je rêvais de me laisser tomber sans jamais revenir...
J'avais perdu la notion de la réalité. La seule chose que je savais c'est que j'étais conquise et comblée de plaisir. Quand j'ouvris à nouveau les yeux, nous étions allongés l'un en face de l'autre, mes jambes autour de son bassin. Ses doigts caressaient avec douceur ma peau moite, mon souffle avait repris un rythme normal. Je ne me souvenais pas de comment nous en étions arrivés à cette position et lorsque je levai le regard vers mon amant, il avait ce sourire moqueur au coin des lèvres. Je me sentis rougir. Que s'était-il passé ? M'étais-je réellement évanouie?
« Oui. » dit Lance, comme s'il avait entendu ma pensée.
Je toussai sous l'étranglement provoqué par ma salive. J'avais envie de m'enfuir et de me cacher comme une musarose. L'Obsidien caressait tendrement ma joue avant de glisser ses doigts dans ma chevelure. Il trouvait un certain divertissement à cacher l'un de mes seins avec mes cheveux. Et je ne quittait pas des yeux ses gestes.
Nous restâmes ainsi pendant un long moment, sans rien dire. Sans aucun regard. J'avais osé promener mes doigts sur son bras, dessinant quelques arabesques sur son épaule. J'étais bien. Heureuse. Tout devenait si... Normal ? Évident ? Je sentis mon bas-ventre se contracter à nouveau, un soupir m'échappa. J'étais irrémédiablement attirée par Lance et je ne pouvais plus le nier. Qu'en penseraient les autres ? Mon cœur s'emballa et le dragon tenta de capter mon regard. Je pinçai les lèvres en essayant de le soutenir, tiraillée entre l'envie de m'enfuir et de rester avec lui au creux de ses bras. Mon amant se pencha vers moi et déposa un baiser sur mes lèvres, caressant la forme de mes hanches. Sans réfléchir, j'appuyai un peu plus mon baiser contre sa bouche, épousant son corps du mien, dans un sentiment d'urgence.
« J'ai besoin de toi... » murmurai-je contre sa bouche.
L'homme m'enserra contre lui et je blottis mon visage dans le creux de son cou. Lui aussi semblait dans ce besoin, et le confirma avec ces mots:
« Je resterai près de toi. »
Cela sonnait comme une promesse éternelle. Une ouverture à cette nouvelle relation entre nous. D'ennemis à amants. J'avais retrouvé l'équilibre.
(Lance) Stand de glace
Cadeau pour Caliawëën lors de l'évent d'été du FC Lance 2021
Qui a dit qu'il fallait aller loin pour trouver un endroit paradisiaque ? Lance avait tout mis en œuvre pour que chacun se délecte d'un moment de tranquillité au bord de la plage. Ce n'était pas ce qu'il aimait le plus, mais il savait faire plaisir à l'opinion universelle. Le dragon de glace n'était pas très fan de ces jours estivaux, la chaleur le rendait plutôt... Grognon. Mais il n'en fit rien savoir. L'Obsidien s'était isolé sur un coin de la plage, les yeux rivés sur les familiers qui barbotaient dans l'eau. Dans son champ de vision, il apercevait, de temps à autres, ses Lancelottes et Lancelots favoris partager un agréable moment.
Un bref soupir s'extirpa de ses lèvres. Vivement l'hiver, pensa-t-il. Non, il n'était vraiment pas fan des étés chauds. Même les jolis maillots de bain et les corps dénudés de ses favoris ne l'intéressaient pas. Lance prit place sur le rocher isolé et opta pour une méditation, il était là pour faire plaisir, pas pour ruiner l'ambiance avec son caractère de Blackdog. Les mains sur ses cuisses musclées, le dragon de glace ferma les yeux, se concentrant sur le bruit des vagues qui s'échouaient sur le sable. Il ne faisait plus attention à la liesse lointaine de ses fans.
Caliawëën, installée à son opposé, regardait les autres s'amuser sans vraiment en prendre part. Un sourire ravi s'était peint sur ses lèvres roses. Bien que la fête semblait distrayante, la jeune elfe n'était pas d'humeur à se mêler aux foules. Sa main passa délicatement dans sa chevelure éclatante pour la repousser de son visage. Sa mèche y était assez rebelle, mais qu'importe, cela lui donnait un petit air enjôleur. Ses émeraudes cherchèrent Lance, elle voulait simplement garder un œil sur lui. Il ne lui arriverait sûrement rien, et surtout pas pendant cette accalmie. Mais depuis qu'ils s'étaient rapprochés, et n'ayant jamais osé franchir le pas, Caliawëën avait ce besoin de se trouver près de lui, ou de l'avoir dans son champ de vision, qu'importe la situation. Son regard balayait la plage pour repérer cette grosse armure bleue posée sur un rocher. L'elfe leva les yeux au ciel, il devait sûrement mourir de chaud.
Elle se releva avec souplesse de sa serviette de plage. D'un geste naturel, elle replaça sa brassière bleue sur sa poitrine afin d'éviter une quelconque situation compromettante. Autour de ses hanches, elle plaça un paréo de la même couleur. Caliawëën eut un petit rire silencieux. Je crois qu'il déteint trop sur moi. Et ce n'était que la vérité, elle qui préférait davantage se vêtir de couleurs plus ternes, voilà qu'elle optait pour du bleu pour s'accorder avec son coup de cœur. Ou au moins, pour tenter de capter son attention ou de se voir offrir un compliment de sa part. La jeune femme se perdit un instant dans ses pensées. Lance lui faisait tourner la tête, et elle ne l'avait même pas vu venir. Un frêle soupir s'échappa de ses lèvres, c'était foutu, elle savait très bien où ça la mènerait et ne semblait pas s'en plaindre.
Elle reporta son attention sur Lance. A vue d'œil, le dragon ne bougerait pas de sa place. Caliawëën se décida alors de faire un léger détour par le stand de glace des Purrekos. Avec cette armure sur le dos, le dragon ne pourrait pas refuser un rafraîchissement sucré. La jolie elfe s'avança vers le stand, un sourire poli sur son visage. C'est Purral qui tenait ce dernier, le sourire carnassier et vorace, il fixait la demoiselle qui s'avançait vers lui.
« Voilà la plus belle, s'exclama le félin. »
L'elfe aux cheveux blancs ricana.
« Mais bien sûr... J'imagine que toutes les accroches sont bonnes à prendre pour faire du bénéfice. » lui fit-elle remarquer.
Purral feula légèrement, le poil hérissé.
« Comment oses-... Pour ma première cliente, c'est une glace achetée, une glace offerte, railla le roux en montrant de sa patte ses assortiments de parfums frais.
- J'ai donc gagné une réduction ? Purral, tu es le meilleur..., minauda-t-elle avec un sourire narquois.
- Profite. La durée de cette offre n'est que de deux minutes.
- Tu es vraiment dur en affaires... » ricana-t-elle.
Ses émeraudes balayèrent les glaces une par une. Quelle glace pourrait convenir à Lance ? Elle ne voulait plus rentrer dans ce cliché des couleurs froides et opta donc pour deux glaces au melon épicé, kiwi sucré et pastèque acide.
« Les affaires sont vraiment dures... Personne ne veut acheter mes glaces, se plaignit le chat en encaissant la demoiselle. Mais peut-être pourrais-tu m'aider à sauver mon marché ? »
Purral fit ses grands yeux doux en regardant la belle elfe. Calia soupira faiblement, elle n'arrivait pas à lui résister quand il faisait cela.
« Je t'écoute.
- Demande à Lance de se mettre torse nu et de faire la criée. » ronronna le vendeur poilu.
La jeune Lancelotte se tapa le front du plat de sa main, excédée. Du fan service, vraiment ? Quelle drôle de technique marketing qui, oui, fonctionnait toujours. L'elfe secoua le visage en grimaçant.
« Il y a deux options. Soit, tu finis en chat glacé soit, je finis en elfe glacée, et tu mets à l'eau tous mes plans, railla la jeune femme en prenant les glaces en main. Je vais voir ce que je peux faire. Mais je ne te promets rien.
- Tu es vraiment la plus jolie des elfes. »
La jeune femme se contenta de lui tirer la langue d'un air candide avant de filer vers le rocher isolé. Dans quelle histoire s'était-elle encore mise ?
Un bruit de bracelet de jambe tira doucement Lance de sa méditation. Il grommela quelque chose en ouvrant un seul œil pour observer la créature qui venait à lui. Qui osait le perturber pendant son moment de détente ?
Un faible sourire étira sa bouche lorsqu'il reconnut ce faciès agréable: Caliawëën. Qui n'était pas venu les mains vides. L'elfe à la démarche gracieuse s'approcha de lui, lui tendant ce qui semblait être une glace aux fruits. Ses yeux bleus lorgnèrent rapidement sur les formes de son homologue avant de la remercier d'un signe de tête.
« Merci. Je meurs de chaud, dit-il de sa voix caverneuse.
- Normal. Tu es en plein soleil, et toujours vêtu de ton armure. Ce n'est pas très... »
Lance la fusilla du regard, elle haussa les épaules en ricanant.
« Quoi... Je constate et trouve la solution à ton problème, ironisa-t-elle en déballant sa glace.
- C'est sûr que toi tu aurais du mal à me donner chaud, rétorqua le dragon d'un air malicieux. »
Caliawëën se mit à rougir jusqu'à ses oreilles pointues. Lance se contenta de lui adresser un clin d'œil. Non, ils n'avaient jamais franchi ce pas... Mais l'idée ne semblait pas leur déplaire. Ces deux adultes à l'âme adolescente ne cessaient de se taquiner ou se chercher à longueur de journée. L'elfe détourna son attention sur le rocher en portant l'aliment frais à sa bouche pour y passer un léger coup de langue.
« Enlève ton armure, tu auras déjà moins chaud, conclut la jeune femme en passant un bras autour de sa propre taille.
- Tu n'as qu'à me l'enlever, tenta Lance en portant la glace à ses lèvres. »
Il se délectait de la voir autant gênée et furieuse à la fois. Le dragon de glace ne se l'avouait pas, mais il aimait beaucoup sa pudeur et sa candeur. Il avait envie d'en découvrir plus. Son visage se pencha sur le côté, humectant ses lèvres baignées par la glace. Caliawëën reprit :
« Si je devais t'enlever quelque chose, ce serait en privé et sûrement pas sur cette plage avec tes fans aux alentours. Je tiens un minimum à ma vie... »
Elle avait marmonné ses propos, déclenchant chez lui un rire franc. Lance passa une main dans sa chevelure blanche pour coincer quelques mèches derrière son oreille pointue. Le dragon approcha son visage du sien.
« Alors comme ça tu prends les devants... » susurra-t-il.
L'elfe le fusilla du regard. Lance rit de plus belle en levant ses mains en l'air pour signifier son intention de ne pas attaquer davantage. Le couple se toisa de temps à autre, léchant leur glace en silence. Il fallait se l'avouer, ce moment, bien que silencieux, leur convenait à tous les deux et semblait les détendre.
« Très joli maillot, dit Lance pour briser le silence.
- Très jolie armure, taquina Caliawëën avec un sourire espiègle. D'ailleurs... J'aurais un petit service à te demander. »
Le dragon arqua un sourcil, quel était le rapport avec son armure ? Caliawëën se pinça les lèvres. Elle semblait gênée. Un faible rire s'échappa de sa gorge, passant une main dans sa longue chevelure pour la tirer en arrière.
« Comment dire... Commença-t-elle en posant ses émeraudes dans les saphirs de son homologue. C'est un peu délicat à demander...
- Dépêche-toi. » ordonna d'une voix un peu trop douce Lance.
La jeune femme déglutit.
« Eh bien... Purral a besoin de notre... Ton aide pour ses ventes de glaces.
- Mais encore ? »
Caliawëën s'agaça devant lui, tapant du pied dans le sable. Son corps se secoua comme une enfant contrariée avant d'inspirer vivement pour se donner du courage.
« Il voudrait que tu fasses la criée, en étant torse nu, pour qu'il puisse vendre ses délicieuses glaces. Comme celle que tu es en train de déguster maintenant. »
Il y eut un blanc. Un très long blanc. Lance la toisait d'un regard froid. Caliawëën serra ses lèvres entre elles avant de détourner son regard en mordillant dans son bâtonnet. Chat glacé ou elfe glacée ? Les deux peut-être.
« Non. » claqua le dragon de glace.
C'était sûr, pensa-t-elle en grimaçant. On pouvait voir les rouages de ses pensées s'activer sous son crâne, cherchant à contre-attaquer sa réticence. Lance ne la quittait du regard, grognant faiblement.
« N'y pense même pas. » menaça-t-il.
La demoiselle en maillot de bain fronça les sourcils avant de répliquer :
« Un chef de garde ne doit-il pas rendre service aux Purrekos pour entretenir de bonnes relations avec eux ? Après tout, nous ne sommes rien sans l'aide de ces chats. » argumenta-t-elle en entortillant une mèche de ses cheveux.
Elle marquait un point. Et le dragon le savait. Il grogna à nouveau. Un grognement plus sourd, plus bestial. Caliawëën ne baissa pas le regard pour autant, arquant un sourcil d'un air de défi.
« Oui. » se contenta de répondre l'homme au pied du mur.
Un sourire mutin étira les lèvres de l'elfe, un petit air fier se dessinant sur ses traits parfaits. Lance se redressa de son rocher, se relevant de toute sa hauteur pour surplomber la demoiselle. D'une main, il attrapa sa mâchoire pour lever son visage vers lui.
« Tu me le paieras, dit-il de sa voix grave.
- Cinq milles maanas, ça te convient ? » ricana-t-elle en plantant son regard dans le sien.
Lance fronça les sourcils et n'ajouta rien de plus. Il se recula d'un pas et entreprit de défaire le métal présent sur son torse. La tâche fut rapide, mais intéressante à fixer pour la jolie Caliawëën qui ne manqua aucune miette de ce spectacle. Son coup de cœur avait un corps à se damner, une peau halée, dessinée durement par l'activité physique, un « v » qui laissait libre cours aux pensées plus... Charnelles. Elle déglutit, secouant son visage pour stopper ce fantasme.
« La vue te plaît ? » plaisanta Lance en déposant son plastron contre la roche.
Il ne lui restait plus que l'armure de ses jambes et ses épaulières. Son torse d'Apollon était luisant de transpiration, et cela ne retira rien au charme de la scène qui se déroulait sous les émeraudes de l'elfe écarlate. Caliawëën se racla la gorge en fixant un point invisible derrière l'Obsidien.
« Oh. Euh. Je suis sûre que ça va ramener pleins de maanas à Purral, il va en être ravi, balbutia-t-elle avant de faire volte-face.
- C'est cela, évite la question, railla le dragon de glace dans son dos. Maintenant, allons à ce foutu stand, je n'y resterai que quinze minutes. J'ai d'autres choses à faire.
- Comme râler après la chaleur ? proposa la jeune femme d'un ton moqueur.
- Principalement. »
L'obsidienne eut un petit rire en s'avançant sur le sable, vers le stand du chat roux.
« N'est-ce quand même pas mieux d'être sans tout cet attirail ? demanda-t-elle par-dessus son épaule.
- Non.
- Tu mens très mal. »
Un nouveau sourire béat prit place sur ses lèvres roses alors qu'ils arrivaient à hauteur du stand de glace. Purral ronronna à la vue de ce géant de glace torse nu.
« Eh bien, eh bien... Je vois que tu es douée en négociation ma jolie, minauda Purral.
- C'est sûr que ce n'est pas toi qui serais allé te frotter au dragon. » marmonna Caliawëën pour toute réponse.
Lance grogna dans son dos, elle rentra la tête dans ses épaules. Purral miaula avant de reprendre en caressant ses vibrisses.
« Retire donc ces horribles épaulières, Lance. » dit-il.
- Non. C'est ça, ou rien. » Gronda l'intéressé en se penchant vers le chat.
Purral eut un mouvement de recul, plaquant ses oreilles en arrière. Calia eut un petit rire discret contre son poing avant d'attraper le bras de son chef de garde.
« Ce n'est pas le moment de se battre. » lui dit-elle d'une voix douce. « Ni de transformer Purral en glace géante. Je ne suis pas sûre qu'une glace au Purrekos fasse fureur. »
L'interpellé la fusilla du regard et Caliawëën ne put s'empêcher de sourire avec amusement. Les deux bêtes se toisèrent longuement avant que Lance ne se redresse. De sa carrure imposante, l'homme resta planté, dans sa belle tenue, à côté du stand. Silencieux.
« Le but d'une criée, c'est de crier, Lance. » lui fit remarquer l'elfe à ses côtés.
Il darda un regard noir sur sa voisine. Elle haussa les épaules d'un air désolé, bien qu'un sourire moqueur se peignit sur ses lèvres.
« Ce n'est qu'un mauvais moment à passer, ça va aller ! » charria-t-elle en prenant place près de Purral derrière le stand de glace.
La tenue de Lance avait attiré quelques curieuses et curieux parmi son fan-club. Le dragon se mit à rugir pour attirer davantage l'attention, les bras croisés, d'un air renfrogné.
« Si vous avez un petit coup de chaud, Caliawëën et Purral seront ravis de vous rafraîchir. Venez. Venez profiter de cette douceur rafraichissante. Deux cent cinquante maanas la glace. Deux cent cinquante ! » cria l'homme.
Plusieurs personnes s'attroupèrent bien vite autour du petit stand, créant une cohue de fan hystérique qui s'extasièrent devant la carrure à moitié nue de Lance. Lui, fronça les sourcils en fermant les yeux. Ce n'est qu'un mauvais moment à passer, avait-elle dit. Le dragon l'entendait ricaner derrière lui, le renfrognant davantage. Caliawëën ne pouvait s'en empêcher, pour une fois qu'elle avait ne serait-ce qu'un peu de pouvoir sur son chef et une vue attrayante sur les muscles de son dos... Ce fut l'une des meilleures journées à ses yeux.
(Lance) What is like to find a treasure ? /// TW: spoil TO/ANE
Cadeau pour Caliawëën lors de l'évent d'été du FC Lance.
La houle faisait tanguer le bateau sur lequel nous étions montés. Les vagues s’échouaient contre la coque et mon regard contemplait ce ballet incessant. La mission du jour, ou plutôt l’idée que s’était mise en tête Lance, était de retrouver un trésor perdu sur ce qu’il restait de Memoria. Lance voulait se racheter une bonne conduite et aider à la reconstruction d’Eel avec le butin. Je pris appui sur le bord pour promener mon regard sur l’horizon. La dernière fois que j’étais montée sur un bateau était lorsque Lance m’avait kidnappée pour appâter son frère. Un frère qui m’avait abandonnée à son tour pour tenter de raisonner son jumeau. Quand j’étais repartie de l’île, il n’était plus là , et je ne m’étais jamais sentie aussi seule. Jusqu’à aujourd’hui.
Son absence avait laissé en moi une plaie béante qui peinait à se refermer. A ce simple souvenir, mes yeux s’humidifièrent. Je le revoyais tomber dans mes bras, lourdement, la poitrine en sang. Quand son âme avait quitté son corps, j’avais relevé les yeux vers son assassin : Lance. Il avait les mains salies par son acte. Quand il avait croisé mon regard, j’y avais lu un profond remord. Désemparé, il m’avait laissée seule avec la carcasse de son frère. Je secouais la tête, il était hors de question de repenser à tout cela. J’avais promis à Valkyon d’avancer et d’honorer sa mémoire. J’étais devenue la petite amie du gardien que l’on chérissait tous. La femme qui avait pris la défense du meurtrier quand il était venu se rédempter. Personne n’avait compris mon choix. Personne ne comprenait pourquoi je me montrais sympathique envers Lance malgré ses actes cruels et irréversibles.
Quelque chose avait changé en moi. Je n’étais plus cette Caliawëën qui ne répondait pas aux attaques, ni celle qui était joviale. J’étais devenue cette femme renfermée et impulsive, qui répondait à la moindre attaque. Je n’étais plus que l’ombre de moi-même. Je m’étais perdue en perdant Valkyon. Un bref soupir s’échappa de mes lèvres. Tout était si différent.
« Tu as le mal de mer ? »
Sa voix grave et profonde me sortit de ma torpeur. Je tournai la tête vers Lance en croisant les bras. Mon visage lui répondait par la négative. Les autres gardiens autour de nous s’activèrent à faire fonctionner le bateau sur l’eau.
« Quelque chose ne va pas Calia ?
- Rien de bien intéressant, Lance.
- A quoi pensais-tu ?
- T’es membre de l’Ombre maintenant ? »  Dis-je d’un ton acerbe.
Lance croisa les bras et se mit dos à la mer pour me regarder. Son regard azur se planta dans le mien. Il ne lâcherait pas l’affaire. A nouveau, je soupirai, reprenant appui sur la rambarde.
« Je pensais à Valkyon. Je repensais à Memoria.
- Pourquoi avoir accepté la mission si cela te met dans un tel état ?
- Parce que j’ai promis Ă Valkyon de prendre soin de toi, et de rester Ă tes cĂ´tĂ©s. »Â
Mon ton était calme, ma voix ne tremblait pas bien que ma gorge se resserrait douloureusement. Mon chef de mission posa une main réconfortante sur mon épaule. Je me tournai vers lui, le regard planté dans ses iris.
« Je ne sais pas si j’arriverais à te pardonner. Peut-être que je te l’accorderai un jour, je ne sais pas. Aujourd’hui, je veux juste avancer et tenir ma promesse. Je te pardonnerai, mais je n’oublierai jamais tes actes.
- Je suis désolé de te causer autant de peine.
- Je finirai par m’y habituer. Maintenant, si tu le permets, je ne me suis pas déguisée en pirate pour rester sur le pont du bateau. Je pars prendre la barre ! »
Je lui adressai un bref sourire, appuyant sur mon chapeau de pirate en guise de salutation. Il m’adressa un clin d’œil avant de me laisser partir. Oui, Lance s’était mis en tête de trouver un trésor perdu et de nous obliger à nous déguiser comme des pirates. D’après ses dires, cela favoriserait notre recherche de trésor. Ma foi. J’avais revêtu mon plus beau bustier pour maintenir ma poitrine, et garder un petit côté sexy. Mon pantalon, tout aussi saillant, se collait parfaitement à mes formes sans me gêner. Le tout était décoré par des ceintures, de hautes bottes et d’un grand chapeau serti de plumes roses. D’une main habile, je me saisis d’une longue vue en rejoignant la barre. J’abaissai mon cache-œil et scrutai l’horizon.
« Terre à l’horizon ! » Dis-je d’une voix forte en abaissant la longue-vue.
Un bref sourire s’immisça sur mes lèvres. J’avais toujours rêvé de dire ça. Mes doigts dégagèrent le cache-œil avant que je ne prenne la barre pour nous diriger vers Memoria.
‹※›‹※›
Arrivée près des terres, nous jetâmes l’ancre. Je passai par-dessus bord d’un mouvement souple, tombant à pied joint dans une des barques d’embarcation, aux côtés de Lance. Il tenait dans ses mains la fameuse carte et l’examinait en fronçant les sourcils. Je ne pus m’empêcher de sourire car cela lui donnait un air presque mignon. Alors que nous pagayons vers la plage, Lance se mit à grogner. Je levai les yeux au ciel, exaspérée. Je lui pris alors la carte des mains, il me regarda surpris avant de sourire du coin des lèvres.
« Tu sais lire une carte ?
- M’oblige pas à te pousser par-dessus bord. » Le menaçai-je en levant mes yeux de la carte pour le regarder, haussant une épaule d’un air décontracté.
Je n’avais pas peur de lui, ni de sa soi-disante puissance. Ma maîtrise en alchimie pouvait lui faire regretter de m’avoir parlé ainsi. J’avais la possibilité de lui en faire voir de toutes les couleurs.
« Tu n’oserais pas ?
- Ce n’est pas parce que tu es chef de cette mission que je n’ai pas le droit de te remettre à ta place. Modère tes propos machistes ou je te pousse à l’eau.
- Tu me menaces ?
- Non, je te fais une promesse. » Conclus-je en me replongeant dans le décryptage de la carte.
Je crus percevoir un sourire amusé au coin de ses lèvres, mais je ne pris pas la peine de relever, bien trop préoccupée à déchiffrer le bout de parchemin. La carte représentait l’île de Mémoria: chaque recoin était dessiné, chaque endroit. Le point de départ était la plage des ours, là où nous nous rendions en barque. Une fois sur la plage, il faudrait ensuite suivre le sentier abandonné qui se dégage de la forêt. Nous pénétrèrions alors dans la ville abandonnée.
« Il faudra se séparer en deux groupes, Lance.
- Pourquoi ?
- Regarde. Une fois que nous serons à la place centrale, avec la statue, il faudra se diviser. Deux chemins sont dessinés et mènent à deux croix différentes. L’une est sûrement un leurre, l’autre le réel trésor. Un groupe devra donc parcourir l’académie pendant que les autres iront à l’agora. »
Lance ne dit rien, restant plongé dans la contemplation de la carte, arborant une moue satisfaite. Je crois l’avoir épaté avec mes talents, sans vouloir me jeter des fleurs. Je lui rendis la carte pour qu’il puisse s’en imprégner jusqu’à notre arrivée sur la plage. Quand nous fûmes à terre, Lance nous sépara en deux groupes équilibrés. Il y avait autant d’hommes que de femmes, que de force et de logique. Je me retrouvai dans le groupe de Lance. il était buté et je pouvais le raisonner sans m’attirer ses fureurs. Notre groupe opta pour le premier chemin, dans l’académie. L’autre prit la direction de l’ancienne agora. J’espérai autant pour eux que pour nous que nous ne rencontrerions aucune embûche sur notre route. Lance ouvrit la marche vers l’Académie et je repoussai tous les souvenirs de ma dernière aventure ici. Il était devenu un autre homme, et voulait continuer sur cette route. Lorsque nous pénétrâmes dans le bâtiment, mes yeux parcoururent la décoration ambiante : des constellations gravées dans la roche, des énigmes écrites en grec. Mes acolytes cherchaient un moyen de découvrir le passage secret laissé par le propriétaire du trésor. Un ancien dragon très puissant, qui répondait au nom d’Ashkore. Je souris à l’évocation de ce nom. Je croisai les mains dans mon dos et levai la tête vers le plafond. Il devait y avoir une logique à l’endroit où le butin se situait.
« Si j’étais Ashkore, où est-ce que je planquerais mon butin?
- Mais comme tu n’es pas Ashkore... me piqua Lance
- A part utiliser des poêles pour te défendre, tu sais réfléchir ?
- C’est qu’elle mordrait en plus ! »Â
Je soupirai lourdement en lui montrant mon majeur avant de reprendre plus calmement.
« Si je ne me trompe pas, tes ancêtres avaient une certaine passion pour l’astronomie. Si j’étais Ashkore, un grand et puissant dragon, je me guiderais avec les étoiles. Les gens ne pensent pas à suivre les étoiles ou à les écouter.
- T’as fumé de l’herbe de Sabali avant de venir, Caliawëën ?
- Ferme-la !
- Quelle humeur de Blackdog !
- Ferme-la et redonne la carte ! J’ai déjà vu ces formes au plafond. Là , tu vois? Ce n’est pas un chemin qui est dessiné, non, ce sont des constellations mises de bout en bout.
- Et donc ?
- Et donc Ashkore nous invite à suivre la constellation du dragon, puis de descendre vers Orion, et enfin suivre le chemin vers…
- Pandore, conclut-il d’un ton grave.
- Pandore n’est pas vraiment une constellation, mais un amas. Il faut donc se concentrer sur Sculpteur qui se trouve lĂ -bas » Dis-je en pointant le plafond. Et par logique, le plafond est une rĂ©flexion plus poussĂ©e de ce que l’on a au sol. »Â
Mon doigt descendit alors vers le sol pour pointer une pierre de grès. Lance s’y dirigea sans attendre, bougeant cette dernière. Un tremblement se fit sentir sous nos pieds, et enfin une porte s’ouvrit pour nous inviter à entrer dans le passage secret.
« Bien vu, l’elfe.
- Merci, le dragon. »
Je lui tapotai gentiment l’épaule en me glissant dans le passage, sans aucune crainte. Lance m’emboîta le pas, et les trois autres faëliens derrière nous vinrent fermer la marche. Le passage était lugubre, envahi d’une odeur nauséabonde semblable à celle d’algues pourries. Je grimaçai et pressai mon pas au travers de l’exiguïté de certaines allées.
Après un long périple, nous atteignîmes l’endroit ultime. Lance se décida à reprendre la tête de notre groupe car il restait le plus puissant de tous par sa nature. Le trésor se tenait devant nous, brillant sous la lumière qu’offrait les pierres précieuses. Celles-ci scintillaient grâce à la faible brèche dans la roche qui donnait sur l’extérieur. En contre bas, nous pouvions entendre l’océan s’éclater contre la roche. Le dragon examina chaque recoin de la pièce pour y déceler un quelconque piège. Mais il n’y avait rien. Il s’avança vers l’objet de sa mission et s’agenouilla. Avec force, il ôta le couvercle du coffre pour en découvrir son contenu. Il se mit à rire avec une certaine folie et excitation. Je m’avançai alors vers lui, suivie par les autres. Le coffre était rempli d’énergie maana et de morceaux de cristal. Il y avait aussi quelques pierres du dragon et de lune.
Sans retenue, nous nous mîmes à pousser des cris de joie à cette découverte. Lance me prit dans ses bras sous le coup de l’euphorie avant de me faire tournoyer. Je me laissai faire sans rien ajouter, lui rendant plutôt son étreinte. Lorsqu’il me reposa au sol, je croisai son regard heureux quand il prit mon visage en coupe.
« Bravo. Merci. »
Je me dégageai doucement de son étreinte avec un sourire timide avant de secouer mon visage.
« Il n’y a pas de quoi. Il suffisait d’un peu de logique. Nous devrions vite remonter avant que le passage ne se referme ! »
Il opina du chef avant de prendre le coffre en main avec l’aide de notre coéquipier. Nous prîmes, avec mes collègues, la tête de notre groupe pour sortir aussi vite que nous étions entrés dans ce passage étroit. Nous nous retrouvâmes à nouveau dans le cœur de l’académie, le soleil avait baissé en intensité mais il faisait toujours aussi chaud. Enfin, nous quittâmes le lieu pour rejoindre les ruines où nous devions tous nous retrouver après avoir mis la main sur le trésor. Et quelle ne fut ma stupeur, et celle de Lance, quand nous aperçûmes nos compagnons avec un coffre à leurs pieds.
C’était un trésor certes, mais son contenu était plutôt original. Une cargaison de bouteilles d’un alcool à la couleur ambrée qui sentait la vanille et le monoï. Lance ricana doucement. Il nous autoriserait certainement à y goûter une fois que nous aurions installé notre campement pour la nuit. Hors de question de naviguer dans de telles conditions avec la fatigue. Il fallait fêter nos trouvailles de la journée.
Le campement fut établi en moins de temps possible au cœur de la forêt du silence. C’était un petit havre de paix pas loin de nos embarcations et de la plage. Lance prit des membres à part pour leur confier la tâche d’aller chercher du bois pour le feu de ce soir, tandis que d’autres préparaient déjà le festin. J’aidai, du mieux que je pouvais. Tout se passa sans encombre, l’ambiance était à la gaieté et l’amusement. Chacun savourait le repas, goûtait l’alcool trouvé. Un verre entre mes doigts, je le portais à mes lèvres pour m’en délecter à nouveau. Son goût était sucré et fort et il y avait comme quelque chose qui le rendait addictif. Ou alors était-ce mon corps qui avait besoin de se décontracter?
La fête battait son plein, les visages étaient peints d’une euphorie enivrante. Le rouge était monté aux joues de plusieurs de mes camarades. Je ne passai pas à la trappe non plus, mon esprit était quelque peu embrumé et vagabond. Une autre moi prenait possession de mon corps. Une moi plus frivole et spontanée. J’avais envie de me jeter dans la mer, sans regret. Péniblement, je me relevai de ma place pour me diriger vers l’objet de mes désirs. Sur mon chemin, j’ôtai ce qui m’était inutile à la baignade. Mon corset, qui enserrait un peu trop ma poitrine. Mon pantalon qui me collait légèrement trop à la peau. Je ne gardais que mon body rouge. Alcoolisée, mais toujours consciente que me promener nue pouvait atteindre la pudeur des autres. Je m’approchai doucement au bord de l’eau, laissant cette dernière rencontrer mes pieds. Un rire grave se fit entendre dans mon dos et je tournai la tête instinctivement vers ce bruit. Lance se tenait à quelques pas, le regard pétillant de malice.
« Qu’est-ce que tu fais ?
- Je vais me baigner, l’eau a l’air bonne.
- Il n’y a pas que l’eau qui l’est à mon avis. »
Un sourire en coin se dessina sur mon visage. Lance aimait faire des sous-entendus douteux. C’était toujours flatteur. Du moins, je trouvais cela plus flatteur avec de l’alcool dans le sang. Il y avait comme une intensité particulière qui se réveillait au creux de mon ventre et ça m’apportait une certaine sérénité. Lance entreprit de se déshabiller sous mes yeux. Je ne les détournai pas, au fond de moi, je voulais aussi profiter de ce spectacle. Cela n’eut pas l’air de déranger l’homme qui se retrouva en simple boxer devant moi. Je laissai mon regard admirer chacun de ses muscles tendus et dessinés avec précision. Lance prenait soin de lui, je l’avais déjà surpris en pleine séance de sport. Quand il se râcla la gorge, je remontai les yeux sur son visage. Hors de question d’analyser plus bas. Je haussai les épaules en me tournant à nouveau vers la mer noircie par la nuit.
« Et puis, je trouve le paysage plutôt intéressant.
- Je ne te le fais pas dire. » Dit-il dans mon dos.
Je souris, bêtement, je devais l’avouer. Il est toujours flatteur de savoir que l’on pouvait plaire. Je m’avançai dans l’eau. Elle n’était ni trop froide, ni trop chaude, juste à bonne température. Sans perdre de temps, j’entrai entièrement dans la mer. Je nageai jusqu’à ne plus avoir pied, et me laissais flotter dans cette immensité. C’était si relaxant. Quand je regardai vers le ciel étoilé, je fus saisie par la beauté des étoiles. Lance fut en quelques instants à mes côtés, nageant autour de moi. Je daignai enfin lui accorder mon attention, me redressant dans l’eau. De mes bras, je brassai l’eau pour rester à la surface. Lance me tendit alors son bras dans un mouvement très gentilhomme. Il était vrai que lui avait pied, et n’avait pas à faire autant d’effort que moi pour flotter. Je l’attrapai pour m’y accrocher.
Pendant un long moment, aucun de nous ne se décidât à parler. A vrai dire, à cet instant, plus rien ne dérangeait mes pensées. Nous étions juste là , dans l’océan, à savourer la sérénité qui nous entourait. Je croisai le regard de Lance, lequel me scrutait avec douceur. Je me demandais à quoi il pouvait songer mais il se contentait de sourire avec bienveillance. Je ne connaissais pas cette facette de sa personnalité. On dit souvent que l’alcool a tendance à révéler une part profonde de notre être. Et celle qu’affichait Lance était à la fois troublante et apaisante. Je me laissais aussi aller à sa contemplation. Quelque chose en lui calmait mon cœur en rage, bien qu’il soit la cause de cette dernière.
« A quoi penses-tu ? Dit-il dans un murmure.
- Au bien-ĂŞtre que cet instant me procure.Â
- Et qu’est-ce qu’il te procure ?Â
- De l’apaisement. C’est presque troublant. » Confessai-je en souriant.
Je ne voulais pas vraiment m’étaler, mais ma langue, avec l’alcool, avait tendance à se délier. Tout ce qui me passait en tête devait sortir.
« J’apprécie de passer ce moment avec toi. Je n’avais pas ressenti de telles sensations depuis longtemps. Je me sens bien.
- Merci.
- Pour ?
- Merci de rester Ă mes cĂ´tĂ©s malgrĂ© tout. Merci de prendre soin de moi. Merci de faire de moi un homme meilleur. »Â
Je souris avec mélancolie, posant une main contre sa joue. Il fut aussi surpris que moi à cet instant, mais se laissa aller contre ma paume. Dans cet acte, j’y décelais un homme brisé et triste, empli de remords. Je ressentis une certaine affection.
« Je tiens toujours mes promesses. » Concluai-je.
Nous finîmes par rejoindre la terre ferme, l’eau commençait à se rafraîchir et la lune à être haute dans le ciel. Nous continuâmes de discuter de tout et de rien. Nous apprenions à mieux nous connaître, l’alcool ne nous mettait pas de barrière. Lance me draguait subtilement et je me sentais flattée. Nous aurions pu nous embrasser, mais ce n’était peut-être pas le bon moment. L’alcool avait ses limites, comme notre conscience. Je voulais apprendre à le connaître davantage, voir si nous avions cette même connexion en étant sobres et seuls à nouveau. Il me raccompagna jusqu’à ma tente, et avant de me quitter, il m’attira contre son torse musclé. Je ne le repoussai pas. Je passai mes bras autour de sa taille et nous restâmes un long moment ainsi enlacés. Nous en avions besoin. Il me demanda une nouvelle fois pardon, et je me contentai de le serrer un peu plus contre moi.
Lentement, il se détacha de moi avec un faible sourire. Il me souhaita une bonne nuit avant de disparaître dans l’obscurité. Je demeurai un peu troublée à l’extérieur de ma tente puis levai les yeux au ciel pour contempler les étoiles. Elles apaisaient mon cœur et ma colère par je ne sais quel moyen. Une étoile brilla plus intensément, comme si quelqu’un me saluait. Quelqu’un… Oui. Lui aussi avait su apaiser mon âme et me disait d’avancer.
« Je te le promets, Valkyon. »
J’offris un dernier sourire au ciel, et Ă cette Ă©toile en particulier. Mon esprit Ă©tait embrumĂ© et fatiguĂ©. Je ne devrais pas autant rĂ©flĂ©chir. Je devais laisser le temps faire les choses. Ce n’était pas le moment de penser Ă tout ça, c’était le moment d’en profiter. Je pĂ©nĂ©trai dans ma tente, le cĹ“ur lĂ©ger. Demain serait un autre jour.Â
(Lance) Pardonne-moi /// TW: deuil, mort + spoil TO/ANE - 1/2
Commande OS de Calïawëën sur le topic "Commande d'OS".
Calïawëën est en phase de deuil, sa vie n'a plus de saveur. Elle ressent beaucoup de colère et n'arrive pas à avancer, jusqu'à ce qu'elle recroise sa route... Pourra-t-elle vraiment tout lui pardonner ?
Cet OS contient des spoils énormes sur Eldarya TO et ANE, avant de lire, veillez à être à jour
Je me réveille en sursaut, mon cœur bat la chamade, mes cheveux sont collés à mon front par la sueur, mes joues sont humides de mes sanglots silencieux. C’est ainsi depuis qu’il n’est plus là . J’ai un trou béant dans la poitrine. Je suis perdue. Je fais toujours ce même rêve atroce. Lance au-dessus de Valkyon, la griffe plantée dans sa poitrine. Le regard ambré qui anime le dragon de feu se pose sur moi, un dernier sourire, un dernier souffle et je hurle. Les sanglots reprennent, je sèche mes larmes d’un revers de main. Si seulement j’avais pu changer la prophétie. Si seulement Lance y avait laissé la vie, alors je ne serai pas comme ça.
Un instant, je ferme les yeux, tentant de calmer la crise d’angoisse qui naît dans ma poitrine. Je suis si seule, si désemparée. Je hais ce cauchemar. A choisir, je préfère encore le rêve qui me fait croire au réveil que Valkyon est à mes côtés dans les draps. J’ai mal… Ma main enserre le haut de ma nuisette avec désespoir. Je ne respire plus. J’ai besoin d’air. J’ai besoin d’aide. Je deviens folle. Un sanglot bruyant m’échappe, je porte la main à mes lèvres. Les larmes déferlent sur mes joues, mon souffle se hache, je manque de m’étrangler à chaque déglutition.
« Valkyon… » Dis-je dans un murmure.
Floppy couine à mes côtés. Je pose mon regard sur elle, désolée de perdre une nouvelle fois le contrôle. La petite musarose file à toute allure hors de ma chambre. Elle sait très bien quoi faire, tout comme Valkyon lorsqu’il vivait encore. Je me recroqueville sur moi-même, étouffant mes petits cris contre mes genoux. Ma porte de chambre s’ouvre et une kitsune des montagnes apparaît, les yeux lourds de sommeil. Koori referme la porte derrière elle, soupirant doucement.
« Calia… » Commence-t-elle en grimpant sur le lit à mes côtés.
L’instant d’après, je me retrouve dans ses bras, le visage blotti contre sa poitrine. Elle caresse mon dos avec douceur tout en me berçant. Sa voix chantonne un son que je ne connais pas, sa magie enveloppe mon cœur trop serré. Son autre main caresse mes cheveux. Mes sanglots diminuent, l’angoisse me quitte peu à peu. Je me sens vide et fatiguée. Koori prend mon visage entre ses mains fraîches et entreprend d’essuyer mes larmes avec un petit sourire.
« Tu sais que tu n’es pas très belle quand tu pleures… En plus, j’ai plein de morve sur la poitrine maintenant. Me dit-elle d’un ton faussement réprimandant. »
Un faible sourire se dessine sur mes lèvres.
« Excuse-moi. Lui dis-je à voix basse.
- Ne t’en fais pas… J’suis sûre que je pourrais créer une potion spéciale morve d’elfe pour charmer les golems. »
Ma tête balance de gauche à droite, un sourire amusé sur les lèvres. La kitsune affiche dorénavant un air plus sérieux en posant ses iris sur moi.
« Plus sérieusement Calïa… Tu ne veux vraiment pas prendre cette potion juste pour dormir paisiblement?
- Je refuse d’oublier Valkyon. Dis-je d’un ton tranchant. »
Il est hors de question qu’on me retire la seule chose qui me ramène à lui. Un soupir lassé quitte la barrière de mes lèvres. Mais je ne pourrai pas vivre comme ça jusqu’à la fin des temps. Je ne veux pas sombrer dans la folie. Je ne veux pas être cette veuve qui se lamente sur son sort, je lui ai promis. Je me battrai. Koori agite ses queues d’un air pensif, mordillant l’intérieur de sa joue. A chaque main qu’elle me tend, je la rejette parce que je ne suis pas prête à accepter mon sort. Je me renferme, je le sais.
« J’ai besoin de temps. Repris-je d’une voix plus calme.Â
- Trois ans à rester comme ça, c’est déjà beaucoup trop pour une seule personne, me dit honnêtement Koori. »
Qu’est-ce que trois ans quand tu as passé plus de six ans avec l’homme de ta vie ? Le trou béant dans ma poitrine refuse de se refermer. Je n’ai goût à rien, on m’a retiré ce que j’avais de plus cher au monde. Le sens de ma vie.
« J’ai besoin de temps, Koori. »
La kitsune pince ses lèvres entre avant de hocher la tête. Elle ne peut rien faire de plus. Son corps s’allonge sous mes draps, m’invitant à en faire de même. Ma tête se pose sur l’oreiller, et je regarde mon amie avec supplication. Un soupir lui échappe alors qu’elle me prend la main.
« Je ne pourrais pas toujours faire ça Calïawëën, ce n’est pas bon. »
Je le sais. Je ferme les yeux. Je ne suis plus ouverte à la discussion. La magie illusoire de Koori prend place dans ma tête, elle me montre ce qu’il y a de plus beau et me fait croire dans cette vie parallèle que Valkyon est toujours à mes côtés. Je serai moins triste au réveil car je ne me rappellerai plus cette parfaite illusion. C’est juste une thérapie pour m’endormir sans l’oublier. Une thérapie qui ne pense pas mes plaies mais qui me laisse dans un déni profond.
‹※›‹※›
Mes crises sont moins récurrentes. J’ai suivi une thérapie. Du moins, Koori m’y a contrainte. J’étais trop proche du gouffre d’après elle. Je ne pensais qu’à nourrir mon addiction à ses visions, ça la fatiguait et c’est tombé dans les oreilles de notre nouvelle cheffe de l’Etincelante. Huang Hua avait fait le nécessaire avec Eweleïn. Cette dernière se râcle doucement la gorge pour capter mon attention, je lui adresse un faible sourire.
« Désolée, je me suis perdue dans mes pensées, lui dis-je.
- Comment étaient ses pensées ? Me demande-t-elle en se laissant aller dans sa chaise.
- Je me rappelais mon état d’il y a six mois. Et je suis fière d’en être là aujourd’hui. Je ne sais pas ce qu’il se serait passé si j’avais continué à dépérir. Peut-être aurais-je vraiment rejoint Valkyon. Mais ce n’est pas ce qu’il aurait souhaité pour moi. »
Ma voix ne tremble plus à l’évocation de son prénom. Je ne me sens ni triste, ni heureuse. J’ai accepté sa mort. Si je devais situer la place dans mon deuil, je dirais que je suis dans la résignation. Je manque d’enthousiasme et de conviction. Je suis dubitative et nostalgique du passé. Il me manque. Et il me manquera toujours.
« Tu te recueilles toujours sur sa tombe ? Me questionne Eweleïn.
- Une fois par mois, comme convenu. Je trouve plus de réconfort au cerisier. J’ai l’impression de sentir son aura.
- Est-ce que parler de lui te fait du mal, aujourd’hui ?
- Non. Je suis juste mélancolique. Je ne ressens plus cette profonde tristesse. Je crois que ça va. Dis-je sur le ton de la confession. »
Ma consœur m’adresse un sourire rassurant. Tout irait bien désormais. Je le sais. Je le sens. De beaux jours s’annoncent devant moi. Je ne suis pas seule, j’ai des amis qui tiennent à moi et l’alchimie m’occupe beaucoup plus l’esprit. Les obsidiens, tous confondus, représentent un soutien sans faille dans ma thérapie. Jamais je ne réussirais à les remercier comme il se doit, et pourtant je fais du mieux que je peux pour les aider.
« On en a fini pour la séance d’aujourd’hui, m’informe l’infirmière. »
Je lui adresse un large sourire en me relevant de ma chaise, m’inclinant avec respect avant de quitter la pièce. Une fois dans la salle des portes, je salue d’un faible mouvement de tête les gardiens et gardiennes que je croise. Mes pas me mènent au marché. Floppy a besoin de stock de nourriture pour le mois, et je viens de toucher mon salaire. Comme à son habitude Purreru m’accueille chaleureusement et m’informe qu’il déposera ma commande devant ma porte de chambre dans l’après-midi. Avec bonté, il m’offre une coccinelle venimeuse de secours.
Quittant le magasin, j'inspire brièvement avant de me mettre en route vers le cerisier. Le visage fermé, mais apaisée de l’intérieur. Je jette un regard circulaire à l’environnement avant de me diriger vers le cerisier centenaire d’un pas léger. Lorsque je pénètre dans le jardin, personne n’est présent. Je prends place sur le banc de pierre sous l’arbre, optant pour la position du lotus. Un petit couinement me fait comprendre que Floppy n’est pas loin. Je la sens grimper dans mon dos pour venir se blottir contre ma joue. Du bout de son museau humide, elle laisse son passage sur ma joue avant de glisser jusqu’à la coccinelle que j’ai déposé sur le banc.
« Ma séance s’est bien passée aujourd’hui. Je fais des progrès paraît-il et je me sens un peu mieux là -dedans, dis-je en tapotant sur ma tempe. J’ai toujours ce trou dans la poitrine, et je ne sais pas quand je pourrais le remplir. Si seulement j’avais certaines réponses à mes questions. Tu en penses quoi, toi Floppy ? »
La petite souris me fixe, battant des cils. Je lui souris.
« Effectivement, je ne sais pas si c’est une bonne idée. Mais Lance détient toutes ses réponses. Je ne l’ai pas dit à Ewe. J’ai peur qu’elle pense que je veux me venger. Bien sûr que je voudrais lui infliger toute ma peine. Parce qu’il en est la cause. »
Je soupire en penchant mon visage en arrière. Mon regard se perd dans la contemplation des fleurs. Je reprends :
« Mais à quoi bon soigner le mal par le mal ? Valkyon n’a pas eu peur de mourir de la main de son frère, il a accepté son sort. Il m’a demandé de l’accepter aussi, de ne jamais en vouloir à Lance. Je ne sais pas. Je suis tiraillée, Floppy. Quelle est la bonne réponse ? Y en a-t-il une, au moins ? »
Une légère brise chaude caresse ma peau, je souris faiblement, reportant mon attention sur la musarose.
« La seule conclusion qui me vient en tête c’est de me confronter à Lance un jour. Je ne sais même pas ce qu’il est devenu depuis l’accident. »
Un rire nerveux m’échappa. Accident… Idiote. C’est un drame. La mort de Valkyon n’a jamais été un accident. C'était un meurtre. Un fratricide.
« Je pense qu’une fois que j’aurais rouvert cette cicatrice, je pourrais me tourner vers l’acceptation. Je pourrais reprendre ma vie sans le poids de la tristesse, des remords. Oui, je pense que c’est le mieux à faire. Faire face à tout ça. »
Je frappe sèchement sur mes cuisses, un air satisfait et déterminé sur les traits de mon visage. Je vois enfin le bout du tunnel. Floppy couina en ma direction, l’air aussi enjoué.
« On y arrivera ma belle, promis-je. »
Un mouvement attire mon œil, Koori se tient à l’entrée du jardin. Ses queues s’agitent avec gêne, son visage est fermé, ses lèvres sont pincées. Quelque chose la tracasse, je mettrais ma main à couper. Elle semble vouloir me dire une mauvaise nouvelle, mais elle n’en a pas le cran.
« Je t’ai connu plus franche, lui dis-je, pince sans rire.
- Il est vrai. Huang Hua demande à te voir, m’avoue-t-elle en plantant ses yeux dans les miens. Il faut que tu saches que ça va vraiment te faire un choc. Eweleïn sera là , moi aussi. Souviens-toi, tu n’es pas seule. »
L’un de mes sourcils se hausse lorsque je remets mes pieds au sol. Que se passe-t-il ? Je tente de questionner Koori qui s’empresse de me tourner le dos pour me masquer ses traits, m’invitant à la suivre. Mon regard se pose sur Floppy, lui offrant une dernière caresse du bout de mon index. J’inspire un grand coup et emboîte le pas de la kitsune sans poser plus de questions. J’en saurai davantage le moment venu. Quelque chose en moi s’agite, un instinct. Je dois me préparer au pire.
Nos pas nous mènent à la salle de réunion. Koori se stoppe devant la grande porte et je lui souris avec bienveillance. Quoi qu’il advienne, j’encaisserai le choc. Mon amie prend ma main avant de pénétrer dans la grande pièce baignée par la lumière du jour. Mes yeux parcourent l’assemblée, Huang Hua, Eweleïn et… Mon cœur loupe un battement, ma bouche s’entrouvre légèrement. Merde. Je tombe des nues lorsque je vois l’homme faire volte-face. Il n’a pas changé… Ou peut-être que si, il a une légère barbe naissante sur sa peau mate, ses cheveux sont réunis en une queue-de-cheval. Son regard glacial est resté le même, mais la lueur de haine qui y avait brillé auparavant n’y est plus. Vide. Lance, car c’est bien lui, a troqué son armure d’Ashkore contre des couleurs plus claires et froides, rappelant sa véritable nature de dragon de glace. Je déglutis discrètement et détourne mes yeux du personnage pour questionner Huang Hua.
« Comment te sens-tu Calïawëën ? Me demande-t-elle, l’air soucieux.
- On peut en venir au fait ? Tu vois bien que je ne vais pas lui sauter au cou. Avec tout le respect que j’ai pour toi, dis-je en jetant un bref coup d’œil à Lance. »
Mon attention se reporte sur la cheffe de l’Etincelante. Mes bras se croisent sous ma poitrine. Le déni. Je ne veux pas croire ce que je vois ou entends. Huang-Hua se râcle la gorge et reprend d’une voix douce :
« Nous avons perdu Valkyon lors de la guerre. Nous pleurons toujours sa perte. Mais malheureusement, tu sais tout aussi bien que moi que je n’ai pas trouvé de chef à la garde obsidienne depuis le drame. Nevra est devenu mon bras-droit, Jamon ne veut pas prendre la relève, Leiftan et Erika ne sont plus des nôtres et…
- Tu t’es dit que ce serait fantastique de reprendre contact avec l’ancien chef de l’obsidienne qui a tué de ses propres mains son prédécesseur, et accessoirement son frère. Dis-je d’un ton plus sec que je ne l’ai voulu. »
Lance ne bronche pas à mes piques. Il me regarde sans bouger de sa stature de soldat. Je darde sur Huang Hua un regard noir. Eweleïn s’approche.
« Je vais bien, lui dis-je. »
Je ne sais pas comment je vais, pour être honnête. Plusieurs émotions se bousculent en moi. Tristesse, colère, rancœur, pitié. Lance a l’air d’avoir changé, mais je n’ai rien à voir avec lui. Pas maintenant. J’agite la main pour inviter l’Etincelante à continuer son explication. Koori pose une main amicale sur mon épaule.
« J’ai donc proposé le poste à Lance après avoir sondé son esprit et son âme. Il n’a plus de terre, plus d’alliés, de maanas. Il n’est plus celui que tu as connu. Lui seul sait gérer cette garde.
- Tu essaies de convaincre qui ? Dis-je d’un interrogatif. Toi ou moi ? N’arrondis pas les angles pour me préserver. Lance sera donc mon nouveau chef de garde, et quoi que je dise, rien ne changera ta décision. Si tu penses que c’est la bonne alors faisons ainsi.
- Non, ta décision a de l’importance. Si tu le refuses alors, j’enverrai Lance ailleurs.
- Et qui se chargera de la garde obsidienne ? Valérian ? Regarde la réalité en face, Huang Hua. Tu n’as pas d’autres solutions. Ma décision n’a aucune importance, et je n’ai franchement pas grand-chose à ajouter.
- Lance connaît la garde, c’est un bon soldat, un bon chef… Bafouille la cheffe de tous.
- Tu n’as pas besoin de te justifier. »
Je hausse les épaules.
« Merci de m’avoir prévenue en tout cas. Je m’en vais et reste à votre disposition si besoin, je ne suis pas loin. »
Sans ajouter un mot de plus, je tourne les talons mais une main ferme retient mon poignet. Lorsque je pivote mon visage, Lance me fixe avec désolation et tristesse. Il relâche aussitôt mon bras, comprenant que son geste est de trop.
« Pourrions-nous avoir une conversation tous les deux ? Me demande-t-il d’une voix rauque.
-Tout de suite ? Non. Je n’ai rien à te dire Lance, j’en suis navrée. Contente-toi de me saluer pour le moment, je ferai de même. »
Je me tourne vers l’elfe infirmière, haussant les épaules.
« J’ai besoin d’encaisser. Maintenant, si vous le permettez. »
Je les salue tous d’un signe de tête avant de quitter la pièce, le cœur lourd. La réponse à toutes mes questions est ici, de retour à la cité d’Eel. Je n’ai pas encore le courage de l’affronter aujourd’hui, ni pour les prochains jours. Pardonne-moi Valkyon, c’est au-dessus de mes forces. Dans mon dos, j’entends des pas me suivre mais je n’y prête pas plus attention. Je me sens ailleurs, dans une autre dimension. Les bruits qui m’entourent ne sont plus que des acouphènes assourdissants. Je perds pied. Je réalise. La gifle me fait mal. Ma respiration se coupe. On m’attrape le poignet délicatement, on m’entraîne ailleurs.
Mon Ă©tat de choc ne me permet pas de reconnaĂ®tre la personne qui m’amène Ă l’infirmerie. Elle me fait asseoir et s’active Ă me mettre un verre d’eau entre les mains. Ce n’est pas d’eau dont j’ai besoin, c’est d’hydromel. Sans prĂ©venir, les yeux embuĂ©s de larmes, je balance le rĂ©cipient Ă travers la pièce. La colère a pris possession de mon corps. Je tremble. J’essuie rageusement mes joues humides. Le trou dans ma poitrine brĂ»le, mon souffle est court. Toutes les blessures pansĂ©es durant ma thĂ©rapie viennent de se rouvrir d’un seul coup.Â
« Au secours, dis-je d’une voix sourde, le regard ahuri. »
L’inconnue qui m’a amené ici apparaît à nouveau dans mon champ de vision. Eweleïn. Je connais ce regard. Je fais peine à voir. L’elfe me saisit les mains et je les serre, m’effondrant en larmes sur la chaise. La colère laisse place à une profonde tristesse. La solitude. Le désespoir. Tous ces mois de thérapie partis en fumée. Tout ce que je venais de reconstruire, balayé par un blizzard. Lance. Mes sanglots sont bruyants, je suffoque. Eweleïn s’empresse de m’administrer un sédatif, je la laisse faire. Je n’y arriverai pas sans. Quelques instants plus tard, le vide s’installe en moi. Rendue muette, je fixe le bureau de l’infirmière. Ma respiration est presque imperceptible. Je suis morte de l’intérieur. Eweleïn pose une main sur mon épaule, je relève le regard vers elle.
« Je vais encore avoir mal, lui dis-je.
- Ce n’est pas la partie la plus drôle de la thérapie, me confirme-t-elle d’une voix douce.
- Mais j’en ai besoin pour l’acceptation… Affirme-je. J’ai peur Ewe. Terriblement peur.
- Je sais. C’est pour ça que je te dis de prendre ton temps. Je ne te forcerai pas la main pour lui parler maintenant. »
Je baisse les yeux. Je devrai m’y confronter un jour, de toute manière. Quand ? Je ne sais pas. Peut-être jamais ? Ce serait ridicule.
« Je te demande juste d’écouter ce conseil. Tu en fais ce que tu veux, ni moi, ni les autres ne te forceront la main. »
J’acquiesce. Je suis toute ouïe. Elle reprend :
« Lance a changé, et je te laisserai te faire ta propre opinion dessus. Il n’est plus celui que nous avons connu. S’il revient ici, c’est avant tout en tant que élément stratégique. Pour ses aptitudes de soldat, de garde et de chef. Tu peux choisir cette voie.»
Elle marque une pause pour me servir un autre verre d’eau.
« Désolée pour tout à l’heure, dis-je à voix basse en prenant le récipient.
- Ce n’est rien, répond-t-elle avec un léger sourire. »
Ewelein s’installe à nouveau en face de moi.
« Tu as maintenant le choix de faire ce que tu veux de la présence de Lance dans le Q.G. Lui donner le rôle que tu souhaites : chef de garde ou purgatoire. A toi de choisir la voie qui te semble la meilleure. »
J’opine doucement, acceptant ses paroles bien que je ne sois pas apte à réfléchir à cet instant. Je porte le verre à mes lèvres pour boire quelques gorgées d’eau, la tête toujours aussi vide. Reposant le gobelet, je me relève de la chaise pour saluer ma psychologue attitrée avant de quitter les lieux. De toute manière, je n’ai rien à ajouter à cette discussion. La nuit porte conseil, paraît-il. Il doit être dix-huit heures. Je n’ai pas faim. Je ne souhaite voir personne. Ni croiser Lance. J’ai besoin d’être seule pour mettre de l’ordre dans la pagaille qu’il a foutu.
‹※›‹※›
Je me sens ermite entre les quatre murs de ma chambre. Je ne sais combien de temps je suis restĂ©e enfermĂ©e. Peut-ĂŞtre une semaine ou deux ? J’ai rasĂ© les murs. Je suis très peu sortie. Huang Hua ne m’en tient pas rigueur. Karuto a pris la peine de m’apporter chaque jour mes plateaux repas, que j’ai picorĂ© sans grande faim. Koori est venue rĂ©gulièrement me faire la conversation ou en m’apportant de temps en temps des ouvrages sur l’alchimie elfique. Je n’ai pas encore pris de dĂ©cision concernant le nouveau chef de la garde obsdienne. Je ne ressens pas grand-chose Ă son Ă©gard. Je devrais peut-ĂŞtre. Mais quoi ? La haine c’est pour les faibles dit-on.Â
Quelqu’un frappe à ma porte, me tirant de ma rêverie. Je me lève péniblement pour ouvrir et voir le visage amical de Koori. Son sourire est communicatif, je lui rends en l’invitant à entrer dans la pièce.
« Ça sent le monchon là -dedans ! Il serait temps que tu sortes d’ici ou tu vas finir par ressembler à une vieille elfe. »
Je secoue le visage en souriant faiblement, refermant la porte de ma chambre. Naturellement, après ses mots, je pars ouvrir la fenêtre afin d’aérer la pièce.
« Je ne fais plus attention.
- C’est un signe ! Crie-t-elle en se jetant sur le lit. »
Je regarde la kitsune s’allonger sur le flanc, posant sa tête dans le creux de sa paume tandis que ses queues battent un rythme lent.
« Il est temps de sortir de ta caverne, Calïa. Que dis-tu de manger avec moi ce soir à la cantine ? Il n’y a pas grand monde avec les battus et autres recherches d’informations, me dit-elle. »
Je prends place à ses côtés, passant une jambe sous mes fesses. Mon visage se penche sur le côté avec curiosité :
« Rien de nouveau à ce sujet ?
- Mathieu confirme bien que certains indices laissés sont de causes humaines et non faëliennes. T’y crois toi ? Un immeuble dans les montagnes. Mes montagnes ! S’indigne-t-elle.
- Un immeuble ? »
Koori m’explique tout, en long, en large et en travers. Me donne des indications sur les termes humains qu’offrent Mathieu. Plus nous parlons, plus le temps passe et je cède à sa requête, celle de rejoindre la cantine. Je me traîne doucement derrière elle, la tête rentrée dans les épaules. La kitsune m’attrape le bras pour m’offrir son soutien. Lorsque nous pénétrons à la cantine, je suis accueillie joyeusement par Karuto et le reste de la bande présente: Chrome, Adalric, Karenn et Mathieu. Dans un coin reculé, j’aperçois Lance qui dîne, seul. Je déglutis difficilement. Koori tire sur mon bras lorsque le dragon daigne poser son regard de glace sur moi. Il m’adresse un simple signe de tête auquel je ne réponds pas.
Les autres m’entourent et m’invitent à m’installer entre eux pour profiter de leur convivialité. Karuto m’apporte mon plateau-repas. Une bulle se crée autour de moi, je ne les entends pas. Je darde d’un regard froid Lance. Il ne me prête plus aucune attention. Koori agite sa main devant mes yeux, je la regarde, reprenant pied dans la réalité.
« Tu ne manges pas ? Me demande-t-elle.
-Oh si, si… Dis-je en bredouillant, piquant un aliment du bout de ma fourchette. »
Je le porte Ă ma bouche. C’est savoureux. Mais mon attention reste focalisĂ©e sur Lance. Ce dernier se lève avant d’apporter son plateau Ă Karuto. Le satyre le salue. Lance nous adresse un dernier signe de tĂŞte. Lorsqu’il quitte les lieux, je sens un poids s’envoler de mes Ă©paules. Ma respiration est moins lourde. Je croise Ă nouveau le regard de la kitsune qui semble saisir mes interrogations intĂ©rieures.Â
« Oui, il est toujours seul. M’informe-t-elle. Il n’a pas vraiment d’amis.
-Si ! Il m’a moi ! Intervient Mathieu, tout sourire en passant une main dans ses cheveux.
-Tu ne comptes pas, tu es son disciple ! Le rembarre la kitsune en levant les yeux au ciel.
-Il est assez solitaire, mais toujours présent pour les réunions de garde. Il se montre plus… sociable. Ajoute Chrome. Du moins, on le sent plus investi et toujours prêt à risquer sa vie. »
Je me contente de hocher la tête. Que puis-je dire de toute manière ?
« Tu ne lui as toujours pas adressé la parole ? Me questionne Karenn, d’un air sérieux. »
Je secoue la tĂŞte de gauche Ă droite.
« Tu sais. Je pense qu’il y a beaucoup de choses non dites entre vous. Autant pour toi que pour lui. Il serait temps de mettre les choses à plat, dit Mathieu. »
Koori écarquille les yeux et lui administre une claque à l’arrière du crâne. L’humain pousse un grognement, fronçant les sourcils.
« Mais quoi ?
- T’es idiot naturellement ou tu le fais exprès ? S’exaspère Koori avec de grands gestes. »
Je serre doucement les poings sous la table. Mes dents mordent l’intérieur de ma joue. Crétin !
« Faut dire les choses telles qu’elles sont ! Les deux souffrent. Vous trouvez ça normal vous qu’il soit seul et qu’elle soit si solitaire ? Vous ne sentez pas qu’il y a quelque chose qui manque ? D’accord, il a fait des erreurs par le passé mais…
- Il a tué son propre frère. Il a tué mon petit-ami, dis-je, ma voix s’élevant soudainement dans les aiguës, incapable d’en entendre plus de la bouche de Mathieu. »
Tous me regardent en pinçant les lèvres. Mon poing frappe la table avec une violence qui m’est encore inconnue. Koori pose sa main sur la mienne. Je serre la mâchoire.
« Tu ne peux pas dire ça Mathieu, pas lorsque tu ne ressens pas un centième de ce que je vis depuis cinq longues putains d’années. Comment oses-tu dire ça ?
- Je ne cherche pas à te blesser, ni même à te forcer la main pour devenir son ami. Mais si tu veux guérir, peut-être devriez-vous faire ce pas.
- Je n’ai jamais entendu une chose aussi stupide sortir de ta bouche. Tu devrais la fermer et quitter tout de suite cette pièce. Dit fermement Koori, en dardant sur lui un regard noir. »
Je sens la colère monter en moi, mais lentement, je tente de reprendre le contrôle. Mathieu part. Karenn et Chrome se regardent en silence, mal à l’aise. Adalric pose son regard sur moi, le visage rayonnant d’une illumination.
« Si cela peut apaiser ta colère, dame Calïa… Les étoiles m’assurent un avenir des plus beaux pour toi. Je ne les ai jamais entendues chanter aussi gaiement. »
Son décalage me fait sourire, le sylphe vit dans son monde.
« Et que me conseillent-elles pour atteindre ce stade ?
- D’écouter la voix de ton cœur. Me dit-il en s’étirant. Elles parlent de Valkyon. Ton cœur a sa voix, tu sauras faire le bon choix. Ecoute simplement les conseils que l’on te donnera. »
Je me contente de hocher la tĂŞte. La sagesse de ses mots m’amène Ă rĂ©flĂ©chir un peu plus sur la situation donnĂ©e.Â
« Quand tu croiseras Lance, promets-moi de ne pas lui en vouloir et de faire tout ce qui est en pouvoir pour le guider. »Â
Les paroles de Valkyon résonnent dans ma tête. Sa dernière volonté. Un soupir imperceptible m’échappe. « Comment ne pas en vouloir à celui qui t’a arraché à moi ? » Un instant je ferme les yeux. Une promesse est une promesse. Koori m’extirpe de mes pensées en tapotant ma main.
« Tu veux retourner dans ta chambre ? Me demande-t-elle d’une voix douce.Â
- S’il te plait. Je suis un peu chamboulée. »
Tous me regardent avec compassion. Chacun m’offre une brève accolade avant que je ne les quitte. Koori ne me lâche pas, et prend soin de me raccompagner jusqu’à mes appartements. Je me hâte jusqu’à mon lit pour m’y allonger à plat dos. La kitsune me rejoint en s’allongeant sur le ventre, attendant que je brise le silence. Mathieu a réveillé en moi un élément perturbateur, et la seule option envisageable à ce moment est Koori et sa franchise. Elle sait me conseiller.
« Qu’est-ce que tu en penses, toi ? Dis-je après quelques instants de rĂ©flexion. »Â
Suis-je vraiment prête à entendre ses conseils ? Koori hausse les épaules.
« Si je dois la jouer franche. Je dirais que tu as plusieurs choix : n’accepter qu’il ne soit que ton chef de garde, celui avec qui tu entretiens une relation professionnelle. Ou bien aller plus loin dans cette relation. Parler avec lui plus intimement. Il est aussi lĂ pour t’aider dans ton deuil. RĂ©pondre Ă ses questions que tu te poses sans cesse, lui exprimer tout ce que tu ressens. Ta peine, ta colère. Lui offrir un pardon ou non.Â
-Et si tu devais me rallier à ta pensée ?
-Je dirais qu’il faut toujours faire face à un problème pour le résoudre. Pour avancer vers une nouvelle page de ta vie. Je suis de celles qui laissent toujours une seconde chance, même à son pire ennemi. Je ne ressens rien d’amical pour Lance mais plutôt énormément de pitié. Il souffre. Peut-être pas autant que toi. C’est une coquille vide qui vit dans la misère, la peine et dans la spirale infernale de ses actes. »
Koori se tourne vers moi, cherchant à capter mon regard. Elle reprend d’une voix sage :
« Même les plus grands meurtriers, ceux pour qui la peine est la mort, ont droit à une dernière parole ou une dernière volonté. Je te conseillerai de parler avec lui. Pour que toi tu avances vers la dernière phase de ton deuil. Et pour que lui emprunte la voie du pardon. Je n’ose pas imaginer ce qu’il peut vivre. Il a été mis en prison par Miiko lors de l’enterrement de Valkyon, puis exilé à Mémoria. Etant donné que Mémoria a disparu, il n’a plus rien. Ni terres, ni relations, ni maanas… Seul contre tous, prêt à mourir pour un pardon. »
Elle marque une pause, je fixe le plafond, mon cerveau bouillonne sous mon crâne. Je ne suis pas un être sans cœur. Je n’aime pas voir les gens souffrir. Est-il vraiment prêt à se repentir ? Se racheter ?
« Qu’importe le choix que tu fais, les étoiles et la voix de ton cœur seront là pour toi ! Reprend Koori pour détendre l’atmosphère. »
Elle réussit à me décrocher un faible sourire. Je tourne mon visage vers elle, croisant mes mains sur mon ventre.
« Merci pour tes précieuses paroles.
- Je devrais peut-être entrer dans un temple dans une prochaine vie, rit-elle. »
Je ris avec elle.Â
‹※›‹※›
Les jours passent et ne se ressemblent pas. Je sors enfin de ma chambre pour reprendre les entraînements sous l’œil inquisiteur de mon nouveau chef. Il me respecte. Je le respecte. Il ne me parle qu’en cas de nécessité et ne m’approche pas plus. Je suis toujours aussi indécise sur la suite de ma relation avec Lance. Cette relation professionnelle me convient, elle lui donne un rôle qu’il n’a pas. Il est quasiment inexistant. Mais est-ce que je pourrais vivre comme ça jusqu’à la fin ? Et si je ne prenais pas le temps de lui parler… Le regretterais-je ? Je fixe bêtement l’arme que j’ai en main. Quelqu’un frappe dedans et je la regarde tomber sans chercher à la rattraper. La voix de Lance résonne :
« Concentre-toi, Calïawëën. Je ne vais pas te réapprendre à tenir une arme, tu n’es pas une jeune recrue. »
Son ton est neutre. Je lève le regard vers lui, désolée, et m’empresse de ramasser l’arme. Le reste de l’entraînement passe au même rythme que les précédents. A la fin de l'exercice, je regarde mes frères et mes sœurs d’armes ranger l’arsenal. Lance ôte son plastron, faisant rouler ses épaules dans un soupir lascif. Il félicite la plupart des obsidiens. Chacun s’en va peu à peu, emportant du matériel avec eux pour le ramener à la forge. Je fixe Lance. Il se tourne vers moi, penchant un instant le visage sur le côté. Je pince mes lèvres.
« Est-ce que je peux t’aider ? Me demande-t-il. »
Par où commencer ? Ne réfléchis pas. Parle avec ton cœur.
« Peut-on se voir seule à seul ce soir ? Dis-je sans détour. »
Il eut un léger rictus en opinant du chef.
« Bien sûr. Qu’est-ce qui t’arrange le plus ?
- Vingt heures aux portes de la cité.
- Entendu. Confirme-t-il en ramassant son épée et son plastron. A ce soir. »
Sans rien ajouter, je le regarde s’éloigner. J’espère avoir fait le bon choix.Â
La fin de journĂ©e passe sans encombre, ma routine ne change pas : un peu de lecture elfique, quelques cours d’alchimie avec Koori et Mathieu, une douche, aller manger. Et pour une fois, je ne serai pas avec le petit groupe Ă la cantine pour jouer Ă un jeu de cartes. Je retourne Ă ma chambre pour prendre une cape que je passe sur mes Ă©paules nues, Floppy me regarde et je la prends entre mes mains, lui adressant un faible sourire.Â
« Je crois qu’il est temps. Lui dis-je. »
D’une main, je rabats la capuche sur mes cheveux et installe la petite musarose dans le creux de mon cou. Je quitte ma chambre pour rejoindre le lieu de rendez-vous. Par chance, je ne croise personne. Et j’en remercie l’Oracle. Lance m’attend aux portes, l’expression toujours aussi vide. Il se frotte la barbe et lorsqu’il m'aperçoit, il se stoppe immédiatement pour m’adresser un signe de tête.
« Bonsoir, m’accueille-t-il.
- Bonsoir, Lance. Répondis-je avec courtoisie.
- Où souhaites-tu aller ? Me demande-t-il en réajustant l’épée à sa ceinture.
- A un endroit qui nous permettra de nous parler en toute sérénité et où on n’aura pas le droit d’en venir aux mains. »
Je n’ajoute rien de plus, l’invitant à me suivre d’un signe. L’instant d’après nous marchons en silence vers la plaine. Je connais ce chemin par cœur. Passer le terrier, tourner à droite, dépasser l’arbre et s’approcher de la falaise. Une pierre. « Ci-gît l’âme en paix de notre sauveur Valkyon. C’est à Eldarya que sa vie appartient désormais. Pour Eel, sa patrie, l’Obsidienne a triomphé. » Je ressens un léger pincement au cœur en glissant mes doigts sur la pierre tombale. Dans mon dos, j’entends Lance tomber. Lorsque je me retourne, il est à genoux, le visage baissé. Je le vois serrer l’herbe entre ses poings. Ma bouche affiche un sourire triste et je détourne le regard pour le laisser encaisser ce cadeau que je lui offre. La première étape du pardon, de son deuil, de mon pas vers l’acceptation.
Mon regard fixe l’horizon, le soleil peine à se coucher, prenant plaisir à caresser de ses rayons l’eau calme de la mer. Floppy remue contre mon cou et je lui adresse une légère caresse. A cet instant, je me sens légère, presque apaisée. Lance renifle dans mon dos, je ne lui en tiens pas rigueur. Lui aussi doit subir un chamboulement dans ses émotions.
« Je suis sincèrement désolé… Du plus profond de mon cœur. Je suis désolé, Calïawëën. Désolé de t’avoir provoqué autant de peine et de chagrin. Je n’avais pas réfléchi à la conséquence de mon acte, j’étais obnubilé par la haine. Je regrette. Je ne mérite pas ce geste de ta part, pas après tout ça. »
Sa voix est rauque. Je sens ses paroles sincères. Ma tĂŞte pivote et mon corps s’avance vers lui. Sans rĂ©flĂ©chir, je m’installe Ă genoux Ă ses cĂ´tĂ©s, fixant la tombe sans peine. Je dĂ©pose Floppy sur l’herbe pour la laisser, elle aussi se recueillir.Â
« Pourquoi tu fais ça ? Demande Lance à mes côtés.
- Parce que je connais ta peine et ta douleur. Et que je ne suis pas quelqu’un de sans cœur. Le fait que Miiko t’ai interdit d’assister à son enterrement est une chose. Te repentir en est une autre. Demander pardon est un acte brave, parce que tu as conscience de la cruauté qu’il y avait en toi il y a six ans. Et sur ce point-là , je peux affirmer que tu as changé. »
Je me mue, caressant l’herbe à mes genoux avant de reprendre.
« On ne pourra jamais changer le passé. Mais le pardon élargira les horizons du futur. J’ai promis à Valkyon de ne pas t’en vouloir. Dans le fond, je t’en veux terriblement. Mais je ne souhaite pas vivre dans la rancœur ou la vengeance. Je ne sais pas si nous deviendrons amis ou si nous resterons de simples collègues. »
Je tourne mon visage vers l’obsidien, amenant ma main sur la sienne avec un faible sourire. Lance me regarde, sans voix. Je presse sa paume.
« Je suis prête à t’écouter. Te pardonner me prendra du temps. Mais si je veux accéder à la prochaine étape de mon deuil alors je suis prête, ici et maintenant. Et j’espère sincèrement pouvoir aussi t’aider à prendre le chemin de la paix. »
Le dragon ne me quitte pas de ses yeux humides, pinçant ses lèvres.Â
« Je ne sais pas par où commencer. Peut-être te remercier de m’avoir conduit ici, de me permettre la rédemption que j’attends mais que je ne mérite pas. Il n’y a pas de mots assez forts pour te dire combien je regrette chacun de mes gestes, de la peine que j’ai provoquée. A toi, à Valkyon, à la garde. La mort ne m’apportera jamais la paix que j’ai perdue dans ma quête folle. J’ai été guidé par la haine et l’envie de revanche. J’ai tué sans pitié. Je me suis perdu. »
Il déglutit en portant son attention sur la tombe devant nous.
« Je suis désolé, mon frère. Sincèrement désolé. Je n’ai jamais voulu en arriver là . Ce n’était pas moi. Pardonne-moi. Je t’aime. »
Le vent nous caresse la peau. A cet instant, j’ai l’impression de ressentir la prĂ©sence de Valkyon derrière nous. Il sera toujours lĂ . Je sens sa main fantomatique caresser ma joue, ses bras serrer Lance.Â
« Si seulement je pouvais remonter le temps, dit le dragon en posant la tête au sol, éclatant d’un sanglot silencieux. Je n’ai jamais voulu de ça. »
Je lui serre doucement la main, le laissant submergé par ses émotions. Floppy s’approche de lui pour lui donner aussi un peu de soutien. Le soleil se couche à l’horizon, laissant peu à peu place à la lune et aux étoiles. Je lève le regard vers le ciel, elles ont l’air de chanter comme l’avait dit Adalric. Une larme roule sur ma joue. Je suis soulagée, une nouvelle vie s’offre à moi. J’accepte mon deuil, mon rôle de veuve. Lance est sur la voie de la guérison et Valkyon veille sur nous. Je prends la main de Lance entre mes deux paumes.
« Merci, me dit sincèrement l’homme qui s’est redressé quelques instants plus tôt. »
Il fixe l’horizon.
« J’espère de tout mon cœur qu’un jour tu sauras me pardonner, Calïawëën. Valkyon, je prie pour que tu m’insuffles ta sagesse.
- Je ne peux te dire ce que je ne sais pas Lance, ni te donner ce que je n’ai pas. Tout ce que je peux te promettre, c’est un nouveau départ. Et cette sagesse tu l’as, c’est toi qui lui as inculqué cette valeur, tu sauras la retrouver. Lui dis-je d’une voix douce. »
Il me regarde, m’offrant un lĂ©ger sourire. J’aimerais lui dire que tout s’arrangera, mais je ne lis pas encore l’avenir. Je suis toutefois certaine que nous sommes sur la bonne voie.Â
‹※›‹※›
Une annĂ©e s’est Ă©coulĂ©e depuis notre rendez-vous sur la tombe de Valkyon. La relation que j’entretiens avec Lance est plus que positive. Amicalement timide. Je ne sais pas encore comment aborder ce nouvel aspect de ma vie. Je ne suis plus aucune thĂ©rapie, je suis guĂ©rie. Koori, autant que le reste de mes amis, avait Ă©tĂ© soulagĂ©e. Aujourd’hui, je reste auprès de Lance pour l’aider dans sa quĂŞte de la rĂ©demption. Je vois en lui l’homme brisĂ© qu’il est, incomplet sans son frère. J’ai rĂ©ussi Ă lui pardonner. Je n’oublierai pas pour autant le passĂ©. Ce qui a Ă©tĂ© fait est fait mais l’avenir nous ouvre d’autres horizons. Il n’est pas possible de vivre dans la colère toute sa vie. Le pardon est une forme de renaissance.Â
Nous sommes sur la plage, Lance aide à charger la cale du bateau qui l’emmènera en mission vers ces étranges bâtiments qui ont pris la place de l’île de Mémoria. Il est plus sage, différent. Il ferait n’importe quoi pour vivre sans remords. Je ne saurais pas qualifier notre relation, mais je sais qu’elle m’apporte un certain réconfort. Sa présence me rappelle les propos de Valkyon à son sujet, cet aura altruiste qu’il possède. Je souris. Ashkore a disparu et Lance renaît de ses cendres. Le dragon s’approche de moi en frappant dans ses mains, je sursaute.
« Tu rêvasses ! Me dit-il.
- Je n’ai pas le droit de rêvasser pendant que tu bosses ? Je rétorque.
- Tu veux faire cent pompes dans le sable ?Â
- Oh, je crois qu’on m’appelle. Tu n’entends pas la douce voix de Jamon ? »
Je feins de tendre l’oreille et de chercher l’ogre du regard. Lance lève les yeux au ciel avant de tapoter le haut de mon crâne.
« N’abuse pas trop d’hydromel pendant que je ne suis pas lĂ . Je ne pourrai pas tenir tes cheveux.Â
- Et toi, fais attention. J’ai vraiment besoin de quelqu’un pour me tenir les cheveux. Dis-je avec un petit rictus amusé. »
Lance m’adresse un clin d’œil avant de m’offrir une brève accolade. Il est temps pour lui de partir et de reprendre goût à son travail. J’agite la main pour le saluer.
« Bon vent, chef ! »
(Lance) Are you my ennemy ? ❣
Cet OS a été écrit pour Sirania, l'OC ne m'appartient pas.
Je relevai le visage vers la lumière qui passait entre les feuilles. Sa chaleur apaisait mes traits, et tout autour de moi, j’écoutais la nature. Des bruits de gouttes d’eau qui chutaient pour créer de doux clapotis dans le ruisseaux, des oiseaux qui gazouillaient entre eux, des insectes qui butinaient. Il n’y avait rien de mieux que la forêt d’Eel pour trouver du réconfort. Nessa, ma jolie Skanis, était couchée à mes côtés. Ses yeux vairons suivaient avec envie les petits animaux qui s’aventuraient près de nous. Mon visage reprit sa position formelle sur mes épaules, en face du ruisseau. Je laissai un bref soupir passer la barrière de mes lèvres tandis que je me redressais pour épousseter mon pantalon au niveau de mon fessier.
« Viens Nessa, rentrons. »
Cette dernière se mit à grogner en s’étirant, ce qui me fit sourire. Je tapotai son arrière-train avant de me pencher pour ramasser toutes les herbes, et autres plantes, que m’avait demandé Ezarel. Nessa se joignit à mes côtés. Nous marchions en silence, et à vrai dire, je n’avais pas besoin de parler. Nessa et moi étions assez fusionnelles pour nous comprendre sans un mot. Elle n’était peut-être qu’un familier, mais elle n’en était pas moins ma meilleure alliée ici.
Nos pas nous menèrent rapidement à l’entrée de la forêt. Quelques enfants jouaient dans la plaine, et je souriais naturellement aux personnes que je croisais en remontant vers les portes du Q.G. C’est une belle fin de journée, rien ne l’avait gâchée de mon côté. Lorsque j’atteignis les portes, j’offris mon plus beau sourire à Jamon.
« Sirania. Toi de retour ? Toi avoir trouvé plantes pour alchimie ?
- Oui, j’ai tout trouvé ! Je vais aller étudier. Si on me cherche, je serais en salle d’alchimie… As-tu vu Ezarel ?
- Non.
- Merci quand même. Bon courage pour la fin de garde Jamon, on se voit au repas de ce soir ! »
Il m’offrit son plus beau sourire d’ogre, et je ne pus m’empêcher d’y répondre avant de pénétrer dans l’enceinte de notre ville. Mes pas empruntèrent le chemin habituel, marquant le rythme sur les pavés en pierre. Au loin, j’entendais la garde obsidienne s’entraîner. Je jetais un bref coup d’œil à cet entraînement, m’arrêtant au milieu de l’allée. Au milieu de cet foule de soldat, j’aperçus une silhouette familière, grande et costaud: Valkyon. C'était un bon chef de garde. Il savait faire respecter les lois, et se montrer assidu dans les entraînements de son équipe. Je regardai chaque mouvement de combat qu’offrait les soldats, à la fois impressionnée et admirative. Nessa se mit à grogner, me faisant sortir de ma torpeur. Elle se mit automatiquement devant moi pour me protéger.
« Je vois qu’elle ne m’aime toujours pas. Pourtant tout le monde m’aime. »Â
Je ne pus m’empêcher de rire franchement en relevant mon visage vers cet œil gris qui me scannait de haut en bas.
« Nevra. Ton ego finira par t’étouffer tu sais.
- Je préférais que ce soit toi qui m’étouffes. »
Je levai automatiquement les yeux au ciel, amusée par son comportement enjôleur. Il s’approcha de moi, ne prêtant pas attention à Nessa qui se mettait à grogner avec possessivité. Je levai un sourcil en posant ma main sur le haut du crâne de cette dernière. Nevra se contenta de jouer avec l’une de mes mèches de cheveux en se penchant vers moi.
« Tu es sûre que tu ne veux pas m’étouffer ?
- Nevra… On a passé de bons moments ensemble mais s’il te plaît cesse ce comportement avec moi. Y a d’autres filles qui te satisferont.
- Oui, mais je ne veux que toi.
- Cesse un peu ta crise, tu veux ? Répondis-je en relevant mes yeux bruns vers son œil. S’il te plaît. On en a déjà discuté. Et tu étais d’accord avec les termes de nos contrats.
- Allez… Une dernière fois.
- SIRANIA. »
Mes yeux s’écarquillèrent de surprise, ce qui amusa Nevra. Je me contentais de le fusiller du regard en me détournant de lui afin de voir ce que je craignais, ou plutôt qui je craignais: Ezarel. Il se tenait à quelques pas de nous, les bras croisés, les sourcils froncés. Nevra se mit à mes côtés, un sourire amusé sur les lèvres.
« Ezarel, mon meilleur ami.
- Toi tu la fermes.
- Surveille ton langage ! » Dit le vampire en portant une main à son cœur, d’un air dramatique.
Je levai les yeux au ciel, quant à Ezarel, mon demi-frère aux cheveux bleus, il me fixait avec insistance.
« Viens. On doit étudier ce que tu as rapporté.
- Oui j’arrive. Dis-je en m’avançant vers lui
- Tu sais que ma chambre est ouverte pour toi jolie sirène. Lanca Nevra d’une voix suave, je fis volte-face pour lui décocher un coup de poing dans l’épaule en râlant.
- Je ne suis pas une sirène ! Je suis une elfe, idiot !
- Je ne sais pas… Je n’ai plus les preuves sous les yeux. Dit-il avec un sourire sarcastique en me fixant, remuant ses sourcils d’un air charmeur.Â
- Ne t’avise pas de toucher à ma sœur, vampire ! » Intervint fermement Ezarel.
Quant à Nevra, il se contenta de rire en tapotant le sommet de mon crâne. Je secouai le visage en suivant Ezarel qui s’était déjà avancé vers la fontaine. Nous ne parlions pas sur le chemin. Pourquoi le faire alors qu’il bouillonnait intérieurement. Nous passions les portes du Q.G, laissant Nessa entre les bonnes pattes de Purreru. D’un seul et même mouvement, nous gravîmes l’escalier pour nous enfermer dans la salle d’alchimie. Doucement, je posais mon butin sur le plan de travail, entreprenant de déposer et disposer les plantes que j’avais trouvé.
« Je suis désolé. » marmonna mon frère.
Je relevai alors la tĂŞte avec un petit sourire.
« Tu as finis de liguer ta bataille entre ta possessivité et ton côté fraternel ?
- Mh. Méfie-toi juste de lui. Tu sais la réputation qu’il tient.
- Ezarel. Je suis consciente de ça. Mais je suis majeure et mon corps m’appartient. Je sais que tu n’apprécies pas notre relation, mais tu ne peux pas empêcher deux personnes de s’apprécier, même amicalement.
- Je ne veux juste pas qu’il te fasse de mal.
- Nous connaissons nos limites. Je sais que tu veux jouer le rĂ´le du grand frère protecteur, mais s’il te plaĂ®t laisse-moi vivre ma vie comme j’ai dĂ©cidĂ© de la mener. Et si Nevra me brise, alors ainsi soit-il.Â
- Tu comptes te mettre avec lui ?
- Je n’ai pas dit ça. Et crois-moi, depuis que tu nous as surpris au lit…
- N’en dis pas plus, s’offusqua-t-il en grimaçant, ce qui me fit rire.
- ArrĂŞte de faire le chaste alors que tu aimes bien renifler plusieurs pots de miel.
- C’est très… Poétique.
- J’aurais plutôt dit « mielleux », ris-je de bon cœur. Non plus sérieusement. J’ai juste un lien fort avec Nev. Tout comme toi tu l’as autant avec lui. Alors relaxe, j’ai compris la leçon !
- Bien… Maintenant, voyons voir ce que tu as apporté. »
Je me contentai simplement de sourire. Ezarel, n’aimait pas trop diverger sur ma relation ambiguë avec Nevra mais il savait très bien qu’il ne pourrait rien y faire. Je le regardai encore un instant, avec admiration alors qu’il sortait les grimoires des Absynthe. Il m'offrit un clin d’œil avant d'entamer notre étude. L’alchimie n’avait aucun secret pour lui comme pour moi. Nous aimions notre métier, et découvrir de nouvelles potions. Cela avait tendance à nous animer passionnément. A tel point que nous ne voyons même pas le temps passer, ni même entendons le gong du dîner. Lorsque je relevais les yeux de mon mélange, j’aperçus la chevelure brune de Nevra. Il nous fixait.
« Vous faites grève de la faim les elfes ? » Nous lança-t-il de son plus beau sourire.
Je me contentais de lui balancer des pétales de rose à la figure en marmonnant une insulte.
« C’est ce dont à quoi ressemble ton amour pour moi petite Sirania ?
- Va te faire cuire de l’ail et brĂ»le toi la gorge avec, le vampire ! Â
- Outch. » fit-il mine en se tenant le cœur.
Je laissais échapper un rire franc en me redressant pour emboîter le pas des deux chefs de garde. Nous parlions de nos thèses sur les plantes avec Ezarel. Nevra n’en comprenait pas un mot, mais fit mine de s’y intéresser alors que nous passions les portes d’une cantine bondée de gardiens et gardiennes en tout genre. Je sentais les regards se braquer sur moi, et je ne pus m’empêcher de baisser le regard. Pour être honnête, ces regards me mettaient mal à l’aise. Ça ne faisait pas longtemps que j’étais présente au Q.G et j’étais la cible principale des autres. Mon surnom dans les couloirs était « pistonnée », j’avais fini par m’y habituer. « Pistonnée » parce que mon demi-frère m’avait faite entrer dans la garde de l’Absynthe. « Pistonnée » car j’avais fricoté avec le chef de la garde de l’Ombre. « Pistonnée » car je m’attablais dans le cercle restreint de l'Étincelante. Plateau en main, et encadrée par mes deux chefs, je m'avançai vers la tablée du milieu où étaient regroupés Miiko, Valkyon, Lance, Ezarel, Nevra, Leiftan et moi. Je me glissai en silence entre Ezarel et Nevra après avoir adressé un signe de tête aux différents membres. Les regards me fusillèrent le dos, mais je n’y prêtais plus attention, préférant déguster les mets préparés par Karuto. Des yeux perçants me fixaient, je le sentais. Et je ne me trompais pas. Deux billes saphires me toisaient. Calmement, je me redressais en haussant un sourcil interrogateur vers lui : Lance. Un bel homme aux cheveux de neige et au regard de glace. Son visage était balafré, mais ça ne le rendait pas moins attractif.
« Comment va la « pistonnée » de la garde ? » Provoqua-t-il sans me quitter du regard.
Il avait un certain talent pour pousser les gens à bout et les faire sortir de leurs gonds aussi rapidement qu’un éclair.
« Je me porte à merveille, merci Lance. Quant à toi ?répondis-je cyniquement en reprenant une nouvelle cuillerée de mon plat rehaussé de piment.
- Tout aussi bien que toi. Qu’a fait la sĹ“ur de Ezarel dans la forĂŞt aujourd’hui ?Â
- Qu’a fait le frère de Valkyon de sa journĂ©e, exceptĂ© se tourner les pouces ?Â
- OK, tout doux tous les deux. Nous n’avons pas besoin d’un combat au milieu de la cantine, intervint Leiftan d’un ton calme en nous scrutant tous les deux. Calmez vos ardeurs. Lance cesse de la provoquer. Sirania cesse de répondre à ses attaques. »
Lance affichait un sourire triomphant, quant Ă moi, mes traits affichaient un air renfrognĂ©. Quel con. Je n’ajoutais rien, mais Ă en voir le regard rĂ©joui de mon homologue, il ne lâcherait pas l’affaire.Â
« Laisse-moi un peu m’amuser Leif. C’est la distraction de la journĂ©e.Â
- Ferme-la Lance.Â
- Sirania. » Intervint Ezarel en posant une main sur mon poignet.
Je ne quittai pas du regard l’homme face à moi. Chef ou non de la garde, je ne le laisserai pas me manquer gratuitement de respect.
« Non laisse Ezarel, je trouve qu’elle a beaucoup de caractère. Tu n’aurais donc pas Ă©tĂ© pistonnĂ©e ?Â
- Ferme-la avant que ça dérape Lance, dis-je d'un ton sec.
- Sinon quoi, tu vas me lancer une potion acide Ă la figure. Tu sais que je n’en ai pas peur ? »Â
Les brouhahas avaient cessĂ© dans la pièce, tout le monde nous fixait. L’amusement de la soirĂ©e allait commencer et ça allait en rĂ©galer plus d’un.Â
« Tu sais très bien de quoi je suis capable avec les potions. Ne sais-tu pas que je suis l’une des meilleures dans ce domaine ?
- J’en tremble presque. Tu es à deux doigts de siffler ton familier pour manger mes restes ?
- Parle autrement de Nessa.
- Je n’en ai vraiment rien Ă secouer de ta Skanis ma grande. Elle est aussi pitoyable que toi.Â
- Va te faire foutre Lance. » M’exclamais-je amèrement en serrant les poings sur le bois de la table.
Je ne devais pas céder à la colère. Ni rentrer dans son jeu, mais c’était plus fort que moi. Il savait à chaque fois où taper.
« La plus jeune membre de la garde devrait respecter ses aĂ®nĂ©s, tu sais ?Â
- Pourquoi respecter un connard comme toi ?
- C’est tout ce que tu as dans le ventre la « pistonnĂ©e » ? Allez, laisse un peu Ă©clater ta rage, je suis sĂ»re qu’on va s’amuser. »Â
C’en était trop. Sans réfléchir, je lui balançai mon plat ainsi que mon verre d’eau au visage en m’étant redressée avec fureur. Ezarel n’avait rien pu faire pour me contrôler. Je voyais rouge, mes poings étaient serrés à tel point que mes jointures allaient exploser. Un lourd silence régna dans la cantine, personne n’osait réagir ou dire quoi que ce soit. Tout le monde sentait la fureur de Lance, et moi je m’en contre fichais, je le fusillais du regard. Il darda sur moi ses yeux de glace. Je le soutins sans aucune difficulté, mais il me déstabilisa en éclatant de rire, saisissant la serviette que lui tendait son frère. Mes yeux s’humidifiaient avec colère, une énorme boule se coinça dans le fond de ma gorge. Il était insupportable et tyrannique. Il prenait un plaisir malsain à me blesser. J’inspirais lentement pour calmer cette rage en moi, il était hors de question de me laisser faire.
« Va pourrir. »Â
Se furent mes derniers mots à son égard. Je me dégageai de la main d’Ezarel qui me retenait, tournant les talons pour sortir de cette cantine oppressante. Dans mon dos, j’entendais mon frère s’en prendre à mon rival, mais ce n’était qu’un bruit sourd. Ma tête bourdonnait de colère, mon corps était tendu et prenait la direction de la sortie du Q.G. J’avais besoin de prendre l’air, de respirer, de me calmer. Rapidement, je dépassai la fontaine en laissant aller mes larmes sur mes joues. J’étais blessée. Comment pouvait-on être aussi imbu envers quelqu’un qui venait à peine d’arriver ? Je pleurai en silence en me dirigeant vers les grandes portes. Etonnamment, on me laissa les passer. Les gardes n’avaient rien fait pour m’en empêcher. Faisais-je autant pitié ? Ou pensaient-ils que je quittais enfin cet endroit ? Je n’en sais rien, ils ne laissaient rien transparaître.
Mon regard balaya la plaine éclairée par la lune. C’était si calme. Les arbres avaient un son apaisant et profond, les fleurs fredonnaient une berceuse. Je me retrouvais au milieu du chemin. A gauche, il y avait l’appel calme et apaisant de la forêt. A droite, le tumulte de l’océan. Je pris une longue inspiration et suivis mon instinct colérique. Le tumulte m’aiderait à réguler ce sentiment douloureux. Mes pieds rencontrèrent le sable. Mon regard se porta sur les vagues qui s’échouaient et écrasaient les milliers de grains avant de les emporter avec elle dans ses abysses. Je m’avançais vers ce champ de bataille, prenant place face à ce dernier. La nuit était paisible, les vagues étaient tout aussi noires que ma colère. Lance avait une tendance à pousser les gens à bout, mais je m’étais promis de ne pas y céder. La colère n’appartient qu’au faible. C’est ce que me répétait souvent ma mère. Suis-je donc faible à ce moment ?
« Tu es faible » résonna une voix d’homme derrière moi, je sursautais et me mis rapidement sur pied en position de défense.
Je n’étais peut-être pas une guerrière, mais Ezarel s’était efforcé de m’apprendre quelques bases.
« C’est bon, baisse les armes, je ne suis pas venu pour te livrer bataille.
- On ne sait jamais. » RĂ©pondis-je d’un ton sec.Â
Je fixais ses yeux bleus, les sourcils froncés. Allait-il encore me pousser à bout ?
« ArrĂŞte de comporter comme une victime.Â
- ArrĂŞte de te comporter comme le roi des cons au pays des emmerdeurs, Lance.
- Tu me fais presque peur.
- Tais-toi, par l’Oracle. Qu’est-ce que tu me veux ? »Â
Il me sourit d’un air narquois, se contentant de me fixer. Il ne dit rien. Je rageai intérieurement avant de laisser libre cours à un grognement frustré, levant les yeux au ciel.
« Réponds-moi ! Qu’est-ce que tu me veux ?
- Je croyais que tu voulais que je me taise !
- Tu es vraiment exaspĂ©rant. Si tu es venu pour te moquer de moi, ou me rabaisser, je t’invite cordialement Ă me laisser en paix !Â
- C’est assez facile de te pousser à bout. » Constata-t-il.
J’expirais lourdement, fermant les paupières pour reprendre le contrôle sur ma colère.
« Ne m’en veux pas, je trouve ça très amusant.
- Dégage.
- Ne fais pas ta susceptible Sirania. »
C’en était trop. Les poings serrés, je dépassai cet abruti sans oublier de lui offrir un joli nom de Beckett. Mais avec violence, il me tira en arrière par le poignet, manquant de me faire tomber. Je ne pus m’empêcher de grogner de douleur en le fusillant du regard. Lui n’exprimait rien, ou alors peut-être de l’agacement. Il eut un long moment de silence entre nous. Un silence tempéré par le bruit des vagues qui s’échouaient sur le sable meurtri.
« Je te présente mes excuses. » finit-il par dire en relâchant sa pression autour de mon poignet.
Je le frottai pour aider mon sang à circuler à nouveau dedans, la bile au milieu de la gorge. Il n’en pensait rien. C’était un manipulateur qui ne pensait qu’à lui-même et utilisait les autres pour parvenir à ses fins. Lorsque que je détournai le visage, je le sentis se pencher vers moi. Je déglutis, mal à l’aise. Il était proche, beaucoup trop proche de moi. Je sentais son souffle sur mon visage, et son bras eut le temps de m’enserrer la taille sans que je le sente. Instinctivement, je posai mes mains contre son torse musclé pour le maintenir à distance.
« Maintenant, essaie de prendre un peu plus de caractère. Arrête de jouer les martyrs, arrête de courir dans les jupons de ton frère dès que tu te sens en danger, ou d’envoyer ton putain de familier pour te protéger. Tu n’arriveras jamais à te faire une place ici si tu continues ainsi, me souffla-t-il.
- Garde tes excuses mal placées pour toi. Tu ne penses même pas à la douleur que tu infliges aux gens. Je sais me débrouiller, je ne suis pas une martyre. Ni une victime. Demande-toi juste ce que ça fait de se sentir à l’écart et d’être épié dans tes moindres faits et gestes. Demande-toi ce que ça fait d’être jugé à chaque fois que tu croises quelqu’un. Demande-toi pourquoi on t’insulte alors que tu fais tout pour être poli et altruiste. Je ne me suis jamais mise en position de victime. Jamais. Ce n’est pas parce que Ezarel est mon frère que tout m’est dû. J’ai su faire mes preuves, comme tout le monde, pour entrer dans la garde. Si tu le permets, dis-je en le repoussant avec force, la voix tremblante et essoufflée par mon monologue. Apprends à t’excuser sincèrement. Quand tu me connaîtras réellement, réitère tes propos. A partir de maintenant, ne m’adresse plus la parole, ignore-moi et oublie-moi. »
Je le saluais sèchement et pris soin de le contourner pour le laisser en plan sur cette plage. Il était hors de question de me retourner ou d’espérer qu’il m’appelle avec désarroi. Je sentis néanmoins son regard glaçant fixer mon dos et je pouvais aisément deviner le sourire sadique qui l’accompagnait.
‹※›‹※›
Quelques jours, voire quelques semaines s’étaient écoulées depuis mon altercation avec Lance. Je ne l’avais pas recroisé. Il m’avait soigneusement évité, comme je le lui avais demandé, je ne pouvais qu’en être reconnaissante. Je ne le voyais plus, ni dans la cité, ni à la cantine, ni avec mon entourage. Naturellement, je m’étais confiée à Ezarel de toute cette après soirée. Peut-être l’avait-il mis en garde. Je ne sais pas. Mais je ne m’en portais pas plus mal. Mes journées étaient devenues un peu plus calmes, je les affrontais avec beaucoup plus de sérénité. Plus personne ne me regardait comme avant. Quelque chose avait changé. Je marchais vers le marché en compagnie de Nessa, il fallait que je fasse plusieurs emplettes. Non seulement pour moi, mais aussi pour ma Skanis. Un félin se présenta devant moi, les yeux vairons aux regards pétillants de malice.
« Bonjour ma jolie, qu’est-ce qui t’amène par ici ?
- Bonjour Purral. Et bien, l’envie de vous donner mes maanas, voyons !
- Tu nous flattes très chère. De quoi as-tu besoin ? Me souriait le chat de manière vorace.
- Il me faudrait de la nourriture pour Nessa. Disons, trente candy canes. J’ai aussi besoin d’élément d’alchimie, Ezarel et moi voulons tenter le parchemin de l’eau de Lune. Il me faudrait donc de l’eau pure distillée, une pierre de lune et un peu d’herbe de nuit. Et enfin, je suis sûre que Purriry a quelque chose d’intéressant pour moi… J’ai entendu dire qu’elle avait confectionné une nouvelle robe verte en velours ! »
Purral ne put réprimer un sourire carnassier, après tout, je lui apportais une bonne dose de maanas. Peut-être lui faisais-je son chiffre d’affaires de la journée, qui sait ? Quoi qu’il advienne, Purreru vint tout de suite à ma rencontre, enfin surtout celle de Nessa, pour l’examiner. Étonnamment, elle se laissait faire, reniflant le félin amicalement.
« J-j-je… Je vois que tu t’en occup-pes très bi-bien… BĂ©gaya-t-il Ă mon attentionÂ
- Merci Purreru ! dis-je d’un ton aussi doux que mon regard afin qu’il se détende
- Je te… Je te conseille de trai-traiter son pe-pe-pelage avec la nouvelle ga-ga-gamme « spray gelé ». A faire avant son brossage pour éviter de lui casser le poil. Et pour sa pierre, la faire briller avec une lotion à base d’edelweiss, me dit-il sans aucune gêne, je me contentais de lui sourire admirativement.
- J’en prends bien note. Combien te dois-je ?
- Oh. Je. J-je t’offre la première gamme p-po-pour l’essai. Règle moi les candy canes. Al-alors.. Quatre-vingt-dix ma-maanas. »
Je le lui donnai sans sourciller, satisfaite de repartir avec un petit cadeau de fidélité. Purerru était très bon dans ce qu’il faisait. Il avait un très grand cœur pour les familiers, et je ne pouvais que lui en être redevable. Il avait sauvé Nessa. Purroy ne mit pas plus de temps à répondre à mes demandes d’alchimie, m’apportant tout le nécessaire dans un sac de lin. Du coin de l’œil, je voyais la jolie Purriry me guetter avec un sourire prédateur. Oh oui, elle allait me faire dépenser une tonne de maanas.
« Jolie Sirania… Viens donc me voir. J’ai concocté pour toi la plus belle robe pour des missions confort ! Miaula-t-elle mielleusement.
- Tu m’en diras tant jolie chatte ! »
Elle m’adressa un clin d’œil en me tirant dans sa boutique. J’y passais une bonne demi-heure, à essayer tout ce qu’elle me proposait en teinte verte. Allant du fluo au pastel, s’arrêtant par le foncé. Elle avait au moins refait ma garde-robe de deux tenues. Je repartis fièrement avec une robe de velours au dos nu, et une tenue de mission: une combinaison moulante mais confortable, avec une ceinture qui me permettrait de porter toutes mes potions et mon mini-grimoire. Mon porte maana avait souffert, mais j’étais ravie. Peut-être que demain je le regretterais. Après avoir salué les Purrekos, je prenais la direction du Q.G pour aller m’enfermer en salle d’alchimie pour commencer l’eau de Lune. J’étudiais un long moment dans le calme et la solitude. Pour une fois Ezarel n’était pas dans mes pattes. Mais ce fut de courte durée, il débarqua en trombe dans la salle. Je levais le nez du grimoire pour l’interroger. A son visage, je compris que ça n’allait pas me plaire.
« Ne me dis pas que tu m’apportes une mauvaise nouvelle, marmonnais--je
- Pour être honnête, j’ai une bonne et une mauvaise nouvelle.
- Génial.
- Laquelle tu veux en première ? » Sourit-il de toutes ses dents.
Je poussai un grognement en me redressant.
« Arrête de jouer avec ma sensibilité !
- T’es pas drĂ´le. T’as tes règles ?Â
- Je suis sûre que Nevra adorerait s’y abreuver, répondis-je du tac au tac, un sourire triomphant quand le visage de mon demi-frère se ternit. Alors, qui c’est qui n’est pas drôle maintenant ? » Rétorquais-je en haussant un sourcil, le regard malicieux.
Il bougonna avant de reprendre :
« OK. Tu remportes le point. La bonne nouvelle, c’est que tu vas avoir une mission dans la forêt. Nous avons besoin de nouvelles recherches sur certaines nouvelles plantes, leurs capacités, leurs bienfaits, ce qui est bon, pas bon. Tu connais la chanson.
- Nous allons devoir repousser notre séance sur l’eau de Lune alors ?
- Exactement. On en profitera pour attendre la pleine Lune. Il faudra penser à charger la pierre ce soir pour qu’elle gagne en puissance.
- Bien. Et la mauvaise nouvelle ?
- Oh ça… C’est un ordre de Miiko, alors ne va pas déclencher un ouragan dans le Q.G. Je n’y suis pour rien.
- Accouche.
- Bien. Tu ne feras pas cette mission seule… Miiko exige que les liens entre les diffĂ©rents gardiens et gardes soient au beau fixe, sans altercations. Qu’on puisse compter les uns sur les autres. Esprit d’équipe tout ça… Alors. Miiko a exigĂ© que tu travailles en binĂ´me avec Lance. Pour vous rĂ©concilier. »Â
Je ne pus empĂŞcher un rire jaune m’échapper. Moi ? Travailler main dans la main avec Lance ?Â
« J’espère que c’est une Ă©norme blague. Vous voulez qu’on s’entretue ? Qu’est-ce que Miiko a fumĂ© au juste ? De l’herbe de Sabali ?Â
- Sira…
- Je refuse Ezarel. Je ne veux pas avoir Ă supporter cette espèce de… de… Panalulu.Â
- Tu ne peux pas refuser un ordre de l'Étincelante.
- Alors changez-moi de partenaire. Je préfère encore me coltiner le sale caractère de Chrome que Lance.
- Je suis désolé. Nous n’avons rien pu faire avec Valkyon. Vous allez devoir faire avec…
- C’est ce qu’on va voir oui ! »
Je me laissai tomber de ma chaise haute pour quitter, comme une furie, la salle d’alchimie, Ezarel sur les talons. Les poings serrés, je pris la direction de la salle de cristal sans même prendre la peine d’annoncer mon arrivée. Leiftan me jaugea avec un calme olympien, haussant simplement les épaules à mon égard. Je pus l’entendre murmurer à l’oreille de la kitsune un « je te l’avais dit ». Mon demi-frère se tenait derrière moi alors que Miiko fixait l’entrée derrière moi. Et je sus pertinemment que Lance et Valkyon s’y tenaient.
« Je refuse la mission.
- Tu ne peux réfuter un ordre de l'Étincelante Sirania, tu le sais, me dit calmement la cheffe
- Alors change-moi de partenaire !
- Je ne peux pas. Tout le monde est pris. Tu feras donc cette mission en compagnie de Lance. Que vous le vouliez ou non. Ça vous apprendra à faire des scènes au milieu de la cantine. Vous allez prendre votre mal en patience et coopérer. J’attends de vous une réconciliation. Nous ne pouvons pas nous permettre d’avoir des soldats qui se haïssent au sein de la garde. Débrouillez-vous pour avoir un respect mutuel.
- Alors ne viens pas pleurer Ă mes pieds quand j’aurais Ă©gorgĂ© ton cher et tendre Lance contre un tronc d’arbre. » sifflai-je avec mĂ©chancetĂ©.Â
Miiko eut le regard noir. Je tournai les talons et foudroyai Lance du regard. Il était ravi de la situation.
« Ouh, c’est qu’on a vraiment un caractère sanguinaire alors, remarqua-t-il d’un ton acerbe, le sourire satisfait au coin de la bouche.
- Ne manque pas de respect à tes supérieurs Sirania, gronda Miiko du haut de son piédestal.
- Et toi, apprends à … Mmhpf. »
Je ne pus renchérir, Ezarel avait plaqué sa main sur ma bouche en grondant. Mes poings se serraient, mais je pris la peine de baisser le regard en quittant la pièce. Derrière moi, Ezarel annonçait que je serais là demain, à huit heures pétantes pour le début de la mission. Je n’ajoutais rien. Il me fit des remontrances, comme tout bon chef de garde et m’ordonna d’aller ranger la salle d’alchimie comme punition.
‹※›‹※›
Le réveil fut terrible. Je n’avais pas dormi de la nuit, j’étais en colère, frustrée et agitée. Comment allait se passer cette mission avec Lance ? Un soupir passa la barrière de mes lèvres quand je quittai mes draps. Je préparai mes affaires pour rejoindre les douches communes, l’avantage, c’est qu’aux aurores il n’y avait personne, sauf Valkyon, torse nu avec une serviette autour de la taille. Je baissais le regard en le saluant, même s’il était bien bâti, ce n’était pas le moment de batifoler. Il me salua en retour avant de se tourner vers moi alors que je préparai mes affaires de douche.
« J’espère que tout se passera bien durant votre mission. Je sais qu’il a une tendance à taper sur les nerfs, mais sois indulgente. Il finira par se lasser. Ce n’est pas une mauvaise personne dans le fond, crois-moi.
- Je prends note Valkyon. Merci. » lui rĂ©pondis-je doucement avant de m’enfermer dans ma cabine de douche.Â
De toute manière, qu’est-ce qui pouvait être pire… Je savais prendre sur moi. Il était hors de question qu’il m’entraîne dans la colère et la haine, j’étais beaucoup plus forte que ça. La colère n’appartenait qu’aux faibles, et je ne le suis pas. Je ne me suis pas battue pour qu’un frustré me fasse chuter. Je ne mis pas longtemps à m’habiller, optant pour la combinaison kaki que j’avais acheté hier. Elle m’allait à merveille, moulant les formes que j’avais sans trop en faire. Le tout serti avec une paire de bottes hautes en cuir marron et ma ceinture à la taille. Je tressais mes longs cheveux rose avec une rapidité déconcertante. Un coup d’œil à l’extérieur me permis de voir que le soleil se levait lentement. Il me restait donc trente minutes pour manger et rejoindre Lance au hall du quartier général.
Lorsque huit heures sonnèrent à l’horloge, je patientai dans le hall. Lance n’était toujours pas là . J’en profitai alors pour lire le guide de mission que m’avait donné Keroshane un peu plus tard hier soir. La mission était simple: collecter des échantillons de nouveau spécimen, les analyser et en faire une étude pour les absynthes. J’avais pris de quoi dans ma besace, je préférai faire ma science au cœur de la forêt, et Lance ne me sapera pas le moral dans mon domaine. Je relevais les yeux quand je sentis qu’on me fixait. Lance était là , le regard moqueur, les bras croisés. Je levais les yeux au ciel, je n’allais pas craquer maintenant.
« Tu as tout ce qu’il te faut ? On peut partir ?
- Bien sûr mademoiselle Sirania. »
Je me contentai d’hocher la tête en rangeant le parchemin dans ma besace. Avec prudence, je contournai Lance pour me diriger vers la sortie, sifflant Nessa qui arrivait au pas de course. Lance resta à l’écart, je savais qu’il détestait la présence des familiers, ce pourquoi il grommelait. Nessa le regarda d’un mauvais œil, je claquais des doigts et lui ordonna de partir à l’avant. Lance vint marcher à mes côtés.
« Tu as donc vraiment de l’autorité ?
- Tu vas recommencer tes idioties ?
- Tu vas répondre à ma question ? Sourit-il d’un air narquois
- Tu veux jouer Ă ce jeu encore longtemps ?
- Et toi ? »
Je soupirai en levant les yeux au ciel, il était infernal quand il avait quelqu’un dans le viseur. Il se contenta d’un petit rire en continuant sa marche hors de l’enceinte du quartier. Le soleil se levait à peine, s’étirant mollement à travers les nuages. Notre parcours fut des plus silencieux, aucun de nous ne cherchait à converser avec l’autre. Pourquoi faire après tout ? Si la mission pouvait se passer comme ça toute la journée, je lui en serais plus que reconnaissante. Nos pas nous amenèrent à l’entrée de la forêt. J’inspirais lentement l’odeur de la rosée, de l’humidité sur la mousse et les troncs. Quel bonheur de retrouver son terrain de jeu. Les oiseaux piaillaient doucement, saluant la matinée avec délectation. Je souris, contrairement à mon acolyte. Doucement, je m’approchai d’un arbre pour poser ma main sur son tronc. Je sentais sous mes doigts la sève le tambouriner. Il était heureux et en bonne santé.
« C’est bon Mère Nature ? On peut avancer ? » fit Lance dans mon dos d’un ton acerbe en s’avançant à l’orée, impatient.
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Je secouais mon visage avec lassitude.
« Ne commence pas à propager ta mauvaise humeur sur la Nature. La forêt n’a pas que ça à faire aujourd’hui. » Rétorquai-je calmement en lui emboîtant le pas.
Nous nous enfonçâmes entre les arbres, suivant de nombreux chemins et bosquets. Je m’avançais dans un champ de jacinthes sauvages. Leurs bleutées m’offraient beaucoup de réconfort, et je pris soin de ne pas trop leur faire de mal. Leurs cris étaient stridents quand on leur marchait dessus, et je le compris par la brutalité des pas de mon compagnon.
« Bordel Lance, fais attention ! Ces plantes sont vivantes, tu leurs fais du mal ! Suis mes pas. » lui ordonnais-je d’un ton calme.Â
Etonnamment, il le fit et sans broncher. Savait-il mettre sa rage de côté ? Je l’espérai. Après avoir traversé ce magnifique champ, nous débouchions sur un coin encore plus apaisant. L’eau claire ruisselait dans la mini-cascade qui se tenait devant moi. Autour de cette réserve d’eau, il y avait de nombreuses pierres et de fleurs. Notamment des oxalis blanches, veinées de rose. Je m’en approchai avec douceur, les effleurant doucement, les saluant. Il suffisait de se montrer courtois avec la Nature pour qu’elle nous remercie.
« Bonjour jolie Oxalis, j’ai besoin de votre aide aujourd’hui.
- Tu parles aux fleurs maintenant ?
- Ne ramène pas tes mauvaises ondes Lance. Je ne veux pas qu’elles se referment, nous en avons besoin pour notre quête. »
Je l’entendis soupirer dans mon dos, étouffant un rire moqueur. Quel crétin. Il s’approchait de moi, je le sentais. Les fleurs le sentaient, et sans crier gare, se refermèrent d’un coup. Je me relevais en grognant, fusillant du regard mon acolyte. Il se contenta d’hausser les épaules d’un air détaché, l’air de dire « ce n’est pas moi ».
« Je t’ai dit de ne pas ramener tes mauvaises ondes ! Maintenant on va devoir attendre qu’elles se rouvrent pour en collecter leur pollen. Tu sais, le but principal de notre mission ? » Lui dis-je d’un ton acerbe avant de m’avancer vers le point d’eau oĂą mon fessier trouva place sur une pierre.Â
L’eau s’égouttait dans mon dos, je m’installais en tailleur et regardai autour de moi cette belle nature. Lance restait planté là , les bras croisés, impatient. Je le fixai sans rien ajouter, il venait de nous faire perdre du temps. Il s’avança vers un arbre, non loin de moi, où le tronc permettait de se réfugier en son creux. J’expirai longuement avant de clore mes paupières, je voulais profiter du son apaisant de la forêt, de son chant relaxant. Les arbres me murmuraient des poèmes, les fleurs me contaient des ragots divers et variés, quant à l’eau, elle se contentait de me bercer dans ma méditation. Nessa se logea contre ma cuisse, je sentis son souffle chaud contre le tissu de ma combinaison. Je suis presque certaine qu’elle surveillait Lance d’un œil observateur. Lui, je l’entendais au loin retirer ses gants de cuir et pester contre les fleurs. Mes sourcils se fronçaient devant tant de négativité en lui, mais au moins il ne me dérangeait pas dans ma méditation et je lui en étais reconnaissante. Le silence naturel nous entourait, j’inspirais à pleins poumons cette odeur de terre humide et de pollen, suivant le bruit des pas des familiers alentours.
« Mais c’est pas vrai, qu’est-ce qu’ils ont Ă s’approcher de moi. Je vais les Ă©gorger. Putain de sabalis ! » s’énerva Lance, me sortant de ma torpeur.Â
Nessa grogna après lui en se redressant. Mon regard se posait sur cet homme qui se maintenait debout, prêt à attaquer le groupe de sabalis. Tous se regardèrent en chien de faïence, prêts à se battre. Je me relevais en soupirant, rejoignant Lance en deux enjambées. D’un geste franc, je lui giflais les mains pour qu’il les baisse, me plantant entre les deux rivaux. Nessa montra les crocs en se mettant à mes côtés.
« Fous leur la paix. Tu es sur leurs territoires, tu n’as pas le droit de les attaquer ! Â
- Tiens, voilà donc ton véritable caractère ?
- Tais-toi et retourne dans le creux de ton arbre. Fais-toi petit et médite pour apaiser ta colère. Les fleurs ne vont jamais s’ouvrir sinon. »
Je voyais son sourire se dessiner au coin de sa bouche, me donnant envie de le gifler. Mais je pris sur moi, le repoussant doucement de ma main vers l’arbre. Derrière moi, les sabalis couinaient. Je me retournais en souriant doucement, leur caressant la tête un à un.
« Pardonnez-le. Pardonnez-nous, nous ne savions pas que vous veniez explorer par ici. Nous n’en avons plus pour longtemps, je vous le promets. » les informais-je d’un ton très calme.Â
Un des sabalis secoua le visage, amenant son petit groupe ailleurs. J’entendis Lance ricaner. A nouveau je lui fis face, soupirant de lassitude. Il ne s’était pas assis comme je le lui avais demandé.
« Bien. Si il faut utiliser la manière forte pour que tu poses tes fesses… Jolies ronces, faĂ®tes-le s’asseoir. » Ordonnais-je Ă l’attention de ces dernières.Â
Lance haussa un sourcil avec incompréhension mais finit par perdre de sa splendeur lorsque deux énormes ronces se dressèrent de terre pour s’enrouler autour de ses poignets, le traînant au creux de l’arbre. Un petit air fier se dessina sur mon visage alors qu’il tombait lourdement au sol. Innocemment, et avec beaucoup d’insolence, je haussais les épaules en sa direction.
« Maintenant reste comme ça, et laisse-moi travailler.
- Tu me le paieras.
- Je n’en doute même pas. Ô grand Lance. Terreur de la cité d’Eel. »
Je ne pus empêcher un sourire malicieux retrousser ma bouche pulpeuse, c’était purement gratuit. Mais il avait l’air de s’en amuser.
La matinée passa lentement, les fleurs daignèrent enfin à s’ouvrir, accommodées à la présence négative de Lance. Je m’en approchais doucement pour collecter leur pollen avec précaution, pour ne pas les blesser. La phase la plus dure serait d’en arracher une de ce joli petit clan, mais elles savaient se dévouer pour les elfes de la nature, comme moi, comme ma mère. A cette funeste pensée, je soupirai tristement, attrapant le bas d’une fleur pour la retirer du sol.
« On dirait que tu as fait ça toute ta vie. »
Mon regard se leva vers le frère de Valkyon, il n’avait pas bougé de place et s'était montré silencieux. Il avait l’air plus calme. Un des miracles de la nature. Je lui adressai un faible sourire, baissant à nouveau mon regard vers les fleurs que je cueillais.
« J’ai eu un bon professeur pendant mon enfance.
- Ezarel ?
- Non. Ma défunte mère. C’était la meilleure dans ce domaine. Je veux dire… L’étude des plantes, leurs vertus et leurs poisons. Elle était vraiment douée dans le maniement des potions. Je crois qu’elle m’a donné cette passion.
- Mes condoléances.
- Cela fait longtemps maintenant. Mais je te remercie d’avoir un peu de compassion. On dirait que la forêt te fait du bien enfin de compte. » Disais-je en me moquant gentiment.
Il ricana.
« Si on veut. Je sais juste ce que ça fait quand on perd son point de repère sur ces terres. Ma mère était passionnée par les combats, la loyauté, jusqu’au jour où on l’a manipulé pour la tuer.
- Je suis désolée.
- Je t’en prie. Ne te laisse pas dominer par qui que ce soit, tu finiras toujours par être manipulée pour tes talents.
- Comment ça… ? » Â
Mon visage se pencha sur le côté avec curiosité, prenant place entre les fleurs pour l’écouter.
« Dès lors que tu commences à trop briller, on voudra te voler tous ces éclats. A la cité, tu te démarques par tes talents en potion, en étant juste derrière Ezarel. Les gens vont prendre peur de toi. Ils te manipuleront pour que tu les aides. Te faisant chuter jusqu’en bas de l’échelle. Il est bien connu que l’élève peut dépasser le maître.
- Tu parles en connaissance de cause ?
- Bien sûr.
- Alors c’est pour ça que tu te forges une fausse carapace d’homme sans cœur ?
- Un trou du cul. Tu peux le dire. On s’est énormément servi de moi, de mes talents de combattant, de ma loyauté, de mes stratagèmes de guerre. Pour enfin de compte me mettre plus bas que terre et me manipuler. Ils finiront par le payer.
- De qui parles-tu ?
- De gens qui pensent avoir plein pouvoir alors qu’ils ne possèdent rien. Dit-il d’un ton sans appel, froid et autoritaire. »
Je baissais le regard un instant en caressant un pétale.
« Ces personnes méritent ma vengeance.  Ils m’ont poussé à bout. Ils sont allés trop loin dans leurs mots, leurs gestes. Ils doivent payer pour leurs gestes. Mes cicatrices ne sont pas que de la guerre. Je veux protéger les faibles, les rendre plus forts. »
Â
Un long silence s’installa entre nous, encaissant les paroles de mon partenaire. C’était un homme blessé et meurtri dans son ego. Il avait trop souvent tendu la main pour être tiré vers le bas, mais une question me brûlait les lèvres :
« Alors pourquoi tu te comportes comme un con avec moi ? Pourquoi passes-tu ton temps à me harceler, me persécuter, me sortir de mes gonds ? Alors que toi-même tu sais le mal que ça peut faire.
- Je voulais juste t’aider.
- M’aider en me rabaissant devant la foule ? En me ridiculisant constamment ? En faisant croire que j’en suis là grâce à Ezarel ? C’est mesquin Lance. Et terriblement blessant.
- Je ne voulais pas en arriver là , sincèrement. Je te présente mes excuses pour ces comportements avec toi. Je voulais juste t’aider, te faire comprendre que tout n’était pas mignon.
- J’ai peut-être l’air d’une idiote écervelée et crédule parce que je suis connectée à la Nature, que je parle aux plantes, mais ce n’est pas le cas. Je suis consciente de certaines choses, mais tu n’avais pas à aller jusque-là .
- J’en suis sincèrement désolé. Je voulais juste te préserver et te voir exceller dans ton domaine.
- Drôle de manière de prendre quelqu’un sous son aile…, concluais-je en me relevant, époussetant mon vêtement d’un geste rapide avant de m’avancer vers Lance. Allez, viens, nous avons d’autres plantes à prélever, et il va falloir que tu m’aides, je ne vais pas y passer la journée. Considère ceci comme une rédemption à ton comportement de trou du cul. »
Il se contenta de secouer la tête en se relevant de toute sa hauteur, m’emboîtant le pas alors que je le traînais dans toute la forêt, tout au long de la journée. Il s’avèra qu’il était un bon élève, et qu’il savait mettre sa fierté, et sa négativité de côté. Comme quoi, la nature avait toujours des vertus qui apaisaient n’importe quels maux. Notre relation était repartie de zéro, et je découvrais des facettes de sa personnalité que je ne connaissais pas. Nous prenions plus de plaisir à travailler en équipe. Miiko avait peut-être eut une bonne idée enfin de compte.
‹※›‹※›
La mission s’était dĂ©roulĂ©e Ă merveille. Lance ne me lançait plus de piques comme Ă son habitude. Ou alors s’il le faisait c’était simplement pour me taquiner, il n’y avait plus rien de mesquin. Le fait de nous retrouver seuls avait portĂ© ses fruits, nous passions davantage de temps ensemble, peut-ĂŞtre trop, mais ce n’était pas pour me dĂ©plaire. Nous parlions nuits et jours, de tout et de rien Ă la fois. Nous confiant l’un Ă l’autre. On s’entraidait dans des disciplines oĂą nous avions besoin d’amĂ©lioration. Lui en alchimie, moi au combat. Il n’était plus ce petit con arrogant et provocateur. C’est comme si il avait Ă©voluĂ©, changĂ© avec moi. Nous entretenions une relation quelque peu ambiguĂ«, il nous arrivait de flirter sans aller plus loin. C’était toujours plaisant de savoir que l’on pouvait plaire. Ne disait-on pas que les opposĂ©s s’attiraient ? C’était peut-ĂŞtre un jeu oĂą je finirais par le regretter, mais je ne voulais pas vraiment y penser. A l’instant T, je sais que nous entretenions de très bons rapports, alors pourquoi se prendre la tĂŞte ? Advienne que pourra. Telle est ma devise actuellement. Profiter de l’instant prĂ©sent et des moments de partage.Â
Nous avions vraiment bien dĂ©veloppĂ©s notre relation, Ă tel point que nous pouvions passer des nuits entières Ă papoter sous le cerisier. Seule l’Oracle savait ce qui avait pu se dire. Il Ă©tait lĂ pour moi, autant que moi je l’étais pour lui. Ezarel en devenait presque jaloux, il n’était plus le seul avec qui j’étais en parfaite symbiose. Mais il savait qu’il resterait toujours le premier dans mon classement. Lance m’apportait simplement ces choses dont j’avais besoin pour me complĂ©ter et me rendre « plus forte » d’après ses dires. Cela me faisait sourire. Tous les deux jours, nous nous retrouvions après notre journĂ©e de travail au sein de la citĂ©, vers la fin d’après-midi pour nous entraĂ®ner Ă l’épĂ©e. Ou plutĂ´t m’entraĂ®ner avec une arme, je n’étais pas vraiment douĂ©e, ni Ă l’aise avec la violence. NĂ©anmoins, cela m’apporterait sĂ»rement un peu d’aide lors d’une situation dĂ©licate. Bien que je prĂ©fĂ©rais largement manier des potions plus… dangereuses et dĂ©vastatrices qu’une Ă©pĂ©e, au vu de mes compĂ©tences. Quant Ă Lance, je lui enseignais l’alchimie les jours oĂą nous ne nous entrainions pas Ă l’épĂ©e. Bien qu’il nous arrivait de faire les deux dans une mĂŞme journĂ©e selon notre volontĂ©. Il avait une fâcheuse tendance Ă aimer pratiquer l’alchimie. Surtout pour des potions et autres Ă©lĂ©ments destructeurs, comme le feu de grĂ©geois ou les boules d’acides. Il avait dĂ©celĂ© en moi ce petit vice, et s’en Ă©tait amusĂ©.Â
Aujourd’hui était le jour où nous devions nous entraîner, et comme à notre habitude, à l’extérieur. Le vent y était violent, faisant voler dans mon dos ma longue tresse rose. Le ciel était gris et menaçant d’une averse. Mais ayant consulté les arbres, celle-ci ne devrait que tomber plus tard. Lance avait eu l’idée de m’entraîner par tous les temps. Qu’il pleuve, qu’il neige, qu’il vente. Il voulait que je sois prête à me défendre en toute circonstance. Heureusement pour moi, je n’avais pas opté pour une robe, mais plutôt un pantalon saillant kaki ainsi qu’un haut à manche longue de même couleur. Mes bottes en cuir marron à talon plat me permettaient de prendre de meilleures appuies. L’épée en main, je cherchais à contrer mon adversaire du mieux que je pouvais, esquivant ses parades en manquant de glisser dans les quelques flaques de boue. Il n’y allait pas de mains mortes, me faisant grogner. Une nouvelle fois, il me mit à terre, me bloquant le bassin avec ses jambes puissantes, me désarmant sans aucune difficulté. Je soupirai.
« Tu as perdu de ta force de caractère l’elfe ?
- Très drôle. On verra comment tu seras quand je t’apprendrais à faire une potion. Tu feras moins le malin.
- C’est ce que tu crois ma douce. » Sourit-il d’un air enjĂ´leur en se penchant vers moi.Â
Son visage était proche du mien, je sentis mon cœur louper un battement et le rouge me monter aux joues.
« Tu es plutôt mignonne vu d’en dessous enfin de compte. »
Je grognai avec gêne en le repoussant avec force, le faisant rouler sur le côté afin d’inverser nos positions. Assise à califourchon sur son bassin, je croisais les bras avec un air supérieur.
« Quoi que tu n’es pas mal non plus vu du dessus. » RenchĂ©rit-il sans perdre son sourire, glissant ses mains sur mes cuisses.Â
Je tentai de ne pas réagir, mais mon corps en pensait autrement, alors avec précipitation je me relevai et repris mon épée. Le vent me fouettait le visage, j’inspirai lentement et longuement en le regardant se redresser sur ses coudes, j’allais encore recevoir un pique.
« Fais pas ta timide Sira. On sait tous ce que tu faisais avec le vampire avant de te faire surprendre par ton demi-frère !
- Eh ! » m’écriai-je en fronçant les sourcils.
Il Ă©clata de rire en se relevant, reprenant son Ă©pĂ©e Ă son tour, la rangeant soigneusement dans son fourreau.Â
« Tu dis ça parce que tu es jaloux. Mais comme tout le monde, tu feras la queue. »
Il me regarda en haussant un sourcil, l’air provocateur. Le bout de sa langue passe sur sa lèvre, et bêtement je regardai ce mouvement avec intérêt avant de secouer le visage pour détourner mon attention. Lance s’avança vers moi en deux enjambées, se penchant à mon oreille pour murmurer :
« C’est toi qui verras la queue.
- Qui a dit que je voulais voir ta queue ?
- Qui a dit que je te parlais de ma queue ? Il m’adressa un clin d’œil tandis que je sentais mes joues s’embraser. Tu t’es vendue toute seule. Ma porte t’est ouverte, mais ne prends pas trop ton temps, je pourrais vite me lasser.
- Tu peux rĂŞver.
- Et moi je parie que tu seras nue entre mes doigts dans très peu de temps. Tu peux feindre que c’est faux, mais ton corps te trahit et je sens qu’il a très envie de sentir mes doigts, ma bouche et… »
Il sourit malicieusement en glissant son index ganté contre ma bouche pour poursuivre son chemin jusqu’au haut de ma poitrine, je déglutis faiblement alors qu’il se penche à mon oreille pour finir sa phrase :
« Ma queue. »
Il déclencha en moi ce coup de jus, naturellement je tentai de feindre l’indifférence en haussant les épaules, mais je savais que plus bas les sens s’alertaient. Je me raclais la gorge en redressant mon visage.
« C’est bon tu as fini ton sketch ? On peut aller faire de l’alchimie ?
- De l’alchimie des corps ?
- Je t’apprendrais à créer des aphrodisiaques vus que tu as l’air d’en avoir besoin. » Le taquinais-je avec un clin d’œil.
Il se contenta de sourire, prenant mon épée en main, et sans crier gare, il me plaqua une main aux fesses. Je couinai et le fusillai du regard alors qu’il me dépassait avec son air fier. Mes jambes finirent par lui emboîter le pas, sans rien ajouter de plus à ses avances. La claque ne m’avait pas déplu bien au contraire, cela rendait la situation un peu plus excitante pour moi. Il prenait du pouvoir sur moi, et je ne pouvais le repousser.
Nous arrivions au Q.G avant que le ciel nous tombe sur la tête, je m’étais déjà retrouvée dans la boue, ce n’était pas pour prendre une douche trop salée. Lance me laissa pour aller ranger les épées dans la forge, quant à moi, je pris la direction de la salle d’alchimie en retirant ma veste pour plus de liberté dans mes gestes. Pendant ce moment solitaire, je préparai la salle pour donner une leçon à Lance. Je déposai les fioles et les ingrédients sur le plan de travail. Vêtue d’un débardeur blanc au décolleté en V, je pris le temps d’étirer mes bras. Ils me faisaient si mal. Mes épaules me brûlaient et ma nuque était raide. Quelle idée d’avoir dit oui à des entraînements avec un obsidien. Pourtant je savais à quoi m’attendre avec Valkyon, mais Lance avait l’air d’avoir un peu plus de hargne. Je soupirai faiblement.  Dans quoi est-ce que je m’embarquais ?
« Alors, on a mal à ses petits bras ? »
Je sursautai, portant une main à mon cœur. Lance était entré sans prévenir, comme à son habitude. Je me retournais pour lui grogner dessus.
« Tu ne peux pas t’annoncer comme tout le monde ?
- Tu ne sais pas rester en alerte ? »
Ma mine était exaspérée. Je levai les bras en signe de défaite, il se contenta de rire. Il avait troqué son habituelle armure pour une tenue sobre, noire et moulante. On y voyait la forme de ses abdominaux, de sa carrure robuste et de sa virilité. Je détournais le regard en arrivant à ce détail. Reste focus sur le cours Sirania !
« La vue est bonne ?
- Plaisante. » RĂ©pondis-je sans filtre avant de faire les grands yeux en portant ma main Ă ma bouche.Â
Il rit de plus belle en venant tapoter le haut de mon crâne.
« Tu en auras une meilleure si tu daignes venir ce soir.
- RĂŞve.
- C’est ce qu’on verra. Tu sais que tu as une jolie odeur d’épice quand tu es excitĂ©e ? C’est très aphrodisiaque. » DĂ©crit-il en prenant place sur une chaise haute, le regard malicieux.Â
Il pencha son visage sur le côté, laissant son regard me déshabiller. Gênée, je détournais le regard.
« Très drôle. R-Reprends ton sérieux, on doit faire ce cours. J’ai opté pour un baume pour contracture, c’est assez simple, mais il faut un peu de concentration.
- Je vais prendre un malin plaisir à te déconcentrer.
- N’y pense même pas, c’est dangereux ! Nous pourrions brûler notre peau. »
Mon ton était ferme, et lui souriait calmement, le regard pétillant de malice.
« Revoilà donc le brin de caractère que j’aime. »
Il n’ajouta rien de plus, se décidant enfin à être plus sérieux. Le cours se passa aussi longtemps qu’il le devait. Nous mélangions les plantes avec des liquides, créant ainsi un baume avec une odeur d’eau mentholée. C’était agréable. Lance se montrait attentif, bien que son regard eût tendance à lorgner sur mon décolleté quand il se présentait sous son nez. Je lui adressai quelques tapes sur les mains afin que sa concentration revienne. En une heure et demie nous avions eu le temps de créer un baume anti-contracture, une potion explosive et une réaction chimique amusante. Je repris place face à Lance en regardant nos œuvres avant de lui adresser un faible sourire. Mes mains attrapèrent le baume, après tout, j’en avais besoin à cet instant. Mes doigts plongèrent dans la substance visqueuse et froide sous l’œil attentif de mon homologue. Lentement, j’entrepris de me masser les biceps en silence. Lance ne me quittait pas du regard, captivé par mes gestes. Soudainement, il se leva de son siège en attrapant le baume. Mon regard le suivit avec suspicion. Il prit place dans mon dos, je tournai et levai alors mon visage vers lui, l’interrogeant du regard. Un sourire enjôleur prit place  sur ses lèvres fines. Et sans en demander son dû, il attrapa ma tresse pour la dégager sur l’avant de mon corps. Ses doigts effleurèrent mes épaules nues, et je ne pus m’empêcher de frémir, cambrant légèrement mon corps. Je le sentis trop proche de moi, le tissu de son pantalon frôlant ma peau, mais je tentai de rester impassible en continuant à masser mes biceps. Furtivement, je sentis ses lèvres près de mon oreille pointue, et mon souffle s’interrompit tandis que ses doigts se saisissaient des bretelles de mon débardeur. Il sourit contre mon oreille, puis murmura :
« Laisse-toi faire…
- Qu’est-ce que tu vas faire ? » M’enquis-je en tournant mon visage vers lui.Â
Mauvaise idée. Son visage était beaucoup trop proche du mien, son regard de glace me fixait et je sentis le rouge me monter aux joues. Ses lèvres effleurèrent les miennes, me faisant sursauter. Il rit.
« Chut. Profite. Je te promets que ça ne va pas te déplaire, et que je ne ferais rien contre ta volonté. »
Je détournai mon visage cramoisi pour fixer un point devant moi. Ses doigts firent lentement glisser les bretelles de mon vêtement le long de mes bras nus, et par instinct, je retins le décolleté contre ma poitrine. Non pas que j’étais d’une très grande pudeur, après tout, il pouvait mater ma poitrine par au-dessus, mais je ne voulais pas me retrouver nue en salle d’alchimie. Ses doigts caressèrent avec douceur ma peau, me faisant frissonner jusqu’à l’échine. Remontant jusqu’à mes épaules, il frôla ma nuque puis s’égara vers mes côtes, effleurant la rondeur de mes seins. Inconsciemment, ou consciemment, mon corps réagissait avec beaucoup trop d’envie. Il se pencha sur moi pour glisser ses doigts dans le baume.
« Baisse la tête. » M’ordonna-t-il avec douceur.
Et je le fis. Il étala du baume sur ma nuque, puis sur le haut de mes épaules. Je pinçais les lèvres avec appréhension. Il posa ses mains sur mes épaules, et avec une dextérité insoupçonnée, il me massa le muscle avec force. Sa poigne était puissante, détendant ma nuque en un clin d’œil. J’aurais pu ronronner de plaisir si j’avais été un Maülix. Ses pouces appuyèrent sur la boule de nerfs qui s’était formée sur mon os pour la démêler, me faisant soupirer de plaisir.
Je pouvais le sentir sourire dans mon dos, ce pourquoi il appuyait un peu plus fort. Mes doigts se resserrèrent autour du tissu de mon débardeur, retenant un faible gémissement. Je le sentais se collait à moi alors qu’il glissait ses mains sur mes épaules pour leur attribuer le même sort. Sa virilité lorgnait dans mon dos et je tentais de dévier mes pensées ailleurs. Il avait l’air bien bâti, et s’il s’en servait avec autant de hargne que ses doigts, je me demande ce que cela pourrait donner… Sirannia ! Je soupirai en relevant doucement mon visage, ravie de sentir ma nuque si détendue. Mais il fallait que je fasse diversion, la situation devenait pesante entre nous. Il était collé à moi, et je n’arrivais pas à détourner l’attention de sa masculinité au creux de mes reins. Sa poigne était puissante sur les muscles de mes épaules, me faisant soupirer avec aise. Je penchais légèrement le visage en arrière, assez pour ne pas le toucher. Lorsque j’entrouvris mes paupières, il me fixait de ses yeux pétillants de malice, le sourire enjôleur.
« Qu’est-ce que tu veux faire demain, en fin de journée ?
- Je ne sais déjà pas ce que je vais faire ce soir, et tu me demandes ce que l’on pourrait faire demain ? Me répondit-il, la peau de mes épaules entre ses doigts divins.
- Je pensais que tu pourrais me montrer un peu la forge.Â
- La forge mh. On pourrait faire ça. »
Il sourit du coin de ses lèvres en stoppant ses gestes sur mes épaules, je fis la moue. Pourquoi les bons moments étaient aussi courts ? Ses mains ne quittèrent pas leur endroit, autant que ses yeux. Lentement, il effleura ma peau du bout de ses doigts, retrouvant le chemin qu’il avait fait un peu plus tôt : ma nuque, puis le creux de mon dos avant de se stopper sur mes côtes.
Je sentis mon souffle se faire un peu plus court lorsqu’il commença à frôler la rondeur de mes seins, sur les côtés. Cramoisie, je baissais le visage vers la table. J’étais tiraillée entre l’envie qu’il aille plus loin et celle qu’il se stoppe, mais je n’avais pas la force de le faire. Mes bras se croisèrent sur la surface tandis qu’il continuait à caresser mes rondeurs. Il prit néanmoins le temps de remonter mes bretelles afin de reprendre ses activités sur mon corps encore habillé. Je plongeais le visage entre mes bras pour cacher mes joues tandis qu’il se penchait un peu plus sur moi, faisant glisser ses doigts sous mes seins. Du bout de ses ongles, il fit mine de me griffer avant de glisser le long de mon ventre. Il m’embrasait, et il en prenait un malin plaisir. Je rentrais mon ventre au contact un peu plus appuyé de son membre contre mes reins. Mes dents saisirent ma lèvre inférieure pour la triturer.
« J’ai trouvé une activité pour ce soir. Pour nous deux si tu es d’accord. Murmure-t-il au creux de mon oreille alors que ses mains glissaient entre mes cuisses, puis sur l’intérieur de ces dernières pour enserrer la chair cachée.
- Quoi donc ? » Le questionnai-je, sur un ton aussi bas, relevant mon visage de mes bras.
Pourquoi repousser l’inévitable ? J’avais envie qu’il continue ses gestes sur mon corps pour une durée indéterminée.
« Tu sais très bien que ma porte t’est ouverte. Tu pourrais éventuellement la passer ce soir pour que je te masse de façon plus poussée. » Répondit-il en me faisant écarter les cuisse, m’obligeant à pousser mes fesses vers lui.
Je plongeai mon regard dans le sien alors que nos lèvres s’effleuraient.
« Pourquoi ne pas le faire ici et maintenant ?
- Parce que nous pourrions nous faire surprendre. Et parce que tu aimes ce que je fais actuellement. » Remarqua-t-il chaudement près de mes lèvres, remontant ses mains contre ma poitrine.
Je soupirai avec envie en le sentant me posséder.
« Tu as peur de te faire surprendre ? demandai-je pour tenter de reprendre le contrôle.
- Non, mais toi, tu auras peur de te faire surprendre ce soir à force de crier. Et puis l’attente rendra la chose encore plus délicieuse. »
Il fit glisser ses doigts plus bas sur mon corps, me faisant me cambrer contre lui. J’avais envie de rouler des hanches contre sa main, mais il stoppa ses gestes et je geignis de frustration. Un sourire se dessina sur ses lèvres, il m’avait chauffé. Mais à bien l’observer, lui aussi avait pris un certain plaisir à le faire. A nouveau, je laissai un filet d’air passer hors de ma bouche en le sentant se reculer de mon corps. Il me tardait déjà d’être ce soir. Je me levai de ma chaise, détendue, et pris la peine de commencer à ranger notre matériel en silence. Lance ne se priva pas de me claquer une main aux fesses sans aucune gêne. Je lui adressai un petit sourire enjôleur en faisant glisser une fiole en haut d’une étagère. C’est à ce moment-là , que Nevra et Ezarel pénétrèrent dans la salle d’alchimie. Lance remonta sa main sur mon épaule pour la presser légèrement avant de jauger du regard les deux hommes. Je tournai mon visage vers eux avec un petit sourire. Ezarel se contenta d’hausser un sourcil, quant à Nevra il inspira d’un air dédaigneux. La tension était toujours électrique entre Lance et moi.
« Qu’est-ce que vous faîtes tous les deux en salle d’alchimie ? S’enquit mon demi-frère.
- Eh bien, comme tu peux le constater, nous sommes en train de ranger, répondit Lance d’un ton calme en se détachant de moi. Sirannia m’a enseigné deux trois potions.
- J’espère que vous n’avez pas foutu le bordel.
- Tu sais très bien que ce n’est pas mon genre. » Lui dis-je en fermant les portes du placard.
Mon frère me scruta, il pouvait lire en moi comme dans un livre ouvert. Il secoua le visage mais n’ajouta rien. Quant à Nevra, il croisa les bras en toisant Lance. Comme deux black dogs, ils se fixèrent, je levai les yeux au ciel. Ce n’était pas vraiment le moment de subir un concours de testostérones. Je décidai de couper ce contact en ordonnant aux yeux de glace de ranger et nettoyer avec moi. Lorsque nous eûmes fini, nous emboitâmes le pas des deux acolytes pour rejoindre la cantine. Comme à notre habitude, nous nous installâmes à la table de l’Étincelante, discutant de tout et de rien. Miiko se réjouissait de nous voir plus soudés avec Lance, si seulement elle savait jusqu’où cela allait nous mener. Je pris plaisir à raconter ma journée à Ezarel, omettant les quelques dérapages. Après tout, ça ne le regardait pas.
Quand vingt-et-une heure sonnèrent à l’horloge de la cité, nous quittâmes la cantine pour nous séparer. Lance me jeta un regard compris. Je me contentai de lui sourire puis de le laisser en plan pour me diriger vers les douches. Enfin, j’aurai un peu de répit avant la soirée qui m’attendait. Je fis un détour par ma chambre pour prendre de quoi me changer et me dirigeai vers les douches communes. Sous le jet d’eau chaude, je balançai mon visage en arrière savourant le liquide sur mes formes. Chacun de mes muscles se détendaient et je pris le temps de me laver. Enroulée dans ma serviette, je démêlai mes longs cheveux roses pour les tresser à nouveau. Je finis par troquer ma serviette pour un body blanc en soie d’araignée que j’avais acheté à Purriry. La soie caressait ma peau nue alors que je me regardai dans la glace. J’avais l’air sulfureuse, mais pas trop. Mon peignoir de soie passa autour de mes épaules nues, et je le nouai à la taille. Pourquoi mettre plus de vêtement alors que je n’aurais sûrement plus grand-chose dans quelques instants ?
Je repassai par ma chambre pour déposer mes affaires sales. Il fallait que je fasse à tout prix ma lessive demain. Quelle idée de penser à sa lessive avant un rencard nocturne me diriez-vous ? Je ne savais pas. J’essayai sûrement de calmer l’excitation qui palpitait en moi. Prenant enfin mon courage à deux mains, je quittai ma chambre pour longer le corridor en silence et c’est une fois que je fus devant sa porte que j’hésitai. Faisais-je vraiment le bon choix ? Sirania, reprends-toi ma grande.
Je levai le poing pour l’abattre doucement contre le bois de la porte, retenant mon souffle. Puis plus rien, juste le silence et le bruit de pas se dirigeant vers moi. Mon cĹ“ur loupa un battement lorsque Lance m’ouvrit. Il Ă©tait Ă couper le souffle avec ses cheveux blancs en bataille, fraĂ®chement lavĂ©s. Il arborait un haut de kimono noir et rouge sur ses Ă©paules, n’ayant pas pris la peine de le lacer, laissant entrevoir ses abdominaux. Je pinçai ma lèvre en remontant mon regard vers son visage. Ce n’était pas le moment de lorgner sur sa virilitĂ© blottie dans son sous-vĂŞtement moulant.Â
« Tiens, tiens… Qui vient donc frapper à ma porte à une heure aussi tardive ? » S’amusa-t-il en se décalant pour me laisser entrer.
Lui comme moi n’étions pas fan des rumeurs. Je pĂ©nĂ©trai rapidement, sans omettre de lui dĂ©cocher une tape sur l’épaule en souriant. Il ferma la porte dans mon dos alors que je m’avançai timidement dans sa chambre. Elle Ă©tait Ă son image, sombre, froide mais rĂ©confortante par ses draps rouges. Tout Ă©tait bien rangĂ©, Ă sa place, rien ne dĂ©passait. Je sentis ses mains se glisser sur mes Ă©paules, me faisant dĂ©tourner mon attention vers lui.Â
« Tu es très peu vĂŞtue ce soir.Â
- Tu l’es tout autant je te ferais dire.
- Pourquoi porter si peu de vĂŞtement ?
- Pourquoi venir dans ta chambre dans cette tenue c’est vrai. »
Il se pencha sur moi, faisant glisser ses mains sur le haut de mon buste avant de reprendre :
« A quoi penses-tu ?
- Je me disais que la dĂ©co Ă©tait pas mal.Â
- Tu vas vraiment analyser toute la décoration de ma chambre toute la nuit ?
- Pourquoi pas ? Tu avais d’autres plans de prĂ©vus ? »Â
Je sentis sa main remonter contre ma gorge puis ma mâchoire pour l’enserrer doucement, m’obligeant à le regarder.
« Prends tout le temps que tu voudras. Mais je te le ferais regretter.
- Que tu crois. »
Il me lâcha pour me contourner et prendre place au bord de son lit. Son regard me détaillait alors que je faisais mine de regarder chaque recoin de la pièce. Il ne dit rien. Ne s’impatienta même pas. Ce qui était étrange, beaucoup trop étrange. Je finis par le rejoindre sans faire de bruit, le laissant m’accueillir entre ses cuisses nues. Doucement, je le sentis passer ses doigts sur l’arrière de mes cuisses, me faisant frémir et mordiller ma lèvre inférieure. Tout était silencieux autour de nous, il prenait son temps pour caresser chaque parcelle de peau qui n’était pas dissimulée par mon peignoir. Lentement, il fit remonter ses doigts sous la pliure de mon fessier et je pris appui sur ses épaules. Son regard de glace vint se planter dans le mien avec un petit sourire satisfait. Tout ce qu’il voulait c’était faire réagir mon corps, et il savait y faire. De ses doigts, il se saisit de la ceinture pour la défaire, faisant glisser mon peignoir le long de mes chevilles.
Il prit du recul pour me contempler, le rose me monta aux joues mais j’entrepris nĂ©anmoins de tourner sur moi-mĂŞme pour qu’il me regarde sous toute les coutures. Lorsque je fus de nouveau face Ă lui, il plaqua ses deux mains sur mon fessier pour approcher son visage de mon dĂ©colletĂ©. Je poussai un gĂ©missement de surprise en sentant sa langue caresser ma peau. Mes mains appuyèrent sur ses Ă©paules puissantes. Il parcourait mon dĂ©colletĂ© de part et d’autre, mĂ©langeant coups de langue et souffle pour me faire frissonner. Je rejetai mon visage en arrière pour lui offrir un maximum d’accès Ă ma peau, me dĂ©lectant avec dĂ©lice de ses caresses. Ses mains empoignèrent avec force mon fessier, le malaxant sans relâche pour faire glisser la soie entre. Plus ça allait, et plus je me collais Ă lui, avide de sa langue. Il grogna entre mes seins avant de s’arrĂŞter brutalement, relevant le visage vers le mien. Je le regardai, le souffle court alors qu’il glissait ses mains sur mon ventre pour les remonter sur mes seins gonflĂ©s et rouges de ses marques.Â
« Que vais-je faire de toi ?
- Tout ce que tu veux.
-Tout ce que je veux. En es-tu sûre ? » M’interrogea-t-il en glissant l’une de ses mains entre mes cuisses.
Je n'allais pas tenir sous cette délicieuse torture. Un sursaut m'échappa quand il m'effleura plus sensiblement.
« Effectivement, je crois que tu en es sûre. » constata-t-il.
L'effet qu'il me faisait ne passait pas inaperçu. Et je savourai chacune de ses caresses. Il se releva devant moi sans ôter sa main, se plaçant dans mon dos. Prise au dépourvue, je tentai de de le regarder, mais il en décida autrement en m’ordonnant sèchement de regarder devant moi. Je sentis sa main libre passer sur mon dos nu, et glisser vers les attaches de mon body sur ma chute de rein. Instinctivement, je me collai à lui. Ses doigts finirent par s’attarder sur ma tâche de naissance en forme de papillon dans le bas de mon dos, signe de mon appartenance au peuple des elfes de la nature. Puis il reprit son jeu de paume. Chaque parcelle de ma peau était stimulé. Quand une main remontée, l'autre descendait pour me faire gémir. Je lui appartenais, du bout de ses doigts. Et il me désirait. Ardemment.
Je me laissais déborder de plaisir une première fois, me tenant au lit alors que j'étais prise de spasme. Lance me contemplait avec amusement, attendant patiemment pour pouvoir m'attaquer une nouvelle fois. Je voulais encore ressentir cette vague de plaisir, qu’il m’épuise. J'avais besoin de cette euphorie. Il avait le regard d’un prédateur et ça me rendait toute chose. Il le sentit, et se pencha sur moi, effleurant ma bouche.
« Recule, et écarte ses jolies cuisses. »
Je ne me fis pas prier, rampant à moitié sur le dos sans le quitter du regard. Lorsque je fus disposée, j’écartai mes jambes, comme une invitation. Il fondit entre et je m'abandonnai. Il savait où aller, comme s’il connaissait mon corps. Lance grogna contre moi, serrant ses doigts autour de mes cuisses tremblantes. Je perdais la tête en un seul instant, me cramponnant aux draps rouges que j’avais sous la main. Sa langue, bien qu'acérée, savait ce qu'elle faisait.
Il se redressa en essuyant d’un revers de main ses lèvres. Mon regard se posa sur lui, reprenant peu à peu mes esprits, passant une main sur mes joues cramoisies. Il continuait de me fixer tout en se reculant au bord du lit. Il se mit debout, le désir serrait son sous-vêtement, bien que ça n’avait pas l’air de le gêner. Ma conscience me souffla que c'était à mon tour. Je voulais le remercier de la même manière. Engourdie, je m'assis au bord du lit et mes doigts attrapèrent ses hanches pour le tirer vers moi. Il vint à murmurer :
« Serais-tu devenue plus caractérielle et entreprenante depuis que tu traînes avec moi ?
- Boucle-la un peu. » Répondis-je contre sa peau avant de lui adresser un coup de dent.
Il rit faiblement mais n’ajouta rien. Le bout de ma langue vint caresser les lignes de son torse avec lenteur, prenant un malin plaisir à sentir ses muscles se contracter. De sa main, il attrapa ma tresse pour l’enrouler autour de son poignet sans la tirer. Il m'attendait avec impatience. Mes mains et ma bouche surent quoi faire pour le faire perdre pied à son tour. Il grogna mon prénom, et c’était terriblement sexy. Je me reculai, satisfaite de mon attaque.
« J’ai d’autres plans pour ce soir. On ne va pas s'arrêter en si bon chemin. » M’informa-t-il de sa voix grave et chaude, le regard noir de désir.
Il me donnait un nouveau coup de chaud. Je gémis en le regardant. Son regard se planta dans le mien, et sans difficulté il m’attrapa par la taille, me portant vers un mur sur lequel il me plaqua lourdement. Il ne me laissa pas le temps de comprendre qu’il s’introduisait déjà en moi, m’arrachant un gémissement d’extase. Mes jambes tremblaient autour de ses hanches lorsqu’il s’arrêta en moi, me clouant contre le mur. J’entrouvris la bouche dans un gémissement plaintif.
« Continue. » Suppliais-je à bout de souffle.
Je voulais qu’il me terrasse avec un orgasme. Â
« Répète-le Sirania
- Continue par pitié. Arrête de prendre des pauses espèce de faible. »
Je tirais ses cheveux pour toute provocation. Lance m'asséna à nouveau. Mon corps se cambrait, et une chaleur incroyable naquit dans le creux de mon ventre, explosant sur lui. Je transpirais, je suffoquais. Mon corps m’envoyait des décharges électriques puissantes que je n’arrivais pas à contrôler. Lance finit par s’arrêter progressivement, restant quelques instants en moi pour savourer mes contractions orgasmiques autour de lui avant de se retirer dans un râle, me maintenant par la taille. Il me fit lentement reprendre pied sur le sol, les muscles tendus, mes mains entourèrent ses avant-bras, de peur de flancher à cause de mes jambes en guimauve. Je pus entendre un faible ricanement de sa part, mais je préférais ne pas relever cette provocation. Un long silence s’installa entre nous, le temps de reprendre nos esprits et notre souffle. Je levais le visage vers lui lorsque je lâchais ses bras, il me tapota le haut du crâne avant de se détacher de moi. Mon regard suivait cet Apollon nu qui passait une main dans ses cheveux pour les tirer en arrière. Il se baissa pour passer sa veste de kimono sur son corps, sans le nouer. A croire qu’il n’avait aucun problème avec sa nudité. Mais je ne me privais pas de me rincer l’œil. Je finis par le rejoindre alors qu’il tenait entre ses mains mon sous-vêtement. Il m’aida à l’enfiler, et comme un brave homme, passa sur mes épaules nues mon peignoir de soie, nouant la ceinture avec force. Je couinai, il se contenta de me sourire avant de me tourner le dos pour servir deux verres d’un liquide ambré . Quant à moi, je tressais à nouveau mes longs cheveux roses, cherchant du regard mon élastique, Lance me regardait en s’asseyant au bord de son lit, me tendant mon objet de quête silencieuse.
« Merci.
- C’est avec plaisir » Dit-il en portant son verre à la bouche, je levais les yeux au ciel par ses propos à double sens. N’oublie pas de t’hydrater la gorge, mon petit doigt me dit que tu en auras besoin. Et n’hésite pas à prendre un peu de miel surtout. »
A nouveau, mon regard se leva vers le plafond. Il était incorrigible, mais il savait prendre soin de moi malgré son tempérament. Il n’était pas comme ça avec les autres, juste avec moi, une amitié protectrice et charnelle. Je saisis le verre qu’il m’avait servi pour m’en délecter. L’alcool était fort, mais réconfortant après une partie de jambes en l'air. Mon corps se dirigea vers le lit pour m’installer à côté de Lance qui posa une main sur ma cuisse, pour la caresser avec douceur. Je lui adressai un faible sourire:
« Ca ne change rien entre nous ?
- Aucunement l’elfe. Je serais toujours là pour t’entraîner et te faire souffrir à l’épée.
- Je serais toujours là pour t’apprendre de nouveaux tours d’alchimie.
- Et ma porte te sera ouverte si tu en as envie.
- Ma porte te sera ouverte si tu veux te divertir, conclus-je ne lui adressant un clin d’œil auquel il répondit en remontant sa main le long de ma cuisse, me faisant frémir.
- Et en toute amitié, tu es plutôt pas mal dorlotée contre un mur.
- Dorloter contre un mur… Je vais devoir m’appliquer du baume pour éviter qu’on voie ces marques, par ta faute.
- Peut-être. Mais tu n’as pas crié « non » à ce que je sache.
- Je crierai « non » la prochaine fois.
- La prochaine fois ? » Sourit-il d’un air vorace, je me contentais de lui adresser un clin d’œil.
Je tapotai sa cuisse en finissant mon verre d’une traite, me levant par la suite pour aller le reposer à sa place initiale. Son regard me suivait, et sa voix finit par briser le silence :
« Tu ne restes pas ?
- Ce n’est pas toi qui disais que l’attente rendait les choses plus délicieuses ? » Dis-je en me dirigeant tout sourire vers la porte de sa chambre.
En deux enjambées, il me rejoignit, me collant à plat ventre contre cette dernière, me faisant couiner. Ses mains passèrent sur l’avant de mon corps pour empoigner ma poitrine avec force. Je posais mon front contre le bois de la porte, était-ce reparti pour un tour ?. Naturellement, l’une de ses mains vint se loger entre mes cuisses pour frotter à nouveau cet endroit déjà sensible. Il me massait et je balançais mon visage en arrière pour le poser sur son épaule. J’allais partir en quelques secondes, mais il se stoppa contre toute attente, me laissant haletante contre la porte, me l’ouvrant. Quel enfoiré ! Il me claqua les fesses avec un clin d’œil insolent.
« L’attente rend les choses plus délicieuses non ?
- Va te faire voir.
- Ouh. On se sent frustrée petite elfe ? Ne t’en fais pas. Tu penseras à moi quand tu te toucheras en rentrant dans ta chambre. Demain est un autre jour.
- C’est ça ouais, râlais-je en sortant de sa chambre, sans omettre de lui adresser mon majeur. On se voit demain à la forge alors. Dors bien.
- Et dans ta forge toute la nuit, murmura-t-il avec un clin d’œil. Bonne nuit. »
Je lui offris un baiser sur la joue avant de filer dans les couloirs baignés par la lumière nocturne. Demain serait un nouveau jour comme il le disait. A l’avenir, nous vivrons cette relation purement sexuelle et amicale au grand damne de Miiko ou de mon demi-frère Ezarel. Mais ne voulaient-ils pas qu’on se réconcilie après tout ?
(Nevra) Winter Ceremony
OS pour Callisia - Secret Santa 2020
En ce mois de décembre, le pays des glaces était en liesse. L’hiver s’était étendu sur cette grande région pour le plus grand bonheur de ses habitants. De ses yeux vairons, la reine regardait la neige s’accumuler sur ses terres. Dans son dos, Nevra était encore endormi au milieu de leur lit. Ekaterina tourna le visage vers lui et son regard s’attendrit à la vue du corps d’albâtre, à moitié nu, de son amant.
Entre les deux tourtereaux, la passion les avait consumés pour l’éternité. En peu de temps, l’homme de l’Ombre avait fait d’elle une vampire. Elle se sentait mieux ainsi, elle pouvait mentir sur la couleur de ses ailes, de ses origines, sans être pointée du doigt parce qu’elle était un ange déchu. Intérieurement, la reine des glaces remerciait l’homme qui l’avait sauvée de sa folie.
Pieds nus, elle s’avança vers le lit pour prendre place contre le Vampire. Elle passa un bras autour de sa taille en posant sa tête sur son torse nu. Il se mit à grommeler doucement en l’entourant de ses bras musclés. Ekaterina avait besoin de ce moment de paix avant la grande cérémonie d’hiver. Grâce à son ouïe surdéveloppée, elle entendait les domestiques s’activer à leurs tâches.
Nevra entreprit de caresser doucement la chevelure noire de sa dulcinée, prenant le temps d’émerger et d’accepter la lumière éblouissante de l’hiver. Ekaterina ferma les yeux, son souffle était presque inexistant, ses ailes l’enveloppaient. Elle aurait pu rester comme cela des heures entières, mais elle se redressa doucement quand on frappa à la porte de leur appartement.
Cette dernière s’ouvrit pour accueillir de nombreuses servantes. Poliment, elles s’inclinèrent devant le couple royal tandis que deux hommes apportaient de grands plateaux d’argent où trônaient différents mets et boissons, dont du sang frais. D’un geste de la main, Ekaterina ordonna à ce qu’on pose les victuailles au pied du lit. Elle se pencha alors pour prendre un calice et le tendit à son mari, à présent bien éveillé, avant de porter le sien à ses lèvres.
« Quel est le programme d’aujourd’hui, Elsa ? » Demanda la reine d’un ton calme.
La dénommée Elsa s’avança alors d’un pas. Elle avait les cheveux longs et blancs comme la neige, les yeux aussi bleu qu’une topaze. De ses doigts fins, elle déplia le parchemin et se mit à parler d’une voix solennelle.
« Ma reine. Aujourd’hui comme vous le savez, les festivités d’hiver sont lancées. Nous accueillerons ce soir, sur nos contrées, nos voisins d’Eel et de Feng. Sur l’estrade d’honneur siègeront Ma Dame et Mon Seigneur Nevra. A votre gauche, Huang Hua et son maître Feng Zifu. A votre droite, Miiko et Leiftan. Le reste des peuples seront sur la piste centrale. »
La jolie servante continuait de déballer son long discours concernant la cérémonie. Ekaterina l’écoutait d’une oreille peu attentive, plutôt concentrée à boire le sang encore chaud dans son verre. Nevra se redressa à ses côtés pour picorer quelques aliments.
« Dans une heure, vous devrez vous rendre à la Grande Salle pour valider sa décoration ainsi que prendre connaissance du menu. A quinze heures, le roi ira accueillir les peuples pendant que vous, ma Reine, serez préparée. Les servantes sont prêtes à faire de vous la plus grande merveille de ce monde, ordre du roi. »
Nevra se mit à sourire du coin des lèvres tandis que sa compagne tournait la tête vers lui en haussant un sourcil. Qu’avait-il préparé ? Elle allait rétorquer mais Nevra posa un doigt sur sa lèvre d’air mutin.
« Pas maintenant, tu vois bien qu’Elsa n’a pas fini d’épeler les ordres du jour. »
Ekaterina leva les yeux au ciel. Il était incorrigible. D’un geste de la main, elle donna la permission à la demoiselle de reprendre son récit. Tenue, maquillage, coiffage, à dix-huit heures, elle se devait faire son entrée dans la grande salle de réception auprès de tous les convives. Elle arriverait par le grand escalier de cristal, puis Nevra la guiderait jusqu’à la table d’honneur. Le reine se devrait alors d’offrir un discours avant le début des festivités. Elle opina du chef en silence à la fin des annonces de la jeune servante.
« Merci Elsa. Puisque Nevra va devoir me quitter pour ses activités du jour, pouvez-vous aller me chercher Snizhynka ?
- Bien sûr, Madame, répondit Elsa poliment avant de s’esquiver hors des appartements royaux.
- C’est comme cela que tu me remplaces ? Tu remplaces ton mari par ta Skanis ? S’offusqua faussement le vampire à ses côtés en se hissant hors du lit.
- Au moins, je sais qu’elle ne me prendra pas au dépourvu, mon Roi.
- Vous êtes bien trop cruelle ma Reine, dit-il en déposant un baiser sur la bouche pulpeuse de son épouse. Elle lui en offrit un nouveau avant de le regarder partir. Elle le retrouverait le soir-même dans une tenue resplendissante et surprenante d’après les rumeurs des servantes.
‹※›‹※›
Le reste de la matinée fut éprouvante pour l’immortelle, entre le conseil administratif sur les alliances avec le pays des sables chauds et le devoir de répondre aux demandes du peuple. La jolie brune se massait les tempes, en proie à une légère migraine. Même en temps de fête, son rôle de reine n’était pas de tout repos. Elle se laissa aller sur sa chaise en soupirant doucement tandis que sa Skanis à ses pieds relevait le museau. Ekaterina fit glisser ses doigts dans la fourrure douce et froide de Snizhynka avec un petit sourire.
« Toi au moins, tu as la belle vie. »
Elsa apparut dans son champ de vision. La jolie servante blonde lui tendit un calice rempli de sang avec un sourire bienveillant. Ekaterina la remercia silencieusement. Cette beauté hivernale savait toujours quand sa reine avait besoin de réconfort, c’était pour cela qu’elle avait été promue comme demoiselle officielle. Mais elle n’était pas que sa domestique car Ekaterina avait développé pour elle une certaine affection.
« Souhaitez-vous prendre un temps de pause avant d’enchaîner avec la suite, ma dame ?
- Laisse-moi savourer cette boisson, et nous pourrons poursuivre. »
Elle la but d’une traite sans s’attirer un regard de dégoût de la part de sa favorite. En quelques secondes, elle fut requinquée pour entreprendre le reste de la journée. Ekaterina se releva de son fauteuil et étira ses longues ailes blanches et noires avec un soupir d’aise avant de se mettre à la hauteur de sa servante pour la suivre. Sur leurs talons, la Skanis avançait d’une démarche gracieuse.
Quand elles pénétrèrent dans la grande salle, la décoration y était splendide et hivernale. Les tons étaient blancs et bleus. De la fausse neige brillaient sur les longues rangées de table. L’argenterie, la porcelaine et les verres de cristaux étaient flamboyants, trônant fièrement sur les tables. Les chaises étaient bleues ciels, les tables drapées d’un voile blanc. Il y avait une immense piste de danse où un orchestre s’installait déjà . La table d’honneur, sertie de bleue et d’or, était sur une estrade au-dessus de l'assemblée. Ekaterina ne put s’empêcher de dévoiler ses crocs avec satisfaction. Son regard scrutait chaque détail. Tout rappelait au temps d’hiver, la neige, le froid, le royaume des glaces.
« Comment trouvez-vous la décoration ?
- Parfaite, Elsa.
- Souhaitez-vous y ajouter quelque chose d’autres ?
- Penses-tu qu’on devrait ?
- J’aurais pensé à un grand sapin blanc et bleu derrière vous. Ou alors derrière l’orchestre ? » Confessa la jeune femme à ses côtés.
Skanis émit un grognement. De nouveau, la reine souriait en se tournant vers son amie.
« Faisons cela alors. Je te laisse choisir l’endroit. Qu’en est-il du menu ?
- C’est un honneur, Dame Ekaterina. Pour l’arrivée des convives, un cocktail blue lagoon est prévu en votre honneur. Le verre sera glacé, la boisson bleue. Elle se compose de vodka, de curaçao et de jus de citron. Pour accompagner cela, il y aura des toasts au saumon et à la crème fraîche. Mais aussi du saumon cru en brochette, saupoudré de cannelle et de gingembre.
- Intéressant.
- Vos entrées seront à base de produits nordiques suivi d’un borsh pour digérer plus facilement et faire place au plat. Du galubtsis, puis un digestif glacé à la vodka. Du fromage, naturellement avant de finir sur la pièce finale…
- J’en ai déjà l’eau à la bouche, s’amusa la reine en caressant d’un air rêveur le crâne de son familier.
- Il y aura des pirozkhis et des bûches glacées. Tout ce repas sera accompagné de vin sélectionné par le roi lui-même, ainsi que du sang à disposition si vous en ressentez le besoin, sourit la servante
- Et après nous danserons, j’imagine ?
- Cela est prévu oui. Ainsi que des activités divertissantes au cours du repas. »
Doucement, Ekaterina hocha la tête avec satisfaction en croisant les mains devant elle. Elsa, ainsi que tous les autres domestiques, savaient se démener pour réussir de belles cérémonies. Elle n’eut rien à redire et se dirigea vers les cuisines où les employés s’affairaient à leurs tâches. Le chef cuisinier était quelqu’un de chaleureux et il prit du plaisir à développer ses idées de dressage d’assiette à la reine.
« Nous mettons les petits plats dans les grands, lui avait-il dit en bombant le torse.
Elle l’en félicita avant de prendre congé. Il lui restait une heure pour écrire un discours avant de se faire attraper par ses dames pour s’apprêter.
Quinze heures trente. Ekaterina se laissait aller dans l’eau laiteuse et chaude que lui avait préparée ses servantes. Ce bain était le bienvenu tant elle avait dû courir partout et de fait, la reine n’avait pas vraiment eu le temps de prendre du temps pour ses ailes. Elle ramena ses jambes contre sa poitrine, déployant ses membranes vers les femmes autour d’elle pour qu’elles les nettoient.
Quand elles eurent terminé, Ekaterina sortit de sa baignoire pour se sécher et s’enrouler dans une serviette moelleuse. Ses domestiques s’affairaient aux tâches qui leurs étaient confiées. Ekaterina s’installa sur une chaise, face à un grand miroir tandis que Snizhynka demeurait près d’elle, à moitié endormie. Une jeune femme commençait à préparer le visage de la reine au maquillage. Une autre, aidée d’une de ses congénères, coiffait les longs cheveux d’Ekaterina en un prestigieux chignon parsemé de blanc.
Le maquillage, quant à lui était de couleur bleu ciel et blanc, pour s’accorder au thème de la soirée. Ses yeux vairons avaient été tirés en amande grâce au liner blanc et pailleté, ses lèvres pulpeuses étaient peintes de bleue et coupées d’un trait blanc. Sur son front avaient été apposés des cristaux, de même que sur ses bras et son buste.
Ekaterina s’admira sans rien dire. Cela changeait de son habituel maquillage sombre. Un peu déboussolée, elle finit toutefois par s’y habituer. Les servantes se surprirent à reprendre leur souffle quand la reine approuva. Il leur avait fallu tant de temps pour parvenir à un tel résultat. En regardant à travers le miroir, elle aperçut les stylistes apporter un paquet blanc. Qu’est-ce que Nevra lui avait préparé ?
Elle le savait romantique, entreprenant et surprenant. C’était ça qui lui plaisait chez lui, il savait toujours lui faire plaisir. Les premiers cadeaux avaient été des fleurs, puis étaient devenus des choses qu’elle aimait secrètement comme des matrioshkas. Quelques fois, il lui offrait des rendez-vous romantiques au quatre coins du globe. Il était comme un ange tombé du ciel. Elle se mit à sourire timidement en se relevant de son siège.
Lentement, elle s’approcha du présent, effleurant la housse. Enfin, elle posa son regard sur le jeune garçon qui tenait entre ses mains une lettre. Il tremblait discrètement, étant quelque peu impressionné par la reine. Il préférait de loin la compagnie de Nevra, et Ekaterina ne lui en voulait pas. Une reine devait se montrer froide et intouchable.
« Eh bien, garçon ? Vas-tu me lire cette lettre ?
- J-Je… Oui. Enfin non. » balbutia-t-il, le rouge aux joues.
Elle haussa un sourcil surpris.
« Comment ça « non » ?
- Messire Nevra souhaite que vous la lisiez en privée.
- Oh. »
Il lui tendit la lettre en s’inclinant. Elle la prit entre ses doigts et défit le cachet de cire sans difficulté. Un fin sourire se dessina sur sa bouche, dévoilant le bout de ses crocs. Nevra avait une écriture très calligraphique.
Ma Reine, Mon Amour,
Je t’écris aujourd’hui pour te dévoiler à nouveau mes sentiments. Tu es la meilleure chose qui me soit arrivée au cours de mon éternelle vie. Tu me rends meilleur. Merci de m’offrir la chance d’être à tes côtés.
En gage de mon amour, je t’offre cette robe, qui je le sais, te sierra à merveille. Elle mettra en avant tes magnifiques formes, tes splendides ailes et ta puissance naturelle.
Je t’ai longtemps imaginée dans cette dernière, et il me tarde de te voir ainsi vêtue. Peut-être aurais-je aussi l’envie de te l’enlever rapidement ce soir. Laissons au moins nos convives en profiter un court instant.
A ce soir,
Je t’aime
Ton Roi
Ekaterina glissa le bout de sa langue sur ses lèvres. Nevra savait parfaitement comment faire chavirer son cœur en un instant. D’un air rêveur, elle caressa son alliance avant de replier la carte et la confier à Elsa. Son regard fixa à nouveau la protection blanche, prête à déballer son cadeau. Doucement, elle fit glisser sa fermeture éclair, puis laissa tomber la housse au sol. Bouche bée, elle contempla la robe.
Son bustier était fait de longues feuilles blanches nacrées, le dos était à nu et laissait à ses ailes la liberté de se déployer. Le jupon était un assemblage de voiles blancs et bleus, rappelant les étoiles se reflétant sur le blanc de la neige. Les manches bouffantes étaient tout aussi brillantes et la jeune femme savait que chacun de ses mouvements donnerait l’effet d’une Reine des Glaces qui marcherait dans la neige.
Mais ce n’était pas tout. Le jeune garçon lui présenta ce qui allait accompagner la tenue : des chaussures de cristal, comme dans les contes de princesses, et des bijoux argentés qui décoreraient ses jambes nues sous le grand voile du jupon. Ekaterina se mordilla les lèvres, le regard pétillant de joie. Il lui tardait de s’apprêter et de rejoindre la grande fête.
La nuit avait fini par tomber sur le Pays des Glaces, les journées étaient plus courtes en hiver. Les convives étaient tous arrivés et attendaient la venue de la Reine dans le grand hall de marbre blanc. Un brouhaha ambiant régnait dans la grande pièce et s’interrompit lorsqu’un défilé de domestiques se présenta en haut des marches. Nevra s’avança en bas de l’escalier, prêt à accueillir sa dulcinée.
Ekaterina possédait une démarche gracieuse. Elle portait à la perfection sa haute couronne de cristal, les mains croisées à l’avant de son corps. Ses pas résonnèrent sur le sol, et enfin elle apparut en haut des marches, prestigieuse et royale dans sa tenue flambant neuve. Nevra ne put s’empêcher de l’admirer d’un air possessif. Sa Reine était si belle dans ce bleu qui se mariait à la perfection avec son teint pâle.
Toute l’assemblée était subjuguée par sa beauté. Les convives regardaient la reine descendre avec élégance, en tenant les pans de sa robe étincelante. En contrebas, Nevra l’attendait. Ekaterina lui adressa un sourire tendre en prenant la main qu’il lui tendait. Elle déposa au coin de ses lèvres un baiser affectueux avant de faire face à ses invités. Tous la saluèrent d’une révérence.
« Bonsoir à tous. Je suis heureuse de vous accueillir pour cet événement si particulier. »
Leur dit-elle d’une voix douce tout en glissant sa main sur l’avant-bras de son mari. D’un même geste, ils ouvrirent tous deux la marche vers la grande salle de réception. Le Vampire se pencha doucement vers l’oreille de sa compagne pour lui murmurer :
« Tu es absolument divine, ma Reine. Je savais que cette tenue te siérait à merveille. »
La jeune femme se mit légèrement à rougir sous cette cascade de compliments, et elle le remercia d’un simple baiser sur sa joue. Les deux monarques pénétrèrent dans la salle des fêtes, et aucun ne put retenir une exclamation de stupéfaction et de fascination face à la beauté de cette dernière. Chaque convive sans exception complimenta la Souveraine sur ses goûts en matière de décoration, et avec modestie, celle-ci les invitait à remercier Elsa pour son travail.
Le couple royal, accompagné de Leiftan, Miiko, Huang Hua et Feng Zifu, montèrent à leur table. Derrière eux se dressait un énorme sapin blanc. Nevra tira la chaise d’Ekaterina avec bienséance. La brune s'installa alors face à la table. A ses pieds, les convives l’admiraient, leurs visages levés vers elle. Ekaterina commença alors son discours d’une voix forte et distincte, les remerciant d’être venus, en ajoutant des mots doux à l’attention de ses amis à la table d’honneur avant d’ouvrir les festivités en laissant les serveurs entrer dans la pièce pour l’apéritif.
Elle s’asseya sur sa chaise en souriant, puis remercia la jeune enfant qui lui apportait le blue lagoon. A l’unisson, les convives trinquèrent en l’honneur du couple royal et de la fête de l’hiver. Ekaterina se tourna ensuite vers ses amis pour discuter avec eux de banalités, échangeant quelques ragots. Nevra assis à ses côtés, une main possessive sur sa cuisse, participait aussi à cela. La fête allait être mémorable.
Tout le monde se régalait des mets présentés en apéritif, et lorsqu’ils furent invités à passer à table, chacun avait hâte de découvrir la cuisine de l’Est sélectionnée par le grand chef. L’ambiance était festive, l’orchestre jouait en fond. Au cours du repas, des activités furent proposées : une initiation à la kalinka, un bref extrait du Lac des Cygnes présenté par un couple de danseurs, un test musical sur les œuvres classiques russes…
Les estomacs remplis et les cerveaux embrumés par l’alcool avaient laissé place à plus d’euphorie. Nevra ne se gênait pas pour davantage enserrer la cuisse de sa partenaire. La reine flirtait avec lui, caressant du bout de ses ongles sa mâchoire avant d’effleurer ses lèvres. Le Vampire lui vola quelques baisers avant de la laisser lui donner la becquée. Ils étaient décidément fous l’un de l’autre.
« Plus tôt je te disais que cette robe t’allait à merveille, et maintenant, j’ai plutôt envie de te l’enlever… » confessa Nevra à l’oreille de son épouse avant d’embrasser sa jugulaire nue.
Ekaterina soupira d’aise, les joues rosies par la chaleur et l’alcool.
« Pourquoi m’enlever cette robe, mon cher Nevra ? » Lui répondit-elle dans un murmure, plongeant ses yeux vairons dans les siens.
Un sourire étira les coins des lèvres du Vampire.
« Je voudrais savoir comment ma bouche et mon corps pourraient épouser le tien. Je jalouse cette robe qui te colle et te caresse. »
Ekaterina glissa le bout de sa langue sur une de ses canines d’un air intéressé. Sa main glissa sans gêne sur le haut de la cuisse de Nevra. il leva un sourcil tout en arborant un air mutin. Les deux tourtereaux s’interrompirent quand on les pria de venir ouvrir le bal dansant. Nevra offrit sa main à sa dulcinée, et tous deux rejoignirent la piste. Elle se plaça devant lui. Il passa un bras autour de ses reins, l’autre se leva pour entraîner sa compagne dans une valse entraînante.
La Vampire souriait avec joie dans ses bras. D’autres couples se joignirent à eux. Ils étaient tous en rythme et tournoyaient dans la large pièce au rythme des violons. L’orchestre s’accordait à jouer un large panel de musiques classiques et valsantes. Le couple royal aimait partager ce genre de moment. Et quand la musique devint plus douce, Nevra laissa aller son front contre celui d’Ekaterina, profitant de ce slow pour la sentir contre lui, son souffle, ses formes et leur amour.
Tard dans la nuit, le couple dĂ©cida de s’éclipser pour profiter d’un moment Ă deux. Nevra n’avait pas cessĂ© de lui murmurer des mots langoureux, et le corps d’Ekaterina s’était embrasĂ© Ă chaque avance. Quand ils se retrouvèrent seuls dans leurs appartement, Nevra entreprit de la dĂ©shabiller lentement, parcourant chaque zone de son corps avec ses lèvres. Ekaterina avait soupirĂ© Ă chaque offrande qu’il lui offrait. Lorsqu’elle se retrouva nue, elle le dĂ©shabilla Ă son tour. Et sous la lumière des aurores borĂ©ales, tout deux s’adonnèrent aux plaisirs de la chair qui les emmenèrent loin de cette cĂ©rĂ©monie d’hiver.Â
(Lance/Ashkore) Le Pacte /// TW: spoil TO/ANE
NB: Cet OS a été écrit pour Gaianee
La nuit était tombée sur la cité. Tout le monde avait l’air si serein. Les traitres... Pardon la Garde, en avaient arrêté un autre qui pourrissait au fond de la cave. Ashkore avait été attrapé. Les gardes avaient été glorifiés. Moi ? Rien. Je suis juste l’humaine qui a contemplé son enfermement sans réagir. Qu’est-ce que j’aurais pu faire de toute manière ? Mon utilité s’était réduite à aider pour un traité de paix avec les gens de mon peuple, et me faire oublier d’eux à cause d’une stupide potion avalée de force à cause de mon chef de garde.
Je soupirai. J’étais tiraillée entre la tristesse et la colère. Je n’étais plus rien aux yeux de quiconque. Je n’avais aucune importance. Mon corps se mit à frémir. Un long frisson parcourut mon échine. Il fallait que je me change les idées, je n’arriverais à rien en imitant un lion dans sa cage. Lentement, je me redressai de mon lit où j’étais installée pour contempler les lumières de la nuit. Une balade dans les jardins me ferait sûrement du bien. Il fallait que je médite.
J’attrapai au vol une simple cape à capuche que j’attachais à mon cou avant de quitter ma chambre. Les couloirs étaient vides. Seul le bruit des grillons de nuit berçait le silence. Je traversais le corridor des gardes pour me retrouver à la salle des portes. Cette dernière était baignée par la lumière de la lune. Cela m’apaisait presque. Cet apaisement ne fut que de courte durée. A quelques mètres de moi, je vis le visage hideux de mon chef de garde. Ezarel.
« Tu tombes bien. Je te cherchais. On requiert ton aide dans la cave. Ashkore refuse de nous parler. Et comme tu as un talent pour gérer les fous.
- C’est sûr qu’avec un chef aussi abruti que toi, maugréais-je en me tournant vers la sortie. Hors de question d’aider qui que ce soit. Débrouillez-vous pour le faire parler. Je ne veux pas avoir affaire avec lui. Vous avez su le capturer, vous finirez bien par le faire parler. Tentez de lui faire avaler une potion au détour d’un baiser ou d’un verre d’eau. »
Mon ton était acerbe, mais je n’en avais rien à faire. Œil pour œil, dent pour dent. Chacun sa merde. A défaut de mettre le feu au Q.G, je pouvais toujours me battre avec des mots. J’avançai vers les marches, mais une main enserra mon poignet, et avec force, me tira en arrière. Ezarel me fixait d’un regard noir. Je le soutenais sans ciller.
« Ce n’était pas une question. Mais un ordre. T’es priée de me suivre. » dit-il d’un ton froid en me traînant de force vers la cave.
Abruti. Sa prise était trop forte pour m’en défaire. Il m’ordonna de passer devant lui dans les escaliers qui menaient à la prison. Je bouillis intérieurement. L’envie de le pousser dans les marches me vint en tête, mais quand je vis le visage de l’ogre devant moi, elle s’évapora. Je saluai Jamon d’un signe de tête cordial.
Ezarel me poussa dans la pièce oĂą tous les chefs de garde se tenaient. Huit paires d’yeux se tournèrent vers moi : Nevra, Valkyon, Miiko et Leiftan. Ashkore ne changea pas de position dans sa cellule, restant assis, bras croisĂ©s. Effectivement, il n'a vraiment pas l’air de vouloir discuter. Ou alors Batman boude. Un bref soupir m’échappa et je saluai le petit comitĂ© d’un signe de main. Â
« Merci d’être venue. Commença Miiko d’un ton solennel.
- Ce n’est pas comme si j’avais eu le choix. Répondis-je en fusillant Ezarel du regard. »
Mon attention se reporta sur la cheffe de l'Étincelante. Elle fronçait les sourcils. J’haussais les épaules.
« Tu es la meilleure solution ce soir. Tu es la seule personne à être capable de faire parler notre prisonnier. Il avait l’air de montrer un certain intérêt pour toi. Reprit la kitsune d’un ton neutre.
- Commencez déjà par l’appeler par son nom si vous voulez obtenir quelque chose de lui, fis-je remarquer en portant mon attention sur l’homme masqué qui se redressa légèrement. Peut-être que si vous étiez plus prompt au respect, vous arriveriez à avoir ce que vous voulez. Ce n’est pas en vous montrant méprisant, ou en l’appelant « le prisonnier » qu’il coopérera. Ashkore, dis-je en lui accordant un signe poli de la tête avant de reporter mon attention sur la cheffe. Il s’appelle Ashkore. Maintenant qu’attendez-vous de moi ? Je n’ai pas votre temps, je comptais aller prendre l’air. »
La cheffe marqua un temps, lèvres pincées. Elle reprit :
« Nous avons besoin de ton aide pour lui parler, et je sais que tu es capable de cela. Nous voudrions juste connaître ses motivations, sa réelle identité et pourquoi il souhaite autant s’en prendre au cristal ? Dit Mikko en jetant un coup d’œil à l’homme masqué dans sa cellule.
- C’est sûr qu’en me disant cela devant lui, Ashkore va tout me dévoiler sur un plateau d’argent. Répondis-je d’un ton salé.
- Cesse ce comportement, intervint Ezarel. »
Je me tournai vers lui, prête à exploser. Mais ma petite voix intérieure m’invita à rester calme et à ne pas craquer. Reste polie, ne rentre pas de son jeu.
« Tu devrais peut-être t’appliquer ce conseil, dis-je calmement, reportant mon attention sur Miiko. Je ferais de mon mieux, mais je ne promets rien. Je vous accorde quinze minutes de mon temps. » m’enquis-je avant de passer entre les deux leaders de l'Étincelante.
Je me retrouvai face à la cage du prisonnier, mes yeux contemplaient cette armure, ce masque à la forme draconique. Il y avait quelque chose d’intriguant et de fascinant chez ce personnage. Ashkore s’était redressé et se tenait droit devant moi, derrière les barreaux. Je relevais la tête au point de me faire un torticolis. Bon Dieu qu’il est grand.
« Pouvons-nous nous entretenir tous les deux ? Lui demandai-je d’une voix calme et chaleureuse. »
Il ne me répondit pas, tournant son masque vers le petit comité derrière moi. J’en fis de même et compris en reposant mon regard sur lui.
« Un tête-à -tête vous conviendrez mieux j’imagine ? » proposai-je.
Ses yeux rouges me dardèrent. L’homme masqué hocha la tête. Je fis volte face vers les autres.
« Vous pouvez nous laisser ?Â
- T’as d’autres idées stupides ? M’interrogea Ezarel en levant les yeux au ciel.
- Si vous voulez qu’il coopère, laissez-moi seul avec lui. Il ne peut rien m’arriver puisqu’il est enfermé dans cette cage. Et s’il l’avait voulu, il aurait utilisé la magie pour s’enfuir, or… Il n’a pas l’air d’en posséder. »
Ezarel ouvrit la bouche. Miiko leva la main pour le faire taire.
« Tu as raison. Nous changeons de pièces. Nous serons vers les escaliers. Nous reviendrons dans quinze minutes. »
La kitsune avait parlé, les hommes avaient capitulé. Tous sortaient un à un de la pièce, me laissant seule avec le prisonnier. Je reportai mon attention sur lui et sursauta, il s’était rapproché des barreaux à pas de loup. Un hoquet de surprise m’échappa tandis que je portai la main à mon cœur.
« Je sais que vous êtes quelqu’un de furtif, mais évitez de me surprendre comme ça.
- Pourquoi ? Je te fais peur ? M’interrogea-t-il d’une voix grave. Je ne te ferais rien. Je l’aurais déjà fait plus tôt, non ? Et puis, ne suis-je pas celui qui t'a tendu la main à de nombreuses reprises ? S’enquit-il, laissant un léger rire cynique lui échapper. »
Je déglutis, laissant un rire nerveux m’échapper.
« Ouais… Totalement ! Mais si vous étiez quelqu’un de sain, vous ne seriez pas derrière des barreaux.
- Un point pour l’humaine, s’amusa l’homme. Tu as maintenant le droit de me tutoyer. Ce n’est pas comme si c’était la première fois qu’on se croisait.
- Youhou... Vous. Tu m’en vois ravie. Quel privilège, ironisais-je, mal à l’aise par sa présence. »
Je me reculai d’un pas avant de me racler la gorge, prête à reprendre le fil de la conversation principale.
« Bien. Comme tu l’as entendu. On cherche à savoir tes motivations et les raisons de pourquoi tu en es là aujourd’hui.
- Mes motivations ? Elles sont juste en face de moi. Tu choisis de suivre une politique injuste et de t’y plier sans rechigner. La garde te prend pour son petit pantin. Je me demande même pourquoi ils te gardent à leurs côtés. Qu’est-ce que des faëliens auraient à voir avec des humains qui ont créé une guerre ? commença-t-il, se redressant d’une manière droite, presque militaire, les bras dans le dos. Mes motivations sont telles que je ne supporte plus le comportement de la Garde d’Eel. Quelle bande d’hypocrite. Faire comme-ci elle n’avait rien fait, alors que tout les mène vers la destruction d’une race. »
Son ton avait pris une tournure qui me glaça le sang. Pourquoi était-il si en colère ?
« Quelle race ? Le questionnai-je avec innocence.
- N’as-tu jamais entendu parler du Sacrifice Bleu ? M’interrogea-t-il, le ton plus calme. »
Je secouai la tête de gauche à droite. Ashkore avait l’air désemparé mais n’ajouta rien. Un long silence régna entre nous. Peut-être de longues minutes. Les autres ne devraient pas trop tarder à revenir. Il reprit en croisant les bras sur son torse :
« A mon tour de te poser une question. Pourquoi la garde tient tant à te protéger ?
- Au-aucune idée… Balbutiai-je. C’était peut-être un mensonge.
- Vraiment ? Quelque chose me dit que je ne vais pas tarder à le savoir. Rétorqua-t-il d’un ton beaucoup trop sarcastique. »
Je déglutis. Ce ton ne donnait rien qui vaille. Un stupide sourire s’afficha sur mon visage. Mes épaules s'affaissaient lorsque j’entendis les autres revenir vers moi. Avec le moins de méfiance possible, je fis dos à l’ennemi. Et j’en payai le prix. Ne jamais tourner le dos à son ennemi, idiote. Tout se déroula si vite. Ashkore réussit à s’extirper de sa prison, à m'attraper avec force et me mettre une lame sous la gorge. J’avais crié. Les autres m’avaient regardé stupéfaits, et avaient dégainé leurs armes. J’avais tenté de me débattre, ne serait-ce que de m’ôter des bras de l’homme masqué. D’un grand geste de la main, j’avais percuté avec violence son masque. Mes doigts saignaient. Le masque avait volé au sol.
Je vis les visages choqués de mes compagnons et tentais de tourner le regard vers l’homme qui n’était plus masqué. Un halètement m’échappa. Il ressemblait presque à Valkyon. Enfin… Je n’eus pas le temps de continuer à contempler l’inconnu démasqué. Il me fit une clé de bras, reposant la lame de son poignard contre ma gorge. C’est la merde.
« Un seul pas. Un seul mouvement, j’égorge l’humaine. » asséna-t-il d'une voix glaciale.
Aucun n’osait bouger, et je ne savais pas si je devais les en remercier ou leur hurler de me sauver la peau. Je ne voulais pas finir égorgée dans une cave pourrie, de la main d’un psychopathe. Mes pensées furent coupées quand Valkyon tomba à genoux. Je sursautai. Lance enserra sa poigne autour de mes bras. A y regarder de plus près, toutes les grosses têtes de la Garde avaient l’air sur le cul.
« M-mon… Mon frère. Lance. » Geins Valkyon en levant le visage vers nous.
Je tombai des nues. Lance ? Le Lance de Valkyon ? Le Lance dont tout le monde pleure la mort depuis longtemps ? Le Lance dont on n’a jamais retrouvé le corps ? Je m’agitai, et cela ne plut pas du tout à mon geôlier qui gronda dans mon dos.
« Pourquoi nous fais-tu ça ? S’exclama alors Miiko, prise au dépourvue.
- Pourquoi garder en vie une humaine au sein du Q.G alors que ce sont eux qui nous ont exécutés ? rétorqua Lance d’une voix à en faire pâlir les murs, il était enragé. Qu’est-ce qu’elle cache ? Vociféra-t-il. »
Je blêmis. Il appuya sa lame contre ma gorge, j’avais cette sensation d'un mince filet de sang qui coulait contre ma gorge. La kitsune leva une main en signe de paix et pour stopper son geste. Lance eut un rire froid en se collant à mon dos, me forçant à avancer vers son homologue.
« Intéressant. Elle est bien plus précieuse que je ne le pensais… Gaianee. N’aurais-tu pas quelque chose à cacher ?
- Libère-la, Lance, elle ne te sera d’aucune utilité. Ce n’est qu’une humaine, intervint Ezarel d’un ton calme. »
Pique ou non, j’acceptai le coup. Si c’était pour sauver ma peau, c’est qu’il avait de la jugeote l’elfe. Mais à nouveau Lance eut un rire mauvais.
« Arrêtez de me prendre pour un con ! Si elle n’était d’aucune utilité, vous ne la garderiez pas auprès de vous. Si vous le permettez, c’est maintenant mon tour de garde, conclut-il en continuant à avancer avec mon corps comme bouclier. Le premier qui bouge mourra avec l’humaine. Je n’ai pas eu de mal à égorger un familier, je n’hésiterai même pas à le faire avec vos tronches d’hypocrites. »
Personne ne broncha, et je me retrouvai prise en otage avec un supplément bouclier humain. Je ne pouvais rien faire au risque d’énerver davantage mon agresseur. Mes pas agissaient instinctivement vers l’escalier.
« Que comptes-tu faire avec Gaianee, Lance ? Quelles sont tes motivations ? Intervint Nevra sans perdre son sang-froid. »
Lance se tourna, m’emportant sur son passage pour lui répondre. Je n’étais qu’un vulgaire pantin que l’ex-homme masqué s’amusait à trimballer.
« Il n’y a que Gaianee qui le saura. »
C’étaient ses derniers mots Ă la Garde. C’était peut-ĂŞtre la dernière fois que je les voyais, et mon regard se porta avec dĂ©solation sur Valkyon. J’eus de la peine pour lui. Quel choc avait-il dĂ» subir en revoyant son frère revenir d’outre-tombe. Lance m’entraĂ®na dans l’escalier, on nous laissa passer sous ordre de Miiko. Mon geĂ´lier eut le privilège de voir tous les chemins se dĂ©gager sous ses pas. Lorsque nous passâmes les portes de la citĂ©, il Ă´ta sa lame de ma gorge et m’entraĂ®na de force vers la plage, sans m’adresser aucune parole, aucun regard. Je n’avais pas osĂ© l’ouvrir, me laissant entraĂ®ner sur le bateau qu’il avait dĂ©robĂ© je-ne-sais-oĂą. Lance m’aida Ă grimper sur ce dernier et m’amena au mât pour m’y attacher, mains dans le dos.Â
Assise au sol, dépitée et déprimée, j’admirai les méandres de ma nouvelle vie s’envoler avec tous mes espoirs de retourner sur Terre. Ainsi était le destin que m’offrait Lance : inconnu et où je devais survivre à tout prix. Hors de question de me faire arracher le cœur pour sa jolie gueule. La nuit est belle et claire ce soir. Je devrais en profiter pour méditer ou réfléchir à un plan de survie. Je reposais ma tête contre le poteau de bois afin d’admirer les étoiles. Lance ne me prêta aucune attention, tout comme ses hommes de main. Il se disait mieux mais m’offrait les mêmes services que la garde d’Eel. Un court soupir s’échappa de mes narines. Foutue pour foutue. Mon regard reprit la contemplation de la vie marine. Nous venions de quitter les terres d’Eel, avec une Garde qui avait tenté d’accourir à mon secours. Ezarel, contrairement à Nevra, ne s’était pas jeté à l’eau pour tenter de me libérer de mon geôlier. Geôlier qui avait lancé l’assaut sur eux, avec l'aide du peuple atlantidien. J’avais regardé au loin les faëliens se battre contre les sirènes sans grande conviction.
Je rageai intérieurement de leur défaite. Merde quoi. Si Nevra tenait un tant soit peu à moi, il m’aurait déjà secourue ! Je secouai mon visage. Idiote ! Comme s’il allait venir à ton secours. Il ne vaut pas plus que les autres. Il n’a même pas daigné s'excuser pour la potion que tu veux qu’il te sauve. Crétine. Ma conscience m’avait offert un dur retour à la réalité. Mes poignets me faisaient un mal de chien ainsi ligotés dans mon dos. Lance avait serré bien trop fort. Quelle idée de m’attacher au mât aussi ! Je ne possède pas de magie, ni même la force de coucher un autre être au sol. Est-ce que je lui fais peur ? Ma raison et ma conscience explosèrent de rire. Je soupirai. N’importe quoi ! Mon regard contempla l’horizon en silence. Qu’est-ce que je pouvais faire d’autre de toute façon ? J’étais attachée à un mât. Les cordes me faisaient mal au poignet, et j’évitais de trop gigoter. Je soupirai à nouveau, portant mon regard sur l’ancien prisonnier. Je pris le temp de mieux le contempler : son air était grave, ses yeux étaient d’un bleu perçant et sa chevelure d’un blanc étincelant. Son visage était barré d’une cicatrice sur son nez, et son teint était tout aussi bronzé que celui de son frère. Il semblait grand, très grand, et élancé, avec une bonne musculature. Son aura était si mystérieuse qu’elle m’offrait cette fascination inquiétante pour lui.
Son regard de glace croisa le mien, et je me détournai en déglutissant. Je priai intérieurement pour qu’il ne vienne pas me voir, mais bien sûr, cela ne fonctionnait pas. Lance s’était avancé vers moi avant de s’accroupir. Il me fixa un long moment avec son stupide sourire en coin, prenant un malin plaisir à me voir ainsi. Son visage se pencha sur le côté, l’une de ses mains vint à se saisir de l’une de mes mèches à la pointe bleue.
« Tu as essayé d’imiter ton chef de garde ? M’interrogea-t-il. »
Je grognai. Il eut un sourire sadique.
« Ce n’est pas une honte de craquer sur un elfe aux cheveux bleus.
- Ce n’est pas le cas, répondis-je d’un ton froid.
- J’ai touché une corde sensible ? Dit-il en caressant la pointe bleue. »
Â
Son regard croisa le mien. Il n’allait pas démordre.
« A moins que tu aies essayé de t’accorder avec ton joli regard. Gris… Avec un cercle bleu. Très joli. »
Je rougissais comme une adolescente prépubère, détournant mon regard. Il commençait à me mettre mal à l’aise.
« Pourquoi as-tu les pointes bleues ?
- Pourquoi tu ne te mêlerais pas de ta navigation ? Rétorquais-je, légèrement à cran.
- C’est que tu pourrais mordre. S’amusa-t-il.
- Mes jambes ne sont pas liées. Je pourrais te frapper les couilles si l’envie m’en chantait, menaçais-je en braquant mon regard dans le sien. »
Lance se mit à rire, relâchant ma mèche.
« A choisir je préférerais avoir une autre partie de ton corps que ton pied entre mes jambes, lâcha-t-il sans détour, le regard pétillant de malice. Je sens que je vais bien m’amuser avec toi. »
Il se redressa, je ne le quittai pas du regard, bouillonnant intérieurement.
« Je connais peut-être le remède pour redonner à tes cheveux une teinte normale. Ezarel est peut-être un bon alchimiste, mais je pourrais te surprendre. Et puisque tu me fascines, je pourrais bien t’offrir ce présent. »
Sur ses mots, et n’ayant pas le temps de rétorquer, Lance me laissa seule. Je soupirai avec rage. Comment pouvait-il aussi avoir le don de me sortir de mes gonds ? Reprends le dessus sur ta colère Gaianee, tu ne peux pas lui laisser une chance de s’amuser ou de prendre le pouvoir sur toi. Sois plus fine dans ton stratège. Pour une fois, je donnais le point à ma raison. Cela ne servait à rien de s’énerver, il fallait que je me plie et que j’attende une faille de la part de Lance. Je reposai le haut de mon crâne sur le bois du mât, repartant dans la contemplation des étoiles. Le bruit du bateau naviguant berça et apaisa mes dernières pensées sombres. Je me laissais aller à une méditation réconfortante, perdant le fil de mes pensées, tombant dans les bras de Morphée contre mon gré. J’aurais voulu rester à l’affût. Lance serait capable de me tuer dans mon sommeil . Et au pire ? me demanda ma petite voix intérieure. J’emporterai tous les faëliens qui m’ont pourri dans une tombe avec moi, répondis-je avec fatalité.
‹※›‹※›
Mes rêves, ou plutôt mes cauchemars étaient ponctués de cette trahison. Je revoyais Ezarel m’embrasser avec force pour me faire avaler cette potion. Je sanglotai en comprenant la supercherie. Je me voyais mettre Eel à feu et à sang. Mon cœur était rempli de colère… Lorsque je me réveillai aux aurores, je ne sentais plus mes bras dans mon dos. J’étais engourdie, j’avais mal au dos et aux fesses. L’air était étonnement doux ce matin, bien que la brise fraîche balayât mon visage humide de sanglots nocturnes. Génial. J’ouvris les yeux, il n’y avait pas grand monde sur le pont. Juste quelques matelots qui s’attardaient à leurs tâches. En baissant le regard, je remarquai que quelqu’un avait pris la peine de me couvrir, ce pourquoi je ne ressentais pas la fraîcheur matinale sur tout mon corps. Qui avait bien pu me border avec une couverture aussi chaude ? Lance ?
En parlant de lui, le voilà qui pointait le bout de son nez hors de la cabine principale. Je levais les yeux au ciel. Hors de question de le saluer. De ma vision périphérique, je le voyais s’avancer vers moi avec deux bolées de nourriture. En silence, il s’installa à mes côtés, en tailleur. Je lui jetai un regard dédaigneux. Son stupide sourire cynique reprit place sur son magnifique visage. Le voyage allait être long.
« Bonjour Gaianee. Tu as bien dormi ?
- Oh bonjour Lance, j’espère que tu te fous de ma gueule ? Dis-je acerbe. »
Il haussa les épaules, et entreprit de mélanger la nourriture. Je le regardai faire en silence, et avec surprise, il apporta une cuillerée à ma bouche. Instinctivement je détournai le visage.
« Quoi ? M’interrogea-t-il. Tu fais une grève de la faim ? »
Mon ventre gargouilla. Traître !
« Tu ne tiendrais pas si longtemps… Mange. Rien n’est empoisonné. Tout l’équipage mange cela. Soupira-t-il. »
Je tournai Ă nouveau le visage vers lui, haussant un sourcil.
« Alors si ce n’est pas empoisonné, mange une cuillère dans chaque bol. Le défiais-je d’un air sacrément condescendant. »
Il leva les yeux au ciel et le fit sans rechigner. M’octroyant le droit de voir le fond de sa bouche une fois qu’il eut avalé chaque bouchée. Je grimaçai mais mon ventre me trahit une nouvelle fois. Lance apporta la cuillère à ma bouche, et je m’enquis de la prendre pour en savourer la nourriture. Je mastiquai en silence. Pas mal… Pas mal. Karuto a une sacrée concurrence.
« Alors. Pourquoi la Garde fait de toi une petite chose précieuse ? Demanda celui qui m’alimentait.
- Vraiment ? De bon matin tu veux remettre ça sur le tapis ? Tu ne peux pas profiter du calme de la mer et de sa fraîcheur iodée ? Ça purifie tu sais. Râlais-je en acceptant une nouvelle becquée. »
Je mâchais et avalai avant de reprendre :
« Je n’en sais rien. Tu n’as qu’à leur demander… Ah non. C’est vrai. Tu m’as enlevé et attaché à un mât ! M’offusquais-je. »
Lance resta de marbre.
« Tu me fascines, sourit-il avec ambiguïté. Tu dis ne rien posséder, et pourtant la Garde te court après pour te sauver. Tu essaies de détourner mon attention en rapportant tout à ta petite personne et ton bien-être. Ça ne marche pas avec moi. Nier tout en bloc ne fonctionne pas avec moi. Je sais très bien que tu caches quelque chose. Et si tu ne me le dis pas, je vais devoir le chercher moi-même, et crois-moi… Cela ne va pas te plaire. »
Son air parut plus sombre, ses yeux me fixèrent avec menace tandis qu’il dévorait une nouvelle bouchée de son propre bol. Réfléchis, réfléchis, vite.
« En réalité… Tout le monde me déteste. Je ne sais pas ce qui les fascine chez moi sincèrement. Je suis une humaine. Je n’ai aucune once de magie en moi.
- Arrête de me prendre pour un con ! S’énerva-t-il. »
Je pâlis. Gaia, pour survivre, il faut se mettre son agresseur dans la poche pas sur le dos. Il se redressa sans crier gare. Je crus qu’il allait me frapper, mais non, il se contenta de me surplomber.
« Je sais très bien que tu caches quelque chose. Et j’espère pour toi que tu l’as très bien caché parce que tu vas le regretter. Ce n’est pas quand j’aurais arraché ton cœur qu’il faudra me supplier. »
Je retenais la grimace de peur qui menaçait. Lentement, j’inspirai, relevant fièrement mon visage vers lui.
« En conclusion, tu es comme la Garde d’Eel. Tu me menaces et me méprise. Mais ce n’est pas toi qui voulais défendre les plus faibles ou créer une plus forte alliance pour détruire la cité ? Non ? Parce que là , personnellement, je ne voterai pas pour toi. »
Il gronda, mais je ne me laissais pas impressionner. Pour une fois, il n’avait rien à rétorquer, et j’en fus presque fière. Lance me laissa en plan avec les deux bols non terminés. Quel gaspillage ! Je n’ai pas assez mangé, moi ! Je soupirai, détournant mon attention de ce stupide geôlier.
« Crétin! Ça se dit protecteur de tous et ça attache une humaine à un mât. J’ai des besoins comme tout le monde ! Râlais-je. Et en plus je n’ai aucun pouvoir, je suis incapable de faire du mal à une mouche. Et nous sommes au plein milieu de l’océan ! Je suis sûre que t’as peur de moi ! Tremble vile imposteur ! Ma colère sera terrible m’emportais-je.
- Qu’est-ce que tu marmonnes dans ta barbe ? »
Je poussai un cri surpris. Lance était revenu vers moi, et je ne l’avais pas remarqué, tant j’étais prise par ma petite scénette. Comment avait-il fait pour être aussi furtif qu’un membre de l’Ombre ? Ne gérait-il pas l’Obsidienne ? Je bégayai.
« Ah. Euh. Rien. Rien du tout. Je me demandais juste quand j’allais pouvoir bénéficier d’une pause pipi. »
Lance haussa un sourcil. Il eut l’air pensif. Bah ouais Batman, j’ai des besoins comme tout être vivant ! Et puis qu’elle est l’utilité de m’attacher ?! Ce n’est pas comme si je pouvais fuir à la nage maintenant. Manquant une nouvelle fois de concentration, je ne vis pas que Lance s’était placé dans mon dos pour défaire les cordages autour de mes poignets. Je grimaçai en ramenant vivement mes poignets contre ma poitrine. Ils étaient si engourdis, et mon dos me faisait un mal de chien. J’avais besoin de gambader, mais je retins cette envie en relevant mon faciès vers Lance, debout devant moi.
« Tu es libre de faire ce que tu veux sur ce bateau. Déclara-t-il.
- Génial. Tu as eu l’idée tout seul ou on te l’a soufflé ? Dis-je amèrement en tentant de faire revenir la circulation de mon sang dans mes bras.
- Prends encore cette attitude avec moi une seule fois. Non seulement je t’attache mais je te bâillonne par la même occasion. »
J’ouvris la bouche mais me ravisai aussi vite, hors de question de me le remettre à dos. Lance me tendit sa main, je la fixais longuement avant d’oser la prendre. D’une poigne forte, il me remit sur mes deux jambes, et je dus m’appuyer sur lui pour ne pas céder sous mon poids. Mes jambes étaient tremblantes. Lance prit le soin d’être ma béquille pendant un laps de temps, jusqu’à ce que je puisse marcher en toute autonomie. Lorsque je me retrouvais seule, je pris le temps de faire le tour du bateau. Non seulement pour me repérer mais aussi pour satisfaire mes besoins en toute intimité. C’était la principale activité à faire après avoir été libérée. Quand je revins sur le pont, je m’avançai vers le mât pour ramasser les deux bols qui traînaient. Je regardai autour de moi, et quand je le vis à l’avant du bateau, je m’avançais vers lui. A sa hauteur, je tendis à Lance son bol, le gratifiant d’un sourire. L’homme me remercia en silence, se replongeant dans sa contemplation.
« Où allons-nous ? Lui osai-je lui demander.
- Chez moi. A Memoria »
J’hochai simplement la tête avant de me taire. Mon bol entre les mains, je dégustais ce qu’il me restait en sa compagnie. Même si nous ne parlions pas, je profitais de ce moment. Autant tenter de sympathiser avec l’ennemi pour ne pas mourir. « Sois toujours proche de tes amis, mais encore plus de tes ennemis », me répétait souvent ma mère. Un poids nostalgique me tomba sur les épaules et rendit mon humeur morose. Qu’est-ce qu’elle me manquait… Moi je ne lui manquerais plus jamais. Ces pensées me coupèrent l’appétit. Je pris congé de Lance pour m’isoler dans un coin du bateau afin de ne pas être dérangée. Mes pas me menèrent à la poupe, je me laissais tomber sur le bois du navire, me cachant entre deux gros de cordage. J’enlaçai mes jambes contre ma poitrine, déposant mon menton sur mes genoux. Les larmes vinrent naturellement à glisser sur mes joues. J’étais morte aux yeux de ma famille, et jamais ils ne me pleureront. J’étais seule, réellement seule. Et le trou béant dans ma poitrine me le faisait bien comprendre. Ils avaient tout détruit de moi.
« Pourquoi devrais-je m’excuser d’être devenu un monstre alors qu’on ne s’est jamais excusé de m’avoir rendu ainsi ? »
Je sursautais. Lance avait dû me suivre, mais je n’osais pas relever mon visage vers lui. Je le sentais près de moi.
« Je connais tes peines et ta douleur. Parce que… Je ressens la même chose. Je suis tout aussi seul que toi ici. J’ai une famille à pleurer, mais je suis le seul à le faire. Ils sont inexistants pour les autres. Le poids de mon chagrin est tout aussi lourd. »
Pourquoi se confiait-il ainsi à moi ? Pourquoi tentait-il de me rassurer à sa manière ?
« Même Valkyon nous a rendus inexistants. Il n’a pas le droit d’être en colère contre moi. Il devrait être en colère contre la Garde lui aussi. Elle a tout détruit. Détruit tout ce qu’il nous restait. »
Ses paroles étaient froides, trahissant sa rage et sa rancœur. Il y avait un soupçon de tristesse dans le fond de sa voix. D’un geste rassurant, il tapota mon épaule.
« Quand ils auront payé le prix, tout ira mieux pour nous. »
Sur ses paroles, je l’entendis s’éloigner. Alors je relevai le visage et me retrouvais à nouveau seule avec mon désespoir et ma mélancolie. Quel était le prix à payer dont il parlait ? Ma bonne conscience refusait de prendre une vie pour une autre. Je ne pourrais jamais me venger comme Lance l’entendait. Je sentais qu’il n’était pas vraiment lui-même, pas après les récits que j’avais pu entendre de la part de Valkyon. C’est comme s’il agissait contre sa volonté. Ou qu’il était dirigé par une autre entité.
‹※›‹※›
Le reste du voyage se déroula sans autre incidence. Lance cherchait toujours à me pousser dans mes retranchements, parfois je faisais la sourde oreille, parfois je lui rentrais dans le tas, et il avait l’air de s’en amuser. Notre périple nous amena sur une île quasiment déserte. Je m’étais avancée vers la proue, aux côtés de Lance, fixant ces côtes que l’on voyait à l’horizon.
« Nous sommes arrivés ? Lui demandais-je d’un ton neutre.
- Nous allons accoster. L’île de mes ancêtres, répondit Lance sur le même ton.
- Tu n’es pas de la cité d’Eel ? L’interrogeais-je. »
Il eut un sourire au coin des lèvres, agrémenté d’un bref soupir.
« Il faut que tu arrêtes de croire tout ce que l’on te dit. »
Quel secret cache-t-il encore ? Certes, je ne suis pas très bonne en géographie eldaryenne, mais je n’ai jamais entendu parler de Memoria. Furtivement je lançai un regard à mon interlocuteur. Mh, mh, pas le bon moment pour lui poser de question. Je pris congé en silence. J’espère que Memoria saura m’accorder un peu de répit, et que je trouverais un moyen de m’enfuir.
« Tends-les mains devant toi, m’ordonna Lance lorsque le bateau fut stabilisé près de la côte.
- T’es pas sérieux là ? Dis-je avec lassitude.
- J’ai l’air de plaisanter ? Dit-il en me foudroyant de ses yeux de glace.
- Tu devrais. Ça te donnerait l’air moins ronchon. Déclarais-je avec insolence. »
Il gronda et m’attrapa les poignets avec force.
« Ça va, ça va ! J’allais te les donner mes poignets, criais-je en me laissant une nouvelle fois me faire attacher. Je te prie de ne pas trop serrer. »
Lance me brûla la peau avec le cordage. Je couinai. Tu pensais vraiment qu’il allait t’écouter ? Me demanda ma conscience. Il me décocha un regard salace.
« J’aime quand c’est serré. »
Il se mit à rire, sûrement parce que mon visage exprimait le malaise. Sale con. Mon geôlier m’amena lentement vers le pont du bateau pour en descendre. Tout à coup, il me fit basculer de façon à pouvoir me porter comme une princesse en détresse. Je le regardai avec stupeur.
« Ce serait dommage que tu te noies maintenant. » Déclara-t-il en montant avec souplesse sur la planche en bois.
Effectivement, nous n’étions pas vraiment proches de la rive. Il fallait marcher dans l’eau, du moins logiquement. La plupart s'avançaient à la nage, mais Lance était assez grand, l’eau lui arrivait à peine au torse.
« Et tu ne t’es pas dit que ça aurait été plus logique de m’attacher une fois sur la plage, lui dis-je d’un ton blasé.
- Si je peux palper un peu, je ne vais pas me gêner. Je ne suis qu’un homme, dit-il avec un large sourire angoissant. »
Je déglutis. Instinctivement, je ramenais mes bras contre ma poitrine, et serrais mes jambes. Lance se marra en avançant dans l’eau sans grande difficulté avec mon poids entre les bras. Bien qu’il ne touchait que le haut de mon dos et le creux de mes genoux, je me méfiais de ses intentions masculines, maintenant. Il savait très bien ce qu’il faisait.
Lorsqu’enfin nous arrivâmes près de la plage, Lance me déposa sur le sable sans un bruit, analysant les alentours. La rive était vide et maculée de minuscule grain blanc, l’eau était turquoise. Devant nous se dressait une forêt presque tropicale. Si je devais la comparer à une forêt sur Terre, je dirais… Les Caraïbes. Ou alors les Canaries. La chaleur était étouffante, et mes vêtements prenaient cette humidité chaude, désagréable. Je grimaçais.
« Il fait toujours aussi chaud sur cette île à la con, déclara Lance avant de se tourner vers ses soldats. Préparez le campement dans la forêt, pas trop loin de la mer, qu’on puisse respirer ce soir. Oirom, Flam et Svart, vous me suivez. »
Il se tourna vers moi.
« Même sort pour toi. »
Je soupirai. De toute manière je n’avais pas mon mot à dire. Les faëliens s'activaient à la mission que leur avait donnée leur chef, pendant que, nous autres, avancions dans la forêt sur un chemin déjà tracé. Mon regard anxieux balayait les moindres parcelles de terre, j’avais peur de croiser des bêtes, ou des insectes étranges. Pire. Des mygales. Un frisson désagréable traversa mon échine.
« Lance. Pourquoi t’entêtes-tu à m’attacher alors que tu sais que je suis une humaine inoffensive ? Demandais-je à l’intention de mon geôlier devant moi.
-Pourquoi la Garde s’entête à te maintenir en vie alors que tu es une pauvre humaine inoffensive ? Rétorqua-t-il. »
1-0 pour l’adversaire. Je me tus. Je ne pouvais pas lui dévoiler mon secret, trop de vies seraient mises en jeu. Mes pas continuèrent à emboîter ceux de l’homme devant moi. Nous débouchions sur une allée vide, entourée de montagnes et de verdure. Au bout du chemin, on pouvait apercevoir une cité en ruine, on aurait dit la Grèce Antique. Au fur et à mesure que nous approchions de la place centrale, plus l’atmosphère était glauque. Un long frisson me parcourut, l’endroit me mettait vraiment mal à l’aise. Lance se stoppa devant la grande statue abandonnée. A y regarder de plus près, elle ressemblait à une déesse grecque, mais impossible de savoir qui c’était. Impossible de me souvenir de mes cours d’Histoire. Désolée Monsieur Vemont.
 Â
« Mnémosyne, salua Lance d’un ton courtois, manquant de courber l’échine. »
Ouais comme la superbe potion que tu as avalée Gaianee, t’a oublié ? Très drôle chère conscience. Un nouveau soupir m’échappa, mon cœur se serra dans ma poitrine. J’étais en proie à une nouvelle crise d’angoisse. Je tentais de détourner mon attention sur autre chose, mais tout était en ruine, fantomatique, comme ma putain de vie. Mon corps s’agita. Si on ne bougeait pas bientôt d’ici, j’allais finir par craquer. Mon geôlier se tourna vers moi. Je le regardai sans vraiment le faire.
« Flam, va vers l’Académia. Quant à toi Oirom, va vers l’ancienne Agora. Svart, surveille ici pendant que je vais avec l’humaine vers la falaise. Ordonna Lance en me saisissant le bras avec force. »
Les hommes obéirent en silence, se dispersant aux endroits prévus. Lorsque nous dépassions Oirom, Lance me lâcha le bras sans rien ajouter. Je lui emboitai le pas, tentant vainement de contrôler la crise qui me nouait le ventre. Sur le chemin qui menait vers la falaise, je m’agitais en tentant de défaire mes liens. Lance du le sentir et se tourna vers moi. Il me jaugea et sans avoir mon mot à dire, il me libéra de mes liens.
« Marche devant moi. » Dit-il simplement.
Je frottai mes poignets et m’exécutai sans en demander mon reste. Nous approchions de la ruine mythique qui se trouvait au bord de la falaise. J’entendais en contre bas, les vagues s’échouer contre la pierre. Le vent balaya mon visage mais ne m’aida pas à mieux respirer, un poids énorme pesait sur ma poitrine. Lance me dépassa, grimpant avec aisance sur les pierres qui barraient le chemin. Je le suivais tant bien que mal. Il s’approcha du précipice et je le regardai faire. Pousse-le, cria ma conscience. Je secouai la tête en me laissant tomber à pleine fesse sur une énorme pierre. Pourquoi faire ? Me faire égorger par ses hommes de main ? Je devais survivre et ne pas me jeter dans la gueule du loup. Je triturai mes doigts avec angoisse. Mes pensées n’arrêtaient pas de divaguer vers cette foutue statue qui me rappelait mon malheur. Je n’aurais jamais dû faire confiance aux hommes dotés d’oreilles pointues. Lance apparut dans mon champ de vision, et je sursautai en hoquetant de surprise.
« Tu n’as pas la conscience tranquille ? Me demanda-t-il.
- En même temps, si tu arrêtais d’apparaître comme une ombre… Commençais-je.
- Je t’ai appelé trois fois pour que tu me rejoignes. Dit-il en s’accroupissant à ma hauteur, ses yeux de glace cherchant le mien.
- Si tu voulais me pousser de la falaise pour me voir voler… C’est peine perdue tu sais. Tentais-je de blaguer en détournant mon regard. »
Lance resta accroupie en face de moi. Je le sentais me scruter, tenter de lire en moi et je m’agitais, mal à l’aise. Il commençait à m’étouffer et m’énerver.
« Tu peux retourner près du bord et regarder les vagues, je ne vais pas bouger. Dis-je, agacée.
- Qu’est-ce qui te tracasse ? M’interrogea-t-il sans bouger de sa position. »
J’eus un rire cynique et méprisant. Ils étaient tous les mêmes. Tous les faëliens étaient les mêmes. Même Lance qui se disait sauveur de tous. « Oh pourquoi tu es tracassé l’humaine ? Ce n’est rien c’était pour rire. Vous êtes bizarres les humains. » J’explosais.
« Qu’est-ce qui me tracasse ? Tu oses me demander ce qui me tracasse ? Tu te fous de la gueule du monde, là ? Je suis la seule humaine sur ce foutue territoire. Je suis détestée parce que je n’ai rien fait. J’ai fait confiance à des hommes aux oreilles pointues et je me suis faite enlevée par un mec qui portait le masque d’un dragon, couteau sous la gorge, pour me traîner de force sur une île déserte pour je ne sais quelle raison, monologuais-je en laissant ma voix monter dans les aiguës. Tout le monde me hait, tout le monde me fait vivre un enfer et je dois rester zen ? Je n’ai jamais choisi d’être ici, j’avais une vie paisible sur Terre. Je mangeais des crêpes au Nutella, je me baladais en forêt avec de la musique dans les oreilles, j’allais en concert, j’allais boire des verres en ville. Et qu’est-ce qu’il me reste maintenant ? »
Je repoussai avec force Lance, le faisant basculer, laissant ma colère prendre le dessus.
« Qu’est-ce qu’il me reste maintenant ? Hein ? Réponds-moi ! Qu’est-ce qu’il me reste ?! »
L’homme me regarda sans surprise, se redressant sans mal. Des larmes de colère inondaient mes joues. J’étais fatiguée, pétrifiée, triste, enragée et seule.
« Il ne me reste plus rien. Parce que ta putain de race. Ton putain de peuple à tout effacer de moi. Gaianee n’est plus. Gaianee n’est rien sur Terre. Nada, que tchi, finito pipeau. Et toi, sauveur de tous, avec ta jolie gueule, tu me traînes sur une île qui s’appelle Memoria et qui est dirigée par Mnémosyne ? Et tu trouves ça drôle de blesser les gens ? Je t’emmerde ! Je t’emmerde Lance, Ashkore ou qui que tu sois ! »
Mon geôlier m’avait laissé débiter mon monologue sans me couper. J’étais à bout de souffle, les larmes n’arrêtaient pas de couler sur mes joues. Je les essuyais avec rage sans oublier d’émettre tous les jurons qui me passaient par la tête. Lourdement, je me laissais aller contre la pierre, enfonçant mes ongles dans la chair de ma paume. Un long silence plana entre nous. Lance n’avait pas cessé de me fixer, peut-être attendait-il que j’explose à nouveau ? Peut-être encaissait-il mes injures ? Je ne sais pas. Et je m’en carre l’oignon. Un long soupir m’échappa et je levai le visage vers le ciel.
« Si je comprends bien. La garde t’a fait boire la potion d’oubli. Pour te rendre inexistante aux yeux de ton peuple. »
Il rit cyniquement.
« Ils ne se sont pas salis les mains, tout comme lors du Sacrifice Bleu. C’est tellement facile de fuir les problèmes sans jamais les affronter. » Commença-t-il d’un ton colérique.
Je n’ai même pas la force de l’arrêter.
« Je constate que c’est une habitude chez eux. Ils ont fait la même chose pour mon peuple, rendant ma race inexistante aux yeux de tous. J’ose imaginer que même Valkyon s’est perdu dans ces mensonges. »
Je relevai le regard vers lui, intéressée. Il s’assit en tailleur face à moi.
« Cette île a été oubliée de tous. La race étant éteinte, il ne sert à rien de la connaître sur la carte de notre monde. Memoria fut jadis, une ville qui abritait mon peuple. Les dragons.
- Des dragons ?! M’exclamais-je. »
Il me fusilla du regard. Gaia, ferme-la et écoute-le.
« Oui, des dragons. Toutes les races que tu connais dans tes livres humains existent ou existaient ici. Le Sacrifice Bleu a détruit ma race entière. Sauf mon frère et moi. Nous sommes les deux seuls survivants de cette guerre. Nous sommes les seuls à faire vivre leur mémoire, au détriment de tous. Ils vivent et agissent comme si de rien n’était, comme si leurs gestes n’avaient pas été mauvais. (Il braqua son regard dans le mien, changeant le grain de sa voix) C’est pour le bien de tous, Lance, ne t’en fais pas, disaient-ils. Je n’ai jamais connu mes parents. Avoua-t-il, une ombre triste passant dans son regard. »
Je ne quittais pas ses yeux. Je me laissais le temps d’enregistrer tout ce flot d’informations. Nos histoires étaient similaires, mais vues sous un autre angle. Nous avions perdu nos familles, nos vies, notre peuple. Nous étions tous les deux en colère. A cet instant, je comprenais son envie de vengeance. Mais ma conscience me dictait de rester sage, et de ne pas rentrer dans le jeu de la colère.
« Toi aussi, la Garde t’a trahie Gaianee. Ta race est aussi inexistante que la mienne. Rallie-toi à moi. A nous deux, nous saurons faire entendre nos paroles. Dit-il avec ferveur. »
Je secouai doucement le visage de gauche Ă droite.
« Je… Je ne suis pas comme ça Lance. Je ne ferais jamais du mal à autrui même s’il m’a blessé. Je n’ai pas été élevée comme ça. Mon éducation et ma conscience refusent de blesser les autres. Ce n’est pas comme ça que tu gagneras gain de cause. Je favorise le dialogue…
- Tu vois bien où nous mène le dialogue avec la Garde, commença-t-il à argumenter.
- Je préfère quitter la Garde que de l'attaquer. Je voulais me réfugier près de Huang Hua. Juste pour apaiser ma colère. Dis-je d’une voix basse. Je n’aime pas la guerre, ni la violence.
- Les Feng sont tout aussi fautifs dans leurs actes. Gronda-t-il.
- Je ne te serais d’aucune utilité dans cette guerre. Déclarais-je avec certitude.
- Détrompe toi. Tu seras sûrement l’élément déclencheur de cette guerre. La Garde te protège et veille sur toi. Moi, je te propose le double de protection, et une meilleure vie. Je ne te demanderai pas de tuer. Tu pourras faire ce qui te plaira. Méditer si tu en as envie. Peut-être deviendras-tu ma conseillère. Déclara-t-il. »
Il se releva, le visage fermé, avant de reprendre d’une voix tranchante.
« Ou alors je t’arrache le cœur et je soumets la Garde à ma volonté. »
Je m’arrêtai de respirer un instant. Mes yeux se détournèrent du faciès de Lance. Il me mettait une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Et quelles qu’en soient les propositions… La Garde paierait pour ce qu’elle avait commis. Et ma vie était aussi en jeu. Si Lance m’arrachait le cœur, je détruirais tout le monde, même ceux qui n’avaient rien demandé. Des dommages collatéraux, comme dans toutes guerres. Ma vie ou la possibilité de raisonner Lance. Mon cerveau fusait sous mon crâne. A nouveau, je m’agitais. Le dragon me fixa avec son sourire malicieux.
« Réfléchis et donne-moi ta réponse. » me lança-t-il en retournant à la contemplation des vagues au bord du précipice.
Je restais penaude sur ma pierre. Je devais faire ce choix maintenant. Je tentais d’évaluer chacune des options, tentant de prĂ©dire l’avenir:Â
- Ma pierre tombale : Ci-gît Gaianee, femme et humaine, dernière de son espèce.
- Devenir l’alliée de Lance et tout faire pour qu’il ne cède pas à ses pulsions.
La seconde option me paraissait être la meilleure… Tu dois te ranger de son côté si tu ne veux pas finir avec le cœur arraché sur la place publique. Me conseilla ma raison. Mais elle ne peut pas non plus lui faire entièrement confiance, intervint ma conscience. Et elle avait raison. Admettons qu’il réussisse à se venger de la Garde. Qu’est-ce que je deviens moi ? Il va falloir que je sauve ma peau quoi qu’il en coûte. L’idée qui me vint, ne me plaisait pas vraiment. Mais si ça me donnait l’opportunité de survivre… Je soupirai. Tenter de tromper l’ennemi avec des sentiments. C’est moche, me souffla ma conscience. Ne te perds surtout pas dans tes sentiments. C’est pour la survie, ajouta ma raison. Mais quelque part, je savais que Lance m’attirait inévitablement, et ça avait l’air d’être réciproque. Peut-être arriverais-je à le tromper et à ne pas déclencher de guerre ?
Maintenant sûre de mon plan, je me relevais doucement de la pierre, époussetant mon fessier de ma main. Lentement, je m’avançai vers lui, l’homme qui allait changer ma vie dans quelques temps. Je pris place à ses côtés, les bras croisés sous la poitrine.
« Je me range à tes côtés. » Déclarais-je avec un léger manque de volonté.
Reprends-toi ! Hurla mon instinct de survie.
« Je me range à tes côtés. La Garde mérite de souffrir autant qu’elle nous a fait souffrir. Mais je choisirai qui tu tueras. »
Mon ton était sans appel. Mon interlocuteur me jeta un regard plein de malice. Gagne sa confiance.
« Tout ce que tu voudras. » Dit-il en reportant son attention sur l’horizon.
Je frémissais. Et maintenant le coup de grâce.
« J’ai un morceau de cristal en moi. C’est pour ça que la Garde me protégeait. » Avouais-je d’un ton parfaitement serein.
Mettais-je ma vie en danger ? Faisais-je le bon choix en lui révélant ce secret ? N’allais-je pas provoquer la mort de tous ? Allais-je mourir dans quelques instants ? Je tournai mon visage vers Lance. Il avait ce sourire sadique au coin des lèvres.
« Intéressant… T’es pas si mal comme humaine en fin de compte. Mes ancêtres vont t’adorer. Et je me languis de savoir où tu caches ce morceau. » Dit-il d’un ton suave en braquant son regard intense sur moi.
Propos ambigus ? Menace ? Je ne savais pas ce qu’il se tramait dans sa tête, et je n’étais pas sûre de vouloir le découvrir. Faisais-je le bon choix en signant cette alliance ?

Dernière modification par Moody (Le 06-05-2023 à 15h23)