
Prologue - Mnémosyne
Les rares volatiles présents sur l’île brisaient le silence de leurs pépiements. Le soleil était à son zénith, l’air étouffant. Il n’y avait rien, ni personne sur ces terres et ce depuis bien longtemps. Des runes décoraient une ville en ruines, abandonnée depuis des siècles. Une statue, seul vestige d’une tragédie oubliée, se tenait intacte au centre de la cité. Non loin, un temple avait été dévasté.
Une jeune femme caressait du bout de son doigt les constellations gravées dans la roche du temple qui lui servait d'habitacle, récitant leur nom un à un. Andromède, Cassiopée, Pégase, Persée… Elle s’attarda longuement sur ces constellations familières. Elle dégagea ses doigts de la pierre, les lèvres pincées, avant de soupirer en se laissant aller contre une rune. Depuis combien de temps était-elle sur cette île ? Depuis combien de temps avait-elle été jetée de sa ville natale ? Pourquoi Séléné l’avait-elle abandonnée ? Pourquoi Máni ne l’avait-il pas défendue ? Pourquoi personne n’était à sa recherche ? Allait-elle mourir seule sur cette île, dévorée par des animaux en tout genre ?
Son cœur se serra dans sa poitrine. Sa main se mit à lui brûler ardemment. En son creux naissait une boule pétillante remplie d'étoiles. Boule d’énergie qu’elle lança avec rage contre une pierre qui n’avait rien demandé. Son corps se mit à trembler : l’angoisse montait en elle. Son cœur semblait être resserré au centre d'un étau. La jeune femme finit par plonger son visage dans ses mains fines, éclatant en sanglots. Elle était paniquée. Pourquoi sa mémoire lui faisait-elle autant défaut ?
Pendant un long moment, elle resta assise à pleurer en tirant sur ses longs cheveux argentés et en triturant sa peau à sang. L’esseulée subissait sa crise de panique sous le regard impavide des constellations du temple. Elle était épuisée d’être seule, épuisée de ne pas se souvenir des raisons de son exil. La jeune femme tenta de se le remémorer, mais rien ne vint. Excepté les gargouillis insistants de son estomac.
L’infortunée se leva alors pour quitter le temple ravagé en soupirant. Elle devait chasser. À l’entrée du monument, elle cacha de son bras ses yeux violets. Le soleil l’aveuglait, mais elle s’y accommoda rapidement. Comme à son habitude, elle prit le chemin qui menait à la forêt. Peut-être qu’aujourd’hui elle serait plus chanceuse. Les victuailles avaient tendance à se raréfier sur cette île abandonnée.
Elle grignota quelques végétaux à l’abri de la lumière du jour, loin des grosses chaleurs. Son regard analysa à nouveau son corps, qui lui paraissait si maigre. Depuis combien de temps était-elle ici, affamée ? Elle se sentait sale également. La folie la guettait : il n’y avait personne avec qui discuter. Son visage se leva alors vers le ciel, et elle se tassa sur elle-même.
« Mère Lune… Guidez-moi. Aidez-moi, dit tristement la vagabonde en serrant ses jambes contre elle. J’ai besoin de vous. Ne m’abandonnez pas non plus. »
Son menton finit par se poser sur ses genoux et elle se laissa bercer par le bruit des vagues non loin de là. Le son était régulier et apaisant. Ses orteils remuaient sur le sable chaud : une journée semblable à la veille s’annonçait. Son estomac lui faisait mal, la tête lui tournait facilement sous la chaleur accablante. Était-ce les prémisses d’une insolation ? Son corps fébrile se releva difficilement.
La jeune femme rebroussa chemin vers le temple. Là-bas, elle pourrait se protéger. L’insulaire n’en sortirait que lorsque le soleil aura laissé place à la lune. Son corps trouva une position adéquate sur son lit de fortune fait de feuilles de palmier. Comme toujours, son regard détailla chaque recoin de l’édifice qu’elle connaissait par cœur maintenant. Elle ferma les yeux, laissant le sommeil l’emporter.
☾
Moody.
L’interpellée se réveilla en sursaut. Elle se mit sur ses gardes, regardant autour d’elle avec inquiétude. Avait-elle rêvé ? Son esprit lui jouait-il des tours ? Elle n’aurait pas dû rester au soleil si longtemps. Secouant la tête, la petite femme s’avança vers l’endroit où elle avait cru entendre son nom. Un chemin escarpé et bloqué par une pierre énorme lui barrait la route. Elle haussa un sourcil, tendant l’oreille. Les bruits d’une cavité se faisaient entendre.
« Une grotte ? » s'interrogea-t-elle.
Moody.
Elle fit volte face vers l’entrée de la grotte. Son cœur tambourinait à vive allure et son souffle était court. Elle fixa l’entrée du temple d’un regard affolé. Il n'y avait rien. Juste les rayons du soleil qui laissaient place à ceux de la lune. Moody soupira. La folie la gagnait, c’était sûr.
« Il faut que je mange. » se dit-elle, déterminée.
Elle jeta un dernier regard par-dessus son épaule, détaillant la pierre mystique.
« Je m’occuperai de toi à mon retour. Tu as l'air de cacher un secret. »
Surprise, elle se frappa le front du plat de sa main.
« Et voilà que je parle à une pierre. »
Confuse, Moody se dirigea vers les lueurs de la lune. Que c’était bon de retrouver son élément de vie. Elle inspira profondément, un fin sourire naissant sur ses lèvres pulpeuses.
« Bonsoir Mère Lune. Vous êtes jolie dans votre quart croissant ce soir. »
Son regard améthyste aux reflets argentés se leva vers l’astre. Il savait la rendre heureuse et déterminée. Par chance, ce soir-là, elle trouva de quoi se nourrir amplement. Elle retrouvait espoir et ses pas la menèrent vers la plage. Son maigre fessier se posa sur le sable et son regard scruta les reflets de la Lune dans la houle calme.
Le soleil avait enfin laissé place à la lune. Elle ferma doucement ses yeux tirés en amande pour se ressourcer, prisonnière du chant astral de la lune. Ses muscles se détendirent lentement et la jeune femme ressentit chacun de ses pouvoirs lunaires s’activer dans son corps. Elle frémit. Ad luna in flamma gloria. Un nouveau sourire étira son visage.
Moody.
Elle ouvrit les yeux instantanément et poussa un cri horrifié, se relevant à la hâte tout en cherchant un objet pour se défendre. Son cœur battait la chamade, son souffle était haletant. Aurait-elle la force de se battre ? Un spectre se tenait devant elle. Il était grand, beaucoup trop grand. Géant. Un lézard volant, immense et translucide. Il la surplombait, penchant sa gueule reptilienne vers elle, ce qui la fit reculer.
« Reculez, sale race. Ne m’approchez pas, squamate ! s’écria Moody.
- Ce n’est pas très gentil, ça, mon enfant. » souffla l’esprit d’une voix profonde.
La survivante prépara une boule d’énergie lunaire entre ses mains afin de la lui envoyer avec force dans son corps fantomatique. La sphère le traversa, et la pluie d'étoiles filantes s’abattit sur le sable, créant une explosion de lumière blanche. Le Dragon ricana doucement.
« Voyons. Calme-toi. Je suis déjà mort. Ne sais-tu pas que toute notre espèce est éteinte ?
- Balivernes! Vociféra la jeune femme entre ses dents blanches, la mâchoire crispée.
- Cela ne l’est pas totalement. Notre race est bien éteinte, mais il y a quelques survivants qui se cachent à travers les mondes, admit-il d’un ton sage.
- Qu’est-ce que vous me voulez ? Le coupa-t-elle d’un ton sec.
- Ne sois pas aussi agressive, mon enfant, je ne te veux rien de mal. Ton repas a-t-il été bon ce soir ? Tu es bien maigre, constata-t-il, presque inquiet. »
Elle fronça les sourcils, observant attentivement son adversaire. Elle ne se laisserait pas tuer par un fantôme.
« En quoi cela vous intéresse-t-il ? Interrogea-t-elle d’une voix étonnement calme.
- Voyons, tu es la seule habitante de mon île. Je viens juste aux nouvelles, répondit-il avec un sourire carnassier qui étirait sa gueule sur ses crocs imposants.
- Je deviens folle, murmura-t-elle, les yeux exorbités. Ce n’est pas réel! Moody, tu hallucines.
- S’il te plaît de croire ainsi, faisons cela. De toutes manières tu oublieras notre rencontre. »
Moody ne répondit rien, continuant à fixer le spectre, horrifiée. Elle sombrait, c’était sûr. La folie avait finalement eu raison d’elle. Le spectre ne la quittait pas des yeux et posa ses pattes fantomatiques sur le sable. Aucune empreinte n’apparut.
« Tu réfléchis un peu trop, mon enfant. Il est vrai que tu es là depuis un long moment maintenant, mais il va falloir que tu partes. Lui dit-il avec désolation.
- P-Partir ? Comment est-ce possible ? Je suis coincée sur cette île et je parle avec mes hallucinations ! S’écria-t-elle en tirant ses cheveux en arrière.
- Ne t’en fais pas pour ça. Tu devrais le savoir sous peu. »
Le dragon déploya ses ailes avec une prestance fascinante, secouant son col dans un profond grondement.
« Oh, et avant que je ne parte, retiens cette prophétie : « La fille de la Lune recouvrera la mémoire. Elle connaîtra sa puissance grâce à l’un des siens. L’un et l’autre partagent le même sang. L’un saura la sauver de la prison dans laquelle son âme est enfermée. Lorsque viendra ce jour, alors la déesse saura qui elle est. »
- Je... Ça ne veut rien dire votre charabia. Qu’est-ce que vous me racontez ? Dit-elle, décontenancée. »
Elle perdait complètement la tête.
« Tu comprendras un jour, mon enfant. Maintenant, il est temps de te reposer et de commencer une nouvelle vie. »
Elle ouvrit la bouche, prête à répliquer mais un voile noir passa devant ses beaux yeux violets. Elle se sentit lourdement tomber au sol. Le spectre disparut dans un souffle glacial. Puis plus rien, le néant dans son esprit. Son corps gisait dans le sable, le son des vagues berçait son coma. Était-ce ça de sombrer dans la folie ? Ou bien était-ce la mort ? Un souffle chaud s’écrasa sur son visage avant qu’un grognement animal ne tombe dans son oreille. La bête allait la dévorer et alors elle ne serait plus rien. Tel était son destin, finir seule, abandonnée et dévorée par une créature inconnue sur une île déserte.
« Amaya ! Où es-tu ? » Cria un homme.
Il marqua une pause dans sa marche, plissant les yeux pour scruter une forme allongée au loin. L'homme, les cheveux blonds et noirs, s’avança sur le sable pour s'en approcher. Il s’arrêta instantanément à la vue du corps d’une jeune femme inerte au sol.
« Par l’Oracle ! Par ici ! » Hurla-t-il.
Il accourut auprès de l’inconnue, tâtant de ses doigts son pouls. Il était faible. Les yeux émeraudes de l’homme parcouraient le corps maigre, le recouvrant de son manteau blanc pour le dissimuler. La tenue qu'elle arborait cachait vainement sa nudité. La pauvre jeune femme n’était vêtue que d’une tunique blanche à moitié transparente. Son corps était d’une maigreur effrayante et son visage, émacié. De nombreuses plaies recouvraient ses jambes et ses bras. Elles n'étaient pas soignées, et semblaient être là depuis un moment. Son maquillage avait coulé le long de son visage, ne laissant qu'un tableau qui personnifiait l'effroi. Depuis combien de temps vivait-elle ici ?
« Leiftan… C’est quoi ce bordel ? S’écria une autre voix masculine.
- Ratissez l’île, nous devons savoir s’il y a d’autres habitants ! Si tel est le cas, nous devons les rapatrier à la cité d’Eel. Il n’y a rien pour vivre ici ! Rejoignez-moi au bateau dès que vous aurez fini. Ordonna le chef des gardes en passant un bras sous les genoux de Moody. »
Son autre bras prit place au milieu du dos de l'inconnue afin de la caler contre son torse.
« Dépêchez-vous, nous n’avons pas de temps à perdre. Des vies sont en jeu ! » Dit le blond d’un ton froid.
Ce fût avec hâte que les hommes se dispersèrent dans la forêt. Leiftan avança vers le bateau en silence, en compagnie du panalulu qui avait trouvé la cendrée. L’homme baissa son regard vers le corps inerte de la jeune femme.
« Est-ce toi qui a déclenché cette explosion étoilée, un peu plus tôt ? Nous avons vu la lumière. Qui es-tu ? » murmura-t-il à son attention.
Il lui avait parlé comme si elle allait lui répondre. Évidemment, elle ne le fit pas. Incapable de le faire, perdue dans les méandres de l’inconscience.
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Moody. Dans les bras de sa mère, le nourrisson se contenta de découvrir le monde avec innocence. Les astres sont alignés à la perfection, dans toute leur plénitude, en cette nuit dégagée. Il n'y avait plus aucun bruit sur ce lieu qui sort de l'orbite lunienne. Tout le monde accourait au palais. Vingt-trois heures vingt. Séléné, déesse de la Lune, hurle de douleur sous cette lumière aveuglante. Les sages-femmes lui maintiennent les jambes écartées. A ses côtés, son cher et tendre Máni l'encourage. Son cri déchire les plaines lunaires, tout le monde retient son souffle. Elle pleure. Elle s'épuise. Máni lui serre la main. Il l'aide à pousser.
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Après un long moment de marche, l’homme arriva enfin au bateau amarré. Avec souplesse, il se hissa sur le pont, puis descendit à la cale pour prendre la direction de sa cabine afin de déposer délicatement l’inconnue sur son lit. Il l’observa à nouveau, soupirant tristement, bien trop empathique. Avec douceur, il plaça sur son corps les draps de coton et vint déposer sur son front un gant de toilette frais.
« Depuis combien de temps es-tu sur Mémoria ? » Lui demanda-t-il.
Il resta un long moment assis à ses côtés, la détaillant de ses yeux émeraudes. Elle était inconsciente, son rythme cardiaque était faible, mais elle semblait l'écouter : elle se battait. Il le sentait. De sa voix douce, il reprit:
« Je te promets qu'une fois à Eel, on te prendra en charge pour te remettre sur pied rapidement. Pour le moment, essaie de te battre encore un peu. »
Lentement, il se releva. Au loin, il percevait l'éclat de voix de ses hommes. Il borda une dernière fois sa protégée pour les rejoindre sur le pont. Ils revinrent au même nombre qu’au départ. Leiftan haussa un sourcil, interloqué. Il croisa ses bras nus sur son ventre, interrogeant du regard un homme aux oreilles de chat.
« Il n’y avait personne monsieur Leiftan. Aucun signe de vie. L’île est déserte, tout aussi déserte qu’après la guerre et l’extinction des dragons.
- Cette île est déserte depuis plusieurs millénaires. Comment une inconnue aurait pu se retrouver ici ? Et seule, qui plus est. S’interrogea le chef. J’espère qu’elle saura nous répondre à son réveil. Nous reviendrons de jour dans quelques temps. Il est beaucoup trop étrange qu’il n’y ait personne d'autre à part elle. Avons-nous eu écho d’une nouvelle civilisation qui cherche à s’installer ?
- Non, monsieur. Rien de nouveau. Tous les peuples ont été répertoriés et aucun portail n’a été recensé ici. Il a été détruit pendant la Grande Guerre. »
Leiftan se pinça doucement l'arrête du nez en soupirant avant de se décaler pour laisser les hommes monter à bord. Son regard émeraude se perdit dans la contemplation de son équipage. L’homme félin vient à se mettre devant son chef, se râclant doucement la gorge pour l’interrompre.
« Monsieur ?
- Oui. Partons. Nous devons à tout prix arriver à Eel le plus vite possible. Nous réglerons ça une fois là-bas. Notre objectif actuel est de maintenir en vie cette femme : elle doit sans doute détenir les réponses à nos questions. »
Leiftan grogna avant de reprendre:
« Essayez d’appâter un Chestok, je dois prévenir Miiko de notre découverte. Je retourne auprès d’elle. Quant à toi, vois ce que tu peux faire avec notre kit d’alchimie. Je veux quelque chose qui puisse la nourrir un tant soit peu afin de la stabiliser. Trouve aussi quelque chose qui soit chargé à la lumière de la Lune. Tu me l’apporteras dans ma chambre. » dit-il à l’attention du félin qui se contente d’hocher la tête pour approuver ses dires.
« Bien monsieur. »
Leiftan se contenta d’hocher la tête poliment en retour, laissant les hommes s’activer sur le bateau pour leur départ. Il rejoignit sa cabine où reposait la jeune femme à la chevelure argentée. A nouveau, il prit place auprès d’elle, la scrutant en silence.
Son teint avait repris un peu de couleur, elle avait l’air apaisée. Ses songes étaient vides. Elle était bercée par cette houle, ces bruits de vague qui se brisaient sur le bois de ce bateau. Autour d’elle, la jeune femme entendait les hommes s’activer sur le pont, des voix qui parlaient de sujets variés, des rires francs et des silences rassurants. Son corps était lourd, nauséeux, elle qui n’avait jamais réellement connu les voyages sur la mer. Moody pâlissait de nouveau, sentant un linge lui éponger les gouttes de sueur qui perlaient sur son front. Il était doux dans ses gestes, sa présence la rassurait.
Elle l’avait perçu lors de ses moments de conscience. Il se tenait toujours au même endroit : assis à ses pieds, imperturbable, un livre entre les mains. Deux longues tresses lui tombant sur les clavicules, les cheveux courts, d’un blond semblable à la couleur du blé, une frange coupée par une mèche noir ébène. Il avait les yeux d’une couleur rappelant la richesse du béryl et un nez droit. Ses lèvres étaient fines et roses. Son profil lui semblait angélique. Il lui parlait souvent pour occuper son esprit. Il avait une voix douce et profonde avec elle, mais lorsqu’il s’adressait à son subalterne il était beaucoup plus ferme. Sa priorité était de prendre soin d’elle, de la ramener vivante sur les terres d’Eel. La houle était calme, la nuit chantait à travers le hublot. Leiftan avait tiré le rideau pour laisser entrer la lumière de l’astre nocturne.
« J’ai cru comprendre que la lumière de la lune te faisait le plus grand bien. » avait-il murmuré à l’attention de la jeune femme endormie.
Leiftan se contenta de secouer la tête avant de se pencher vers le matériel qu’on lui avait apporté. Du bout de ses doigts, il déposa sur le décolleté de son homologue la pierre de lune préparé par les soins d’un de ses coéquipiers. Elle frémit au contact de cette dernière et se contenta de respirer avec aise. Mère Lune était à ses côtés, elle ne l’abandonnerait pas. Pas maintenant.
Les habitants du bateau cessaient peu à peu leurs activités sur le pont. Elle pouvait entendre quelques brides de discussions plus ou moins intéressantes. Ses doigts agrippèrent le drap entre ses doigts, un faible gémissement lui échappa. Le blond savait ce que cela signifiait, et lui tendit automatiquement le seau qui réceptionna ce qu’elle régurgitait. Du moins, le peu de choses qu'elle avait avalé. Son regard améthyste croisa les deux émeraudes à ses pieds.
« Je te promets que tout ce qui se passe dans cette chambre reste dans cette chambre. N’ai pas honte, nous ne sommes pas tous à l’aise avec la mer. Il nous reste une journée de voyage, bientôt, on s’occupera correctement de toi. »
Elle ne répondit rien, se contentant de fixer son regard avant de sombrer à nouveau. Son crâne lui faisait un mal atroce. Elle pouvait bien encore tenir un jour de voyage. Il le fallait. La Lune lui murmurait de faire confiance à cette personne.
☾
Enfin, le bateau s’amarra près d’Eel, des inconnus s’étaient réunis sur le sable chaud. Les matelots vidaient le bateau. Frêle et incapable de faire le moindre pas, Moody reçu l’aide de Leiftan : les mains de l’homme passèrent sous ses cuisses à moitié nues, puis son autre bras lui maintint le haut du dos. Faiblement, la jeune femme entoura la nuque de l’homme pour se maintenir. Le lorialet ordonna qu’on mette un drap sur le corps quasi-dénudé de la femme avant de quitter sa chambre.
Sur le pont, Moody laissa son visage balancer en arrière. Ses yeux améthystes se perdaient à la contemplation de ce ciel bleu. Autour d’elle, les gens se rassemblaient pour l’épier, faire des messes basses.
Qui était-elle ? Pourquoi l’avoir ramenée à Eel ? N’était-elle pas une menace ?
Leiftan descendit prudemment du bateau, calant la jeune femme contre lui. A nouveau, elle se sentait partir dans l’inconscience. Son corps était fatigué, et le voyage en mer n'avait pas eut l'air de lui avoir rendu service.
Elle sentait son corps être passé de mains en mains. Leiftan ne pouvait continuer à la porter, il était attendu pour faire son rapport. Il la confia à un autre homme. Un homme dont l’odeur corporelle offrit un profond réconfort à Moody. De l'inconnu se dégageaient des effluves boisées et chaudes et, incidemment, son corps était tout aussi robuste et chaleureux que son parfum. Elle se laissa aller contre son armure, tel un pantin désarticulé.
« Valkyon. Amène-la de toute urgence à Eweleïn, elle saura sûrement quoi faire. Je fais mon rapport à Lance et Miiko. Je viendrai la voir pour lui donner le peu d’information que je possède. » dit Leiftan en fixant l’homme au regard de braise.
Le dénommé Valkyon opina du chef sans rien ajouter et ne perdit pas de temps à gravir les marches. Inerte dans ses bras, Moody se laissa balader vers la cité. La ville semblait animée, de ce qu’elle entendait. Les faëliens s’arrêtaient dans leurs activités quand ils voyaient la carrure de Valkyon, s’écartant sans poser de question. Il pénétra dans la salle des portes, puis monta les marches vers l’infirmerie où Eweleïn l’attendait. L’elfe fit de la place sur un lit, Valkyon y déposa en douceur la rescapée.
L’infirmière s’activait autour de la fille au teint blême sans perdre de temps. Valkyon l’informa de la venue prochaine de Leiftan avant de prendre congé. La jeune elfe planta une aiguille dans le bras de la blessée pour prélever un échantillon de sang qu’elle finit par tendre à un autre elfe aux cheveux bleus.
« Ezarel, analyse-moi ça et fournis-moi dès que possible une potion pour la remettre d’aplomb. Elle m’a l’air sous-alimentée. Je dois la perfuser, se dit-elle en se ruant sur une étagère tandis que l’autre sortit de la pièce pour exécuter sa mission. »
Eweleïn prépara la perfusion nutritive pour maintenir l’inconnue en vie. Elle se hâta pour remonter les couvertures sur ce corps frêle et permettre à Moody de comater dans le plus grand confort. Cette dernière était partie se ressourcer ailleurs, dans une autre dimension où seules la Lune et elle pouvaient se retrouver.
Tout ira bien lui avait murmuré l’astre avant de souffler une poussière d’étoile pour apaiser sa conscience. Tout ira bien ma Fille.
Chapitre 1 - Nouvelle vie à Eel
Assise au milieu de son lit, elle contemplait la Lune, les jambes recroquevillées contre sa poitrine. En silence, elle détaillait la beauté de l’astre nocturne avec une certaine tendresse. C’était son seul réconfort sur ces terres inconnues. Moody ne se sentait pas forcément à sa place à Eel, malgré la bienveillance de Leiftan à son égard. Peut-être aurait-elle préféré décéder sur cette île.
Un soupir s’échappa de ses narines tandis qu’elle déposait son menton sur ses genoux, entourant ses jambes de ses bras nus. La cendrée était à la cité depuis quelques semaines maintenant, elle semblait avoir repris du poil de la bête. Peu sociable, elle s’était isolée avec les Purrekos à la demande de la Garde. Cela lui convenait. Elle avait un endroit où dormir, elle gagnait un salaire et mangeait presque à sa faim. La lunienne attendait son procès. Sa mémoire, elle, lui faisait toujours défaut.
Ses yeux se baissèrent sur ses pieds. Qui suis-je ? Où vais-je ? Que fais-je ? Toujours ces foutues questions existentielles auxquelles je ne peux répondre. Et toi, Lune, tu n’as pas l’air décidé de le faire non plus.
« Sois forte ma Fille. » maugréa la jeune femme d’un air ironique.
Moody secoua la tête d’un air las et se laissa tomber en arrière sur le matelas dur de sa chambrette. A nouveau son regard se perdit sur le voile de Nyx, récitant une à une les constellations qu’elle voyait afin de s’endormir paisiblement. La vie n’était qu’un long cycle monotone.
☾
Alors que le soleil matinal caressait sa peau blanche, Moody émit un faible grognement en enfonçant son visage dans l’oreiller, fermant de son pied le rideau pour se protéger. Un soupir se fit entendre alors qu’elle s’étirait de tout son long, encore une journée longue à attendre dans cette foutue chambre. A regarder les étoiles danser entre ses doigts, à éviter les rayons du soleil. Non pas qu’elle ne pouvait en mourir, mais avoir le teint gris ne la mettait pas forcément en valeur. Tout autant que cette tenue horrible que lui avait fait livrer Leiftan.
Une expression de dégoût se dessina sur les traits de la lunienne. Du vert et du marron, quelle idée lui était passée par la tête. Elle leva les yeux au ciel avec exaspération. « Il faut que tu restes discrète. » lui avait dit le lorialet en lui tendant la boîte. Une nouvelle fois, elle se ressassait son arrivée ici. Du moins, les quelques brides qu’elle avait. Une odeur boisée et chaude, le son de la voix tranchante de la cheffe de la cité.
« Entre l’autre qui débarque en salle du cristal, elle qui vit sur île déserte, Ashkore qui nous joue des sales tours. Nous allons traiter les problèmes par ordre d’importance: je ne veux pas voir cette femme dans la cité pour le moment, assurez-vous de la cacher chez les Purrekos après qu’Eweleïn lui ai apporté les soins nécessaires. »
Un grognement pour toute approbation. L’homme qui la portait, la maintenant avec force contre son torse. Moody avait senti sa chaleur l'envelopper. C’était à la fois étrange et rassurant de se sentir aussi bien dans les bras d’un sombre inconnu. Comme s’ils ne faisaient qu’un. Comme si elle avait trouvé sa réponse.
Elle cilla pour revenir à la réalité, glissant son index sur sa bouche. Moody n’avait jamais revu ce Valkyon, pour au moins le remercier. La jeune femme s’assit dans son lit, se pencha pour attraper son accoutrement immonde et le passer sur son corps d’albâtre. Un pantalon marron, des bottines sans talons de la même couleur. Elle passa la cape verte sur ses épaules et rabattit la capuche sur son crâne orné d'une tresse cendrée. Pour passer un peu plus inaperçue, elle remonta le vêtement sur la moitié de son visage. On ne voyait plus que l’améthyste de ses yeux. Elle soupira avec lassitude et se donna la motivation de quitter ses lieux pour rejoindre la place du marché en silence, tête baissée.
La ville était déjà active à cette heure, les habitants et les marchands animaient la place du marché. Moody évitait soigneusement chaque personne présente pour se faufiler vers les boutiques des Purrekos. Purreru l’attendait pour une nouvelle journée en compagnie des familiers. Un faible sourire étira les lèvres de la demoiselle à cette simple idée. Elle appréciait la compagnie de ses petites et grosses bêtes autour d’elle. Ses yeux se levèrent sur la devanture de la boutique de Purrery, observant la nouvelle collection envieusement.
Moody se demanda, le temps d’une réflexion, ce qui lui irait mieux que sa tenue affreuse du jour. Elle aurait pu pleurer tant cette dernière ne la mettait en valeur et la rapetissait. Déjà qu’elle n’était pas très grande du haut de son mètre cinquante-cinq. Moody fit la moue. Quand pourrait-elle troquer ses vêtements pour d’autres ? Un félin se plaça à côté d’elle, caressant ses moustaches d’un air intéressé avant de grogner après la lunienne.
« Eh ma jolie ce n’est pas l'heure de faire du lèche-vitrine ! Je n'ai pas le temps de m'occuper de toi ou de te laisser vagabonder où tu le veux. » Lui dit-il de sa voix rauque. « Purreru t’attend. »
Moody fronça le nez avant de baisser son visage vers Purral.
« Je ne suis pas en retard pourtant. » lui fit remarquer la cendrée.
« Être à l’heure c’est être en retard ! » argumenta le chat roux, en lui offrant un coup de baluchon.
La jeune femme feignit l’ignorance en tournant les talons vers la boutique de l’autre félin qui l’attendait. Elle gravit les trois marches avant de pénétrer dans le bâtiment avec Purral. Purreru vint à leur rencontre, tenant entre ses pattes un œuf fraîchement pondu. Moody eut un tendre sourire, enfin la maman pimpel avait mis bas. Purreru offrit un rictus aux deux autres en déposant l’œuf dans un incubateur.
« B-bonjour P-purral. Mo-ody. Bégaya-t-il.
- Salut l'ami ! Leiftan n’a pas l’air de vouloir récupérer son fardeau, alors je te confie une nouvelle fois cette jolie demoiselle. Je viendrai la récupérer dans trois heures pour le déjeuner. »
Moody leva les yeux au ciel, croisant ses bras sous sa poitrine.
« Purral. Je ne suis pas une prisonnière de guerre. » lui dit-elle.
« C’est pour ça qu’il faut te cacher. » rétorqua le roux. « Si tu n’étais pas une prisonnière, penses-tu que tu serais ici à travailler avec nous ? »
Un point pour le félin. Moody serra les dents en abaissant sa capuche en se dirigeant vers le fond du magasin sans rien ajouter de plus. A vrai dire, ses mots l’avaient contrariée. Et puis, elle n’avait jamais demandé à être sauvée. Elle soupira en pénétrant dans son lieu de travail : une pièce où plusieurs familiers l’attendaient pour une toilette. Des grands, des petits, à plumes, à poils, à écailles. Moody eut un léger rictus en les regardant un par un.
« Qui veut passer le premier à la toilette ? » Questionna jeune femme en se laissant approcher par un Sabali.
- M-Moody. Intervint Purreru. T-tu n’es p-pas une pri-prisonnière à mes yeux. »
La demoiselle lui adressa un faible sourire en s’agenouillant près de la cuve à eau, remontant ses manches sur ses bras opales après avoir retiré sa cape verte.
« Ne t’en fais pas Purreru. C’est ainsi. » le rassura-t-elle.
Ce dernier réprima un miaulement triste et s’approcha de la cendrée pour lui adresser une caresse sur le haut du crâne.
« A-après la toilette, rejoins m-moi au stock que je t’ap-prenne les nourritures de chacun de nos comp-compagnons. »
Moody lui offrit un sourire chaleureux en hochant la tête positivement, enjouée d’apprendre quelque chose de nouveau durant cette nouvelle journée à être cachée. Ne voulant pas plus affecter l'humeur du félin avec la sienne, elle porta sa concentration sur sa première tâche de travail : mouiller, laver, rincer, sécher le familier. Ses yeux améthyste se posèrent sur le Sabali qui l'avait suivi.
« Tu veux commencer ? » Lui demanda la sélénite.
Il s'approcha de la grande baignoire, regardant curieusement dedans puis la lunienne qui tapotait l’eau du bain. Le familier tapa ses sabots au sol avec impatience, elle sourit en l'attrapant pour le mettre dedans. Elle mouilla le petit familier en prenant soin de ne pas lui en mettre dans les oreilles, puis attrapa le savon pour frictionner son poil avec douceur. De ses pouces, elle massait le dos de l'animal qui eut l'air satisfait de cette attention. Elle sourit avec douceur en venant à le rincer avant de l'emmitoufler dans une serviette afin de le sécher dans des frictions rapides, afin de vivifier ses muscles.
Le sabali tapa joyeusement des sabots en ébouriffant ses reins, trottinant d'un air gai vers une autre partie de la boutique. Moody gardait un faible sourire sur ses lèvres charnues, il n’y avait rien de plus apaisant que de prendre soin de ces petites bêtes. Les autres familiers portaient leurs regards sur la lunienne qui était prête pour un second tour. Et elle s’appliquerait à ses fonctions. Ce n'était peut-être pas une tâche difficile, mais Purreru semblait y attacher de l'importance, alors Moody ferait tout pour le satisfaire dans sa passion des familiers.
Lorsque midi sonna, la lunienne fut escortée par Purral vers un jardin pour pouvoir se nourrir et attaquer le second temps de son travail. Le ventre plein, elle s’étira dans un faible gémissement. Moody avait trop mangé, ses paupières étaient lourdes mais elle tenait le coup, se giflant mentalement pour suivre Purreru dans la réserve de nourriture de familier. Son regard se balada sur les différents types de nourritures mais fut captivée par une boule noire qui flottait dans un bocal.
« C’est un mini t-trou noir. Pour nourrir les homonculus de mi-minuit, les familiers de la garde de l’Ombre. » l’informa le félin qui avait perdu son attention.
Moody pencha son visage sur le côté, intriguée. Ce trou noir l’attirait sans raison, approchant ses doigts du bocal. Les boules suivirent le mouvement de ses gestes délicats. Ses phalanges la brulèrent légèrement, mais ce n’était pas désagréable.
« Nous sommes souvent en rupture de stock pour cette nourriture. Elle est assez c-compliquée à trouver. Et qu-quand les familiers p-partent en exploration, ils se font souvent attaqués. » expliqua Purreru.
« Où en trouve-t-on ? Ne pouvons-nous pas aller en chercher nous-même ? » questionna la lunienne sans quitter du regard la nourriture.
« Dans les grottes d’Eel ou chez nos alliés les Fenghuangs… M-mais dep-puis plu-plusieurs années nous sommes ob-obligés de rationner. »
Moody détourna son regard vers lui en refermant ses doigts sur sa paume. Une moue attristée se dessina sur ses traits, elle baissa son regard vers sa main.
« Les trous noirs sont des êtres de la galaxie… Je suis capable de faire apparaître des pluies d’étoiles entre mes doigts. Peut-être pourrais-je tenter de faire des trous noirs ? »
Purreru cilla, dévisageant la jeune femme qui se reprit aussitôt en se raclant la gorge.
« Enfin, j’ai découvert récemment mes capacités. Peut-être que si je trouve un livre sur la magie astrale… »
« C-ce serait m-m-merveilleux ! » s’enthousiasma le félin.
Moody pinça les lèvres. Elle ne voulait pas casser son optimisme avec son pessimisme. Ses yeux fixèrent à nouveau les boules noires. Mais si elle savait manier les étoiles, les trous noirs ne devraient pas être plus compliquées.
« J’essaierai de te t-trouver de la do-documentation ce soir ! » dit Purreru, ronronnant. « P-prends donc un b-bocal avec toi. »
Elle s’exécuta, calant l’objet contre sa poitrine. La boule enfermée lui réchauffait le corps. Etrangement elle se sentait liée à cet être astral. Ce soir elle demanderait conseil à Lune. Si elle pouvait au moins faire quelque chose de sa vie, trouver un but dans son ennui.
La leçon sur la nourriture continua une bonne partie de l’après-midi. Passionné, Purerru répondait à chacune des questions de son apprentie avant de l’emmener nourrir avec lui les familiers et vérifier sa bonne mémoire. Moody faillit à quelques reprises, confiant un nuage de sucre à un Sabali et une herbe sifflante à un Plumobec.
En fin de journée, Moody attendait patiemment que le félin roux vienne la chercher. Elle s’accouda près de l’incubateur pour observer l’œuf de Pimpel en pleine éclosion. Son regard brillait d’une certaine lueur tendre derrière toute sa panoplie de tissu qui lui cachait le corps. La porte de la boutique s’ouvrit au même moment que le bébé avait éclaté sa coquille d’œuf.
« C’est une fille ! » s’exclama la lunienne avec bonheur en se tournant vers Purreru.
Cependant, sa joie disparut aussitôt de son visage en découvrant le blond qui l’avait sauvé de l’île. Elle se racla la gorge.
« J'ai failli croire que vous m'aviez oubliée. » lui dit la jeune femme pour tout accueil.
« Bonjour à toi aussi Moody. Et je ne t’ai pas oubliée, non ». Assura Leiftan avec un sourire chaleureux. « Es-tu prête ? Le Conseil souhaite te rencontrer. »
« Qu'est-ce qui m’attend ? » S'enquit Moody en croisant les bras sur son ventre, l’air renfrogné.
« Rien de bien grave. Des présentations et un filtre de vérité pour voir si tu n'es pas un danger pour la cité. Des mesures seront prises par la suite. »
Moody hocha la tête et n’ajouta rien. Elle se tourna vers Purreru avec un petit sourire.
« Merci pour aujourd’hui. Demain, je connaîtrais par cœur les nourritures. » assura la lunienne.
Bien qu’elle ne sût si demain elle serait encore en vie après ce Conseil.
« M-merci pour ton aide... » Balbutia le félin avant de s'éclipser vers la nurserie.
La lunienne tourna à son tour les talons pour suivre l’homme vêtu de blanc dans un silence religieux, les bras croisés sous sa poitrine, mains sous les aisselles. Moody tentait de ne pas se laisser gagner par le stress. Elle ne savait pas ce qui l’attendait à ce Conseil, ni comment elle en sortirait. Un faible soupir s’échappa de ses narines alors que son regard se baissait sur ses pieds.
Ils passèrent les portes du Q.G et se dirigèrent vers la droite, dépassant la salle des portes, longeant le corridor pour monter à une salle. Moody resta derrière Leiftan en pinçant ses lèvres, elle sentait une vague de stress l'envahir. Lentement, elle inspira, puis expira en cinq secondes. Elle pénétra à la suite de l'Etincelant, ne faisant pas attention à l'ogre qui gardait la porte. Sa tête se releva fièrement, un air fermé sur ses traits cachés. Il ne fallait pas qu’elle montre sa peur et se devait de faire plus ou moins bonne impression.
Tandis que Leiftan s'avançait, Moody traîna la patte pour contempler la pièce. Elle était lumineuse et spacieuse. En son centre se tenait un énorme cristal bleu qui brillait au rythme d'un battement de cœur, sa magie était puissante mais elle ne s'y intéressa pas. Les baies vitrées offraient une vue panoramique sur la mer et la cité. En contournant le cristal, à l'arrière se tenait une large table qui devait sûrement servir aux réunions des grosses têtes de la cité. Enfin, se dressait devant elle une estrade où se tenaient cinq inconnus qui la fixaient.
Une odeur lui parvint au nez, un étrange mélange d'un parfum mentholé mélangé à un effluve boisé qui lui rappelait quelque chose. L’odeur de l’homme qui l’avait transporté jusqu’à l’infirmerie lors de son arrivée. Moody releva son regard vers le petit comité, les toisant un par un, tandis qu’elle s’avançait au centre de la pièce, les mains placées et croisées devant elle. Qui pouvait être Valkyon ? Son regard observa chaque personne.
Au centre se tenait une kitsune brune, l'air condescendant. Elle tenait entre ses doigts un sceptre avec ce qui semblait tenir un morceau de cristal. A la droite se tenait un homme aux cheveux blanc, l'air fermé et froid. Son regard glacial jaugeait la jeune femme de haut en bas, elle sentit un frisson lui monter le long de l'échine. Àses côtés se tenait un homme à la carrure impressionnante, il avait le même regard que son voisin de gauche, en plus chaleureux. Ses prunelles de braise détaillèrent aussi la jeune femme sans laisser transparaître la moindre émotion. A contrario de celui qui se tenait en bout de fil, un elfe aux cheveux bleus. Il semblait amusé de la situation. À l'opposé se tenait un autre homme aux oreilles pointues, borgne, au vu du cache-œil qu’il portait, le coude posé sur l'accoudoir, il avait posé son visage dans le creux de sa paume. Son seul œil valide semblait apprécier la vue. Entre lui et celle qui semblait être la cheffe, une chaise vide où Leiftan prit place.
Elle inspira doucement pour se donner du courage, attrapant les bords de sa capuche pour l'abaisser et dévoiler son visage opalin. D'un geste souple de la main, elle dégagea sa longue chevelure tressée qui lui tombait en haut des fesses. Ses yeux améthystes ne baissèrent pas quand elle s'avança au centre des regards. Lentement, elle se courba en une révérence pour unique salutation. Son visage était fermé. Moody attendait sa peine, comme la prisonnière qu’elle était depuis plusieurs jours ici. La grande cheffe se leva, la lunienne redressa le menton sans la quitter des yeux.
Chapitre 2 - Le Conseil
Le sceptre heurta le sol de la grande salle du Conseil. Moody ne broncha pas, préférant observer l’assemblée.
« Bien. » Déclara la kitsune. « Tu dois être la fameuse rescapée dont nous a parlé Leiftan. »
La cheffe jaugea la cendrée à ses pieds, de haut en bas. L’un de ses sourcils s’arqua, une expression envieuse passa dans son regard puis elle reprit son air hautain. Moody attendit sagement qu’elle continue son petit spectacle sous les yeux des mâles présents dans la salle.
« Voici comment va se passer cette réunion : Ezarel, ici présent. » dit-elle en montrant vaguement l'homme aux cheveux bleus. « Va t'administrer un filtre de vérité. Il fera effet pendant trente minutes. Nous te poserons tour à tour des questions afin de déterminer ton profil et voir ce qui cloche chez toi. »
Moody arqua un sourcil. Elle n'aimait pas le ton condescendant qu'avait pris la kitsune à son égard. La lunienne se mordit la langue pour ne pas rétorquer, serrant sa mâchoire sans rien ajouter, hochant la tête.
« Enfin, nous verrons ce que nous ferons de toi. Te garder, ou te congédier de ces lieux. » dit la kitsune en se rasseyant sur sa chaise.
Le dit Ezarel se leva de son siège pour s'avancer avec un sourire narquois vers la rescapée, une fiole de couleur verte à la main. Moody ne cilla pas devant sa prestance. Ses mains restèrent devant elle.
« Je sens qu'on va bien s'amuser. » murmura-t-il à l'intention de la jeune femme en débouchant la fiole.
« Ezarel, ne commence pas. » Intervint le borgne d'un ton froid.
« Range tes oreilles le vampire » répondit l'elfe en tendant le filtre. « Bonne dégustation à vous très chère. Puisse la vérité sortir de votre bouche. Sauf si vous êtes muette. »
Moody le jaugea, relevant sa main vers le filtre pour lui arracher des mains avant de rétorquer :
« Vous êtes le pitre de la bande, Ezarel ? »
Un lourd silence plana dans l'assemblée et le regard de l'elfe se planta dans celui de la pâle. Tous deux se défièrent du regard. Moody avait une posture nonchalante tandis que son homologue avait bombé le torse. La lunienne leva les yeux au ciel, exaspérée par ce comportement de supériorité.
« Ça suffit ! Intervint la cheffe. Ezarel à ta place, et toi l'inconnue boit cette fiole cul sec. Les effets seront immédiats. »
Moody haussa les sourcils d'un air arrogant avant de boire d'une traite le liquide vert. Le goût était âcre et lui restait dans le fond de la gorge. Elle grimaça faiblement puis reporta son attention sur le petit comité devant elle, la fiole entre ses doigts. La kitsune se leva de sa chaise.
« Je m'appelle Miiko. Je suis à la tête de la cité et, ces messieurs, ci-présents, sont à mes ordres. Décline ton identité. »
Moody toisa Miiko, passant ses mains dans son dos pour les croiser. Ses sourcils se froncèrent légèrement, qui pouvait-elle être ? La lunienne sembla chercher l’information dans sa mémoire, les yeux dans le vague. Elle se remémora le flash, le seul, qu’elle avait eu lors de son rapatriement.
« L'inconnue s'appelle Moody, fille de Séléné et Mani, originaire de Luna. Je suis une lunienne. Je ne sais rien de plus à mon sujet. Je suis, comme qui dirait : amnésique. Et personne ne sait en déterminer la cause. » répondit Moody en défiant la brune du regard.
« Et c’est tout ? Quel est ton âge ? Ton rang social ? »
La cendrée haussa les épaules.
« Mon âge se calcule en année lunaire. Mon rang social serait divin. Puisque je suis la progéniture d’une déesse grecque et d’un dieu nordique. » dit-elle, las.
« Pourtant tu n’as pas les traits d’une personne nordique ou grecque, à en voir tes yeux bridés. »
« Je vous rappelle que je ne peux pas mentir avec votre filtre. » lui fit remarquer la lunienne.
Miiko braqua un regard noir sur l’autre, tapant son sceptre au sol.
« Prends garde à tes propos et tes petits airs hautains avec moi. Ne joue pas à l’insolente. Tu n’es pas la déesse de ces terres. »
Moody se contenta d'hausser les épaules avec indifférence. Ezarel s'installa confortablement dans son siège avec un sourire amusé tandis que la kitsune battait des queues avec énervement.
« Ce match va être trépidant. » commenta-t-il en plaçant ses mains derrière sa tête. « Ce qui est bien avec un filtre de ce genre, c’est qu’on peut découvrir la vraie personnalité de quelqu’un. »
La cendrée porta son attention sur l’elfe aux cheveux bleus, croisant ses bras sous sa poitrine. Ses doigts balançant de gauche à droite la fiole vide.
« Je n’ai pas besoin de me présenter, tu connais déjà mon nom. Mon statut ? Je suis chef de la garde Absynthe, mes recrues ont des dons en alchimie. Y connais-tu quelque chose ? » questionna-t-il.
« Aucunement. Je ne crois pas. Je ne sais pas. » avoua Moody. « Je connais peut-être quelques plantes. Quelques pierres. Mes connaissances sont assez limitées sur le sujet. J’en utilise pour mes offrandes et mes sorts. »
L’elfe pencha la tête sur le côté, intrigué.
« De quoi parles-tu ? »
« Je pense avoir les capacités d’une sorcière de la Lune. » dit la cendrée, l’air dubitatif.
Son regard vague se perdit un instant dans la contemplation du sol.
« Mais je n’en suis pas sûre. Ma mémoire me fait défaut. Peut-être aurais-je plus de réponse à ce sujet plus tard… »
Ezarel hocha la tête.
« Je serai tout ouïe dans ce cas. » dit-il. « Allez, à qui le tour pour les questions ? »
L'homme à ses côtés soupira avec exaspération puis se pencha en avant. Une odeur musquée parvint aux narines de Moody, elle inspira doucement. L’odeur qui l’avait enveloppé jusqu’à l’infirmerie. Ses prunelles se relevèrent vers l’homme, osant un regard à son voisin. Leurs parfums étaient bien trop fort comparés à ceux des autres. Moody fronça son nez. Il n’y a pas besoin de se plonger dans son flacon de parfum comme ça. Pensa-t-elle avant de se concentrer sur l’homme qui se penchait en avant, coude sur les genoux.
« Je suis Valkyon, chef de l'Obsidienne. Ma garde représente les meilleurs guerriers, nous donnons notre vie à la Garde sur les champs de bataille et nous lui assurons fidélité jusqu'à notre mort. Sais-tu combattre Moody, avec ou sans armes ? »
Son ton était rauque et chaud, plus accueillant que sa cheffe. Moody relâcha la tension de ses épaules pour reprendre d'un ton plus calme.
« C’est vous qui m’avez amené à l’infirmerie le jour de mon arrivée. » constata-t-elle en observant le visage du guerrier. « Merci. »
Valkyon hocha la tête avec respect. La lunienne se racla la gorge en dénouant ses bras pour les poser face à elle.
« Pour répondre à votre question : je n'en suis pas sûre. Je ne me souviens pas m’être déjà battue une fois dans ma vie, ou avoir tenue une arme quelconque. Ou alors ne serait-ce qu’un athamée. »
L’Obsidien remua la tête, se murant à nouveau dans le silence. Ses yeux de braise se tournèrent vers son voisin aux yeux de glace. Moody pinça ses lèvres d’un air dubitatif. Les deux hommes avaient une certaine ressemblance mais étaient assez opposés. L'homme aux yeux bleus dardait un regard froid sur elle, inspirant longuement l'air, humant presque comme un animal. Un faible grognement lui échappa avant qu'il ne prenne la parole de sa voix grave :
« Lance. Bras droit de Miiko. Quels sont vos pouvoirs ? »
Moody sentit un frisson parcourir son échine en entendant son ton. Il était aussi froid que son apparence. Elle se permit de l’observer avec curiosité, mais lorsqu’elle croisa ses prunelles, Lance la fusilla du regard. Elle ne broncha pas, penchant sa tête avec incrédulité. La jeune femme se contenta d'hausser les épaules.
« Je suis capable de faire ça… »
L'une de ses mains accueillit une poussière blanche et lumineuse au creux de sa paume. De petites étoiles dansaient entre ses doigts fins avant de claquer ces derniers contre ses paumes pour tout faire disparaître.
« Mais je ne suis pas sûre que cela ait de grands impacts dans un combat. » concéda-t-elle, à contre-cœur.
Elle pinça les lèvres en serrant son petit poing. Idiote. Ses yeux se fermèrent un instant avant de croiser à nouveau le regard saphir de Lance, il grogna pour seule approbation. Aussi loquace que son voisin. Un mouvement apparut dans le coin de sa vision, Moody tourna le visage vers Leiftan qui lui adressa un sourire chaleureux. La lunienne lui en offrit un timide.
« Quant à moi, tu connais aussi mon prénom mais tu apprends que je suis aussi le bras droit de Miiko. Tu dis venir de Luna, mais ce territoire n’existe plus. Du moins, l’accès à ces régions n'est plus possible depuis la destruction des portails. Comment as-tu fui et comment t’es-tu retrouvée à Memoria ? »
« Je n'en ai aucune idée Leiftan. Je me suis réveillée sur cette île un beau matin. Mon corps me faisait mal. J’ai cherché des réponses mais en vain. Mon esprit n’était qu’un vaste trou noir. »
Leiftan soupira faiblement, un sourire triste se dessinant sur ses lèvres pincées. La lunienne, pour la première fois depuis ce Conseil, baissa le regard. Elle fixa ses doigts, la mâchoire crispée. Moody se sentait frustrée de ne pas pouvoir donner plus de réponse. Pour elle. Pour eux.
« Ne t'en fais pas. Ça te reviendra le temps venu. » dit Leiftan d’un ton rassurant.
La jeune femme releva son visage et lui offrit un signe de tête avant de porter son attention sur le dernier de la troupe. Le borgne lorgnait sur ses formes cachées avec un petit sourire narquois. Son œil gris remonta à ses yeux avant de se redresser dans son siège en croisant ses longues et fines jambes.
« Je suis Nevra. Chef de la garde de l'Ombre. Nous sommes les espions et les interrogateurs de la cité. Je suis un vampire. Es-tu célibataire ? »
« Nevra ! » s'écria Miiko en tapant son bâton au sol.
« Quoi ? Elle est aussi silencieuse qu'une musarose, je n'ai pas de doute sur sa discrétion. »
Moody eut un sourire amusé au coin de ses lèvres. Le vampire ne semblait pas attacher de grande importance au Conseil. Tout comme l’elfe qui ricanait à l’opposé.
« Vous ne m'entendriez même pas me glisser dans votre chambre, si tel était le sous-entendu. » répondit la cendrée, sans détour. « Je ne vois pas d’anneau à mon doigt. Et personne ne semble me chercher depuis que je suis ici, alors je dois être célibataire oui. »
Miiko tapa une nouvelle fois son bâton au sol avec colère en dardant un regard noir sur le vampire.
« N'oublie pas ton second commandement Nevra. » lui rappela Miiko.
« Elle n'est pas une recrue à ce que je sache. » rétorqua-t-il, un sourire dévoilant ses canines pointues.
Moody sembla amusée par ce séducteur en herbe mais tenta de résister au philtre qui voulait la faire parler. Elle reporta son attention sur la kitsune en furie et déposa doucement la fiole au sol en attendant la suite des événements. La lunienne sentit les regards insistants des hommes aux cheveux blancs, mais préféra ne pas y faire attention. Leurs parfums lui donnaient déjà mal à la tête. La jeune femme fronça le nez et porta son regard sur Miiko.
« Nous as-tu tout dit à ton sujet ? » demanda-t-elle.
« Pas plus que ce que je ne sais déjà. Je suis toujours aussi amnésique, ça n'a pas changé en vingt minutes, lâcha la lunienne de but en blanc. »
Ezarel pouffa de rire dans le creux de son poing. La situation l'amusait particulièrement. Lance serra les mâchoires en se relevant de son piédestal pour s'approcher de la petite femme qui ne cilla même pas malgré leur énorme différence de taille. L'homme devait avoisiner les deux mètres.
« Doucement mon frère. » dit Valkyon qui n'avait pas bougé de sa place. « Elle est toujours sous filtre, on ne peut pas l’empêcher d’être elle. »
« Filtre ou pas, on ne joue pas les insolentes avec la hiérarchie. Ainsi faudrait-il peut-être un peu la dresser si elle reste. » dit Lance en fixant la demoiselle.
Moody arqua un sourcil, puis pencha son visage sur le côté.
« Vous pensez vraiment, qu'en me menaçant, je vais me laisser faire ? » demanda Moody d'un ton cynique.
« Vous finirez par ployer le genou. » assura-t-il en gardant son masque de fer.
« Se lever pour m'intimider et me menacer... Sympa cette Garde. C’est comme ça que fonctionne votre dite hiérarchie ? » dit-elle avec sarcasme.
« Notre hiérarchie éduque les personnes indisciplinées. » dit Lance, d’un ton froid.
« Je suis disciplinée quand des êtres faussement supérieurs sont respectueux. » rétorqua la lunienne sans baisser le regard.
Elle pouvait voir la veine pulser contre la tempe de l’homme, sa mâchoire se serrer avec colère. Sa langue claqua contre son palais avec insolence avant qu’un rictus malicieux ne se dessine au coin de ses lèvres charnues. Lance la toisa, le poing serré. Il finirait par la corriger quand le temps sera venu. L’homme sembla humer l’air comme un animal, puis tourna les talons sans rien ajouter. Moody leva les yeux au ciel et croisa ses bras sur son ventre, son regard se posant sur Miiko.
Cette dernière sonda l’homme à ses côtés, puis échangea quelques regards avec les autres avant de soupirer en reportant son attention sur la cendrée.
« Je ne vois aucune puissance, ni menace particulière pour notre cité concernant Moody. Exceptée son caractère, mais j'imagine que cela règlera bien vite, n'est-ce pas ? » souligna-elle.
L'interpellée ne broncha pas. Miiko reprit :
« Valkyon, tu évalueras ses capacités au combat rapproché. Jamon, tu t'occuperas du combat armé. Il faut qu’elle soit au moins capable de défendre notre cité si nous nous faisons attaquer. J’impose un mois de service. »
Moody arqua un sourcil, qui était ce Jamon ? Sa question trouva réponse quand l'ogre de la porte gronda pour approuver l’ordre, la lunienne lui offrait un bref coup d'œil. Génial. pensa-t-elle.
« Pour le moment, et n'ayant aucun rang, tu resteras chez les Purrekos. Tu continueras à travailler pour eux. Leiftan assure-toi de lui expliquer le fonctionnement de la vie au sein de notre cité. »
La kitsune marqua une pause, observant la nouvelle habitante.
« J’impose aussi que tu fasses un suivi auprès d’Eweleïn et de Leiftan pour recouvrer la mémoire. Tu iras donc les voir tous les jours pour un contrôle. Ezarel, tu t’assureras de lui apprendre à créer les premiers soins en alchimie. Nevra, je t’interdis de l’approcher, elle n’est pas ici pour remplir ton tableau de chasse. »
Le vampire se contenta d’un sourire narquois. Moody lui jeta un bref regard, il n’allait pas respecter cette règle et cela sembla l’amuser un court instant.
« Enfin, Leiftan, tu la prends sous ton aile. Et tu t’assureras qu’elle ne devienne pas une menace pour notre paisible cité. Des questions ? »
« Aucune. » répondit Moody d'un ton neutre en la fixant.
« Dispose. » ordonne Miiko d'une voix sèche.
La lunienne s'inclina légèrement pour saluer le comité masculin. Nevra passa le bout de sa langue sur ses crocs d'un air intéressé, Ezarel affichait son sourire amusé, Valkyon lui adressa un signe de tête. Les deux derniers restèrent de marbre. Trou du cul. Pensa-t-elle en fixant Miiko et Lance.
Leiftan se leva pour rejoindre le petit brin de femme et l'inviter à le suivre hors de la salle de cristal. En passant les portes, elle salua Jamon d'un signe de tête avant de disparaître dans les escaliers avec le blond. Il se stoppa en bas des marches avant de se tourner vers elle.
« Comment te sens-tu ? » s’enquit-il.
Moody haussa les épaules, d’un air las. Elle voulait juste rentrer dans sa cabane. Être seule et dormir pour oublier cette journée.
« Elle est toujours aussi frigide Miiko ? » questionna la jeune femme, détournant volontairement le sujet.
Leiftan rit doucement avant de répondre :
« Ce n'est qu'une apparence, elle a un certain statut à mettre en autorité. Mais crois-moi c'est quelqu'un de très empathique. »
« Aussi empathique que Lance qui a voulu m’étrangler. La politesse ne diffère pas d'un statut à l'autre à ce que je sache. » maugréa la lunienne.
« Nous ne l’aurions pas laissé faire. En tant que bras droit, il ne peut agir à ses propres volontés. Nous ne vivons pas en dictature. »
« A qui le veut. » marmonna-t-elle en croisant ses bras sous sa poitrine.
Le blond lui offrit un sourire chaleureux.
« Veux-tu que je te fasse la visite des lieux avant de te ramener chez toi ? »
Elle hocha simplement la tête pour l’inviter à le faire. Le blond lui sourit avant de lui montrer de la main gauche un long couloir.
« Ici, le corridor des gardes. Toutes nos chambres sont situées ici. » indiqua-t-il.
« Quelle est celle de Nevra ? » demanda-t-elle.
« Vous n’êtes pas supposés vous croiser. » lui rappela-t-il.
« Il n’est pas supposé m’approcher. » lui fit remarquer la lunienne. « Et puis, je prends un coup d'avance pour relever son défi. » sourit Moody, sournoise.
Leiftan secoua la tête et l’invita à le suivre vers le centre de la salle des portes. La jeune femme haussa les épaules. Elle finirait par avoir sa réponse. Au centre de la pièce, elle regarda autour d’elle en silence. Un à un, Leiftan lui indiqua les portes de la bibliothèque, de l'infirmerie et de l'alchimie, situées en haut. Puis il continua avec la cantine, le garde-manger, la forge et la cave.
« Et j'imagine que la forge est principalement occupée par des membres de la garde obsidienne, la salle d'alchimie par l'absynthe et l'ombre... » comprit-elle.
« A la cave. » compléta Leiftan en souriant.
« Vous y torturez des gens ? » demanda Moody, comme si cela semblait normal.
« Non ! » s'étonna Leiftan. « Une cave est réputée pour sa résonnance. Le moindre bruit est décuplé. Elle permet aux membres de l’Ombre d’être les plus discrets possibles, jusqu’à des oreilles de vampire. » l’informa-t-il.
« Donc ce n'est pas là-bas que Lance m'y fera ployer le genou comme il le dit si bien. » souligna la cendrée en posant ses yeux sur Leiftan.
Ce dernier semblait réfléchir à ses propos avant de porter ses deux billes émeraudes sur la sélénite.
« Disons que Lance brille par son autorité et réussit toujours à dompter les plus rebelles. Ne t'amuse pas à le pousser à bout, son caractère est assez... »
« Tempétueux ? » coupa la jeune femme.
« Tu n'aimerai pas l'avoir comme ennemi. » conclut l’homme.
Moody n'insista pas et se contenta de porter son regard ailleurs, mémorisant les différents lieux. Après tout, ne devait-elle pas commencer une nouvelle vie ici ? Elle soupira discrètement. Oui, n’est-ce pas le moment de se créer une nouvelle mémoire ? Un voile triste passa dans son regard tandis qu’elle emboîtait le pas de l’homme habillé en blanc par automatisme .
« Les Purrekos se chargeront de te montrer plus en détail la place du marché et la ville. Pour ce soir, tu mangeras avec moi à la cantine, après tu devras te nourrir seule. Je t'aiderai. » déclara-t-il.
Moody sembla reprendre connexion avec la réalité.
« Et pour ma tenue ? Non pas que je n'aime pas ce vert... Mais si je pouvais avoir quelque chose de plus... Moi. Enfin moi… »
La lunienne eut un rire cynique. Leiftan posa une main rassurante sur son épaule.
« Purriry saura mieux te conseiller que moi. » lui sourit le blond.
Puis il reprit sa marche vers le kiosque central, le cœur de la cité. La place était grande et la circulation dense. A gauche se tenait un endroit plus calme, le cerisier centenaire. A droite, un grand jardin pour les balades et les baignades des familiers. Le duo continua son chemin tout droit, sous les arches, s'avançant vers les grandes portes de la cité. En sortant, Moody fit face à une grande étendue de verdure et de nature.
« Généralement nous nous entraînons ici. Valkyon et Jamon t'emmèneront peut-être ici, ou à la salle d'entraînement. Tu y as accès pour ta formation. La plupart du temps, ce ne sont que les recrues des différentes gardes. » informa Leiftan. « La plage se trouve en partant à droite, devant nous la forêt. Idem, tu ne peux pas quitter la cité sans autorisation ou sans membre de la garde au-delà du périmètre. »
« Je vois. Vous ne voulez pas que je me fasse du mal. » ironisa-t-elle.
« N'oublie pas que je viens de te sauver de Mémoria. Et même malgré les très bons soins d'Eweleïn et d’Ezarel, tu n'as pas encore repris assez de force. Je préfère t'avoir à l'œil. La menace rôde, et je ne souhaite pas qu’il t’arrive quelque chose. »
« Très bien... Mentor. »
Leiftan semblait amusé de la répartie de la petite femme. La lunienne lui emboîta le pas vers la cité, contemplant le paysage autour d’elle, scrutant les personnes qui la regardaient avec curiosité. L’espace d’un instant, elle se demanda ce que les gens pouvaient penser d’elle puis leva les yeux au ciel, ça lui importait peu. Aujourd’hui, Moody pouvait devenir n’importe qui et être ce qu’elle n’était pas. Que cela plaise ou non. Une énergie nouvelle se répandit dans son corps, l’euphorie de se créer de nouveaux souvenirs, de bâtir son identité et de laisser place à sa personnalité.
Chapitre 3 - Nom d'un crylasm
La lune brillait enfin à travers la pièce à vivre miteux de la lunienne. Cette dernière se contemplait dans la glace, sous chaque couture. Avait-elle fait le bon choix de tenue pour ce dîner à la cantine ? Moody portait une robe en satin noir qui lui tombait à mi-cuisse et dévoilait des cicatrices boursoufflées sur sa chair dévoilée. La jeune femme baissa son regard sur les marques. D’où venaient-elles ? Moody se perdit un instant dans sa mémoire, mais rien ne vint. Un faible soupir lui échappa tandis qu’elle passait ses doigts dessus. Son regard se fit mélancolique, tant de questions pour si peu de réponses. Elle n’osait plus se regarder à travers la glace Ce n’était peut-être pas une si bonne idée de se promener ainsi… Avec gêne, la cendrée croisa ses jambes entre elles, tirant un peu sur la jupe en soupirant.
« Pourquoi Purriry est une aussi bonne vendeuse ? » dit-elle à son reflet.
La jeune femme se laissa tomber sur le matelas dur de son lit, levant ses yeux vers l’astre lunaire. Elle semblait chercher une réponse. Un encouragement. Mais Lune ne dit rien. Moody se prit la tête dans les mains, le regard braqué sur le sol en bois. Pourquoi cette baisse de confiance alors que devant la boutique, un sourire s’était immiscé sur le coin de ses lèvres en parcourant des yeux la vitrine?
Moody se gifla mentalement. Ma vieille, on a dit qu’on commençait une nouvelle vie. Purriry t’a aidée. C’est la seule tenue potable que tu as. Et tu viens de dépenser tes maanas. Assume. Elle se redressa du matelas, déterminée. Ses mains attrapèrent les cuissardes marrons pour les enfiler sur ses jambes d’albâtre, les sourcils froncés. Perchée sur ses chaussures à talons, elle se contempla à nouveau dans le miroir. Purriry avait raison :
« Forme sablier. Poitrine forte et fessier bien bombé. Une bonne paire de hanches, une taille bien marquée. Ma dame, vous avez de quoi plaire. J’ai la tenue parfaite ! Elle va t’aller à ravir. »
La lunienne hocha la tête. Son regard se posa sur l’horrible tenue verte, plus jamais elle ne mettrait ça. Un dernier coup dans sa frange pour la mettre droite, un réarrangement de sa ceinture bustier et Moody quitta sa chambre pour rejoindre le Q.G. Devant la grande bâtisse, elle inspira profondément. Sa main manucurée balança une de ses longues mèches derrière son épaule avant qu’elle ne s’avance vers l’entrée pour pénétrer dans la salle des portes.
La pièce était animée. Quelques habitants allaient et venaient entre les murs, certains se retournaient sur le passage de la jeune qui descendait les marches avec grâce. Ses améthystes observèrent l’environnement tandis qu’un fin sourire étira le coin de ses lippes. Elle analysait le train quotidien de la vie dans cette cité. Certains se dirigeaient vers la queue devant la cantine. D’autres discutaient. Moody descendit la dernière marche, une tête blonde attira son regard.
Leiftan.
La lunienne s’avança à pas discret vers lui. L’homme était en compagnie d’Ezarel qui tournait dos à la jeune femme. Leiftan marqua un temps en remarquant sa protégée de haut en bas. L’elfe tourna aussitôt la tête, laissant un sifflement se fendre entre ses lèvres. L’Etincelant se racla la gorge et dépassa son homologue pour venir à la rencontre de Moody. Cette dernière leva la tête vers lui.
« Tu es très jolie. » lâcha-t-il.
Elle gloussa, penchant son visage sur le côté.
« C’est mieux que la tenue que tu m’as offerte, il est vrai. Merci. »
La sélénite lui sourit tendrement. Leiftan ricana.
« Je ne suis pas aussi expert que Purriry. »
Le blond l’invita d’une main à se joindre à lui et Ezarel dans la file d’attente. Moody salua l’elfe de la tête.
« Le pitre. »
« L’insolente. » salua-t-il avec un sourire malicieux. « Je ne pensais pas que tu étais aussi belle en fin de compte. »
« Je ne doutais pas de vos capacités à être aussi con. » rétorqua-t-elle.
La femme aux cheveux argentés lui décocha un rictus mauvais avant de se tenir aux côtés de Leiftan. Ce dernier leva la main pour intimer le silence à l’elfe qui était prêt à rebondir.
« C’est notre invitée. Ne la fais pas fuir. » dit l’Etincelant.
L’elfe marmonna quelque chose dans sa langue. Le trio se mura dans un silence gênant, auquel Moody ne prêta pas attention. Ses yeux observèrent à nouveau la vie autour d’elle, avançant au rythme de la file. Ses mains se saisirent du plateau et elle suivit le mouvement, choisissant des mets qui lui semblaient bons. Au bout se trouvait un satyre, peu aimable et lorsqu’elle arriva à lui, il vociféra :
« Et même si ça ne te plaît pas, tu paieras quand même ! Cinquante maanas. »
Le cornu fixa la cendrée.
« Tu n’es pas de la Garde. Que comptes-tu faire ici ? Va-t’en de ma cantine petite femme. »
Moody ouvrit la bouche. Leiftan intervint :
« Elle est avec moi Karuto. Montre un peu plus de respect envers notre nouvelle habitante. »
« Les nouveaux habitants n’ont rien à faire dans cette cantine, Leiftan. »
« Il suffit Karuto ! C’est un laisser-passer pour ce soir. » ordonna une voix féminine au loin.
Le silence s’installa dans la grande salle à manger. Miiko avait parlé. Chacun s’était tu. Moody lui jeta un bref coup d’œil, elle était entourée de Lance et Valkyon. Nevra à leurs côtés qui ne quittait pas de l’œil la nouvelle de la cité. Le satyre plaqua un verre sur le plateau de la lunienne, l’obligeant à le regarder.
« Et que je ne te vois plus ici après ce soir. » vociféra-t-il.
« Tout ce qui vous plaira, Karuto. » dit calmement Moody en serrant ses doigts sur son plateau.
L’instant d’après, elle lui tourna le dos et fixa la grande tablée des chefs, puis chercha un autre endroit où se mettre. Leiftan l’invita d’un signe de tête à le suivre vers la table. La cendrée inspira pour se donner bonne figure et s’avança vers le banc, déposant son plateau sur la table. Elle prit place aux côtés de Leiftan, isolée des autres.. Elle écoutait d’une oreille distraite les discussions autour d’elle.
« Qu’en est-il d’Erika ? » s’enquit Miiko.
« On la laisse se promener dans la cité. Nevra garde son œil sur elle. Sans mauvais jeu de mot. » répondit Ezarel.
Les autres ricanèrent. Moody eut un petit sourire moqueur mais se contenta de rester tête baissée sur son plat. Elle porta une bouchée à ses lèvres et se sentit fort déçue. C’était fade.
« Il faudrait tout de même trouver une solution pour que les humains ne reviennent pas sur Eel. » dit la kitsune, avant de regarder chaque membre un par un.
Les hommes acquiescèrent.
« On ne peut pas se permettre une nouvelle guerre. Ashkore serait capable d’allier tout le monde à sa cause. » intervint Lance d’une voix froide.
« Et que proposes-tu comme solution ? » demanda la brune, posant un regard mielleux sur lui.
La lunienne retint une grimace. Elle n’aurait jamais voulu voir ça. Ses yeux se levèrent au ciel. Rien ne semblait aller dans cette garde. Mais elle ne dit rien, préférant manger son repas immonde et partir aussi vite qu’elle était arrivée. De toutes manières, elle n’était pas invitée à la conversation.
« La potion de Mnémosyne. » proposa l’homme aux cheveux blancs.
La lunienne releva son regard vers celui de glace. Elle eut un rire jaune. Miiko jaugea la cendrée.
« Qu’est-ce qui te fait rire ? » demanda-t-elle.
Moody haussa les épaules d’un air blasé.
« Oh. Rien. J’apprécie l’humour noir. » déclara la lunienne. « Mais je vous en prie, continuez votre discussion. Il est vrai que c’est plus facile de faire oublier des choses par une potion que d’assumer ses actes. »
Son ton était un peu sarcastique, mais elle se mut rapidement, ne préférant rien ajouter. Lance eut l’ombre d’un sourire mauvais au coin de ses lèvres, il semblait avoir réussi son coup. Miiko soupira, balayant l’air de la main.
« Changeons de sujet. Nous en reparlerons plus tard messieurs. » déclara-t-elle.
Moody secoua la tête. Dire ce genre de choses devant une personne amnésique, le bras droit de la kitsune savait très bien ce qu’il faisait. Et serait capable de tout pour lui faire ployer le genou, comme il l’avait insinué. Leiftan avait raison. Un silence s’installa à table, presque gênant. La lunienne croisa ses jambes entre elles et tourna son visage vers le regard insistant du vampire à l’autre bout de la table. Elle se laissait dévorer du regard sans aucune gêne. S’en était presque flatteur.
« Quel travail vas-tu continuer dans la cité, Moody ? » lança Miiko à la volée.
L’interpellée stoppa son petit jeu pour porter son attention sur la kitsune qui s’intéressait faussement à elle.
« Je resterai avec Purreru. Le travail avec les familiers est plus plaisant que celui avec des faëliens. » répondit Moody avec honnêteté.
Son regard navigua entre chaque présent à table, les scrutant pour se mémoriser leur visage. Ils illustreront ses nouveaux souvenirs. Croisant le regard de Nevra, Moody baissa le sien vers son plat. Cela sembla bien moins appétissant que ce que proposait les Purrekos, mais elle ne dit rien, triturant le morceau de viande trop cuit du bout de sa fourchette. Le vampire ne détacha pas son regard d’elle.
Le regard des autres se joint à lui. Moody sentait à la fois l’indifférence et l’intérêt. Le mépris et l’altruisme. Elle soupira en redressant le visage pour toiser chaque personne, arquant un sourcil.
« Quoi ? » lâcha-t-elle.
« Comment te sens-tu ? » demanda d’une voix douce Leiftan.
La lunienne haussa les épaules en se remettant droite sur sa chaise, à force de s’être voutée elle ressentait une légère douleur au niveau de ses épaules.
« Mal à l’aise. Exclue. J’ai hâte de rentrer dans ma chambrée pourrie chez les Purrekos. » avoua-t-elle.
« Estime toi heureuse d’être ici, en vie. Montre de la reconnaissance. » rétorqua Miiko froidement.
Moody darda un regard froid sur la kitsune.
« Je ne vais pas montrer de la reconnaissance à qui que ce soit à cette table. »
Elle marqua une pause en jetant un bref coup d’œil à Leiftan.
« Sauf à toi. » lui confia-t-elle avant de reposer ses yeux sur Miiko.
« Entre un qui souhaite m’étrangler pour me faire taire, l’autre qui me prend déjà pour son bout de viande et le dernier qui serait capable de m’assassiner à coup de potion. Non, je ne me montrerai pas reconnaissante. Pas avec le mépris que vous dégagez à mon égard depuis le Conseil. »
La kitsune serra le poing en se penchant sur la table.
« Modère tes propos, Moody. » dit-elle sèchement.
« Alors cessez vos faux semblants. Cessez de faire bonne figure en m’invitant à votre table alors que je n’y suis pas conviée de bon cœur. Le seul qui se soucie de mon cas, c’est Leiftan. »
La lunienne repoussa sa chaise dans un bruit sourd, quelques regards inconnus se posa sur elle.
« Je n’ai pas ma place ici. Je préfère donc mettre un terme à cette mascarade. M’isoler et me faire oublier. Comme vous aviez choisi dès le départ. J’exécuterai vos ordres chaque jour. Valkyon, à quelle heure et quel endroit dois-je vous rejoindre pour mon entraînement ? »
Ses améthystes se posèrent sur lui. L’homme croisa les bras sur la table, fixant de ses yeux mordorés la jeune femme.
« Dix-sept heures. Rendez-vous à la salle d’entraînement. Avant la cave. » répondit-il.
La lunienne hocha la tête et se leva, posant une main sur l’épaule de Leiftan qui semblait l’imiter.
« Je n’ai pas besoin d’être raccompagnée. »
Sur ses mots, la cendrée tourna les talons pour quitter la cantine sans prêter attention à ce qui l’entourait. De toutes manières, elle s’en fichait pas mal. Elle ne comptait pas se faire remarquer. Le bruit de ses pas résonnèrent sur les pavés de la place du marché. Les bras croisés sous sa poitrine, Moody se hâta vers sa chambrée. Une fois dedans, elle claqua la porte dans son dos et se laissa glisser au sol en soupirant. Ses jambes se recroquevillèrent contre sa poitrine opulente, déposant son menton sur les genoux. Elle fixa un point invisible sur le sol.
Elle ne comprenait vraiment pas ce qu’elle faisait ici, parmi une bande de personnes hypocrites entre elles. Ni pourquoi Mère Lune avait décidé de l’amener sur ces terres. Un voile triste passa dans son regard. Moody avait le mal du pays. Ce n’était pas chez elle ici. Memoria ne lui semblait qu’être un lointain souvenir apaisant. Il y avait sûrement une réponse là-bas. Moody soupira.
Son regard se leva. Elle découvrit un grimoire posé sur les draps de son lit. Elle était bloquée ici pour le moment. Et ne pouvait rien faire tant qu’elle ne saurait pas se défendre. Ses yeux se levèrent vers l’astre lunaire qu’elle apercevait au travers de sa fenêtre.
« Je dois me faire une raison, hein ? Tu veux que je réapprenne tout pour répondre à toutes mes questions. »
Moody soupira à nouveau.
« Comme j’aimerai être omnipotente et savoir ce que tu me prépares Lune. » déclara-t-elle dans un murmure. « Mais tu as raison, je dois prendre mon mal en patience. »
La cendrée s’encourageait bêtement. Elle n’avait pas le choix. Coincée ici, il fallait qu’elle réapprenne à vivre. Un jour, elle pourrait s’enfuir et ne jamais revenir. C’est un objectif qu’elle se fixait. La lunienne se releva pour s’approcher à genoux de son lit, passant ses doigts sur le grimoire d’un air songeur.
« Et j’ai promis à Purerru de l’aider. Comme je l’ai dit, je préfère aider les familiers que les faëliens. »
Elle hocha la tête avec détermination.
« Voilà ce que je vais faire Lune : créer des mini trous noirs. Apprendre à me battre, me soigner et me faire toujours aussi discrète. Une fois que j’aurai toutes ces cartes en main, je pourrais fuir cette cité où je ne suis pas la bienvenue. Qu’en penses-tu ? »
Son regard interrogea le satellite. Elle crut voir un sourire malicieux se dessiner parmi les cratères. La lunienne sourit. Oui, c’était une bonne solution. Ses doigts ouvrirent la première page du grimoire et elle en fut captivée pendant une longue partie de la nuit, faisant danser entre ses doigts une étoile inoffensive.
☾
Assise sur une chaise face au bureau de l’infirmière, la petite femme laissa ses jambes balancer dans le vide d’un air détaché. Comme à chaque fois qu’elle était ici, elle scrutait la pièce d’un air curieux. Cela faisait bien deux semaines qu’elle venait ici à la fin de son travail. A chaque fois, Leiftan l’accompagnait et avec Eweleïn, ils tentaient de l’aider à avoir quelques brides de son histoire. Ça n’avait pas été concluant au départ. Fatiguant aussi pour la jeune lunienne qui semblait se décourager à chaque fois. Néanmoins, elle revenait toujours au même endroit.
Aujourd’hui, ses cheveux commençaient à se décolorer. La moitié de sa chevelure devenait blanche. L’elfe s’installa face à elle, l’air intrigué. Leiftan se mit contre le bureau, les bras croisés sur son ventre. Moody haussa les épaules d’un air las, cela lui semblait normal.
« Peut-être que tout ça a un rapport avec le cycle de la lune ? » proposa le blond.
La lunienne hocha la tête positivement.
« De ce que j’ai lu dans vos manuels, c’est une caractéristique spécifique de mon peuple. Nos cheveux changent de couleur selon la phase de Lune. Je crois que nos pouvoirs aussi. »
Eweleïn se pencha pour attraper son carnet afin de noter tout ce qui semblait important.
« Il faudrait donc tester ça avec Valkyon. » dit Leiftan.
Moody leva son regard vers lui.
« Peut-être que j’arriverai à le mettre au sol pour une fois. »
« Valkyon n’est pas l’homme qu’il te faut pour un corps à corps. » lui fit remarquer le blond. « Nevra reste l’un des plus doué mais… »
Un petit sourire narquois se dessina sur ses lèvres alors qu’elle faisait danser une étoile entre ses doigts.
« Quel grand dommage qu’il soit puni pour me côtoyer. » murmura-t-elle.
Puis d’une voix douce elle reprit :
« Je crois que Lune m’appelle pour fêter sa plénitude. C’est comme si… Je devais me donner à elle. J’ai cette envie irrépressible de le faire. De lui donner mon sang. Penses-tu pouvoir me trouver un grimoire à la bibliothèque sur les sorcières de la Lune ? » demanda la lunienne en levant ses yeux vers Leiftan.
Ce dernier opina faiblement de la tête. Eweleïn fixa Moody.
« Penses-tu pouvoir nous décrire ce que tu y feras à la prochaine séance ? » interrogea l’elfe.
« Bien sûr. » approuva l’autre jeune femme en lui offrant un sourire ravi.
Elle avait hâte de découvrir de quoi serait fait cette nuit de pleine lune. Il n’y avait que trois jours à attendre. Moody fit évaporer ses étoiles en reprenant un air plus songeur. A vrai dire, elle tentait d’apprendre de nouvelles choses à ses homologues. Quelques choses de plus rafraichissant que « je ne sais pas ». L’elfe avait souligné quelques progrès, avec l’aide des autres chefs de garde : Valkyon avait reconnu qu’elle avait quelques bases en combat à l’épée. Ezarel avait confessé que la lunienne avait une bonne mémoire pour recréer des potions de base mais qu’il ne s’avançait pas trop sur le reste. Sa magie avait été un plus.
« Parfait. » conclut l’infirmière en refermant son carnet. « Je pense te laisser quelques jours de répit avant de venir me reconsulter. Je ne veux pas te fatiguer davantage. Et puis on a déjà de bons éléments sur toi, ce qui prouve que tu n’es pas un grand danger pour la cité. »
Moody lui sourit une nouvelle fois en se levant de sa chaise.
« Repose toi bien. » lui dit l’elfe en se redressant à son tour pour la saluer.
La lunienne s’inclina légèrement puis tourna les talons pour suivre Leiftan qui lui ouvrait déjà la porte pour l’accompagner. Il l’invita à l’attendre dans le couloir le temps qu’il aille trouver ce qu’il lui faut dans la bibliothèque. Sagement, la jeune femme s’accouda à la rambarde pour observer la vie des soldats en contre bas, dans la salle des portes. Une ombre passa derrière elle. Ses améthystes se relevèrent, croisant l’œil malicieux du Vampire. Un sourire narquois fendit le visage de Moody qui reporta son attention en bas.
« Fais gaffe, tu pourrais donner des idées à certains dans cette position. » susurra Nevra d’un cheveu sur la langue.
L’homme s’accota à un pilonne en marbre, le regard baissé sur ce qui semblait être des rapports de mission. Moody l’ignora avant de murmurer :
« J’ai comme l’impression que quelqu’un me parle… Etrange. »
Un sourire amusé étira les lèvres du vampire. Moody coula un rapide regard sur celui qui se tenait presque à ses côtés.
« Je croyais que vous n’aviez pas le droit de me parler et de me côtoyer, sur ordre de Miiko. » lui rappela-t-elle.
« Qui a dit que je respectais les ordres ? » rétorqua Nevra.
« C’est bien ce qu’il me semblait. »
« Venant de la bouche d’une personne qui se met une cheffe et un bras droit à dos, c’est mal venu. » lui fit remarquer le vampire.
« Parce que je suis meilleure que vous à ce petit jeu-là. » répondit-elle d’une voix mielleuse en se redressant de la rambarde.
Nevra avait imité le mouvement, plus tôt, tournant le dos à la jeune femme, car Leiftan était sorti de la bibliothèque avec le livre demandé plus tôt. Il jaugea les deux et soupira doucement.
« Moody. Je te raccompagne. » dit-il en l’invitant à descendre l’escalier.
L’interpellée s’approcha de lui pour lui prendre le livre des mains. Et lorsqu’elle passa près du vampire, elle lui balança volontairement quelques mèches de cheveux au visage tandis qu’elle faisait mine de se recoiffer. C’est l’air innocent que la lunienne descendit l’escalier aux côtés de Leiftan, savourant le regard avide du vampire dans son dos avant de disparaître hors du Q.G.
Le soir-même, la lunienne s’était plongée dans la lecture intensive du grimoire que lui avait confié Leiftan. Elle ressentait une forte connexion avec ce qu’elle lisait. Elle avait enfin l’impression d’avoir trouvé une réponse. Un sourire se greffa à sa bouche, incapable de s’en défaire. Un frisson parcourut son échine alors que la lune se dévoilait dans son dos. Moody referma doucement le grimoire et se tourna vers sa fenêtre.
« Je te ferai les plus grandes offrandes dans trois jours, Lune. Mais je dois d’abord trouver quelques ingrédients… » murmura la lunienne.
Sa main gratta l’arrière de sa nuque. Ce serait sa mission d’ordre pour demain. Elle inspira profondément et se laissa tomber sur son matelas miteux. Ses yeux fixèrent l’astre nocturne, se berçant de sa lumière afin de se laisser sombrer dans un sommeil lourd jusqu’au lendemain matin. Moody bailla et se prépara ensuite en silence à rejoindre Purreru.
Elle passa sur le haut de son corps une chemise bouffante blanche avant d’entourer ses hanches d’une jupe longue et légère afin de marquer sa taille. La lunienne opta pour une queue-de-cheval haute et ses bottines. Elle maquilla ses yeux bridés d’un fin trait de liner pour étirer son regard. Encore une même journée. Ou presque. Une routine à laquelle elle avait fini par s’habituer. Moody ouvrit la porte après avoir rabattu la capuche de sa cape sur le haut de son crâne, s’engouffrant dans les ruelles déjà animées pour rejoindre la boutique de familiers.
La lunienne salua Purreru d’un signe de la main tandis qu’il lui servait déjà une tasse de thé fumant. Elle inspira pleinement l’odeur de menthe poivrée avec un petit sourire.
« Tout ce dont j’avais besoin. Merci mon beau. » remercia-t-elle.
Purreru ronronna en s’installant devant elle.
« Aujourd’hui, je vais tester ce que tu m’as demandé. J’ai réussi à en former quelques-uns. Mais j’ai besoin de savoir si c’est nutritif pour eux, ou non. » informa Moody en saisissant sa tasse chaude entre ses doigts. « Saurais-tu où je pourrais me fournir en plantes, pierres et autres trucs de sorcellerie ? »
Le félin pencha sa tête sur le côté avec intrigue avant de réfléchir.
« Pe-peut-être dans le fond de la bou-boutique de Pu-Purroy. Mais. Mais je dois t’avouer que Pu-Purral sait p-plus de choses que m-moi. » rougit Purreru.
Moody lui adressa un tendre sourire.
« Merci tout de même pour ta réponse. Tu en sais quand même quelque chose. » le rassura-t-elle.
Après quelques instants à se prélasser, Moody se débarrassa de sa cape pour aller dans le fond de la boutique pour laisser Purreru accueillir les premiers clients. Les mains sur les hanches, elle observa les familiers qui l’attendaient déjà pour leur toilette. Ce n’est que vers onze heures qu’elle commença à nourrir ces petites bêtes avec un léger sourire. Assise sur un tabouret, Moody ferma les yeux et inspira lentement avant d’expirer.
« Bien. Voyons voir ce que j’ai appris. »
Paumes vers le plafond, la lunienne prit un instant pour se concentrer sur la magie qui régnait dans ses veines. Il ne fallait pas qu’elle soit blanche. Elle devait être empli de noirceur et d’inoffensivité pour ne pas blesser les homonculus. Le bout de ses doigts lui brula et elle sentit quelque chose se former aux creux de ses paumes, comme des milliers de bulles. Moody rouvrit les yeux pour observer les mini mini-trous noirs au centre de ses mains. Elle fit une petite moue. Ce n’était pas la taille escomptée mais les familiers de l’ombre piaillaient déjà autour d’elle pour la féliciter.
« J’aurais pu faire mieux mais vous savez quoi ? C’est déjà pas mal pour un nouvel essai, non ? » questionna-t-elle avant de tendre ses mains vers les homonculus.
Ce sont les plus vieux qui tentèrent les premiers à goûter ces drôles de mini-trous noirs. Moody les observa attentivement. Aucun signe de rejet, de douleur. Purreru arriva à cet instant pour regarder avec elle, sa queue battant dans son dos.
« La pre-première étape semble bo-bonne… » constata le félin.
« Oui. Tout à l’air de bien se passer… Il ne me reste plus qu’à savoir si cela est nutritif. Mon taux de maanas n’est pas très fort puisque je ne suis pas liée au cristal, comme vous. »
Les homonculus finirent tour à tour leur portion, se regardant. Les bébés volèrent joyeusement et les adultes se frottèrent le ventre d’un air repu. Moody pencha son visage sur le côté.
« Maintenant, allez vous amuser dans le jardin pendant une heure. On verra si vous êtes rassasiés. » ordonna-t-elle d’une voix douce.
Son regard suivait leur mouvement vers l’extérieur avant de se lever pour ranger un peu l’arrière boutique. En s’approchant des minis-trous noirs dans les bocaux, la lunienne les fit danser du bout des doigts. Elle était connectée à ces êtres astraux. Purreru apparut dans son champs de vision pour prendre possession des bocaux et préparer l’éventuel goûter des homonculus, si tous se jetaient dessus en rentrant de leur promenade alors Moody avait failli à sa tâche.
Ce qui n’arriva pas, seuls deux ou trois familiers avaient décidés d’être gourmands. Le félin fut plus que ravi et posa un regard rempli d’espoir sur la jeune femme aux cheveux décolorés. Elle lui adressa un clin d’œil complice avant de déposer un geste tendre sur le sommet de son crâne. Le simple fait d’avoir réussi cette petite mission avait réussi à mettre du baume au cœur de la lunienne. Elle put partir le cœur léger à la boutique du félin alchimiste.
Purroy l’accueillit dans son antre. Moody regardait les objets d’alchimie avec curiosité mais ne préféra pas s’y éterniser. Comme l’avait si bien insinué Ezarel, elle n’était pas faite pour cet art. La jeune sorcière s’immisça dans l’arrière boutique, où les objets spirituels lui parlaient davantage. Des pierres, des plantes, de multiples recueils. Elle pourrait faire des achats compulsifs. Ses doigts effleurèrent la rainure d’un grimoire, frémissant à son contact tandis que ses autres phalanges ressentaient la vibration des pendules Tout lui inspirait de bonnes ondes, mais elle préféra économiser le peu de pièce d’or qu’elle avait.
Néanmoins, Moody ne se priva pas d'acheter ce dont elle avait besoin pour sa nuit de pleine lune : des pierres de lune, du sélénite, du cristal de roche, de la sauge et un nouveau grimoire. Un sourire enjoué s’était dessiné sur ses lèvres lorsqu’elle eut quitté la boutique. Ce n’était peut-être pas le meilleur endroit, mais elle s’en satisfaisait. La lunienne laissa ses pas la guider vers les jardins. Après une journée aussi trépidante en émotion, il lui fallait extérioriser toute cette euphorie.
Ses yeux se promenèrent sur la verdure qui l’entourait, s’étonnant toujours de la beauté que pouvait provoquer Dame Nature à un lieu. Sa contemplation se stoppa lorsqu’elle entendit des sanglots non loin d’elle. La lunienne pencha son visage sur le côté en cherchant du regard la source de ces pleurs. Elle découvrit près du cerisier un petit brownie aux cornes de mouton. Moody s’approcha doucement du petit garçon qui sursauta en la voyant.
« Eh bien, grand bonhomme… Qu’est-ce qui te met dans tous ces états? » demanda-t-elle d’une voix douce.
L’enfant fixa la femme sans s’arrêter de pleurer. La lunienne se mit à genoux devant lui, le scrutant avant de poser ses achats à ses côtés.
« Est-ce que tu as perdu tes parents ? » interrogea-t-elle.
Le garçon secoua négativement la tête, les traits déformés par sa tristesse. Moody tendit sa main vers lui.
« J’ai… J’ai perdu… M-mon crylasm. » sanglota le jeune brownie.
« Oh… » fit Moody. « Il ne doit pas être loin. Veux-tu qu’on le cherche ensemble? » proposa-t-elle.
Le garçon frotta ses yeux rouges en hochant la tête.
« D’accord. Mais d’abord tu dois sécher ses grosses larmes. Il ne faudrait pas que ton familier soit triste de te voir comme ça. » dit-elle en se penchant vers lui pour effacer ses larmes de ses pouces.
Elle lui adressa un tendre sourire avant de se relever en prenant la main du garçon.
« Je m’appelle Moody, et toi ? »
« Me-Mery. »
« Enchantée Mery. Dis-moi, où as-tu envoyé ton familier ? »
Mery sembla l’espace d’un instant réfléchir puis baissa le regard.
« Au terrier. »
Moody se pinça les lèvres, elle n’avait pas le droit de sortir de la cité sans être accompagnée d’un membre de la garde. Elle jeta un coup d’œil aux alentours. Rien à l’horizon. Au diable leurs stupides règles. Ils n’y verront que du feu. La lunienne prit ses achats et se dirigea avec le jeune garçon hors du jardin.
« Et toi? Tu as un familier ? » demanda curieusement Mery.
Moody lui sourit.
« Non. Mais je m’occupe d’eux. Alors je te promets qu’on va vite retrouver ton crylasm. A-t-il un nom ? »
« Non… » dit le mouton, tristement.
« On lui en trouvera un tous les deux alors. Qu’est-ce que tu en penses? » proposa la lunienne.
L’idée sembla plaire à l’enfant. Il proposa des tas de noms jusqu’à ce qu’ils arrivent à hauteur des portes de la cité grande ouvertes et non surveillées. Moody leva les yeux au ciel avec exaspération. Eel, cité de toute sécurité. Elle se tourna vers Mery et se mit à sa hauteur.
« Tu n’es pas très grande. » constata Mery.
Moody rit.
« C’est pas gentil de dire ça. Mais tu n’as pas faux. »
Elle marqua une pause avant de reprendre.
« Je vais te confier une mission de la plus grande importance. »
« Ah oui? » s’enthousiasma l’enfant.
« Oui. Tu vas garder mon sac et tu vas devoir me protéger, en mentant. »
« Mais… Maman dit que ce n’est pas bien de mentir. »
« Ta maman a raison. Mais ce sera notre secret d’accord ? Tu ne peux pas sortir de la cité. Moi non plus. Mais je suis une adulte. »
Mery hocha vivement la tête et continua d’écouter le plan de la lunienne:
« Si un soldat te pose des questions, tu dis que tu regardes le paysage ou que tu attends le retour de ton familier. D’accord? »
« D’accord. »
« Et il faut que les grands ne me voient pas donc tu dois beaucoup leur parler de ton crylasm. »
Mery bomba le torse. Moody lui sourit tendrement avant de lui ébouriffer les cheveux. Elle se redressa et scruta les alentours avant de sortir hors de la cité. Qu’est-ce qui pouvait bien lui arriver après tout ? Sans crier gare, elle se précipita hors des remparts pour courir jusqu’au terrier, sans regarder derrière elle. Ses améthystes épièrent l’horizon à la recherche du crylasm de Mery, ralentissant sa course pour être sûre de ne rien louper.
La lunienne s’avança vers le terrier, se penchant quelques peu vers le trou: rien. Elle soupira faiblement en regardant autour d’elle. Ce n’était pas la période des amours pourtant. Elle mordilla l’intérieur de sa joue en faisant le tour de la bute de terre. Là, elle finit par trouver ce qu’elle cherchait: coincé dans un trou bien plus petit que sa masse.
« Je crois que Mery te gâte un peu trop d’esquimau mon mignon. » murmura la lunienne avec un sourire amusé.
Moody s’approcha du familier et le caressa d’abord d’une main rassurante pour qu’il se calme.
« Voilà tout doux. Je vais t’aider. Et j’attraperai ce que tu cherches à avoir. » l’informa-t-elle en posant une de ses mains contre la terre.
L’autre s’enroula autour de l’arrière train du crylasm pour le bloquer contre sa hanche. Moody fit appel à sa magie pour faire exploser un tas de terre non loin de la bête pour agrandir le trou sans lui faire de mal. Elle maintint le crylasm qui couinait contre elle tandis qu’elle réussissait à le sortir.
« Là, là. N’aies pas peur. Tu vois, tu es sorti d’affaire. » dit-elle d’une voix calme en caressant son pelage.
Le familier le regardait avec de grands yeux étonnés, rabattant ses oreilles en arrière avec peur. Moody n’y prêta pas attention et plongea sa main dans le terrier pour attraper l’objet de convoitise: une paire de bottes usées.
« C’est une magnifique trouvaille que tu nous as fait là. » dit-elle ironiquement en observant les bottes.
Une odeur mentholée parvint à ses narines. Moody se raidit aussitôt. Merde. La lunienne fit aussitôt volte-face. Lance. Le crylasm couina de peur, se mettant en boule contre la poitrine de sa sauveuse. L’homme fronça les sourcils.
« Vous ici. » lâcha Moody sur un ton innocent.
L’Etincelant gronda comme un animal. La lunienne releva le menton.
« Que faîtes-vous hors de la cité sans garde ? Qui vous a autorisé ? » s’écria l’homme.
« Ah bon ? Je suis hors de la cité ? Oh, mince. Les portes étaient ouvertes. J’ai cru que c’était une autorisation. » répondit calmement la jeune femme.
Avec violence, l’homme frappa le tas de terre près de Moody qui ne cilla pas. Elle se contenta d’hausser les épaules.
« Alors, qu’aurais-je du faire ? Laisser le gamin aller chercher son familier hors de la cité et qui lui arrive quelque chose ? Dîtes moi tout Lance, je suis toute ouïe. Vous n’en pensez pas moins. Ma vie ou celle d’un enfant de la cité ? Le choix est vite fait pourtant. Alors pourquoi tant de colère en vous ? »
« Il fallait appeler un garde aux remparts. » dit Lance sèchement.
« Garde qu’il n’y a pas aux remparts puisque les portes sont grandes ouvertes. » rétorqua la lunienne en le défiant du regard.
Ce dernier serra la mâchoire en jaugeant l’insolente. Son regard de glace se planta dans celui améthyste de son homologue. Il lui ferait payer sa désobéissance. Moody arqua un sourcil en sentant le familier trembler contre elle. Son regard se baissa sur le crylasm, caressant son poil avec tendresse.
« Maintenant, si vous avez le plaisir de me raccompagner à la cité, je vous suis. Prenez de la distance. Vous terrorisez ce pauvre familier. » lâcha-t-elle.
« Attendez-vous à des sentences pour votre désobéissance. » claqua l’Etincelant en se redressant.
« Grand bien vous en fasse. » rétorqua la lunienne en lui emboîtant le pas trente secondes après.
Lorsqu’ils passèrent les portes de la cité, Mery se cachait dans les jupons de sa mère en voyant le regard glacial de l’Etincelant. Moody soupira en passant devant lui. Ce don pour terroriser les enfants et les familiers. Lance darda un regard noir sur la jeune femme, comme si il avait entendu ses pensées. Moody s’accroupit à hauteur du petit brownie, lui présentant son familier et le lot récolté.
« Voilà mon beau. Ton crylasm qui voulait te faire un beau cadeau mais qui s’est retrouvé coincé… Combien lui donnes-tu d’esquimau par jour ? » demanda la lunienne, soucieuse.
Le petit s’empara de son familier pour le serrer contre lui, des larmes roulants sur son visage. Il hoqueta en câlinant le crylasm. Sa mère caressa ses cheveux et posa son regard sur la nouvelle de la cité.
« Merci pour votre geste. » dit timidement la brownie.
Moody releva la tête et la hocha respectueusement.
« Et je ne donne qu’un esquimau à son familier, mais peut-être que mon fils lui en donne un autre en cachette. »
La femme déglutit en posant son regard sur l’Etincelant.
« Pardon de vous avoir fait déplacer, vous et les autres, pour mon fils. » s’excusa-t-elle.
« C’était de notre devoir de le faire. » la rassura-t-il, d’un ton calme.
Moody ébouriffa les cheveux de Mery avec un petit sourire. Ce dernier attrapa sa main et tira dessus pour s’empresser de lui dire un secret :
« Je vais appeler mon crylasm Moody parce qu’il aime les bottes, comme toi. »
La lunienne gloussa tendrement avant de déposer un baiser sur sa pommette.
« Ça lui va à ravir. » déclara-t-elle.
Mery et sa mère remercièrent une dernière fois la lunienne. Cette dernière reprit possession de son sac d’achat, tournant les talons pour s’en aller sans saluer l’Etincelant qui continuait à la fixer.
« Vous ressemblez plus à un sabali qu’un crylasm. » dit-il.
La lunienne marqua un arrêt et ne perdant pas la face, elle jeta un dernier regard à l’homme.
« Et vous à un monchon. » rétorqua-t-elle. « Bonne soirée Lance. »
Puis elle continua son chemin, un rictus malicieux au coin de ses lèvres. Elle paierait sûrement pour son insolence mais cela lui importait peu. Moody était bien trop concentrée sur ce qui pouvait l’attendre dans trois jours, à la pleine lune. Une excitation soudaine parcourut ses veines et la fit soupirer lascivement, elle avait hâte.
Chapitre 4 - L'Astral
Moody jeta un regard vers le ciel embellit par les étoiles, un petit sourire au coin de ses lèvres. C’était enfin le grand jour, celui qu’elle attendait, qu’elle préparait, qu’elle étudiait. La lunienne referma dans son dos la porte de son habitacle de fortune, inspectant la pièce d’un coup d’œil circulaire. Elle tira sa table de chevet au centre de la pièce, où la lune éclairerait à son zénith. La jeune femme approcha un sac près d’elle, en sortant les multiples babioles que Purreru avait pu lui prodiguer : pierre précieuses, encens, bougies blanches, sauge et lavande, réceptacle, athanée et sel pur.
La lunienne, dont les cheveux avaient entièrement blanchi, se dirigea ensuite vers son armoire pour se débarrasser de sa tenue pour l’échanger avec une robe transparente. Le pan de cette dernière se fendait à la perfection à partir de ses hanches rondes. Nue sous son voile, Moody tressa ses cheveux en silence, s’offrant une méditation soudaine. Elle était euphorique et angoissée à la fois. C’était son premier voyage sur l’Astral. Un endroit où seules les âmes répondant à la magie nocturne pouvaient se joindre. Leiftan lui en avait vaguement parlé, et cela avait suscité son intérêt en tant qu'enfant de dieux lunaires.
Prête à franchir cette nouvelle étape après de multiples recherches. Un nouveau sourire, heureux, se peignit sur ses lèvres pulpeuses. Moody s’installa à genoux devant l’autel de fortune, déposant le réceptacle entre les deux bougies qu’elle avait préalablement allumées. La lunienne embrasa ses encens de sauge et de lavande puis mis de la sélénite et de l’améthyste dans le fond de son réceptacle. La jeune femme se saisit d’une de ses mèches blanches pour la couper sèchement avec l’athamé. Tant pis pour la frange droite pensa-t-elle. Moody lâcha les mèches dans le bol et apposa la lame de son petit couteau dans le creux de sa paume. Sèchement, elle trancha sa chair dans un grondement sourd, le souffle lourd. Ses pupilles observèrent les gouttes de sang tomber et tâcher son poignet laiteux.
« Ad tuam gloriam, Luna Mater.Utinam hac nocte te ad Hunte coniungam. Animam meam suscipe in Astra. » murmura-t-elle, le regard levé vers l’astre nocturne.
A ta gloire, Ô toi Mère Lune. Puisse me joindre à vos côtés ce soir pour la Chasse. Puissiez-vous accepter mon âme sur l'Astral.
Moody posa sa lame avant de lécher sa plaie et se reculer au centre de la pièce avec le sel pur. Elle plongea sa main blessée dans le sac, grimaçant légèrement. Autour de son corps, elle dessina un pentagone, ajoutant à chaque pointe un signe pour ouvrir les portes de l’Astral. Face à l’autel, le signe de Lune, derrière elle celui de la Terre, à sa gauche l’Astral, à sa droite celui de l’Être. Moody compléta les cinq branches avec un dernier élément : un Zodiaque. Satisfaite de son travail, elle s’empara d’une pierre de lune qu’elle déposa sur son front après s’être allongée au centre de son cercle. La lumière de la lune pourléchait chaque parcelle de sa peau, la faisant frémir. Elle croisa ses mains sur son ventre et lentement se laissa bercer par sa respiration. Moody entrait en méditation silencieuse, laissant le fil de ses pensées l’emporter sur sa raison. Son corps se fit plus lourd, plongé entre le sommeil paradoxal et profond. Les yeux clos, elle entrouvrit ses lèvres pour expirer un dernier soupir. C'était l'heure.
Une lumière éblouissante se créa derrière ses paupières. Son âme était inlassablement attirée par cette aura qui l’appelait. Moody se laissa faire, s’extirpant de son enveloppe corporelle. Elle n’était plus qu’un amas translucide, brumeux, flottant au-dessus d’un corps presque cadavérique. La lunienne cilla. Elle avait réussi à quitter sa prison de chair, volant entre les deux dimensions. Son corps s’était mis en veille sur le plan eldaryen. Un sanglot s’échappa de ses lèvres, des larmes blanches roulèrent sur ses joues. L'Astral vibrait dans son dos. Elle avait réussi. Sa main se posa contre ses lèvres tremblantes en observant une dernière fois sa prison vivante et se détourna vers le nouveau lieu cosmique.
La galaxie se perdait parmi les nuées d’étoiles, de trous noirs et autres êtres de l’espace. Des planètes, des nébuleuses… Moody était émerveillée parce qu’elle découvrait mais fut coupée de sa transe quand un amas sombre passa non loin d’elle. Une femme, dont la peau était un parfait mélange d’un ciel nocturne et des cheveux d’un noir hypnotique, poursuivie par une horde d’âmes euphoriques. Moody écarquilla les yeux, prise dans cette frénésie folle à son tour. Lune. Elle ne réfléchit pas plus et décampa de sa position pour rejoindre la foule, à la poursuite de son rêve. La lunienne courait à en perdre haleine. Ses pas étaient aussi voluptueux que les nuages qui l’entouraient. Elle crapahutait parmi les autres âmes en quête de sa Dame. Son regard se perdait sur les volutes environnantes, mais elle ne prenait pas encore le temps de les contempler. Un sourire radieux baignait sur les lèvres de Moody tandis qu’elle redoublait d’effort, sans s’épuiser, pour courir après sa Déesse. Déesse qui riait aux éclats de sentir ses enfants derrière elle. Un flash aveugla Moody.
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Luna, aussi appelée « Olympe lunaire ». Vingt-quatre octobre de l’année sélénite quatre-vingt-quinze. Posée délicatement contre la poitrine de sa mère, le poupon leva ses grands yeux violets vers elle. Moody était si différente, Séléné le savait au fond d'elle. Tout le pays acclama cette naissance. Máni se contenta de regarder ses deux merveilleuses femmes sans un mot. Bientôt des messagers seront envoyés aux quatre coins de ce merveilleux monde pour les informer de cette réjouissance. Vingt-trois heures vingt-trois. A la vingt-troisième seconde, un nouveau cri déchire ce lieu. Une petite fille vient de naître... Moody. Future déesse de l'Olympe lunaire. Reine de Luna.
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Quelque chose percuta Moody contre son flanc, l’interrompant dans ce souvenir. Un râle frustré lui échappa tandis qu’elle roulait parmi les nuages. Lorsque cette course s’arrêta, la lunienne tenta de se relever, paniquée. Il ne fallait pas qu’elle perde sa Dame dans cette course effrénée dans l’Astral.
« Ne t’en fais pas jeune prêtresse. Lune t’attendra. » susurra une voix.
Moody reporta son attention sur la personne qui l’avait plaqué à terre, s’immisçant lourdement entre ses cuisses nues. Elle réprima un gémissement, déposant ses doigts autour des avant-bras non loin d’elle. Ses améthystes scrutaient son homologue. Une chaleur naquit dans le bas de son ventre alors qu’elle se retrouvait surplombée d’un homme à la queue de scorpion.
« Qui êtes-vous ? » demanda la lunienne qui se cambrait sous les doigts de l’homme qui empoignait ses hanches.
« Un Zodiaque. » répondit l’homme, évasif. « Et tu seras une des miennes. »
Le Zodiaque s’empara des lèvres de la femme aux cheveux blancs. Elle s’embrasa un peu plus sous son toucher. Leur baiser était langoureux, coupé de souffle haletant. Moody avait enserré ses cuisses autour de l’homme scorpion, l’invitant à aller plus loin dans ses gestes. Mais il ne faisait rien à part la frustrer. Le plaisir qu’elle éprouvait était coincé au creux de son ventre. Quelque chose lui brûla les reins.
Sa Dame l’appelait.
Soudain, Moody inversa la position avec son partenaire arachnide. Le souffle court et chaud. Le Zodiaque fit glisser sa paume contre les formes voluptueuses de la petite femme qui ferma les yeux, ondulant son bassin sur lui. C’était une danse sensuelle et entêtante. Son âme entière vibrait avec celle de l’inconnu. Une nouvelle énergie se déversa parmi son corps astral, l’obligeant à se cambrer et rejeter la tête en arrière.
Ses améthystes scrutèrent le plan astral au-dessus d’elle alors que l’homme prenait possession de son corps. Il n’y avait aucune pénétration. Elle avait l’impression de vivre un rêve érotique, les yeux hypnotisés par les volutes célestes et violettes. Son âme vibrait, dépendante du plan astral. Le Zodiaque se stoppa sous elle, remontant ses lèvres sur sa poitrine puis sur sa bouche pour y murmurer :
« Te voilà femme de Scorpion, petite prêtresse. Par le Soleil, Vénus et Pluton. » déclara-t-il.
Moody le regarda, hébétée. Qu’est-ce que cela signifiait ? Scorpion rit franchement en passant ses doigts contre sa joue rougie par l’excitation. Il lui vola un dernier baiser avant de disparaître dans le nuage. La lunienne se sentait toute groggy et frustrée, mais ne se laissa pas pour autant démonter. Lune chanta son nom et comme un loup-garou à l’appel de la pleine lune, elle reprit sa course folle vers sa maîtresse. Tout était si différent sur l’Astral. Moody ne ressentait pas la fatigue, la douleur. Elle était si légère loin de son enveloppe corporelle. Son âme se camouflait parmi les volutes violettes et pétillantes d’étoiles. Elle se sentait euphorique, intouchable, increvable. La lunienne redoublait d’effort pour rejoindre Lune, cette Sorcière qui la rendait vivante.
Lune se tenait de toute sa splendeur, dans sa tenue de chasse, sur l’autel céleste. Nyx la vêtit de son plus beau voile. Moody ralentit sa course, observa les nombreux enfants de sa Dame. Elle n’était peut-être pas la seule ici, mais Lune s’assurait de rendre chacun de ses enfants uniques à ses yeux. Cette dernière tendit la main vers la lunienne qui sentit son âme vibrer. Lorsqu’elle fit un pas vers sa déesse, douze êtres apparurent à ses côtés.
Moody stoppa sa marche pour les observer. Elle reconnut Scorpion, dans sa tenue dorée, le torse dessiné comme un corps grecque. Ses cheveux étaient blancs et courts, l'une de ses mèches caressaient ses yeux mordorés. Un corset enserrait sa taille, un voile était passé sur ses épaules bâties, il portait fièrement une paire de cuissardes dorées. Moody s’empressa de faire une révérence à ces divinités avant de s’avancer vers Lune. Une femme dont la peau faisait référence à un ciel étoilé et le visage tatoué de son cycle. Ses cheveux semblaient d’une longueur infinie, aussi noir que la nuit. Ses yeux translucides fixèrent intensément la lunienne qui arrivait à sa hauteur. Sa fille se mit à genoux à ses pieds, tête baissée.
« Je ne pensais jamais te rencontrer fille de Séléné. » déclara d’une voix calme Lune.
« C’est un honneur, ma Dame. » murmura Moody, le regard rivé sur le sol.
L’astre caressa les cheveux blancs de la lunienne en silence.
« Comment s’est passée ta toute première Chasse ? » demanda la reine de la nuit.
Sa fille spirituelle releva le visage vers Lune, un fin sourire sur son visage.
« Puissante. Intense. Incroyable. Même si je ne comprends pas pourquoi vous m’avez appelé ici. » répondit la lunienne avec honnêteté.
Elle n’avait pas besoin de mentir à sa Déesse. Lune se mit à sourire mystérieusement en s’asseyant avec grâce face à Moody.
« Je t’ai appelé ici pour que tu puisses comprendre ta place sur l’Astral. Tu sais que tu es l’une de mes filles. Une sorcière, une prêtresse de la lune. Prends le nom qui te convient le plus. Tu as lié ta vie au destin que je choisirai pour toi. »
La jeune prêtresse cilla en assimilant ces nouvelles informations.
« Je vis et meurs pour vous. » conclut Moody.
« C’était ta destinée en tant que fille de Séléné. Tu m’as prêté allégeance. » l’informa Lune.
« Je ne m’en souviens pas… » s’excusa la lunienne en baissant le regard.
« Ça te reviendra. Comme tous ces souvenirs que tu as perdu. » assura la Grande Prêtresse en glissant ses doigts contre sa joue.
La lunienne lui adressa un faible sourire, s’autorisant à laisser son regard divaguer vers le Zodiaque à qui elle appartenait.
« Scorpion est celui à qui tu as donné ton identité. Il te définira là où tu vis. Fera de toi ce que tu es vraiment. »
Moody se gratta l’arrière de la nuque. Cela faisait beaucoup d'informations à enregistrer en une seule nuit. Lune lui adressa un sourire affectueux.
« J’ai la nuit pour tout t’apprendre. »
La jeune prêtresse hocha la tête et écouta son récit sans jamais l’interrompre avec ses questions. Lune lisait en elle comme dans un livre ouvert. Moody était une fille de la Lune, tous ses pouvoirs étaient donc reliés à son astre. Sa puissance varierait selon le cycle. Scorpion était son signe, son ange gardien. Il définissait son caractère, ses attitudes et ses points faibles. Lors des prochaines chasses, d’autres Zodiaques tenteront de faire d’elle leur appartenance. L’homme à la queue de scorpion se redressa pour se glisser dans le dos de Moody, laissant son dard glisser le long de sa cuisse dénudée.
« Mais pour ça, il faudra me passer sur le corps. » murmura-t-il à son oreille.
La lunienne frémit en plantant ses dents dans la chair pulpeuse de ses lèvres. Scorpion avait une aura puissante et sexuelle. Il jouait comme un aphrodisiaque et le corps de Moody ne faisait que de l’appeler. Or, elle tentait de refouler ses pulsions en laissant ses améthystes parcourir l’assemblée des enfants de la Lune. Elle croisa le regard sombre de l’un d’eux. La jeune femme huma l’air et fronça les sourcils. Une odeur de cendre et de sang. Son attention se détourna vers Lune qui se pencha sur elle pour l'embrasser chastement ses lèvres. Moody cilla en se laissant aller contre Scorpion.
« Profite des derniers instants de chasse. » dit l’Astre en se relevant.
La lunienne se redressa tout aussi vivement, prise de désarroi.
« Ne t’en fais pas ma Fille, je ne suis jamais loin. Je voulais simplement te saluer. »
« Mais… » commença Moody.
« Tu es entre de bonnes mains. »
Lune lui sourit tendrement et s’approcha d’elle à nouveau pour déposer un baiser sur son front. Moody sentit une chaleur brûler sa peau, mais cela ne lui fit étonnement pas mal. C’était une chaleur rassurante, un baiser protecteur, une entrée dans le cercle privatif des enfants de la Lune. Elle ferma les yeux en se détendant et lorsqu’elle rouvrit les paupières, Lune avait disparu, Scorpion avait planté son dard dans son avant-bras et l’assemblée avait disparu.
La lunienne eut un faible gémissement en baissant son regard sur ce que faisait Scorpion, hébétée. L’homme rit à son oreille en laissant ses doigts effleurer chaque partie sensible de son corps tendu par l’excitation. Bien sûr, Moody l’invita à descendre plus intimement, ce qui provoqua un rire plus franc au Zodiaque.
« Un autre jour douce lunienne. » susurra-t-il en ôtant son dard.
En ce même instant, un flash passa devant les yeux de Moody et le retour à la réalité se fit en un sursaut violent. La jeune femme cilla, groggy, allongée à même le parquet de sa chambre miteuse. Déboussolée, elle tentait de reprendre ses marques dans le monde des vivants, le souffle haletant. Ses yeux cherchèrent l’astre de nuit, il lui caressait sa peau opaline de sa lumière. Moody se pinça l’arête du nez.
« Putain… » murmura-t-elle en fermant ses yeux.
Son corps appelait au plaisir et personne ne pouvait la combler. Son bas ventre brûlait de désir, des centaines de feu d’artifices explosaient entre ses cuisses galbées. Elle ouvrit les paupières en soupirant, laissant une de ses mains longer son corps. Moody observa un instant sa peau. Elle brillait autant qu’un ciel étoilé et des constellations s’étaient incrustées dans ses chairs, notamment celle du scorpion, là où le Zodiaque l’avait piqué. La jeune femme se redressa pour observer son reflet effaré dans le miroir. Au milieu de son front brillait un croissant de lune. Un sourire se peignit fièrement sur son visage de porcelaine. Moody se trouvait changée. Belle et assurée. Vaniteuse et provocatrice. Elle humecta ses lèvres en laissant une de ses mains glisser entre ses cuisses, sous sa robe. La Chasse n’était pas finie. Il fallait qu’elle célèbre ça, seule, pour calmer son euphorie.
***
Son corps roula lourdement dans l’herbe. Un gémissement à la fois plaintif et frustré s’échappa de sa gorge alors qu’elle se retrouvait face au sol. Moody recracha la touffe d’herbe qui avait réussi à s’immiscer entre ses lèvres. Ses muscles étaient endoloris par l’effort et la tension.
« Relève-toi. On recommence. » dit Valkyon d’une voix autoritaire.
La lunienne grogna en se relevant difficilement, se maintenant d’une main sa côte qui la lançait. Les sourcils froncés, elle affronta l’Obsidien du regard. Désarmée, elle tendit sa main vers l’homme.
« Rends-moi mon arme. » ordonna Moody sans le quitter du regard.
« Viens la chercher. » rétorqua l’homme en faisant danser son épée de bois entre ses doigts.
Moody serra la mâchoire et fit craquer sa nuque en se redressant fièrement. Elle dégagea ses épaules du tissu qui la gênait et se para en position d’attaque. Quelques curieux étaient venus regarder son entraînement, dont Leiftan et Lance. Même si elle ne le voyait pas, elle sentait son odeur mentholée. Elle préféra se concentrer sur celle boisée de Valkyon et se rua vers lui prête à l’affronter au corps à corps. Ce n’était pas son point fort, mais elle faisait des progrès. Sa petite taille et sa souplesse lui donnaient un certain avantage. Son talon frappa la cuisse de Valkyon qui s’empressa de lui attraper la cheville. Malgré la surprise, Moody sut réagir rapidement en donnant une impulsion à sa jambe libre pour décocher un coup dans la mâchoire de l’homme qui la relâcha aussitôt. La jeune femme en profita pour récupérer ce qui lui était dû. De nouveau armée, elle se mit en position d’attaque en jaugeant le chef Obsidien, lui décochant un regard condescendant, relevant un sourcil.
Leiftan afficha un sourire malicieux au coin de ses lèvres, fier de sa protégée. Valkyon eut un léger rire en scrutant la femme aux cheveux blancs, prenant sa propre épée en main. Moody humecta sa bouche. Les deux adversaires d’une journée commencèrent leur valse, évitant, parant les attaques de l’autre. La femme n’était pas plus forte que l’homme mais sa détermination lui permit de ne pas flancher ou de lui céder trop de terrain. Lance croisa les bras, le visage fermé et tendu par l’agacement. Il savait très bien que son jumeau n’y mettait pas toute sa force.
Le bras droit de l’Etincelante soupira et se détourna un instant pour se défaire de son armure, se dévoilant avec un haut noir qui s’arrêtait à ses coudes, retraçant la forme musclée de ses bras. Il s’engagea sur le champ, armé de son épée forgée dans l’acier. Moody évita une nouvelle attaque de Valkyon, haletante. Elle fut prise de court quand il se fit envoyer au tapis par son frère. La lunienne fronça les sourcils en jaugeant l’homme aux yeux bleus.
« Lance ! » s’exclama l’Obsidien dans son dos.
Lance attaqua franchement la lunienne sans lui laisser le temps de réfléchir. Moody couina en esquivant les coups du mieux qu’elle pouvait. Elle chargea ses mains d’une lumière blanche sans plus réfléchir et pointa son attaque contre l’arme de l’Etincelant, mais elle lui toucha le poignet. Lance gronda en relâchant l’arme. Moody sembla hébétée le temps d’un instant puis déguerpit aussitôt, elle ne saurait pas se mesurer à ce guerrier-là.
Soudain une décharge lui électrisa la moelle, la faisant lourdement tomber au sol. Des fils rouges, provenant des doigts de son adversaire, la retournèrent sans douceur sur le sol. Un goût métallique remplit sa bouche, le souffle coupé par la douleur. Elle voyait les étoiles en plein jour, le soleil faisait grisonner sa chair blanche. Lance enserra soudainement sa gorge et la leva sans difficulté à sa hauteur. Moody plaqua une de ses mains sur son poignet, tentant en vain de se débattre.
« Pauvre Sabali étranglée. Tu es faible. Ne sors plus jamais hors de la cité sans notre autorisation et sans savoir me battre. » dit sèchement Lance, l’air vengeur sur ses traits.
Moody ne pouvait pas rétorquer tant il lui enserrait la gorge, elle tenta néanmoins de lui décocher un coup de pied dans la poitrine. Le guerrier faisait exprès de l'attaquer, la punissant de son insolence de la dernière fois. Elle n'aurait pas dû transgresser une règle. Moody voyait de plus en plus flou, la respiration sifflante. Lance allait lui broyer les cordes vocales et la nuque si il ne desserrait pas sa prise.
« Lâche-la, Lance ! Qu’est-ce qu'il te prend ? » ordonna Leiftan.
L’autre bras droit s’était débarrassé de sa cape, son aura semblait plus démoniaque. Moody profita de la déconcentration du guerrier pour lui cracher au visage le sang qu’elle avait en bouche. Lance la fusilla du regard et la balança comme une vulgaire poupée au sol, la regardant rouler au pied de Valkyon qui s’empressa de la ramasser alors qu’elle toussait violemment, tentant de reprendre son souffle.
« Je lui fais apprendre ses erreurs. Ne t’en fais pas, ta petite protégée va bien. » dit Lance d’une voix froide en percutant l’épaule de son confrère. « Je n'y suis pas allé de toute ma force. »
Leiftan se contenta de serrer le poing, sans rétorquer quoi que ce soit. Il se détourna pour jauger l’état de la lunienne. Moody fixait d’un regard noir le jumeau de Valkyon, s’essuyant le coin de la bouche d’un revers de main. L’Obsidien la maintenait fermement contre son flanc pour qu’elle ne fasse pas un geste déplacé. L’Etincelant lui releva le menton et l’interrogea du regard, Moody se contenta d’arquer un sourcil.
« Je vais l'étriper Leiftan. Œil pour œil, dent pour dent. » dit-elle.
« Tu iras d’abord te faire soigner chez Ewelein avant de faire quoi que ce soit. Tu ne feras même rien si tu ne veux pas d’ennuis. » rétorqua Leiftan en la prenant contre lui.
« J’irai lui parler. » ajouta Valkyon. « Je suis navré de ce comportement. »
La jeune femme haussa les épaules d’un air détaché en se tenant à son mentor.
« Au moins, je vais pouvoir mettre en pratique ce que j’ai appris avec Ezarel. »
Elle voulut rire, mais une douleur à la côte la ramena à la réalité. Leiftan resserra sa prise autour de sa taille. La jeune femme se laissa entraîner à l’intérieur de la cité puis à l’infirmerie sans rechigner. Lorsque l’elfe l’aperçu, un léger soupir blasé lui échappa.
« Quand est-ce que Valkyon va cesser de te traiter ainsi ? » demanda-t-elle.
« Demande plutôt à Lance d’arrêter de me prendre pour son sac d’entraînement. » marmonna Moody en s’asseyant sur la table d’auscultation.
L’infirmière interrogea Leiftan du regard qui se contenta de croiser ses bras sur son ventre et tourner les talons pour laisser de l’intimité à sa protégée. Eweleïn soupira en aidant la Blanche à se déshabiller. C’est une fois en sous-vêtement que l’elfe inspecta chacune des blessures.
« Tu as eu de la chance de ne pas être plus amochée. » dit-elle.
« C’est vrai que Lance aurait pu y aller plus fort. » renchérit la lunienne, d’un ton sarcastique.
L’infirmière lui décocha une frappe à l’arrière de la tête avant de la lui faire pencher en arrière pour inspecter sa bouche, et surtout ses dents.
« C’est moche de frapper une infirme. » maugréa Moody.
« Tais-toi. » lui ordonna Eweleïn, un sourire au coin des lèvres. « Bon. Tu auras des ecchymoses sur le corps. Ta côte est mal en point, il faudrait… »
« Penser à soigner la chose. » compléta la lunienne. « Je crois pouvoir le faire. Enfin, j’ai constaté un truc en faisant mon rituel hier soir. Je ne sais pas si cela fonctionne sur les plus grosses blessures. »
« Dis-moi tout. » invita l’infirmière, curieuse.
Moody lui adressa un bref sourire, baissant son regard un court instant sur ses bras pâles. Ils ne brillaient plus et la constellation incrustée dans ses chairs étaient inexistantes. Ses améthystes se relevèrent vers Eweleïn.
« Hier, lors de mon rituel, quelques petites égratignures que j’avais à cause des familiers ont disparu. C’est comme si ma peau s’était régénérée grâce aux rayons de la pleine lune. »
L’elfe s’empressa de noter sur le coin d’une feuille les propos de la lunienne avant de rétorquer :
« Comment était l’Astral ? »
« Merveilleux. J’ai rencontré Lune. L’astre en lui-même. Elle est magnifique… » commença Moody.
Elle raconta chaque moment marquant de cette cérémonie spirituelle, omettant volontairement sa courte histoire avec Scorpion et ce qui en a découlait à son réveil. Cette simple pensée lui électrisa le bas ventre avec envie. Elle avait terriblement besoin de combler ses instincts lubriques. La Blanche, avant de s’éparpiller à nouveau dans ses pensées, expliqua les choses dont elle était capable en tant que jeune prêtresse de la lune. C’était une sorcière qui puisait sa magie dans la lumière de la lune.
Plus la lune était ronde et brillante, plus ses pouvoirs étaient puissants. A condition de s’entraîner et de faire des offrandes. A la nouvelle lune, il lui était quasiment impossible de lancer un sort. Tout était question d’énergie. L’avantage qu’elle nota c’est que ses cheveux lui permettaient de définir sa puissance. Plus ils étaient blancs, plus Moody était forte. A contrario, plus ils tireraient vers la violine, moins elle serait capable de se défendre. Ce pourquoi elle voulait à tout prix apprendre la défense aux corps à corps. Son regard dévia sur Leiftan :
« Je t’en prie, essaie de voir avec Miiko si je peux au moins m’entraîner avec Nevra une fois par mois. Tu as bien vu que je suis incapable de me défendre quand Valkyon ou Lance se rapproche de moi. »
Le blond soupira faiblement. Ça allait être une demande longue à aboutir. Il le savait. Miiko revenait rarement sur ses propos.
« Quitte à nous faire chaperonner. Si vous y tenez tant… Et puis merde, je m’en fous pas mal moi du vampire. Il peut toujours courir. » maugréa la lunienne.
« Je verrai ce que je peux faire. » promit Leiftan, lui adressant un chaleureux sourire.
Moody le lui rendit et reporta son attention sur Eweleïn.
« On peut donc ajouter à mes papiers que je suis une sorcière de la Lune et que je suis scorpion. »
L’elfe ricana en secouant la tête.
« Ça nous avance énormément. » répondit cette dernière.
« C’est déjà un grand pas de savoir que je ne suis pas une menace pour la cité. » argumenta Moody.
« Il est vrai. Reste toujours à élucider comment tu as survécu à la destruction de Luna et pourquoi tu t’es retrouvée sur Memoria. »
La sélénite pencha son visage sur le côté, intriguée.
« Luna, dans nos textes historiques, et d’après les recherches de nos bibliothécaires, Yhkar et Keroshane, a été détruite au moment du Sacrifice Bleu. Il n’y avait aucun moyen d’accéder à ses terres sans portails divins. » commença Eweleïn.
« Et si on m’avait jeté à travers ce portail pour… Je ne sais pas. Recréer l’espèce ? » proposa Moody.
« Ça pourrait être une possibilité. Etant donné ton rang dans cette société. »
« Ou alors, tu aurais pu être épargnée. » intervint Leiftan. « Mais ce n’est pas le genre des dragons de laisser quelqu’un en vie. »
La lunienne mordilla le creux de sa joue, dubitative.
« Tu veux bien aussi m’arranger un laisser-passer pour la bibliothèque pour que je puisse étudier ce sujet ? Peut-être que quelque chose me reviendrait. » proposa-t-elle.
L’Etincelant hocha la tête.
« Je vais voir ce que je peux faire encore une fois. » dit-il.
L’elfe s’éloigna un instant pour préparer un onguent qu’elle stocka dans un pot avant de le confier entre les mains de Moody.
« A mettre sur ta côte, en plus de ta régénération au clair de lune. Tu me diras si ta théorie a fonctionné. Et évite, pour les prochains jours, des mouvements brusques. Va plutôt t’entraîner en alchimie. » suggéra-t-elle.
La lunienne réprima une moue dépitée et se contenta d’approuver d’un signe de tête.
« Je sais déjà que ton onguent est à base de poudre de pierre de lune, d'arnica et de détendeur de muscles. » dit la jeune femme.
« Tu vois, Ezarel, n'est pas un aussi mauvais prof que tu le dis. » sourit malicieusement Eweleïn.
« Ça reste un tyran. » marmonna la lunienne en se rhabillant.
En sortant du Q.G, Moody détacha ses longs cheveux blancs pour masser son cuir chevelu en marchant vers la cité. Elle avait besoin de deux choses : une toilette et trouver quelqu’un ou quelque chose pour satisfaire ses besoins. Un bref soupir passa la barrière de ses lèvres, la Chasse avait vraiment changé quelque chose en elle. Ou plutôt Scorpion avait bousculé ses hormones. Moody jeta un coup d’œil par-dessus son épaule après avoir senti cette odeur musquée propre à Valkyon. Un air surpris passa sur les traits fermés de l’obsidien lorsque la lunienne fit volte-face.
« N’essaie pas de m’attaquer de dos. Je dois me ménager à cause de ma côte. » dit-elle d’une voix calme.
« Ce n’était pas mon attention. » répondit-il.
« Alors pourquoi me suis-tu depuis trois minutes ? » demanda Moody, penchant son visage sur le côté.
« Comment le sais-tu ? »
« Ton parfum. »
Valkyon arqua un sourcil, les mains sur les hanches.
« Je ne porte pas de parfum. » déclara l’homme.
Moody cilla, hébétée.
« Ah. Alors tu as une transpiration agréable à sentir ? » proposa-t-elle.
L’ombre d’un sourire s’esquissa au coin des lèvres du guerrier, amusé. Puis son regard scrutateur jaugea la petite femme devant lui. Il était, intérieurement, interloqué par cette simple remarque. Elle avait aussi un parfum agréable pour lui. Un mélange de fleurs de cerisier et de roche mouillée. Moody l’interrogea du regard.
« Alors ? Pourquoi me suis-tu ? » répéta-t-elle.
« Je voulais te présenter mes excuses pour tout à l’heure. » dit Valkyon.
« Ce n’est pas à toi de t’excuser mais à Lance. » répondit Moody, croisant ses bras sous sa poitrine.
L’homme releva poliment son regard dans les améthystes de la jeune femme.
« Il n’est pas comme ça, habituellement. » le défendit-il.
« Habituellement. » répéta-t-elle. « Sincèrement, je m’en fiche, Valkyon. C’est fait. Et ce n’est pas à toi de t’excuser. Tu n’as pas à lui trouver d’excuse pour son comportement violent. Ton frère est un connard, j’en suis désolée pour toi. »
L’obsidien serra la mâchoire aux propos de la jeune femme, son regard se faisant un peu plus dur.
« Modère tes propos. N’oublie pas que c’est un Etincelant et que tu t’adresses à un chef de garde. » dit l’homme, d’un ton plus froid.
Moody haussa les épaules puis soupira, commençant à se détourner.
« C’est tout ce que tu avais à me dire ? Vois-tu, j’aimerais faire ma toilette et me soigner. » demanda-t-elle.
« Accompagne-moi ce soir à la taverne. » déclara-t-il.
La lunienne se stoppa dans son mouvement, lui jetant un regard dubitatif.
« Pourquoi faire ? »
« Pour excuser le comportement de Lance. » répondit-il.
« Tu ne vas pas lâcher l’affaire. » constata Moody.
La jeune femme marqua un temps de réflexion. Valkyon, en tant que jumeau écrasé, fera le nécessaire pour préserver l’image de son frère. La taverne pourrait être un endroit intéressant pour trouver quelqu’un pour une aventure d’une nuit et finir le travail que Scorpion avait commencé. Elle pesa silencieusement le pour et le contre, puis céda à la demande d’un hochement de tête.
« C’est d’accord. »
« Ne pense pas que c’est un rendez-vous entre nous. » dit Valkyon
« Il n’y a pas besoin de le préciser. » lui fit remarquer Moody.
Elle ne s’attendait à rien avec lui.
« C’est juste une sortie découverte. » compléta-t-elle.
« Voilà. Une sortie découverte sur la garde de l’Obsidienne et ses coutumes. Et pour que tu te rendes compte que Lance n’est pas celui que tu crois. »
« Prononce encore une seule fois son nom et je ne viens pas. » soupira Moody.
Elle avait déjà fait son propre jugement. La lunienne n’appréciait pas Lance, et cela semblait réciproque. Pourquoi tenter de créer une nouvelle image alors qu’elle peut simplement l’ignorer presque respectueusement ? Valkyon gronda et Moody tourna les talons pour se diriger vers sa chambrée.
« Rendez-vous après le dîner. » lança l’homme dans son dos.
« Entendu. » lança-t-elle avant de lui adresser un signe de main.
L’homme la scruta un court instant, avec intérêt. Son regard de braise se détourna vers celui de glace, tapi dans l’ombre. Valkyon grogna faiblement, Lance croisa les bras.
« Qu’est-ce que tu cherches à faire, petit frère ? » demanda ce dernier.
« Tu sais très bien. »
« Elle n’est pas une dragonne. »
« Tu sens aussi bien son odeur que moi. Et elle semble percevoir la nôtre. » argumenta l’Obsidien.
Lance grommela en sortant de sa cachette.
« Le but n’est pas de se faire repérer. Nous avons une vengeance à mettre en marche, ordre de Drachenverstek. Et je compte bien arracher la tête de Leiftan en premier. Puis celle de Huang Hua et couronner le tout avec Miiko. » déclara l’Etincelant.
Valkyon eut un rire jaune. Lance ne blaguait pas, et pour se faire bien voir de la royauté draconnique, il userait de tous les stratèges. En commençant par le Cristal.
« Tu sais bien qu’on monterait plus vite de rang si on retrouvait l’enfant du Roi. » lâcha Valkyon.
Lance le jaugea avant de lâcher un rire franc.
« Tu veux jouer au prince charmant, petit frère ? Prendre le choix le plus facile pour monter en grade ? Pathétique. Je pensais t’avoir dressé autrement. » répondit-il d’un ton sec.
Valkyon serra la mâchoire, s’approchant de son jumeau, posant son front contre le sien d’un air menaçant. Il donna un premier coup de tête contre son homologue.
« On verra bien qui sera le plus haut en premier. » lâcha l’Obsidien.
« Je ne t’attendrai pas à la ligne d’arrivée. » rétorqua l’Etincelant avant de lui rendre son coup.
Les jumeaux se grondèrent mutuellement après, prêts à s’engager dans un combat de testostérones. C’est alors que la voix de Miiko résonna derrière eux, mécontente. Elle soupira en s’approchant d’eux, les séparant de son bâton. Sa main se glissa tendrement autour de l’avant-bras de l’aîné qui réprima un mouvement de recul. Son regard de glace se posa sur la brune, il ne fallait pas faillir à la mission. Mieux se rapprocher de l’ennemi pour l’anéantir. Valkyon jaugea le couple à sens unique de la kitsune et tourna les talons sans un mot.
La lunienne avait observé au loin la scène en faisant danser un mini trou noir entre ses doigts, un sourire amusé au coin des lèvres. Même si elle n’avait pas entendu la conversation entre les jumeaux, elle s’était divertie de leur combat de testostérones et d’avoir déniché le petit secret de Miiko et Lance, qu’elle utiliserait à son avantage, en cas de besoin. Elle se détourna dans sa ruelle pour rejoindre, finalement, sa chambrée.
***
Moody faisait les cent pas devant la taverne, les bras croisés sous sa poitrine, offrant un spectacle des plus alléchants aux yeux des quelques hommes sortis prendre l’air. Un soupir s’échappa de sa bouche peinte de violet, une de ses mains caressait son collier perdu entre ses seins opulents. Elle stoppa sa marche en découvrant Valkyon au bout de l’allée, vêtue d’un haut en lin blanc qui mettait sa carrure en avant, surmonté d’un pantalon en cuir et de bottes. Moody arqua un sourcil.
« Je croyais que ce n’était pas un rencard. » taquina-t-elle.
« Dixit celle qui est vêtue de sa plus belle robe. » rétorqua-t-il, un sourire au coin des lèvres.
Ses améthystes se baissèrent un instant sur sa tenue… Légère. Une robe courte dont les pans dévoilaient la rondeur de ses hanches et le haut de ses cuissardes blanches et violettes. Sa taille était marquée par un corset, faisant ressortir ses atouts. Elle eut un petit rire.
« Un point partout. » dit Moody.
« Tu comptes ne pas repartir seule ? » lança une voix dans le dos de Valkyon.
Aussitôt la lunienne leva les yeux au ciel, déjà agacée.
« Ce qui est sûr, c’est que je ne repartirai pas dans les bras d’un elfe comme toi, Ezarel. » déclara-t-elle.
Elle sentit un regard scrutateur sur son corps. Son regard croisa l’œil pétillant de malice de Nevra, Moody lui décocha un sourire narquois du coin des lèvres. Ravie de son petit effet, elle conclut :
« Pour le moment, je passerai ma soirée avec Valkyon, puisque c’est lui qui m’a invitée. »
Du bout de ses doigts, elle balança une de ses mèches blanches par-dessus son épaule dénudée et tourna les talons pour pénétrer dans la taverne. Nevra la dépassa pour lui tenir la porte, un sourire carnassier.
« Après vous… » susurra-t-il.
« Je ne parle pas aux portiers. » répondit-elle d’un ton mielleux.
Néanmoins, elle le remercia d’un signe de tête et pénétra dans la taverne bondée d’hommes et de femmes, ivres de joie. Certains dansaient, d’autres chantaient, jouaient de la musique. L’ambiance était à la fête. L’odeur de sueur, d’alcool et de chaleur plut tout de suite à la jeune femme qui prit entre ses doigts le bras que lui tendait Valkyon pour se faufiler au travers la foule. Arrivés à hauteur du comptoir blindé, l’Obsidien lui tira un tabouret et lui fit signe de s’asseoir.
Moody enjamba aisément le bois de l’assise et croisa ses jambes nues, balayant la pièce du regard. Du bois et de la pierre, un feu au fond de la pièce où un gibier était cuit, des tonneaux remplis d’alcool derrière le tavernier. Au premier étage, une balustrade donnant sur un couloir et des commodités où les couples batifolaient. Elle aperçut un peu plus loin Ezarel et Nevra, qui ne détachait pas son regard d’elle. La lunienne eut un sourire en coin et reposa son attention sur l’homme qui l’accompagnait.
« Que veux-tu boire ? »
« Du vin. » répondit Moody en souriant.
Valkyon héla le tavernier, se penchant légèrement sur la jeune femme assise. Elle en profita pour humer son odeur particulière tout en laissant ses yeux vagabonder à la recherche d’une histoire d’un soir.
« Ton frère n’est pas là. » remarqua-t-elle.
« Il a été retenu par Miiko pour une réunion de dernière minute. » répondit Valkyon.
Moody eut un sourire narquois.
« Tu m’en diras tant. » murmura la lunienne en repoussant une nouvelle mèche de cheveux.
« Il te manque ? » demanda le guerrier.
« Terriblement. » rétorqua-t-elle d’un ton sarcastique.
L’homme eut un bref rire en poussant le verre de vin vers elle, empoignant par la suite le manche de sa choppe de bière. Moody se saisit à son tour de son alcool et cogna son contenant contre celui de Valkyon, lui adressant un clin d’œil. Ce dernier s’accouda au comptoir afin d’observer la foule réunie au centre de la pièce pour danser, puis il osa couler un regard sur la petite femme à ses côtés. Perchée sur son tabouret, elle semblait jauger les autres, quelqu’un qui susciterait son intérêt. Elle ne se privait pas de jeter quelques regards vers le vampire entouré de nombreuses femmes.
« Ce n’est pas un mythe. » intervint Valkyon, coupant Moody dans sa contemplation.
Elle lui adressa un sourire amusé en posant ses améthystes sur lui.
« C’est bien ce que je vois. »
La lunienne porta son verre à ses lèvres et reprit son balayage visuel.
« Tu cherches aussi une proie pour assouvir tes besoins ? » questionna l’homme.
Interloquée, Moody cilla.
« Je ne te pensais pas aussi loquace. Et intéressé par mes idées lubriques. » rétorqua la petite femme.
Valkyon fronça les sourcils.
« Ce n’est pas un reproche ! » s’excusa aussitôt la maladroite. « C’est surprenant. Dans le positif. »
« J’ai des besoins à assouvir comme tous les hommes. Et les femmes. »
Moody lui adressa un sourire lubrique avant de couler à nouveau son regard sur la population alentour.
« Quel est ton style pour une nuit alors ? » questionna-t-elle.
Valkyon s’adossa contre le comptoir, un bras contre son ventre, sa choppe dans sa main opposée. Il observa les femmes puis répondit :
« Pulpeuse et sauvage. »
La lunienne gloussa en portant son alcool à ses lèvres pour s’en délecter et pointa son doigt vers une rousse.
« Grande, jolie poitrine et qui semble sauvage. » annonça-t-elle.
Le guerrier jeta un bref coup d’œil, secoua négativement la tête.
« Recrue obsidienne. »
Moody leva les yeux au ciel.
« Vous sermonnez vraiment autour du second commandement ? » demanda la lunienne en levant ses yeux améthyste vers son voisin.
« Tu as retenu le second commandement ? » s’étonna Valkyon.
« Nevra est un bon professeur. » déclara-t-elle avec un sourire malicieux.
L’homme ricana avant de reprendre :
« Nous jurons sur le commandement en tant que chef, oui. Je ne peux donc pas coucher avec une recrue de ma garde. »
La jeune femme aux cheveux blancs arqua un sourcil et fit une moue qui en disait long, finissant son verre par la suite.
« Faites ce que je dis. Pas ce que je fais. » marmonna-t-elle.
« Qu’insinues-tu ? » demanda Valkyon.
Un sourire énigmatique se dessina sur les lèvres de la jeune femme qui leva sa main vers le tavernier.
« Un truc plus fort, s’il vous plaît. »
Et le barbu lui apporta un verre rempli d’un liquide ambré. Valkyon la jaugea lorsqu’elle le but cul-sec, une grimace déformant son joli teint de porcelaine. L’avantage d’être de petite taille c’est que l’alcool faisait vite effet. Ou alors elle n’était vraiment pas habituée à ces liquides. Moody se glissa au sol.
« Garde mon tabouret. Je pars en chasse ! » l’informa-t-elle.
« Tu n’as pas répondu à ma question ! »
« Moi aussi j’ai une réunion de dernière minute. » lança Moody.
Valkyon manqua de s’étouffer en avalant de travers sa bière. Insolente, la jeune lui adressa un clin d’œil.
« Et si tu veux bien me recommander un verre de vin… S’il te plaît. »
L’Obsidien jaugea la jeune femme, comment savait-elle pour la fausse liaison de son frère et Miiko ? Il ne rétorqua pas à la remarque de la lunienne, se contentant d’approuver d’un signe de tête en prenant place sur le tabouret. Moody disparut dans la foule. Valkyon l’observait de loin. Elle se mouvait aisément jusqu’au centre de la piste jusqu’à ce qu’Ezarel lui gâche la vue avec son sourire abruti.
« Alors comme ça, tu essaies de piquer la proie de Nevra ? Tu veux de l’aide ? » demanda l’elfe.
« Ce n’est pas mon but, Ezarel. »
« Valkyon, entre toi et moi, on sait très bien que tu n’aimes pas mentir. » sourit l’Absynthe.
L’Obsidien le toisa. Son homologue ne perdit pas son sourire. Valkyon se détourna pour commander deux nouvelles boissons, ignorant royalement l’elfe à ses côtés. Le tavernier déposa les boissons près du guerrier qui avait reporté son attention sur la foule pour observer Moody dans sa dite chasse. Ezarel, dans son dos, décida, à l’insu de son ami, de pimenter sa soirée. Il renversa au-dessus des deux verres un liquide rose qui se mélangea à l’alcool sans laisser de trace puis rangea la fiole dans une poche intérieure de sa veste.
« Bien. Vu que tu es décidé à continuer de jouer au casseur d’ambiance, je retourne avec Nevra où je suis sûr de m’amuser ! » cria l’elfe alors que la musique était un peu plus forte.
Valkyon le congédia d’une main, bien trop occupé à regarder le petit manège de la lunienne. Elle aimait jouer au molecat et à la musarose. Elle flirtait avec un homme pour ensuite finir dans les bras d’un autre, lui susurrant sûrement des mots doux à l’oreille tandis qu’un inconnu plongeait son regard dans le décolleté affriolant de la jeune femme. C’est après quelques batifolages que Moody revint vers son compagnon de soirée, le rose aux joues. L’Obsidien lui tendit son nouveau verre alors qu’il finissait sa première chope d’une traite pour posséder la seconde. Il trinqua avec sa partenaire avant de lui laisser le tabouret. Moody s’installa, laissant le pan de sa robe remonter contre ses cuisses galbées.
« Alors cette chasse ? » demanda-t-il.
« Peu productive comme tu peux le voir. Mais il y a du potentiel. Tant pis, je me suffirais pour ce soir ! » railla-t-elle en portant son verre à ses lèvres.
Valkyon l’imita. Tous deux restèrent silencieux, à contempler la foule. La lunienne fronça légèrement les sourcils, une vague de chaleur s’empara de son corps. Scorpion faisait-il des siennes depuis l’Astral ? Elle s’éventa de ses doigts. Pourquoi la pleine lune lui donnait autant de pulsions lubriques ? Un soupir lui échappa tandis qu’elle se tournait à demi vers l’Obsidien pour se changer les idées. Il semblait serrer les mâchoires.
« Quelque chose ne va pas ? » interrogea Moody.
Valkyon posa son regard ambré sur elle. Il y avait quelque chose de différent. De plus sauvage. Elle cilla devant cette tension soudaine entre les deux. C’était à la fois agréable et déroutant. Moody déglutit en se rasseyant droitement sur sa chaise, croisant ses jambes nues avec élégance.
« Je vais buter Ezarel. » déclara Valkyon.
« Si je peux me joindre à toi… Pourquoi ? » demanda-t-elle.
« Il a mis quelque chose dans mon verre, dans mon dos. »
« Peux-tu être plus clair ? Je ne suis pas sûre de te comprendre… »
La lunienne pencha son visage sur le côté, intriguée. L’homme soupira en reposant sa choppe sans quitter le regard de son interlocutrice.
« Tu n’as pas chaud d’un coup ? Pas parce que l’air ambiant l’est, mais parce que tes fameux besoins ont pris le dessus ? N’as-tu pas une envie soudaine de répondre à ce besoin ? »
Il se pencha vers la lunienne, les iris brûlants de désir. La jeune femme resta immobile, soutenant son regard, attendant de voir comment ça pourrait finir. Elle arqua un sourcil, décroisant ses jambes. Un sourire malicieux se dessina sur le coin de ses lèvres alors qu’elle relevait son visage vers l’homme qui la surplombait.
« Je vois. Il faudrait donc te trouver une partenaire rapidement, c’est cela ? »
« Pulpeuse. » dit-il d’un souffle chaud.
« Et sauvage. » compléta-t-elle, glissant le bout de son ongle sur une cicatrice apparente de l’homme. « Je vais te trouver ça. »
Moody fit mine de se glisser au sol mais Valkyon lui barra aussitôt la route de son bras. La lunienne réprima un gloussement, se rasseyant sagement sur son tabouret afin de s’accouder dos au comptoir tout en fixant l’Obsidien. Les deux se défièrent du regard, se laissant submerger par cette nouvelle vague de désir. Le parfum de Valkyon semblait s’être intensifié, ce qui plaisait à la lunienne. Elle se remémora un instant la chaleur de ses bras sur son corps meurtri lors de son rapatriement. Le bout de sa langue effleura sa lèvre supérieure. Qu’avait-elle à perdre après tout ? Il n’était pas son chef de garde. Ni celui que Miiko avait interdit de fréquenter. Ce ne serait qu’une histoire d’une nuit à cause de ou grâce à Ezarel. La lunienne se laissa scruter par Valkyon, consentante à se sentir étroitement épiée. Elle l’entendit grogner avec approbation auquel elle répondit en l’invitant à venir devant elle, entre ses cuisses. Il posa ses mains de part et d’autre de sa personne. Moody huma son odeur enivrante.
Son regard coula à son tour sur le corps bâti du guerrier. Il n’y avait rien à perdre. Tout à y gagner. Remplir leur besoin, passer une bonne soirée et ne jamais regretter ou recommencer. Elle se le jura en observant l’entrejambe moulée dans ce pantalon de cuir, lui décochant un sourire narquois. La lunienne se redressa, verre en main pour se délecter de son alcool. Valkyon ne la lâcha pas du regard.
« Je ne sais pas si je suis sauvage, mais à la fin de ce verre j’irai aux toilettes. Peut-être qu’avec tout cet alcool, je pourrai oublier de fermer la porte à clé. Peut-être que quelqu’un rentrera, ou ne rentrera pas. Dans ce cas, je rentrerai pour nettoyer les conneries d’Ezarel, seule. » susurra la jeune femme qui s’était penchée vers l’oreille de son homologue.
L’Obsidien ne répondit rien, retirant un bras pour passer une main calleuse contre la peau laiteuse et chaude à sa disposition. Puis il fit mine de boire sa choppe nonchalamment. Moody détourna le regard pour boire la fin de son verre, reprenant sa contemplation de la foule. Elle croisa une nouvelle fois le regard du borgne au loin et un nouveau sourire, plus pervers, naquit sur les lèvres de la lunienne qui, joueuse, immisça malencontreusement une main entre les cuisses de Valkyon, finissant son verre d’une traite. La jeune femme crut déceler un regard dédaigneux du vampire sur l’Obsidien. Elle déposa son verre vide sur le comptoir et mit pied à terre, jetant un dernier regard fiévreux à son compagnon de soirée.
Moody disparut dans la foule, roulant sa croupe comme un appel au sexe à tous les hommes de la pièce. Elle se délectait des regards envieux et lubriques sur elle, se dirigeant vers l’escalier au fond de la taverne pour rejoindre les sanitaires. Elle rejeta d’une main sa longue tignasse blanche en arrière, laissant le bout de sa langue claquer contre son palais en gravissant les escaliers en bois. Sa petitesse lui permit de se frayer un chemin au travers des fêtards présents. Elle percuta malencontreusement un elfe à la peau noire, striée de marques blanches et grises. Moody se courba pour toutes excuses, sans prendre le temps de l’observer. Lui qui la dépassait de quarante bons centimètres, vêtu de vêtements blancs et dont le visage était partiellement couvert d’un masque. L’elfe grogna en la regardant pénétrer dans un cabinet.
La lunienne rabattit la lunette des toilettes pour s’y asseoir, croisant délicatement ses jambes et décomptant silencieusement trois minutes tout en faisant danser un mini-trou noir entre ses doigts. Un sourire malicieux se peignit sur ses lèvres pulpeuses, la musique était si vrombissante et forte que personne n’entendrait quoi que ce soit si Valkyon daignait la rejoindre. Patiente, elle continuait sa soustraction tout en écoutant le moindre bruit autour d’elle. L’odeur d’urine environnante finit par être dominée par celle boisée de l’Obsidien. Moody observa la poignée s’actionner puis l’homme qui pénétra dans la pièce rendue minuscule par sa corpulence. Elle croisa le regard ambré au-dessus d’elle, penchant son visage sur le côté.
Le bout de sa langue effleura sa lèvre supérieure tandis que la lunienne se relevait de son siège miteux, collant sa poitrine opulente au torse puissant du guerrier. Il lui suffit d’un battement de cil et d’une caresse entre ses jambes pour ouvrir les hostilités de leur jeu lubrique. Elle avait besoin de ce rapport.(☽☾) Besoin de combler son envie, son désir. Valkyon redoubla d’ardeur pour la contenter lorsqu’on tambourina à la porte du cabinet, faisant sursauter les deux amants en plein extase, coupant leur ébat.
Valkyon s’empressa de plaquer sa main sur la bouche de Moody afin d’étouffer son gémissement frustré. Elle soupira en laissant sa tête aller contre le mur, le regard rivé sur son partenaire tout aussi haletant qu’elle. La lunienne resserra sa prise autour des hanches de l’homme.
« Sérieusement ? Vous ne pouviez pas faire ça ailleurs ?! » s’exclama une voix derrière la porte en bois.
« Ferme-la et dégage, Ezarel ! » ordonna Valkyon.
Moody attrapa le poignet du guerrier pour baisser sa main autour de ses lèvres pour lâcher d’un ton cinglant :
« C’est ta faute si la place est prise ! Va dehors, ta physionomie te permet de faire ça contre un mur. »
L’elfe éclata de rire, tapotant la porte de sa main comme si c’était un encouragement.
« Ah. Je pourrais presque t’adorer toi, et ton cynisme. Continuez mes petites musaroses de laboratoire. J’imagine que vous étiez en train de terminer. » dit-il d’un ton moqueur.
L’Obsidien posa une nouvelle fois sa paume contre les lippes de Moody pour l’empêcher de rétorquer. Elle leva les yeux au ciel, dardant un regard mécontent contre la porte mais l’homme qui comblait ses pulsions lui asséna un coup de bassin bien placé pour la ramener à leur activité lubrique. (☽☾) Le guerrier l’emmena sur le chemin qui leur était destiné. Celui que Moody s’était promis de rejoindre en ce jour de pleine lune. Fébrile et jouissante, elle se laissa entraîner dans sa petite mort, presque à l’unisson avec son partenaire qui grognait dans le creux de son oreille.
Un long silence, parfois entrecoupé de leurs respirations haletantes et sifflantes, s’installa entre les deux amants. L’ocytocine de leur ébat leur permettait de vivre une résurrection dont les besoins étaient comblés. C’est après quelques minutes que Valkyon se décida à reposer précautionneusement la lunienne aux jambes flageolantes. Cette dernière repoussa en arrière sa longue tignasse en soupirant avec aise. Son regard malicieux se posa sur l’Obsidien qui avait attrapé du papier pour essuyer les quelques accidents de leur acte.
« Le moment le moins sexy d’une partie de jambes en l’air. » dit Moody pour briser le silence, décrochant un sourire à son partenaire.
Elle lui prit des mains le bout de papier pour éponger les dégâts avant de se rhabiller correctement. Valkyon l’observa en remontant son pantalon.
« Ça t’a plu ? » demanda-t-il de but en blanc.
Et sans contrôler son naturel, Moody explosa de rire. Le chef de l’Obsidienne la regarda, déconcerté.
« Par la Lune… Les hommes et leurs égos. » répondit-elle en tapotant son épaule. « Je ne suis pas une maîtresse qui évalue la capacité de ses partenaires. Et j’ai apprécié ce moment avec toi. J’en avais besoin. Tu en avais besoin. Qu’importe ce qu’Ezarel a trafiqué. »
Valkyon hocha la tête.
« Deux adultes qui jouent à un jeu. » ajouta la lunienne, se hissant sur la pointe des pieds pour déposer un chaste baiser sur la joue de l’homme. « Et tous les jeux ont une fin. »
« Quelles sont les règles de ce jeu, Moody ? » questionna Valkyon.
« Une chance de jouer. Aucun baiser en lot. Juste une nuit où la règle principale est de s’amuser et assouvir ses envies. » annonça-t-elle en tendant sa main vers le verrou.
« Tu m’as offert un baiser. » lui fit remarquer l’homme.
« Sur la joue. Sens-toi privilégié. »
La lunienne lui adressa un clin d’œil et déverrouilla la porte du cabinet de toilettes pour en sortir sous les regards ahuris et envieux qu’elle ignora en s’avançant vers la sortie de la pièce. Arrivée à la rambarde qui donnait sur la piste de danse, elle s’arrêta pour contempler le spectacle, Valkyon dans son dos.
« Merci pour ce soir. » murmura-t-il à son oreille.
Moody lui offrit un sourire à la fois mystérieux et narquois. Son regard se détourna pour se poser sur l’escalier où une odeur mentholée se dégageait, elle fronça le nez lorsqu’elle aperçut Lance. A cet instant, ses côtes lui rappelèrent la journée compliquée qu’elle avait passée.
« Je vais rentrer. » annonça-t-elle à son homologue.
« Je comprends. » répondit Valkyon en toisant son jumeau.
« A demain. Merci pour les verres. »
Le guerrier hocha la tête, elle tapota son bras et se détourna, passant à côté de l’Etincelant. Etonnamment, il ne lui fit pas de remarque cinglante, semblant être trop occupé à fusiller son frère de son regard glacial. Moody dévala les escaliers pour rejoindre la sortie de la taverne. Cette soirée lui avait fait oublier ce qu’elle avait promis à Eweleïn, celle de régénérer ses blessures grâce aux pouvoirs de la lune.
A l’extérieur, elle jeta un regard à l’astre nocturne, sa peau où quelques égratignures l’avaient marquée se mit à scintiller légèrement. Un sourire étira la bouche pulpeuse de la lunienne, ses plaies légères se refermèrent. Peut-être que si elle restait à méditer sous la lune toute la nuit tous ses maux guériraient ? Elle s’en persuada. Un mouvement détourna son attention, là, non loin d’elle, dans une ruelle. Son rictus se transforma en quelque chose de malicieux en voyant Nevra prendre du plaisir, une femme à genoux devant lui.
Elle claqua le bout de sa langue sur son palais. La lunienne avait envie de jouer à ce jeu dangereux. Elle tourna les talons vers la ruelle, et s’y dirigea comme si de rien n’était, ignorant le couple d’une nuit s’adonner au plaisir de la chair. Tant pis pour le détour que ça lui ferait, il était bien trop plaisant de sentir l’œil ardent du vampire sur elle. Moody lui offrit une simple œillade en balançant une mèche de ses cheveux sur son épaule dénudée, dévoilant sa jugulaire avant de disparaître au coin de la rue.
La lunienne eut le plaisir de l’entendre grogner et repousser sa partenaire. Elle avait réussi son coup et fait foirer celui du Capitaine de l’Ombre qui s’était tenté de lui courir après pour répondre à sa fausse invitation. Il ne l’avait pas trouvé au détour de la ruelle et cela l’avait mis en rogne. Moody poussa la porte de son habitation pour la verrouiller une fois dedans. Elle se déshabilla et se laissa tomber sur le matelas miteux de son lit, se laissant caresser par la lumière de son astre favori.
« C’était une bonne soirée, Lune. Je voudrais vivre de luxure et de jeu jusqu’à ce que vous décidiez de me rappeler à vous. » confessa-t-elle en observant le ciel. « Ou alors Scorpion est un excellent Zodiaque pour moi. Ça doit être cela. Je vous remercie de m’avoir faite sienne. »
Un sourire étira son visage de porcelaine, fermant ses paupières sur cette délicieuse pensée. A ce jour, elle se sentait enfin vivante. Elle pouvait enfin se définir, s’affirmer dans cette cité qui l’avait recueilli.
Qu’importe les rumeurs de la ville et ses comportements de débauche, c’est comme ça qu’elle vivrait dorénavant, parce qu’elle en avait besoin. Parce qu’il fallait combler son manque de mémoire. Parce qu’elle était perdue dans ce nouveau monde. Mais à cet instant-ci, la seule chose qui la préoccupait c’était sa capacité de régénérer ses côtes par la magie lunaire.
Chapitre 5 - Invasion
Ses améthystes fixèrent le plafond de la chambre où elle s’était glissée pour la nuit. Une énième après sa première aventure avec Valkyon. La lunienne, depuis, avait enchaîné les partenaires de tous sexes, et de toutes races faëliennes. Son record personnel dépassait les codes de la société qui trouvait cela choquant qu’une femme ait autant d’aventures sans lendemain, tous les jours. À côté d’elle gisait son partenaire au corps rachitique, un elfe, plus jeune qu’elle et qui avait découvert les plaisirs de la chair avec la sulfureuse cendrée. Ça avait été court, mais distrayant. Il dormait à poings fermés, un bras entourant la taille de la jeune femme. Elle s’extirpa en douceur de cette emprise, Moody se l’était promis, et avait toujours énoncé ses règles : une seule fois. Aucun baiser. Pas d’attache. Le lendemain ils redeviendraient des inconnus.
La lunienne ramassa ses affaires pour s’habiller silencieusement dans un coin de la pièce, jetant un dernier regard à l’elfe dont elle avait déjà oublié le nom. Comme une ombre, elle quitta la chambre du jeune gardien pour se glisser dans le corridor des gardes. Une énième fois, elle avait pu profiter du luxe du quartier général. Moody se recoiffa prestement. Il ne fallait pas qu’elle reste ici trop longtemps, au risque de subir le gourou de Miiko. Pire encore, celui de Lance. Elle s’avança dans le couloir, escarpin à la main pour se glisser en silence hors du Q.G. Cependant, la cendrée se figea en apercevant une silhouette non loin d’elle, et qui sortait aussi d’une chambre en catimini. L’homme était tout aussi fautif, puisqu’il s’agissait de Nevra. Et qu’il s’était glissé dans les draps d’une recrue de la garde de l'Ombre. Moody relâcha la pression autour de ses épaules pour continuer son chemin. Le vampire marchait devant elle, vers sa chambre, et se stoppa net afin de faire volte-face. Un sourire malicieux étira les lèvres pleines de la jeune femme lorsqu’elle croisa le regard du borgne.
« Tu n’as pas le droit d’être ici. Et de quelle chambre sors-tu ? Je ne pensais pas que tu ferais ça tous les soirs. Et au premier soir avec une personne à peine rencontrée. » dit Nevra d’un ton cinglant.
« Pourquoi ? Vous êtes jaloux parce que vous n’avez pas été le premier à avoir mon attention ? » rétorqua-t-elle, tout sourire.
Son ego avait mal digéré le fait que Valkyon fut le premier à découvrir le corps voluptueux de la lunienne. Elle s’en amusait, croisant ses bras sous sa poitrine pour en faire ressortir son décolleté pigeonnant. Il était si simple de capter son attention.
« Pour répondre à votre question : ça ne vous regarde pas. Mes petites aventures nocturnes sont des secrets qui appartiennent à la lune. »
Elle fit un pas. Nevra lui barra le chemin. Moody arqua un sourcil. De sa main libre, le vampire déverrouilla une porte avec dextérité. Sa chambre. La lunienne retint un gloussement.
« Entre. On va discuter de ça. » dit le vampire en l’invitant à entrer.
Moody resta stoïque, un sourire malicieux au coin des lèvres. Nevra soutint son regard. La tension était si palpable entre eux que la jeune femme aurait pu se laisser tenter. D’après les rumeurs, le vampire savait y faire. Elle était curieuse c’est vrai, mais le petit jeu qu’ils avaient été bien plus excitants que ce qu’elle avait connu avec d’autres. Ne pas céder tout de suite.
« Sans façon. » déclina-t-elle poliment.
Nevra serra la mâchoire. Moody lui offrir un sourire lubrique en s’approchant de lui, effleurant du bout de ses doigts sa peau froide et légèrement rougit par des baisers fiévreux. Elle le sentit frémir sous ses doigts, contracter ses abdos alors qu’elle continuait ses caresses, un peu plus bas.
« Je ne passe pas après quelqu’un de médiocre. Je devrais être votre premier choix tous les jours. Et pourtant… Vous me remplacez si vite. C’est que vous ne me désirez pas tant que ça. » susurra-t-elle de sa voix suave.
Pour toute réponse, le vampire déposa une main aux creux de ses reins.
« Et puis, vous pourriez ne pas vous lasser de moi. Si on couche un jour ensemble : ce ne sera qu’une seule fois. » énonça-t-elle, frôlant le seul vêtement que portait le vampire.
« Tu es une sadique. » déclara le vampire, d’une voix rauque en la toisant.
« Et vous aimez ça. » rétorqua-t-elle, chaudement.
Ses améthystes observèrent le vampire, apercevant le bout de ses crocs contre sa bouche charnue. Elle avait éveillé, chez lui comme chez elle, ce feu ardent. Et elle ne voulait pas tout de suite céder à ses avances.
« Si vous voulez quelque chose, faites tout pour l’avoir. » susurra Moody à l’oreille pointu du vampire, après s’être mise sur la pointe des pieds.
La lunienne faisait exprès de se coller à lui. Il était si réactif. Prêt à craquer. Mais son ego d’homme voulait reprendre le contrôle.
« Tu as fait foirer mon coup à la taverne. Et crois-moi, quand je t’aurais attrapé entre mes doigts, tu te feras pardonner et tu regretteras de ne pas m’avoir choisi comme premier partenaire. » annonça Nevra, à voix basse dans le creux de son oreille.
Un sourire narquois se dessina au coin des lèvres de la cendrée. L’égo de l’homme pouvait être une arme redoutable dans la vengeance. Ses fameux doigts lui en feraient sûrement voir de toutes les couleurs. Mais c’est elle qui dominerait la danse. Et Nevra se laisserait volontiers faire. La lunienne se recula d’un pas.
« Si vous le dîtes. » provoqua-t-elle avant de le contourner pour continuer son chemin.
Le regard ardent du vampire lui brûlait le dos, alors pour toute récompense, elle souleva les pans de sa jupe pour lui montrer la chair blanche de ses fesses bombées. En entendant le grognement du vampire, elle eut un gloussement en disparaissant dans la nuit.
Ses pas la menèrent à son habitation miteuse, à laquelle elle avait fini par s’y habituer en la décorant à son goût. Des bougies, des pierres, des encens et une penderie garnie de vêtements. Elle s’assit lourdement sur son matelas en soupirant, demain il fallait qu’elle fasse de nouveau face aux rumeurs qui courraient les rues à son sujet. Et une fois encore, la lunienne saurait répondre à toutes ces joutes verbales. Son corps se laissa tomber en arrière et se mettre en position fœtale sous les rayons de la lune.
Depuis les quelques mois qu’elle vivait à Eel, Moody s’était fait une réputation qui lui passait au-dessus de la tête. La lunienne était devenue celle pour qui les hommes cédaient et qui rendaient les femmes jalouses jusqu’à ce qu’elle leur accorde à elles aussi du plaisir. On avait eu vent de ses petits jeux, chaque nuit. Chacun et chacune avait tenté leur chance, toutes races confondues. Et Moody leur avait offert gracieusement. Elle n’avait jamais dit non, et pour cause : elle en était devenue accro. Accro à cet attachement, cet amour éphémère. Cependant, la lunienne n’était jamais satisfaite du plaisir qu’elle ressentait. Le bonheur des uns passait avant le sien.
« M-Moody. » s’exclama d’une voix forte Purreru.
L’interpellée sortie de ses pensées, relâchant le minaloo qu’elle brossait. Elle adressa un faible sourire au félin avant de remarquer Purral à ses côtés.
« Tiens. Voilà le plus beau des Purrekos. » minauda la lunienne.
Purreru baissa la tête tandis que l’autre hérissait ses poils pour se donner une carrure plus imposante avant de lui donner un coup de baluchon sur le crâne. La cendrée fit la moue en se relevant.
« Je croyais que tu m'adorais, joli chat. » dit-elle.
« Ne prends pas trop tes aises ou il pourrait t'arriver des choses. » marmonna le roux.
« Tu penses que je ne sais pas me défendre ? » rétorqua Moody.
« Tu me menaces ma mignonne ? » gronda Purral.
Purreru rabattit ses oreilles en arrière, resserrant l’œuf qu’il avait entre les pattes contre son torse.
« P-Pas de di-dispute d-d-dans ma bou-boutique. » intervint ce dernier.
La lunienne glissa ses ongles sur le haut de son crâne puis épousseta sa longue jupe en reposant son regard sur Purral.
« Je te préviens simplement que je ne me laisserai pas faire. » Elle marqua une pause en jaugeant son homologue. « Que viens-tu faire par ici ? » finit-elle par demander.
« J’ai cru que tu n’allais jamais poser la question. » s’indigna le félin roux.
Moody leva les yeux au ciel, manquant de patience.
« Les familiers c’est cool. Mais j’ai trouvé encore mieux pour toi ma p’tite. Comme t’aime bien aider autrui, je me disais, que peut-être, t’aimerai bien bosser à l’orphelinat. »
La lunienne inclina son visage sur le côté, puis haussa les épaules avec indifférence. Elle n’avait rien contre.
« Tu commences cet après-midi ! » annonça Purral. « Ne me regarde pas comme ça, la main d’œuvre n’est pas des plus explosives, tout le monde semble fuir ces petits monstres. Mais on m’a rapporté que t’avais aidé le petit Mery, t’as déjà fait le plus dur. » argumenta-t-il.
« Mery n’est pas si infernal qu’on le dit. Et depuis quand tu m’espionnes ? » soupira la cendrée.
« Ordre de Miiko ma mignonne. Ça rapporte gros. Et puis, pas besoin de t’espionner, tu es le centre d’attention de la cité depuis ton arrivée. » expliqua le félin.
Moody serra la mâchoire, agacée. Quoi qu’elle fît dans cette cité, tout retombait dans l’oreille de la kitsune. Et cette dernière ne semblait pas vouloir lui donner la paix, surtout depuis son dérapage avec Valkyon. Elle soupira.
« Tu veux peut-être que je te signe un autographe pour te faire encore plus de pièces d’or ? » proposa, d’un ton sarcastique, la lunienne.
« Oh, si tu insistes ! » s’exclama honnêtement Purral.
Excédée, Moody tourna les talons pour se diriger vers une pièce qui renfermait les stocks de nourriture. L’air renfrogné, elle s’occupa de créer des minis trous noirs pour les enfermer dans des fioles à l’attention des homonculus de minuit. Son humeur était maussade et sa moue fermée trahissait ses émotions. Elle n’était ni en colère, ni frustrée. Juste agacée de ne pas être libre de pouvoir vivre la vie qui lui convenait pour le moment. De toute manière, quoi qu’elle ferait, elle serait suivie dans ses moindres faits et gestes. Miiko s’inquiétait pour la protection de son peuple, malgré ses consultations chez Eweleïn qui la déclarait inoffensive. La lunienne avait fini par se plier aux us et coutumes de ce peuple qui n’était pas le sien. Elle avait obéit aux demandes de la cheffe, détaillant les moindres pouvoirs qu’elle avait, les dernières choses qu’elle avait découvert sur ses pouvoirs, les faibles brides de mémoire qui lui étaient revenues.
« Moo… »
Purreru coupait une nouvelle fois le cheminement de ses pensées. Moody lui adressa un faible sourire.
« Je ne suis pas énervée mon beau, ne t’en fais pas. J’essaie d’avancer ton travail avant d’aller à l’orphelinat. » lui dit-elle d’un ton calme.
« M-merci pour tout ce que tu as fait pour les fa-familiers. » se confia le félin.
« Je continuerai à le faire, même si je passe la moitié de mon temps avec les enfants. Ce sont bien les seules choses qui me font plaisir ici. » confessa la cendrée.
Oui, c’étaient les uniques événements qui lui donnaient une raison de rester dans la cité. Et de ne pas craquer. Plusieurs fois, elle avait fait le tour de la cité pour s’en échapper, filer sous la vigilance des gardes. Mais Lune lui avait intimé de rester et comme une bonne disciple, elle l’avait écouté. Leiftan aussi étonnamment. Il faut dire que les deux se voyaient après le travail de la cendrée pour de simples balades. Un sourire se dessina sur ses lèvres, elle appréciait sa compagnie. En fin de compte, il n’y avait pas que du négatif dans sa nouvelle vie.
La lunienne se redressa de son tabouret pour finir les tâches dans la boutique des familiers. Elle salua le félin avant de sortir pour arpenter la ville en direction de l’orphelinat. C’était une vieille bâtisse près des jardins de la cité. Elle entourait un jardin de haut mur où l’on entendait les rires et les cris des enfants. Lorsque la lunienne pénétra dans le bâtiment, les enfants la regardèrent avec curiosité en s’arrêtant net dans leur activité de maülix et musarose.
« Une nouvelle maman ! » s’exclama l’un des bambins.
Et tous se précipitèrent vers la cendrée, surprise de cet assaut. Un rire lui échappa alors qu’ils l’entourèrent pour s’accrocher à ses jambes. La purrekos en charge de l’orphelinat fut horrifiée de voir un tel comportement de la part des petits garnements.
« Mais c’est pas une maman ! C’est Moody. » cria la voix fluette de Mery qui tentait de tirer ses camarades en arrière pour la sauver. « C’est elle qui a sauvé mon crylasm. »
« Oh ! C’est donc une héroïne ! » comprit une petite brownie bériflore.
Moody ne put s’empêcher de glousser en regardant la bande de bambin.
« Est-ce que tu es aussi une gardienne ? » demanda un autre enfant.
Tous la regardèrent avec de grands yeux, impatients de connaître toutes les réponses.
« Les enfants, laissez Moody respirer et retourner vous asseoir dans l’herbe pour suivre votre cours d’Histoire eldaryenne ! » intervint une voix un peu plus bourrue.
La lunienne leva son regard vers l’homme-licorne. Leiftan l’avait présenté à lui. Elle inclina respectueusement la tête vers Keroshane qui remontait ses lunettes sur le bout de son nez.
« Je suis navré. »
« Ce n’est pas grave. Ce sont des enfants. »
La licorne se contenta de lui sourire, les joues légèrement empourprées. A vrai dire, il était fasciné par la petite femme qui se tenait devant lui et remerciait l’Oracle silencieusement de l’avoir mise sur son chemin.
« Purral m’a dit que tu viendrais me donner un coup de main à l’orphelinat. Tu penses pouvoir gérer ? »
« Les enfants sont comme des familiers. Ou le contraire. Je saurais m’adapter. » lui sourit la lunienne. « Tu me fais une rapide visite pour que je prenne mes repères ? »
« Quel étourdi ! » s’exclama-t-il en se frappant le front.
Keroshane se râcla la gorge.
« Si tu veux bien me suivre. »
L’homme fut rapide et concis dans ses explications. Il fit visiter l’orphelinat tout en lui contant les tâches à faire dans une journée normale. Si on arrivait tôt le matin, alors on se devait de préparer le petit-déjeuner et réveiller les enfants avant de les amener à l’école. Les orphelins vivaient dans l’internat de la bâtisse, dans l’aile droite. Celle de gauche possédait les lieux de vie des enfants de la cité.
« C’est ici qu’ils jouent et étudient lorsqu’il pleut. Les plus grands s’occupent des plus petits. Nos orphelins sont plus autonomes. Certains plus cancre que d’autres. C’est quand ils ont atteint l’adolescence que les Purrekos se chargent d’eux pour leur offrir un travail et un toit. Nos objectifs à nous est de les éduquer et d’être des remplaçants aux parents qu’ils n’ont pas. » dit la licorne, un brin de voix triste.
Moody sourit faiblement. Le temps d’un instant, elle fronça les sourcils. Tout ce qu’elle connaissait de ses parents à ce jour n’étaient que leurs prénoms. Séléné et Máni.
« Alors, on leur donnera autant de connaissance et d’amour que nous avons. Même si sur ce premier point je n’ai pas grand-chose à apporter. » se dénigra-t-elle.
« Ne dis pas ça. Je suis sûr que tu pourras leur apprendre à s’occuper d’un familier, ce n’est pas quelque chose de facile. » la rassura Keroshane. « Et puis, tu sais… Leiftan croit beaucoup en toi. Je ne l’ai jamais vu comme ça avec quelqu’un d’autres. »
L’homme parut surpris le temps d’un instant.
« Enfin. Je ne t’ai rien dit. Il le fera sûrement ! » se reprit l’homme à lunettes.
Moody gloussa en secouant sa queue-de-cheval, emboîtant le pas de son congénère vers le jardin où les enfants étaient installés dans l’herbe pour suivre le cours d’histoire d’un vieux sylphe à la longue barbe blanche. Keroshane lui expliqua que pour ceux qui prenaient la relève du soir c’était d’assister les enfants à leurs devoirs, les laver, les nourrir et les coucher. Pour les plus jeunes, leur conter des histoires. Enfin pour l’équipe de nuit, c’était de faire une ronde, faire du ménage et faire peur aux monstres sous les lits. La jeune femme enregistra chacune des données avec un petit sourire, s’installant sur un banc pour contempler la petite assemblée.
Un nouveau flash passa devant son regard, elle crut défaillir, attrapant prestement le bras de son collègue, la bouche ouverte.
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Il n’y avait pas grand-chose à dire sur les premiers jours de vie de la petite déesse. Comme dans tout royaume, elle avait à sa disposition des nourrices et des servantes prêtes à s’occuper d’elle. Sa mère venait par moment la voir pour lui offrir le sein, son père venait lui conter des histoires sur la Lune. Lorsqu’elle fut en âge d’apprendre, et de comprendre le monde, elle se retrouva sous l’aile de Thot. C’était un dieu aux traits égyptiens, à la mâchoire saillante et aux yeux d’un noir profond. Telle était sa forme humaine, sa vraie nature arborait une tête d’ibis mais cela n’effrayait aucunement Moody.
Il offrait à cette dernière la sagesse et la connaissance. Elle était curieuse et pleine de vie, ne se lassant jamais des histoires de son maître. Attentive, elle buvait ses paroles sans jamais ne l’interrompre. C’était une enfant à la beauté resplendissante, autant que l’était sa mère. Séléné, déesse et reine de l’Olympe lunaire, était une femme splendide sous ses airs froids. Elle avait traversé de lourdes épreuves lors de sa vie, perdant son frère dans une noyade et son père dans une bataille. Elle avait été la femme de plusieurs hommes, les conduisant dans un sommeil immortel pour la plupart. Allait-elle suivre ses pas ?
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« Moody ! » s’inquiéta Keroshane, accroupi devant elle.
La jeune femme inspira bruyamment en posant une main contre sa poitrine, la gorge sèche.
« J’ai… J’ai besoin d’eau. » quémanda-t-elle.
Mery, qui avait été distrait, se chargea d’apporter un verre à la cendrée. Il la regarda avec des yeux apeurés.
« Est-ce que tu as besoin d’un nuage de sucre pour aller mieux ? » demanda le petit garçon.
La lunienne lui adressa un faible, mais tendre, sourire. Sa main ébouriffa les cheveux blonds du gamin avant qu’elle ne boive une gorgée d’eau.
« Ne t’en fais pas. Ne vous en faîtes pas. » dit-elle d’une voix rassurante. « Ce n’est rien. »
Il faut juste que j’en parle avec Leiftan. Un sourire se peignit sur ses lèvres charnues, les autres semblaient croire à son mensonge. Elle devra songer plus tard à ce qu’elle venait de voir et l’Etincelant serait sa meilleure oreille.
Le reste de la journée fila à une vitesse folle et lorsqu’elle sortit du bâtiment, son mentor l’attendait déjà en bas des marches. Moody s’empressa de dévaler les marches pour aller à sa rencontre. Leiftan pencha son visage sur le côté, la surprise se lisant sur son visage.
« Il faut qu’on parle. Loin de la cité. S’il te plaît. » dit rapidement la lunienne.
L’homme la sonda et hocha la tête.
« La plaine ? »
« La plaine. » ajouta-t-elle.
Il lui offrit son bras, et l’entraîna hors des murs de la cité. Moody soupira en relâchant la pression de ses épaules, baissant le regard sur le chemin qu’ils parcouraient pour se trouver au milieu de la plaine. Le blond l’observait du coin de l’œil, s’inquiétant pour sa protégée. Un tas d'émotions semblait traverser ses traits opalins.
« J’ai eu une nouvelle vision aujourd’hui. » annonça la cendrée de but en blanc.
Voilà ce qui la tracassait. L’Etincelant posa sa main sur celle de Moody avec douceur, s’arrêtant dans sa marche pour la regarder avec plus d’intérêt. Elle ne parlerait pas plus que ça, il avait appris à la connaître. La lunienne soupira faiblement, resserrant son poing libre. Son regard se détourna lorsque Leiftan prit son visage entre ses mains avec délicatesse. Il lui caressa un instant les pommettes avant de dégager l’une de ses mèches rebelles qui tendaient à devenir violine. La lunienne aurait voulu fondre en larmes dans ses bras, mais elle ne voulait pas montrer cette faiblesse alors elle se dégagea de l’emprise de l’homme.
L’instant d’après, impuissant, Leiftan la regardait se défouler sur un pauvre rocher. Elle avait commencé crescendo en envoyant sa pluie d’étoiles blanches qui ne faisaient qu’effleurer le minerai. Puis, la lunienne avait joint ses mains pour les écarter, dévoilant une boule blanche, crépitante. Cette attaque fit plus de dégâts. Leiftan resta stoïque, les mains dans le dos, attendant patiemment que sa colère redescende pour discuter.
Moody se déchaînait, grognant parfois de frustration, s’épuisant petit à petit jusqu’à ce qu’une dernière offensive face sursauter le blond. Il n’avait pas prévu ce paramètre. La puissance et la forme de sa magie avaient évolué brusquement. Une sphère noire, plus grosse que les minis-trous noirs qu’elle offrait aux homonculus avait fendu l’air et avait fait disparaître le rocher. Il n’y avait plus qu’une trace humide, là où avait été élu la demeure du minéral. La lunienne se laissa tomber à genoux sur le sol, haletante, essuyant rageusement d’un revers de main la larme clandestine qui roulait sur sa joue.
Ses doigts étaient toujours envoûtés d’une nuée blanche, paraissant plus pacifistes que ce qu’elle lui avait offert quelques instants plus tôt. Un long silence s’installa entre les deux. Moody observait la nuit tomber lentement sur la cité, reprenant calmement possession de ses moyens. Ce n’est que quelques minutes plus tard que sa voix brisa l’air :
« Je vivais dans un palais, blanc, flamboyant. Ma mère était la reine, on vivait sous le pouvoir féminin, comme nous l’indique notre déesse Lune. J’avais des… Gens à mon service. Des nourrices, des gouvernantes. »
Leiftan retira son manteau pour le déposer sur les épaules de la peau pâle, puis s’installa à ses côtés pour l’écouter, prenant délicatement sa petite main. Elle ne le regardait pas, par pudeur de ses émotions.
« Thot me transmettait son savoir. Sur Luna. Sur l’Histoire. J’étais, tout le temps, cachée dans la bibliothèque. Je n’en sortais que la nuit tombée. Parce que j’avais soif de savoir. Une future reine se devait d’avoir de nombreuses connaissances. »
La jeune femme ressentit un vide profond dans le creux de sa poitrine, baissant la tête pour observer sa main liée à celle de l’homme. Il lui serra avec douceur.
L’homme, qui jusqu’à-là n’avait rien dit, commença d’une voix douce :
« Je te laisserai les clés de la bibliothèque pour ce soir. Mais soit aussi discrète qu’une musarose. Je ne voudrais pas nous attirer les foudres de Miiko. »
Le blond sentait qu’elle avait besoin de s’y réfugier, pour creuser sa mémoire. Moody hocha faiblement la tête. Il lui releva de deux doigts pour capter son regard, elle le détourna aussitôt. Ce qu’elle pouvait être à la fois expressive et fermée.
« J’ai le sentiment d’être aussi perdue qu’avant. Ces flashs me donnent l’impression d’être une autre personne. Et je n’arrive pas à comprendre ce qu’on attend de moi. » dit-elle à voix basse, honteuse.
Leiftan passa ses doigts contre sa joue humide et se mit face à elle, embrassant délicatement le dos de sa main avant de reprendre de sa voix apaisante :
« Sois comme tu as envie de l’être. Les flashs que tu vois, ne sont que le reflet de ton passé. Oui c’est une réponse à toutes tes questions. Mais ne te met pas autant de pression. »
Elle soupira, frustrée. Elle voulait tout et tout de suite.
« Moody. Tu progresses depuis que tu es ici. Autant dans ta thérapie qu’à t’intégrer au sein de notre cité. Les Purrekos sont fiers de toi. Je suis fier de toi. Tu as découvert les éléments dont on avait besoin pour te faire confiance. Tu n’es pas ici pour créer une quelconque discorde. Tu sais te battre, manier les armes et utiliser de la magie. Tu es même l’élue de la Mère Lune, une prêtresse. »
L’homme marqua une pause. La lunienne posa enfin son regard sur lui, pinçant ses lèvres.
« Ce n’est pas grave si tu prends ton temps pour te redécouvrir. Fais de ton amnésie une force. Et prends ces nouveaux flashs comme la réussite d’une quête. Ce n’est pas grave de ressentir ce vide, d’être à l’écart d’une société. Tu n’es pas seule pour ce combat. »
« Je suis seule. Tu ne sais pas le bordel qu’il y a dans ma tête à cet instant précis. Tu ne sais pas ce que ça fait de ressentir un trou béant dans la poitrine, de ne pas savoir tout sur toi, d’avoir l’impression de n’être qu’acteur de ta vie, de se lasser de la moindre chose. »
La lunienne tenta de se dégager de l’étreinte de son mentor, mais il serra sa poigne et elle fut surprise de sa force.
« Je sais très bien ce que ça fait d’être seul au monde. De ne plus avoir de famille. D’être le seul survivant de son espèce. Le plus triste dans tout ça, c’est que je ne pourrais pas faire à partir à nouveau ma race, parce que mon âme sœur est morte. » dit-il d’un ton froid. « Et moi, je me souviens de tout. »
Moody contracta la mâchoire, blessée. Leiftan soupira en l’attirant à lui pour la serrer contre son torse. Ce n’était pas la première fois que le duo se retrouvaient dans cette position. La lunienne se laissa étrangement faire alors qu’elle n’aimait pas les marques d’affection, posant son front contre son thorax. Le blond massa sa nuque avant de reprendre :
« Je ne voulais pas te blesser. Mais tu n’es pas la seule à vivre un fardeau dans ce monde Moody. Tu ne seras jamais seule avec, parce que je serai là pour toi, comme je te l’ai promis sur le bateau quand je t’ai ramené de l’île. »
Il serra un peu plus sa prise autour d’elle en sentant une larme humidifier le tissu de son haut. L’Etincelant était désolé pour elle, et il comprenait cette phase de détresse. Moody était complétement perdue et bouleversée par ses émotions.
« Tu n’es pas seule. Tu n’es pas faible. Tu es simplement une femme perdue et brisée, mais je te fais la promesse que tu te reconstruiras et que tu trouveras toutes les réponses à tes questions. Lune te guidera. »
Moody pleurait silencieusement contre lui. Il avait raison, mais cela lui serrait un peu plus le cœur à chaque fois. Désemparée, elle se colla un peu plus contre son corps et il lui offrit une plus puissante étreinte, la berçant doucement. Ils restèrent ainsi aussi longtemps que Moody avait besoin de réconfort. Elle se détacha pudiquement, inspirant un bon coup pour se redonner de la contenance. La lunienne détestait être dans une telle situation. Son regard croisa celui de son homologue qui vient essuyer de ses pouces les traces de maquillage sur sa peau opaline.
« On ne voit même plus la beauté de tes yeux avec tout ce maquillage. » lui fit-il remarquer.
« Fais chier. » répondit-elle avant de rire faiblement. « Comment vais-je pouvoir séduire quelqu’un ce soir avec tout ce désespoir ? »
Leiftan replaça une mèche cendrée derrière son oreille sans rien ajouter. Il connaissait les rumeurs, mais il ne la jugeait pas.
« Si tu veux mon avis : contente-toi de toi ce soir. Tu as besoin de te retrouver, pas de sombrer dans les bras d’un ou une partenaire parce que tu es désespérée et en manque d’attention. »
Il n’avait pas entièrement faux, ce pourquoi elle hocha la tête. C’était ce que lui apportait ses histoires d’une nuit, du réconfort et de l’attention pour combler le manque dans sa poitrine. La souffrance était son lieu sûr, mais elle finirait par sombrer. Leiftan se releva et lui tendit sa main afin de l’aider à se lever. Elle lui adressa un faible sourire auquel Leiftan répondit par un clin d’œil. L’Etincelant savait pertinemment qu’elle ne s’éterniserait pas.
« Marchons un peu, et discutons de ce que j’ai pu voir. » dit-il pour changer de sujet.
Moody s’accrocha de nouveau à son bras en suivant ses pas à travers la grande plaine, en direction de la falaise.
« Comment as-tu fait ça ? » demanda Leiftan après quelques minutes.
« J’ouvre mes grimoires de magie. » répondit-elle en haussant les épaules.
« Moody. »
« D’accord. J’ai lu quelques passages intéressant sur la magie noire. »
L’homme tourna son visage vers la petite femme à ses côtés. Elle leva les mains en signe de paix, une aura violine dansant entre ses doigts.
« Nécromancie ? » demanda le blond.
« Non. Je ne joue pas avec la Mort. C’est un peu plus occulte que ça. Et je peux devenir plus puissante dans ce domaine si je fais les bonnes offrandes à la Nouvelle Lune. Le sang d’elfe ne court pas les rues. Après je peux toujours égorger Ezarel. Ça ferait du bien à tout le monde, non ? » taquina-t-elle.
« Moody… » soupira Leiftan, un rictus amusé au coin des lèvres.
« Plus sérieusement. » reprit-elle, le regard rivé devant elle. « Tout n’est qu’une question de main. La main droite est ma partie claire. La gauche, la plus sombre. Je suis autant équilibrée que Lune lors de ses deux grandes phases. La pleine et la nouvelle. Tout se joue sur l’intention que je veux donner à ma magie. »
Elle observa le ciel qui se voilait d’une teinte plus sombre, une moitié de lune presque apparente.
« Je ne peux tout naturellement pas faire de multiples trous noirs à la suite. Non seulement parce que ça me fatigue, mais parce que je bouleverserai l’équilibre. Je me dois de rester neutre en tant que prêtresse de la lune. Je pense que j’utiliserai ma pleine puissance si je me sens en danger. » déclara la lunienne.
Leiftan lui sourit.
« C’est tout à ton honneur. As-tu appris d’autres choses dans tes grimoires ? »
Elle secoua négativement la tête. Pas d’autres choses qui puissent l’intéresser, puisque cela concernait ses rituels. Le mentor et sa protégée arrivèrent au bord de la falaise, une brise fraîche faisait balancer leurs cheveux. Moody glissa sa petite main dans celle de Leiftan en contemplant l’horizon puis la mer en contrebas. Un nouveau silence s’installa entre eux, leurs doigts s’enlacèrent.
« On regarde les étoiles en méditant et on rentre ? » proposa la lunienne.
Leiftan l’invita alors à s’allonger à ses côtés dans l’herbe humide, contemplant le ciel à peine étoilé. Il observait Moody du coin de l’œil qui s’apaisait en suivant du bout de son index chaque constellation, murmurant leur nom. Elle tentait d’entretenir sa mémoire défaillante, pour se rassurer qu’elle n’eût pas tout perdu. Après une heure, le duo remonta vers la cité et se dirigea vers le quartier général où Leiftan lui confia la clé de la bibliothèque.
« Quand tu auras fini, cache les derrière le bois de l’encadrement de la porte. On m’attend en salle du cristal. Ne fais pas trop de bruits petite musarose. » chuchota le blond avant de la laisser seule dans le grand bâtiment.
Elle s’enferma aussitôt dans la bibliothèque et se perdit quelques minutes entre les allées. La pièce était baignée par la lumière de la lune dont on pouvait apercevoir le croissant dans la voûte des vitraux. Les améthystes de la lunienne parcoururent les différents noms de livre, jusqu’à vouloir trouver ce qui répondrait à sa question : comment Luna avait pu disparaître ? Ses doigts s’arrêtèrent sur la reliure bleue d’un manuel d’Histoire.
La jeune femme s’avança avec son butin jusqu’au centre de la pièce où elle prit place sur une chaise. Elle déposa devant elle le livre qui sentait les âges, la faisant faiblement sourire. Cela lui rappelait les quelques heures qu’elle avait passé auprès de Thot. La jeune femme tourna précautionneusement les parchemins qui servaient de page. « Le Sacrifice Bleu » pouvait-elle lire en titre. Moody se plongea dans cette histoire où l’origine d’Eldarya prenait ses origines, les sourcils froncés par la concentration. Tout au long de sa lecture, Moody tripota ses lèvres. Elle était si plongée dedans qu’elle ne faisait pas attention à l’heure ni même à ce qui pouvait l’interrompre, comme Nevra qui s’était installé face à elle en silence.
Tout avait commencé après les Croisades et le décès de Jeanne d’Arc, une humaine qui s’était perdue sur les terres des faeries et qui en rentrant chez elle pensait entendre des voix dans sa tête. La lunienne tourna une nouvelle page, la moue songeuse, concentrée à assimiler les informations. Ce qui la rassurait, c’est qu’elle avait de vague souvenir de tout ça. Cela c’était passé avant sa naissance et Luna avait été en paix depuis. Elle se gratta l’arrière du crâne puis s’accouda au bois de la table pour suivre sa lecture, la tête blottie entre ses mains.
On y parlait des dragons, des daemons et fenghuangs. Trois puissances qui régnaient sur les terres d’Eldarya. Tous leurs royaumes étaient liés avec des portails, détruits après la Grande Guerre. Cette dernière fut déclenchée à la suite de l’accomplissement d’un sort. Les dragons voulant être plus puissants que les autres avait rallié à leurs causes les plus vilains et les plus forts. Ashkore, qui… Moody releva la tête, un élan de lucidité dansant dans son regard.
« J’ai déjà entendu ce nom… Ce n’est pas celui qui attaque la cité ? » se demanda-t-elle à voix basse. « Mais ne devrait-il pas être mort depuis le temps ? Tous les dragons sont morts. »
Elle mordilla l’intérieur de sa joue. Ne va pas trop vite, se sermonna-t-elle. La lunienne reprit sa lecture, un peu plus loin, sautant le passage où les dragons étaient la cause du déclenchement de cette guerre. Les fenghuangs, qui étaient les plus faibles des trois puissances, n’avaient pas participés au sort et les daemons avaient fuit comme des lâches, craignant la fin de leur race. La colère des dragons avait tout ravagé sur leur passage. Eradiquant le peuple des daemons, asservissant celui des fenghuangs, déclenchant la fureur des Dieux de Luna, Roma et Ragna. Moody cilla légèrement.
« Je me souviens vaguement de ça… »
Le vampire l’observait comme une statue de marbre, n’osant pas la déranger dans ses recherches. Cela lui permettait d’en apprendre un peu plus sur elle. La lunienne soupira faiblement. Les dragons seraient-ils à l’origine du massacre de sa ville ? Ses yeux défilèrent en diagonal sur les multiples lignes, sentant son cœur se resserrer dans sa cage thoracique. Oui. Les dragons avaient tout détruit sur leur passage pour montrer qu’ils pouvaient être tout aussi puissants que les divinités. Les doigts de la jeune femme se mirent à trembler, prise d’une certaine panique, pourquoi ne se souvenait-elle pas de ça si elle avait connu cette situation ?
« Putain de mémoire. Je ne me souviens pas de cette guerre que j’aurais pu vivre. » murmura-t-elle, la voix serrée.
Avait-elle au moins vécu ça ? Ses yeux s’embuèrent, tapant son crâne de son poing serré. Moody était plus que frustrée. Nevra se pencha légèrement dans la lumière, tendant la main vers elle. La lunienne sursauta en voyant cette dernière, relevant brusquement les yeux de sa lecture pour dévisager l’homme devant elle.
« Tout va bien. » dit-il à voix basse. « J’entends ton pouls s’accélérer. Calme-toi. »
La jeune femme à la chevelure cendrée, dont les racines s’assombrissaient, se redressa droitement contre sa chaise, ne devenant plus qu’un mur sous l’œil attentif du Capitaine de l’Ombre.
« La race draconnique fut éteinte lors d’un procès à la fin de la guerre. Seuls les fenghuangs restèrent en vie et à la tête de ce tribunal. » l’informa le vampire, fermant doucement le livre.
Moody fronça les sourcils. Elle ne se souvenait pas de cette partie.
« Ça ne me dit pas comment Luna a pu être détruit, ni comment j’ai pu survivre à cette destruction et ne pas avoir su que tous les dragons sont morts. » pensa la jeune femme à voix haute.
Elle déglutit lentement en posant ses doigts sur le livre. Son peuple avait été un dommage collatéral de cette guerre, et elle n’avait pas été l’une des leurs. Il fallait qu’elle trouve un livre sur Luna, pour remettre les pièces du puzzle en place. Elle fut prête à se relever mais se stoppa dans son élan en se rappelant que le chef de garde était face à elle, le visage peint d’une moue enjôleuse dans le creux de sa paume. La lunienne croisa les bras, peu réceptive à sa présence. Nevra se rembrunit légèrement, se réenfonçant dans sa chaise.
« Que faîtes-vous ici ? » questionna-t-elle.
« J’ai ouïe dire que tu étais ici. »
Elle leva les yeux au ciel en prenant le livre et ne continua pas la discussion. Moody allait pour ranger sa trouvaille, Nevra lui emboîta silencieusement le pas. Elle redonna sa place au manuel et fit volte-face, sursautant en voyant l’homme sur ses talons.
« J’ai quelque chose à t’annoncer. » dit-il, tout sourire.
« Et ça ne pouvait pas attendre que je me rasseye ? » demanda-t-elle en penchant son visage sur le côté.
Le vampire la regarda, hébété le temps d’un instant. Elle avait toujours l’art et la manière de lui filer entre les doigts. D’être si froide et distante mais à la fois ouverte et si proche. Même si cela était des plus excitants, il était frustré de ne pas avoir ce qu’il voulait, pour une nuit. Il soupira. Elle tourna les talons, longeant l’allée à la quête d’un livre sur son pays. Nevra lui bloqua la route d’un bras.
« Arrête de bouger. »
« Faudrait-il m’attacher pour ça. » lança-t-elle d’un ton presque détaché.
Elle n’était pas d’humeur à flirter avec lui, et pourtant, elle ne pouvait s’empêcher de lui envoyer des piques. Il la toisa, imaginant le temps d’un instant cette jolie créature entremêlées entre des cordes. Moody lui frappa le crâne du plat de sa paume.
« Si les expressions se lisent sur mon visage, votre bave dévoilent toutes vos pensées salaces. » le réprimanda-t-elle de sa voix suave.
« Tu choisis subtilement tes mots et tes positions. » rétorqua l’homme, croisant les bras sur son torse.
Elle le scruta avant de le contourner à nouveau pour regarder une nouvelle étagère. Il la laissa faire, tout en continuant de la suivre docilement. C’est après quelques minutes de silence qu’il lâcha :
« Je vais pouvoir t’entraîner. »
Moody arrêta son index sur le haut d’un livre, levant ses améthystes vers le borgne.
« M’entraîner ? » répéta-t-elle, suspicieuse. « A quoi ? »
« Au combat au corps à corps. Leiftan a soumis l’idée depuis que tu t’es fait botter le cul par Lance. »
« Je ne me suis pas fait botter le cul. Cet abruti a expulsé sa rage contre moi parce que j’ai eu le malheur de lui répondre. » le reprit-elle.
Nevra haussa les épaules et s’accota à l’étagère en scrutant la cendrée.
« Mais grâce à mes capacités, tu pourras te venger à ton tour. »
« Vous n’êtes pas censé être de son côté ? » demanda-t-elle en tirant le livre de ses convoitises hors des autres.
« Ce n’est pas parce que nous sommes des chefs, que nous devons tous être d’accord. » fit-il remarquer.
Moody passa ses doigts sur la couverture ornée de gravure en argent, pensive. Elle tenait sûrement les réponses à son trou de mémoire. Son visage se releva à nouveau vers le brun.
« Quand commençons-nous l’entraînement ? »
« Disons dans deux jours. Pense à une tenue plus… Conventionnelle et pratique. Même si je rêve de voir ce qu’il y a sous ton jupon, je ne voudrais pas faire ça pour notre premier rendez-vous. » dit-il d’un sourire carnassier.
« Voyez-vous cela. Le vampire aux multiples conquêtes changer sa manière de faire pour avoir la petite lunienne dans son lit. Comme c’est adorable. » minauda-t-elle.
« Je t’offre même rendez-vous dans les caves du Q.G. »
« Vous cassez vraiment les codes. » s’amusa-t-elle. « Peut-être que je vous céderai. »
Le visage du vampire sembla s’illuminer de lubricité.
« Ou pas. » ajouta la jeune femme, de son regard malicieux.
La lunienne plaqua son livre contre sa poitrine opulente et se dirigea à nouveau vers le centre de la pièce pour reprendre place sur la chaise. Nevra se pencha à son oreille pour y murmurer, de son cheveu sur la langue :
« Tu sais, tu pourrais beaucoup t’amuser avec moi. » commença-t-il.
Moody frémit légèrement. Elle ne doutait pas de ses capacités, loin de là. Mais le tenir hors de portée était quelque chose de très alléchant, tout autant de le voir lui courir après.
« C’est quand je le déciderai. Il ne faudrait pas gâcher votre seule chance avec moi. »
« Tu es si insaisissable et pourtant, un jour tu ne pourras plus me fuir. C’est moi qui choisirai le jour, le lieu et… »
« Vous devriez vous taire. Je peux tout aussi vite vous oublier comme mes différents partenaires. Mais, vous n’êtes pas comme eux, n’est-ce pas ? » provoqua Moody.
Nevra grogna faiblement à son oreille. Elle avait touché à son égo. Un sourire narquois se peignit sur les lèvres de la jeune femme. Elle finit par feindre l’ignorance, ouvrant le livre qu’elle avait choisi.
« Maintenant, si vous le permettez, je voudrais être seule pour continuer ma lecture. N’y-a-t-il pas quelqu’un pour vous occuper ce soir ? » demanda-t-elle.
La petite lunienne le sentit se redresser derrière elle, passant ses doigts longs et fins sur sa nuque dégagée. Un frisson s’empara de son échine, une énième promesse d’une nuit sulfureuse. Elle lui jeta un regard en coin tandis qu’il s’éloignait de son pas silencieux. Lorsqu’il quitta la pièce, refermant la porte derrière lui, Moody secoua son visage et se reconcentra.
C’est après deux heures de lecture qu’elle commença à assembler les morceaux entre le Sacrifice Bleu et la fin de son peuple. Même si sa première lecture avait été un pêle-mêle, elle avait compris assez vite qu’il n’y avait pas eu qu’une guerre d’ego. Tout avait été orgueilleux de la part des dragons. Le fils d’Ashkore avait voulu séduire Séléné, éclipsant le temps d’un soir la lune du ciel. Moody fronça les sourcils.
« Mais si Séléné avait cédé à ce dragon… N’aurait-il pas été plongé dans un profond sommeil comme le dise les légendes ? » se demanda-t-elle à voix haute, levant les yeux vers son astre encore visible à travers la fenêtre. « Mh. Non. Les rumeurs de ce livre disent que cette éclipse précisent serait l’œuvre d’un dragon qui tenterait de la dévorer. »
Elle marqua une pause dans sa réflexion.
« Ou alors, ils ont tenté de négocier. Ce pourquoi les magiciennes de Thessalie étaient réputées pour faire fuir ces lézards volants. Puisque Séléné a eu recours à elles à cet occasion précise. »
La lunienne se massa les tempes en soupirant. Elle se devait de digérer ce trop plein d’information. Le fils d’Ashkore, Ondredcrys, aurait donc mis à sang sa ville parce qu’il n’avait pas eu le cœur de Séléné ? Elle grimaça. Quel égo. Les hommes sont définitivement tous les mêmes. Mais pourquoi est-ce que je ne me souviens pas de ça ? Moody soupira une énième fois, encore une perte de mémoire. Ses pupilles se levèrent vers le vitrail tandis qu’elle se laissait aller contre la chaise, croisant ses bras sur son ventre.
« Lune, il faudrait sincèrement m’éclairer sur cette partie. Comment ai-je pu survivre ? Et comment me suis-je retrouvée sur une île déserte, dans un autre monde, si les portails ont tous été détruits ? »
Elle ferma les yeux, se massant l’arête du nez.
« J’ai le début de l’histoire, jusqu’à disons… mon enfance. Je ne connaissais pas l’histoire entre Ondredcrys et Séléné, ça a dû se passer avant ma naissance. Car je me souviens vaguement des traités. »
Un bâillement lui échappa. C’en était trop pour une seule soirée. Apprendre tout ça l’avait fatigué et elle commençait à avoir du mal à tout assimiler. Moody rouvrit les paupières pour observer la voute céleste à travers les vitraux. Je n’ai plus qu’à trouver la partie entre mon adolescence et maintenant. La lunienne se redressa pour fermer son livre et se motiver à le ranger sans laisser de traces. Malgré la confusion des événements d’aujourd’hui, elle se sentait un peu plus légère. Elle avait réussi à répondre à quelques questions. Elle poussa le livre dans sa fente et quitta la bibliothèque sans omettre de cacher la clé de Leiftan.
Deux jours passèrent et Moody vivait le même quotidien. La journée à l’orphelinat, le soir dans les draps d’une nouvelle conquête. L’ironie du sort, c’est qu’elle se demandait comment elle pouvait avoir autant d’énergie pour tout ça. Nue devant son miroir, la lunienne avait délaissé une note écrite dans son petit carnet :
Vous êtes-vous déjà senti si seule que même votre présence était un fardeau ? Vous avancez droit devant vous, vous demandant s’il était mieux d’en finir maintenant ou de continuer à vivre avec la compagnie d’une coquille vide. Ils vous appellent par des noms de fille de joie, mais ce qu’ils se foutent de savoir c’est de reconnaître votre seule échappatoire pour stimuler ce vide. Alors votre regard se baisse vers votre partenaire de ce soir, haletant, rassasié. Il vous a blessé, et vous avez aimé. C’était malsain. Vous vous demandez ce que serait la vie de couple avec lui. Et la réalité vous rattrape. Vous mourrez seule. Et personne ne vous aimera.
Ce soir, elle avait rendez-vous avec Nevra pour son entraînement. Elle s’offrit une toilette tout en observant ses cicatrices sur les cuisses d’un air perdu. Serait-ce une preuve que j’ai tout de même fait la guerre ? Oui, elle avait déjà délaissé les pensées qu’elle avait écrite dans son carnet. Moody s’apprêta rapidement pour la suite de sa soirée. Elle se demanda le temps d’un instant comment aller se passer cette soirée. Allait-elle céder aux avances du vampire ? Un gloussement s’échappa de sa gorge. Non. Le jeu était bien trop intéressant.
Elle se dirigea d’un pas lent vers le lieu de son entraînement. La lunienne avait tiré ses cheveux en queue-de-cheval et avait opté pour un décolleté plongeant, un corset et un pantalon qui lui permettrait de se battre au corps à corps. Grandie par ses talons, la demoiselle descendit lentement les marches qui menaient à la cave de la cité. Ses pas résonnèrent contre les murs humides, à peine éclairés par des flambeaux. Lorsqu’elle descendit la dernière marche, son regard scruta la pièce immense.
Elle sentait l’humidité, comme toutes les caves, quelques perles d’eau glissaient contre les parois. Il y faisait frais mais pas assez pour la faire frissonner. Le plafond était haut, beaucoup trop haut pour que Moody puisse l’atteindre de sa petite taille. Dans un recoin gisait quelques armes et matelas pour les combats. Son regard continua son cheminement vers une lourde porte dans le fond où l’on pouvait entendre des bruits étouffés de vague qui s’échouaient. La lunienne s’avança vers celle-ci, curieuse.
« Où penses-tu aller ? » résonna la voix grave du vampire dans son dos.
La jeune femme glapit après avoir sursauté, faisant volte-face à l’homme. Il lui décocha un sourire malicieux.
« Tu fais autant de bruits qu’un Chiromagnus. Reste toujours sur tes gardes. J’aurais pu t’attaquer par surprise. Mais comme je suis un homme gentil… » commença-t-il.
Moody croisa ses bras sous sa poitrine en le toisant.
« Pourquoi me faire venir dans une cave si vous vous plaignez de mes pas ? C’est vous qui avez choisi le lieu de notre rendez-vous. » rétorqua-t-elle.
Un sourire malicieux étira les lèvres du borgne qui se penchait vers elle.
« Pour t’entraîner l’art du combat au corps à corps silencieux. »
« Je préfère m’exprimer quand je combats. Pour faire comprendre à mon adversaire ce qui l’attend. » dit la lunienne d’une voix mielleuse, levant son regard vers l’homme pour le défier.
« Concentre-toi. Je ne suis pas là pour tes petits jeux. » claqua le Capitaine de l’Ombre, d’un ton sec.
La jeune femme aux cheveux presque violine arqua un sourcil, presque surprise de son changement d’attitude. Le vampire lui tourna le dos, commençant ses explications sur le même timbre de voix :
« Choisis une arme. Celle qui te plaît le plus. Je te désarmerai et nous passerons au combat au corps à corps. J’évalue, on améliore tes points faibles. Je te pose des questions, tu y réponds correctement ou je te sanctionne. Je ne veux plus entendre le son de tes pas. »
Moody posa son regard sur les armes entreposées dans le coin et s’en approcha tout en écoutant le monologue de l’homme.
« Si j’ai choisi la cave, c’est pour t’apprendre à être plus discrète dans tes mouvements pour surprendre ton ennemi et prendre l’avantage. En tant que vampire, j’entends le moindre bruit. Si tu veux combattre avec des talons, débrouille-toi pour être aussi silencieuse qu’une musarose. »
Nevra toisa sa recrue du jour qui semblait réfléchir à quelle arme choisir. Moody se décida pour un katana, ce qui décrocha l’ombre d’un sourire au vampire.
« Oui. » répondit la lunienne. « Autre chose ? »
Bien qu’elle adorait le côté espiègle du brun, elle n’était pas non plus indifférente à son côté directif. Elle leva les yeux à cette pensée. A quoi s’attendait-elle venant de la part d’un chef de garde ? Heureusement qu’il savait diriger.
« Aucune. Mets-toi au centre de la pièce. » ordonna-t-il.
Et elle s’exécuta.
La jeune femme fit rouler sa tête en soupirant et se mit en position, prête à attaquer. Mais il lui fallut un millième de seconde pour remarquer que le vampire avait disparu de son champ de vision. Il l’agressa par derrière, passant son bras autour de son cou pour la faire basculer. Moody gronda en se sentant partir, s’extirpant aussitôt de sa prise pour lui faire face. Nevra donna un coup dans son poignet pour lui faire lâcher son arme.
« Ne tourne jamais le dos à ton ennemi. » dit le vampire.
La lunienne le fixa et assaillit l’homme d’un coup de pied. Il para de son avant-bras avant de lui attraper la cheville. Elle couina en sautillant sur un pied, la jambe en l’air.
« Ne donne pas l’opportunité à ton ennemi. » ajouta-t-il.
Moody serra la mâchoire en tentant de se défaire. Nevra relâcha sa cheville et elle trébucha sur les fesses.
« Il faudra revoir ton équilibre. » constata le vampire en l’immobilisant au sol.
Plus il parlait, plus la jeune femme bouillonnait de frustration. Son regard mauvais se posa sur lui alors qu’elle enroulait ses jambes autour de ses hanches pour le basculer par surprise. Elle prit le dessus sur lui, et lui bloqua les poignets avec un sourire malicieux.
« Ne te crois pas toujours gagnante. » lui fit-il remarquer.
D’un coup de bassin, l’homme la fit sauter et usa de sa force pour la plaquer de nouveau au sol, appuyant ses poings contre sa cage thoracique. Moody étouffa un bruit de douleur en se cambrant sur la pierre, le souffle coupé. Nevra la relâcha et se releva avec souplesse.
« On recommence. Debout. Réarme-toi. »
Il se recula. La lunienne se redressa et obéit, la mâchoire serrée, gardant un œil sur le vampire. Katana en main, elle se rua vers son adversaire, arme levée. Nevra attaqua une nouvelle fois sa main armée, lui faisant relâcher aussitôt. Elle réussit à parer sa première attaque. Plus le combat continuait plus elle se sentait reculer contre un mur auquel Nevra la plaqua sans douceur.
« Ne jamais reculer devant un ennemi. »
Moody se hissa sur la pointe des pieds pour tenter de garder un minimum de territoire. L’homme la coinçait de son corps. Haletante, elle releva le visage vers lui. Le vampire attrapa ses poignets pour les plaquer au-dessus de sa tête. Elle tenta de se défaire de son emprise, mauvaise perdante. Un faible grognement lui échappa.
« Tu es battue. Encore une fois. » déclara le chef.
Il la relâcha. Elle bougonna en reprenant son arme. Le vampire eut un rictus malicieux en la fixant, s’accroupissant avec insolence devant elle.
« Qu’est-ce qu’il y a ? Tu as tes règles ? C’est pour ça que tu es frustrée ? »
Moody darda un regard noir sur le borgne, enserrant le manche de son katana avec force.
« Vous crevez tellement de soif que vous voulez venir vérifier peut-être ? » rétorqua-t-elle, piquée dans son égo.
« Si tu le proposes si gentiment… Je pourrais. Mais je te rappelle que je peux sentir ce genre de chose et que tu ne les as pas. »
Son ton est espiègle. Moody inspira profondément pour ne pas lui sauter à la gorge de suite, par impulsivité. Elle ferma les yeux pour reprendre le contrôle sur sa colère. Quand elle les rouvrit, c’est tout naturellement qu’elle ne vit plus le brun, aussitôt elle sut se défendre alors qu’il se jetait sur elle de côté. Le katana vola au travers de la pièce, obligeant la lunienne à se défendre avec son propre corps. Par sa petitesse, elle sut filer entre les jambes du grand brun pour se ruer à quatre pattes vers son arme. Nevra lui couru après pour chasser du pied avant elle la lame au sol. Moody écarquilla les yeux et recula aussitôt pour se mettre en position de défense, mais une nouvelle fois, il sut la coincer dans un recoin.
« Prends le temps d’analyser l’endroit où tu te trouves. » lui reprocha Nevra. « Tu es encore coincée. »
Les poignets coincés dans son dos par la main de fer du vampire, Moody acôta sa tête contre la pierre. Ses yeux balayèrent rapidement la situation dans laquelle elle était, une flamme de lucidité jaillit dans ses pupilles.
« Non. » rétorqua la lunienne.
« Non ? Alors comment tu t’en sortiras ? » demanda-t-il, arquant un sourcil.
Elle fixa son adversaire, un sourire mutin se dessinant sur ses lèvres charnues alors qu’elle cambrait son corps voluptueux vers lui, l’obligeant à baisser le regard vers sa poitrine généreuse et apparente. Moody lui offrit une œillade lubrique, entrouvrant sa bouche. Tous les mêmes. Profitant de sa déconcentration, la lunienne heurta son genou entre les cuisses du vampire qui relâcha aussitôt sa prise en grondant. Elle s’extirpa aussitôt et courut à l’opposé de la pièce pour reprendre le katana en main, victorieuse.
« Toujours jouer de ses atouts. » lui fit-elle remarquer.
Le vampire ricana en massant sa masculinité attaquée. Moody croisa les bras tout en le regardant revenir vers elle et lorsqu’elle croisa son regard, un sourire malicieux étira ses lèvres.
« Mince. Ce soir, vous allez devoir rester sage. » murmura-t-elle.
Le vampire s’approcha un peu plus de la petite femme, relâchant son entrejambe.
La lunienne ricana en décroisant ses bras pour parer ses nouvelles attaques. Elle se défendait comme elle le pouvait, offrant quelques points au chef. Au bout de deux longues heures à s’entraîner, Moody s’écroula au centre de la pièce, le souffle court. Son corps endoloris n’en pouvait plus. Elle rêvait d’une douche et d’une longue nuit de sommeil. Nevra qui était resté debout et ayant abandonné son kimono pour rester en justaucorps noir, tendit sa main vers la jeune femme pour la relever. Elle se laissa tirer et essuya sa nuque humide de sa main libre.
« Tu n’es pas mauvaise. Mais il y a des choses à encore améliorer. » dit-il.
« Quoi donc ? » demanda la cendrée.
Soudainement, la petite femme se retrouva plaquer contre le mur, hoquetant de surprise.
« Ta rapidité. »
« Vous avez vraiment la manie de vouloir me serrer contre un mur. Sachez que c’est du vu et du revu, que je souhaite de nouvelles expériences. » susurra la lunienne.
Elle le toisa en souriant d’un air narquois, remontant une de ses jambes contre sa hanche. Nevra saisit sa cuisse galbée, serrant faiblement la chair protégée par le tissu. La position était des plus sensuelles, et pourtant aucun des deux n’osa continuait, pour le moment, ce petit jeu de séduction.
« Ta discrétion. » ajouta-t-il en approchant son visage du sien.
Moody redressa le menton, le regard planté dans le sien. Elle pouvait sentir son souffle contre sa peau suintante.
« Tu ne m’auras pas comme ça. » commença-t-elle en glissant son doigt le long de son nez droit.
« Tu me tutoies maintenant ? » remarqua le vampire.
Un sourire malicieux étira la bouche de la femme aux cheveux presque violines, continuant ses allers et venues du bout de sa phalange sur son nez. Elle humecta les lèvres.
« Joli nez. »
Nevra lui décocha un rictus aguicheur, une flamme lubrique dans le fond du regard. Il connaissait très bien ce genre de langage codée. Moody savait parfaitement mener des illusions, tourner chaque phrase de la plus subtiles des façons pour quelques choses de plus pervers. Et ça lui plaisait. A lui. Mais aussi à elle, qui s’embrasait en silence de sa réceptivité. Elle avait le pouvoir sur lui. Qu’il le veuille ou non.
« Je sais parfaitement où il pourrait encore être plus joli… » commença d’une voix enjôleuse Nevra.
Le vampire avait clairement envie d’un nouveau tour de chauffe, comme la dernière fois, dans les couloirs où il l’avait surprise. Mais un raclement de gorge les coupa dans leur élan sensuel. Nevra relâcha la cuisse de la demoiselle et se recula pour poser son regard sur l’autre postée sur les marches, l’air mécontent, les bras croisés et les cheveux bicolores.
« Voilà ce que tu fais alors que j’ai besoin de toi. Tu as oublié. » reprocha-t-elle.
Nevra changea de comportement, se précipitant vers l’inconnue pour prendre son visage entre ses mains, déposant un baiser sur son front. Moody détourna le regard pour laisser de l’intimité à ces deux-là, refusant d’entrer dans un conflit dans lequel elle n’était pas en tort.
« Je vous rappelle que vous n’avez pas le droit d’approcher mon frère. » provoqua l’autre.
« Karenn ! » gronda le vampire.
La lunienne rangea le katana qu’elle avait utilisé, ignorant totalement le pique lancé envers elle. A vrai dire, Moody avait fini par ignorer toutes les paroles virulentes à son sujet. Ce n’est qu’une gamine. La lunienne observa un instant les armes puis, se dirigea vers les deux vampires pour commencer à gravir les marches.
« Moody ! » s’exclama cette fois-ci Nevra.
« Une bonne soirée à vous. Il ne faudrait pas que j’abuse de votre temps. Votre sœur a besoin de vous. J’imagine que vous saurez où me trouver pour me donner un autre cours. » trancha-t-elle en posant ses billes améthyste sur lui.
Elle vit le vampire serrer la mâchoire par frustration. Dommage, ça aurait pu être intéressant. Moody salua d’un signe de tête Karenn avant de monter l’escalier qui la mènerait vers la sortie. Malgré cette interruption, elle fut satisfaite de ce qu’elle avait appris et se promit de continuer à progresser pour exceller dans ce domaine qui n’était pas celui de prédilection. Faisant danser un mini-trou noir entre ses doigts, la lunienne s’enferma chez elle pour le reste de la soirée.
✴✴✴
Un enfant sur la hanche, un autre qui lui tenait fermement la main, Moody avançait avec la petite troupe derrière Keroshane pour se diriger vers les plaines ensoleillées en direction du terrier. Aujourd’hui, les plus jeunes avaient le droit à un cours sur les familiers et leurs lieux de naissance. Mery s’enquit :
« Mais c’est l’endroit du crylasm ici ! »
Moody sourit tendrement en hochant la tête. Elle avait troqué ses habits d’assistante de Purreru pour une robe violette, ornée de doré, dont la traîne suivait le mouvement derrière elle. Un châle protégeait sa pâleur du soleil. Ses atouts avaient été mis finement en valeur pour ne pas choquer les enfants et leurs parents, pour ceux qui en avaient. Jamais on n’approuverait une assistante maternelle avec des décolletés pigeonnant. Ses cheveux violines avaient été tressés par les demoiselles de l’orphelinat pendant la récréation.
En compagnie de la petite assemblée, la lunienne s’installa à genoux dans l’herbe, en arc de cercle devant Keroshane qui prit maladroitement l’attention de tout le monde. L’introverti grattait sa nuque nerveusement et Moody l’encouragea d’un sourire en laissant un petit d’environ un ou deux ans s’installer contre sa poitrine, la tétine en bouche.
« Allez, les enfants, on écoute le cours et on discute après. » sermonna doucement la lunienne.
« Mais Moody, moi je connais déjà tout sur les crylasms ! » bouda Mery.
« C’est pour ça qu’il faut que tu aides tes camarades à devenir aussi incollable que toi. » lui répondit-elle, toujours d’une voix calme.
Elle était méconnaissable en compagnie des enfants. Toujours maternelle envers eux. Tout comme elle était douce et avenante avec les familiers. Moody se plaisait énormément dans ses deux métiers. Et adorait voir comment sa personnalité changeait la nuit tombée. Alors que Keroshane commençait timidement ses explications sur les familiers, la lunienne baissa le regard vers l’enfant blotti contre sa poitrine et la regarder avec intensité. Le temps d’un instant, elle sentit son cœur se gonfler d’une sensation agréable, inexprimable et étrange. Elle cilla. Son index passa sur le petit nez du bébé qui se mit à gazouiller en resserrant sa poigne autour de son sein.
Son humeur oscilla entre la mélancolie et l’envie. La mélancolie de se dire que ce bébé avait aussi perdu ses parents. L’envie de lui donner une famille. D’être sa famille. Sa mère. Moody pinça les lèvres, se surprenant à penser cela. Ses yeux se promenèrent sur le visage du poupon, caressant sa petite touffe de cheveux. Aurait-elle la chance d’être maman, un jour ? Pas si tu continues à te comporter comme la traînée de la cité, lui susurra sa conscience. Elle secoua imperceptiblement la tête pour chasser cette pensée. De toute manière, elle ne tomberait pas enceinte tant que Lune ne l’aura pas décidé pour elle.
Moody berça le poupon d’un air songeur. Qui voudrait d’elle comme la mère de son enfant, de toutes manières ? Qui voudrait d’une figure maternelle nymphomane ? Une maman qui comble ses vides, ses problèmes par la luxure. Ce n’est pas une vie pour une progéniture. Elle soupira faiblement puis embrassa le front du bambin dans ses bras alors qu’il s’endormait. Son regard scruta l’assemblée d’enfants, attentifs et émerveillés par les discours de l’homme licorne. Tous ces enfants seraient les siens. Un faible rictus étira ses lèvres, cela lui convenait presque.
L’après-midi passa et les enfants furent autorisés à jouer sur la plaine sous le regard attentif de la lunienne et du bibliothécaire. Moody n’avait pas perdu son tendre sourire devant la troupe d’enfants gais qui jouaient au jeu de la musarose et du molecat. Elle n’avait pas lâché le plus jeune enfant qui dormait contre elle. Mery couru jusqu’à elle, le regard pétillant de curiosité.
« Regarde Moody, dans le ciel ! » dit le jeune brownie en pointant un arc de cercle qui crépitait dangereusement.
Il était menaçant dans ce ciel dégagé. La lunienne fronça les sourcils, ce n’était pas normal. Le sol trembla, faisant rire les enfants qui tombèrent à terre. Moody jeta un bref coup d’œil à Keroshane qui avait blêmi. Tétanisé, il ne savait pas comment réagir. Elle regarda les enfants, évaluant la situation. Son instinct lui hurlait de les mettre en sécurité sans leur faire peur.
« OK les enfants ! J’ai un jeu à vous proposer avec un cadeau à la clé ! » cria-t-elle, sans montrer sa peur.
Le danger sonnait aux portes de la ville.
« Le but est très simple. Un énorme goûter vous attend dans la cantine de Karuto, dans le quartier général. Vous devez y courir le plus vite possible. La première ou le premier qui arrive gagne… Un extra gâteau chocolaté. »
Elle déclencha chez eux une frénésie certaine. Sans crier gare, ils se mirent tous à courir vers les portes de la cité dans des rires innocents. Moody attrapa le poignet de son collègue pour l’entraîner dans sa course. Un hurlement menaçant déchira le ciel, au loin, une masse noire arrivait par la forêt. Merde.
Chapitre 6 - Ashkore
La lunienne écarquilla les yeux et sans réfléchir donna la responsabilité de l’enfant à Keroshane avant de le tenir par les épaules.
« S’il te plaît ! J’ai besoin de toi là. Ne perds pas tes moyens devant les enfants. Alerte la garde. Fais sonner une cloche. Protège-les. Tu es un gardien, tu connais ton devoir. » dit-elle d’un ton qui trahissait son angoisse.
L’homme hocha rapidement la tête et déguerpit aussitôt vers le quartier général. Moody fit volteface vers la terreur qui avançait vers la cité. Elle déglutit. Il lui fallait trouver un plan et vite. Les gardes à l’entrée sonnaient déjà l’alarme, refermant petit à petit les énormes portes. Sans perdre un instant, et avant que les portes de la cité ne se ferment, la lunienne courut en travers. Sur son passage, elle put dégoter deux faucilles au garde qui fermait les portes et qui lui hurlait de revenir dans la cité. D’un geste de la main, et à l’aide de sa magie, la femme aux cheveux violines claqua dans un bruit sourd le bois sur la cité. Elle était prise d’une adrénaline soudaine, qui la rendait invincible.
Le ciel fut transpercé d’un éclair noir. Une odeur de cendre et de sang lui parvint aux narines, l’obligeant à arrêter sa course folle au milieu de la plaine. Où avait-elle déjà senti cette odeur ? Moody fronça les sourcils en tentant de chercher dans sa mémoire, droite devant la foule qui se présentait à elle. Elle secoua le visage, ce n’était pas le moment de se déconcentrer. Tant que la garde d’Eel n’était pas là, elle se donnait la mission de retenir les troupes ennemies à distance. Ses mains, armées des faucilles, se croisèrent dans son dos, scrutant ses ennemis sans relâcher sa concentration. Des golems, des gobelins, des lutins… Des rejetons de la société, comprit la lunienne. Ils s’arrêtèrent tous comme un seul homme, se séparant entre deux troupes distinctes, Moody se mît imperceptiblement en position de défense, déplaçant une faucille dans son autre main pour pouvoir agir avec sa magie.
Elle n’était pas en position d’attaquer en première. Elle n’avait pas de réserve dans ses pouvoirs, et ses cheveux violines dévoilaient sa faiblesse, mais ça ils ne le savaient pas. Moody inspira doucement, calmant l’ardeur de son cœur dans sa poitrine. Elle ne pouvait pas jeter un coup d’œil en arrière, ce serait baisser sa garde. Les cloches sonnaient et l’on pouvait entendre au loin les soldats se préparer. Ses iris violettes suivirent le mouvement de masse qui se créa. Une silhouette se distingua entre les guerriers. L’homme marchait d’un pas lourd et majestueux. Il émanait de lui une forme de confiance et de force qui fit frémir la lunienne. Il était vêtu d’une armure de noir et de rouge, son visage masqué par une tête de dragon. L’odeur de cendre et de sang se fit plus intense.
« Une contre des milliers. C’est audacieux. » claqua la voix étouffée de l’inconnu qui s’avançait vers elle.
[]Son odeur. Je la connais. Mais d’où ?[/i] s’interrogea la jeune femme. Ses pupilles se posèrent sur le masque de dragon qui se posta à quelques mètres d’elle. Il faisait au moins vingt bons centimètres de plus qu’elle. Dans son dos le mini trou noir, qu’elle avait créé pour se concentrer, dansait entre ses doigts.
« Insolent de porter le visage d’une race éteinte et orgueilleuse. » rétorqua-t-elle d’un ton sec.
L’homme fit un pas vers elle. Moody aurait dû déguerpir mais elle se contenta de rester stoïque sans baisser le regard des rubis du masque horrifiant.
« Une petite dévergondée qui n’a pas la langue dans sa poche. Ton odeur florale et minérale ne correspond pas à ton humeur salée.»
Moody arqua un sourcil. Mon odeur ?
« Petite. Tu devrais savoir qui je suis. » reprocha l’inconnu.
« Qui êtes-vous ? » demanda-t-elle en resserrant sa prise sur ses faucilles.
Il eut un ricanement mauvais en se penchant vers elle. Une sueur froide coula le long de son échine, l’odeur de cendre et de sang s’intensifia dans ses narines. Moody sentit la panique la gagner mais les effluves de bois et de menthe dans son dos la rassurèrent aussitôt. Les gardes d’Eel étaient là, derrière elle.
« Ne la touche pas. » ordonna la voix caverneuse de Lance, non loin d’elle.
L’homme masqué eut un nouveau rire en se redressant, il semblait toiser l’homme derrière Moody puis l’ignora totalement pour reporter son attention sur elle.
« Tu as de la chance d’avoir le même sang que moi, je t’aurais étripé pour ton insolence, impudente. » dit-il avant de tourner les talons. « Que le combat commence. » déclara l’homme à ses troupes. « Je ne veux plus voir les faëliens d’Eel vivants. »
C’était un ordre. Attaque Moody. Tue-le.
« Sauf elle. » lâcha l’inconnu en jetant un dernier regard par-dessus son épaule.
« C’est très aimable de votre part. » répondit sarcastiquement la lunienne en pointant son trou noir vers lui.
Alors qu’il rejoignait ses rangs, la foule l’entoura et il disparut. Elle lança au hasard son attaque. Cinq bêtes disparurent instantanément, provoquant la rage des autres. Les troupes d’Eel s’élancèrent vers leur ennemi commun, dépassant la lunienne pour la laisser en arrière. Elle ne pouvait pas aller au front. Ses mains saisirent chacune les faucilles et sans réfléchir, se mit à défendre la cité des énergumènes qui réussissaient à passer les premières barrières. À corps perdu, elle se jeta dans la bataille. Sa capacité lui permit le temps de quelques instants de trancher les corps qui s’approchaient d’elle. Moody sut se défendre, parer des coups et tuer sans réfléchir. Les traits de son visage se peignirent de rage alors que sa lame décapita un gnome.
Puis elle fut prise au dépourvu, un troll s’était élancé vers elle et l’avait emportée dans son sillage, arrachant un cri de surprise à la jeune femme qui perdit ses armes. La femme aux cheveux violines tenta de se défaire de sa prise, plantant ses ongles dans la chair de son bras, frappant de ses talons sur son torse. Rien à faire. Le troll la balança à travers la foule. Elle percuta le sol avant de rouler sur une vingtaine de mètres, la faisant gémir de douleur. Un sanglot lui échappa. Sa tête tournait. Sa vision était trouble. Des lutins se jetèrent sur elle pour en finir avec sa vie. Elle se défendit malgré la douleur, chargeant sur ses assaillants une pluie d’étoiles qui transpercèrent leur corps.
Haletante, ensanglantée et affaiblie par sa magie, la lunienne se releva, prête à se battre à nouveau contre une autre femme aussi enragée qu’elle. Moody frappa son ennemie à la poitrine, retirant aussitôt sa jambe pour ne pas lui donner l’opportunité de la mettre à terre. Elle protégea son corps meurtri contre les coups qui lui étaient adressés. Sa peau opaline n’était plus qu’un dégradé de blessure et de bleues, lui offrant des marques violacées. Moody n’arriverait pas à tenir plus longtemps, cherchant du regard quelqu’un qui pourrait lui venir en aide. En vain. Tout le monde était occupé. Déconcentrée, la lunienne reçu un poing dans la côte puis une gifle qui la sonna. Elle hurla de douleur en tombant au sol, percutant un rocher présent sur la plaine. S’en était fini pour elle. La jeune femme toussa et cracha le sang qu’elle avait en bouche. Lorsqu’elle releva le regard, une ombre furtive passa devant ses yeux et balaya son adversaire.
Hébétée, elle posa son regard sur le combat à mort qui s’offrait à elle. Nevra était venu à son secours et étranglait l’ennemie. Un autre s’approcha et Moody ne réfléchit pas avant de se jeter suit lui pour le rouer de coup. A bonne hauteur, elle réussit, tant mal que bien, à frapper son entre jambe de sa botte à talon. Lorsqu’il tomba au sol, elle mit tout son poids pour lui broyer sa masculinité. Nevra lâcha le corps asphyxié pour en finir avec l’homme au sol. Moody repoussa la douleur de son corps pour continuer le combat. Prête à charger, le vampire lui retint le poignet.
« Rentre à la cité ! » ordonna-t-il d’une voix tranchante.
Moody le toisa en tentant de dégager sa main. La douleur lui lançait mais elle ne voulait pas abandonner le combat.
« Tu n’es plus en état de combattre. »
La jeune femme l’ignora. Elle observa les alentours. La scène de guerre qui se déroulait n’avait plus aucun sens. Certains ennemis s’enfuyaient. Les siens tombaient, blessés ou morts. Elle remarque les chefs de garde se battre. Miiko attaqua de son bâton. Valkyon plantait une lame dans le corps d’un ogre tandis que Lance brisait à main nue la nuque d’un orc. Nevra s’était détaché du groupe pour lui venir en aide. Ezarel lançait des bombes alchimiques pour disperser l’ennemi. Et Leiftan combattait habilement sans donner l’impression de s’essouffler. Les soldats de chaque garde prenaient du terrain, faisant reculer l’ennemi. La femme aux cheveux violines jeta un regard en coin au vampire.
« Non. » prévint-il.
Elle ne l’écouta évidemment pas. D’un geste sec, la lunienne réussit à se libérer de sa prise. Le vampire enragea. Moody se jeta à corps perdu dans la mêlée, se ruant vers Lance pour lui voler le poignard attaché à sa cuisse. Il n’en vit rien, et heureusement pour elle. L’homme à l’odeur mentholée était bien trop occupé à évacuer sa rage sur autrui pour la sermonner. Elle courut à travers le champ de bataille pour couper aisément les gorges qui se trouvaient sur son passage. Elle déchira sa tenue pour être plus à l’aise dans ses mouvements. Le visage peint de sang frais, la petite femme s’avança dangereusement vers un adversaire, prête à lui planter sa lame dans la poitrine mais un tremblement de terre la fit tomber au sol, réveillant ses douleurs.
Tous s’arrêtèrent comme un.
Miiko avait planté son bâton dans la terre, une aura puissante virevoltante autour de ses multiples queues. Son regard transperçait la foule des combattants.
« Il suffit ! Nous gagnons en nombre. Partez et vous aurez la vie sauve. Restez et vous mourrez. » menaça la kitsune.
La lunienne toisa la cheffe, grimaçant de douleur. Sa robe déchirée lui donnait une allure sauvage, les cuisses dévoilées et pleines d’hématomes. Les cheveux en bataille, elle essuya sa joue d’un revers de main. Elle jeta un bref coup d’œil vers son adversaire. Il avait les deux mains en l’air, se relevant péniblement. Moody l’imita, le corps tremblant de fatigue. Elle dut se retenir au tronc d’arbre à ses côtés pour ne pas tomber. Les ennemis reculèrent et la douleur électrisa son corps. La lunienne serra la mâchoire, la vision trouble. Elle entrevoyait au loin, la masse noire et rouge de leur ennemi au masque de dragon qui siffla ses troupes, les rubis posaient sur la jeune femme à l’odeur déconcertante.
« Moody. » héla la voix de Leiftan qui apparut dans son champ de vision.
L’interpellée détourna son attention sur lui et lui adressa un faible sourire pour cacher sa souffrance.
« Tu n’aurais pas dû… » commença-t-il.
Elle déposa son index contre ses lèvres, lui interdisant d’en ajouter. D’un regard, la lunienne lui fit comprendre qu’elle savait déjà ce qu’on lui reprochait. Et elle voyait déjà les regards assassins de Miiko et Lance. Moody inspira l’air et une complainte lui brûla la gorge. Leiftan la toisa, inquiet. Il n’y avait plus cette odeur qui la travaillait. Le parfum de Valkyon lui vint au nez. Il s’était approché.
« Tu as vraiment était bête. Mais tu as su te défendre sans qu’on se soucie trop de toi. » complimenta-t-il en posant une main sur l’épaule dénudée de la jeune femme.
Une autre la lui dégagea.
« Ne l’encourage pas. » gronda la voix de son jumeau.
Ce n’était pas le moment. Elle avait si mal. Elle n’arriverait pas à encaisser une nouvelle dose de trop fortes émotions. Moody leva les yeux vers Lance, se tournant difficilement dans sa direction. Leiftan s’empressa de porter ses mains à sa taille.
« Moody… » s’inquiéta le blond.
Elle se pencha légèrement pour planter le poignard qu’elle avait en main à son endroit initiale : dans la pochette attachée à la cuisse de l’Etincelant. Elle lui offrit un regard condescendant.
« Je vous rends ça. » dit-elle.
La lunienne sourit malicieusement. Elle avait encore de l’énergie pour enrager le supérieur. Lance lui décocha un regard noir. Comment avait-il pu autant baisser sa garde ?
« Petite conne. » lâcha l’homme d’un ton glacial.
Elle dut fournir un effort surhumain pour ne pas lui tirer la langue comme une insolente ou lui répondre. En réalité, la douleur lui rappela sa condition. Moody avait besoin de soin et n’osait pas regarder les zones affectées par la douleur. Ses oreilles bourdonnèrent. Elle ferma les yeux pour tenter de suivre le brouhaha autour d’elle.
« Vous me direz votre petit secret à tous les deux pour sentir toujours aussi bon, même après un combat. » lâcha-t-elle de but en blanc, sans aucune raison.
Il y avait tellement d’odeurs autour d’elle, son nez saturait.
« Comment ça ? » questionna Valkyon.
Lance la fixa.
« Eh bien toi, tu as une odeur très boisée. Et vous… Quelque chose de très frais, comme de l’eucalyptus. L’autre, avec son masque de dragon, la cendre et le sang. D’ailleurs qui était-ce ? » s’enquit-elle
On ignora volontairement sa question. Les jumeaux se lancèrent un regard, presque interloqués. Moody rouvrit ses paupières et fut ébloui par la lumière du soleil, une grimace de douleur se peignit sur son visage. Le blond s’empressa de cacher les yeux de Moody pour la protéger.
« Leif… Je ne me sens pas bien du tout. » souffla-t-elle à voix basse.
Le blond eut à peine le temps de la rattraper avant qu’elle ne tombe au sol. Leiftan la souleva sans difficulté sous le regard désapprobateur de Lance et Miiko.
« Elle a besoin de soin ! » se défendit l’Etincelant.
« Pas assez pour la retirer de ce champ de bataille. Elle assumera les conséquences de sa bêtise. » rétorqua Lance.
« On lui a dit plusieurs fois de rentrer. Dépose là près d’un arbre, elle saura se régénérer, la nuit va bientôt tomber. Nos soldats ont plus besoin d’aide qu’elle. » compléta la kitsune, peu empathique.
« Elle ne peut pas se rétablir pendant une nouvelle Lune ! » s’énerva Leiftan.
« Elle fait partie de la cité. Elle est tout autant en droit de recevoir des soins. » s’interposa Valkyon.
« Elle n’est pas des nôtres. » dit Lance, d’une voix glaciale.
« Elle l’est. » répondit Valkyon en le toisant.
« Ne remet pas mes ordres en doute, chef de l’Obsidienne. Elle n’est pas prioritaire aux soins. » trancha la brune avant de se détourner pour se diriger vers les soldats blessés.
Eweleïn, qui s’était approchée avec Ezarel, croisa les bras d’un air désapprobateur. Moody sentait la nausée lui prendre et régurgita ce qui lui restait sur l’estomac. Le stress, la fatigue, la douleur. Elle voulut s’enterrer.
« Je t’interdis de l’approcher Ewe. » dit Miiko.
« Elle n’est peut-être pas une Eelienne, mais elle reste notre rescapée et est sous notre sécurité. Je suis infirmière. Mon devoir est de sauver n’importe qui. Je l’ai juré devant l’Oracle. »
« Elle a raison. » intervint Ezarel. « On ne peut pas la laisser dans cet état. »
Moody leva un regard surpris vers l’elfe aux cheveux bleus qui prenait aussi sa défense. La kitsune battit des queues avec rage en se tournant vers le comité qui s’était mis du côté de la lunienne. Leiftan tenait les cheveux de la lunienne dont il s’était amouraché.
« Nous lui devons des soins pour avoir sauvé les enfants de la cité et nous avoir alerté. » argumenta le chef de l’Absynthe. « Qu’importe qui elle est, elle a en partie sauvé des vies. »
« Et nous a aidé au combat. » renchérit Nevra.
La kitsune serra les mâchoires et chercha Lance du regard pour qu’il intervienne. Mais le guerrier se contenta de croiser les bras avec désapprobation, un regard froid posé sur la lunienne blessée.
« Vous faîtes pitié à voir. » commença-t-il.
Moody serra la mâchoire. Elle ne pouvait rien rétorquer puisque lui était propre comme une pièce d’or comparé à elle, il n’avait même pas été sali pendant ce combat. La jeune femme se contenta de baisser la tête, vaincue. Elle n’avait pas la force de s’engager dans une joute verbale. Miiko observa l’homme aux cheveux blancs tourner les talons sans rien ajouter de plus avant de toiser son équipe d’un air contrarié.
« On discutera de ton cas plus tard, Moody. En conseil. » conclut la kitsune avant de suivre le guerrier aux cheveux blancs.
La lunienne se laissa tomber à genoux dans un râle de douleur, Leiftan s’accroupit à ses côtés, dégageant son visage de ses mèches mutines afin de lui caresser la joue. Il l’a pris aussitôt dans ses bras pour l’amener vers la cité en compagnie d’Eweleïn et Ezarel, en direction de l’infirmerie déjà bondée. On la déposa contre le mur où elle posa sa tête. Leiftan humidifia son front avec un gant tandis qu’Ezarel tendait une fiole à la couleur pourpre vers elle.
« Bois. » ordonna ce dernier.
La lunienne obtempéra et bu le récipient cul sec. Elle grimaça. Le liquide avait le goût de sang.
« Nevra se sent en parti responsable, alors il t’a offert une goutte de son sang. Ne t’inquiète pas, tu ne deviendras pas une vampire. C’est simplement pour t’aider à te régénérer pendant l’attente. » informa Ezarel avant de s’accroupir face à la lunienne. « Je peux regarder tes blessures ? »
Moody hocha la tête en silence. Ezarel passa ses doigts sur chacune de ses blessures présentes : égratignures sur ses bras et ses jambes, hématomes, plaies ouvertes sur son flanc. L’Absynthe nettoya ses plaies béantes déjà imbibées de pus avant de soupirer.
« Heureusement que nous agissons maintenant. Le venin aurait pu davantage te blesser. »
Moody l’interrogea du regard. Ezarel lui offrit un sourire rassurant.
« Très bien, je mets ma casquette de chef Absynthe. » commença-t-il de son air supérieur avant de redevenir plus sérieux : « Il devait y avoir du venin de Chead. Si on t’avait laissé près de l’arbre, tu serais sûrement déjà morte paralysée. »
La lunienne grimaça, Leiftan massa en douceur ses tempes.
« Comment ? » demanda curieusement Moody.
Un vieux proverbe disait que si on avait mal quelque part, il fallait focaliser son attention sur autre chose.
« Tu veux vraiment que je te fasse un cours ? » questionna l’elfe.
La lunienne lui décocha un regard noir. Ezarel ricana.
« D’accord. D’accord. Si ça peut occuper ta cervelle pendant que je nettoie ce bordel. »
L’infirmier s’empara de son artillerie à soin pour commencer à nettoyer la plaie pullulante de pus. Moody grimaça de douleur et Leiftan l’empêcha de trop bouger pour faciliter la tâche à son confrère.
« Le venin de Chead est connue pour son côté paralysant et mortel. Par chance, la lame qui en a été imbibée, n’est pas allé jusqu’à toucher l’une de tes veines principales. Si ça avait été le cas, le paralysant se serait diffusé en moins de dix minutes dans ton corps, jusqu’au dysfonctionnement de ton cœur et de tes poumons. C’est plutôt une mort angoissante. » dit l’elfe avec neutralité en trempant des bouts de coton dans du désinfectant.
Il approcha le tout de la plaie et reprit, en ignorant les plaintes de Moody :
« Par chance, il n’a fait qu’accélérer le processus de formation du pus dans ta plaie. Et encore, grâce à moi cette fois-ci, je n’aurais pas besoin de te retirer un flanc qui aurait pu devenir nécrosé. »
« Tu vas me faire vomir, Ezarel. » chouina la femme aux cheveux violines.
« Faut savoir ce que tu veux ! Un cours ou souffrir ? » railla le bleu. « Mais si tu n’avais pas eu de plaie, le venin aurait été inoffensif. C’est un mal pour un bien. Tu éviteras les coups pour la prochaine fois. »
« J’y penserai quand je verrai un Chead de mes propres yeux, de ne pas m’approcher. » marmonna Moody avant d’inspirer bruyamment quand Ezarel appliqua un onguent vert.
Leiftan l’empêcha de faire un geste brusque alors que l’elfe continua ses soins, croisant son regard.
« Il faut la surveiller cette nuit ? » demanda le blond.
« Oui. Préférable. Le sang de Nevra fait effet rapidement. Mais tu risques de passer une sale nuit ma petite. » dit Ezarel en bandant le flanc de la jeune femme. « Tu auras sûrement un mal de tête, de la nausée, des hallucinations et de grosses crises de sudation. »
« Génial… » murmura la lunienne, déjà épuisée.
Ezarel se releva, les traits fatigués. Ewelein apporta une nouvelle fiole à son confrère qui le tendit au blond.
« A lui faire boire après chaque vomissement. Il ne faut pas qu’elle mange, ni boit. Cette potion lui apportera les nutriments nécessaires et l’aider à évacuer les toxines. »
Leiftan rangea la fiole dans la poche de son manteau blanc et aida la petite femme à se relever. A nouveau, il la prit dans ses bras et elle se tint à lui en silence. Son visage se posa contre son épaule et elle se laissa bercer par ses pas vers sa chambrée. Leiftan déposa Moody sur son lit miteux et prépara dans un coin deux bassines : une vide et une autre remplie d’eau mousseuse. La lunienne tenta de rester assise au bord de son lit, les muscles tiraillés par la douleur. L’Etincelant se mit à genoux devant elle et entreprit de lui retirer ses chaussures puis le reste de ses drapés ruinaient par le combat.
Jamais il ne posa un regard avide sur le corps à moitié nu devant lui. Moody n’était qu’en simple culotte et cachait sa poitrine de son bras. Leiftan n’était pas un homme comme les autres. Elle semblait plus pudique qu’à l’accoutumé. L’homme lava chaque égratignure et aida la jeune femme dans sa toilette, se détournant quand elle devait toucher ses parties intimes. De toutes manières, il n’y avait que lui qui était là pour elle. Une nausée lui prit et Leiftan ajusta aussitôt l’autre bassine à sa bouche.
Le blond l’aida se débarbouiller avant de lui tendre la fiole pour une gorgée de son médicament, puis se sécher avant d’enfiler un kimono pour sa longue nuit. Il resta dans la chambrée, au pied du lit, à veiller sur elle, sans jamais fermer l’œil. L’Etincelant lui faisait boire une gorgée de la fiole à chaque vomissement, épongeait chaque goutte de sueur qui coulait du corps de son amie jusqu’au petit matin où elle sembla enfin trouver la paix. Leiftan nettoya la pièce et s’assura qu’elle allait mieux. Avant de la quitter, il lui amena une compotée et une tranche de pain pour qu’elle commence bien la journée.
Lorsque Moody ouvrit lourdement ses paupières, Leiftan n’était plus là. Elle se redressa doucement dans ses draps trempés et prit en main le repas qu’il lui avait été amené. Elle mangea avec appétit, les pensées tournaient vers son ange gardien qu’elle espérait recroiser ce soir. Son cœur se serra avec tendresse dans sa poitrine. Leiftant était le seul à lui procurer cet effet. Les larmes lui montèrent aux yeux. Elle aurait aimé le remercier et le gratifier d’une accolade affectueuse. Un petit rire nerveux lui échappa. Qu’est-ce qui lui prenait ? Moody secoua la tête et s’activa doucement pour la journée qui l’attendait. La convalescence n’était vraiment pas faite pour elle.
Ses pas la menèrent automatiquement vers la boutique de Purreru qu’elle trouva en panique. Il y avait des plumes noires partout, et des croassements stridents effrayaient les autres familiers. Moody s’avança vers le félin tremblant. Le familier corvus semblait tout aussi en panique que son patron.
« Purreru… » chuchota la lunienne.
L’interpellé fit volteface et sursauta à la vue de son employée, manquant de faire tomber l’œuf qu’il avait sous l’aisselle. Moody l’attrapa au vol et grimaça en sentant son flanc s’électrisait de douleur.
« Oh ! Oh ! Je suis dé-désolé… Moo-Moody qu’est-ce que tu fais-fais là ! » s’écria le félin, affolé. « Tu devrais être chez t-toi ! »
« Ça va. Ça va. Calme-toi mon chat. Tu vas effrayer tout le monde. »
Le félin soupira faiblement, dépassé par la situation. Moody lui adressa un sourire compatissant avant de jauger l’oiseau à l’œil rouge perçant, s’interrogeant sur sa race.
« Un Ptérovorcus. » lui souffla Purreru. « Contrée d’Halloween. Sucrerie terrifiante. Femelle. Bébé. »
La lunienne hocha la tête avant de s’approcher mais se fit violemment croasser dessus, esquivant habilement les coups de bec. Elle fronça les sourcils.
« Ce n’est pas la peine de croasser sur ce ton très chère. Moi aussi je suis blessée et je n’en fais pas tout un plat ! » railla la femme aux cheveux violines.
Cela sembla clouer le bec du familier un instant. Moody se tourna vers son patron.
« Comment un familier de la contrée d’Halloween a pu arriver jusqu’ici ? »
« Les troupes d’Ashkore. » dit-il à voix basse.
Et j’ai été empoisonnée par le venin de Chead. Se remémora-t-elle. Peut-être que le grand ennemi de la cité d’Eel s’y cachait ? Moody mit cette idée dans un coin de sa tête avant de reporter son attention sur le familier.
« Je vois… Je m’en occupe. Où est-elle blessée ? »
« Ailes et pattes. Mais pro-protèges toi. Elle est agressive. » la prévint Purreru, inquiet.
« Je ne suis plus à ça près… » ricana la lunienne.
Cependant, elle enfila une paire de gants avant de s’approcher du Ptérovorcus blessée. Au départ, elle se laissa attaquer par la bête avant de se montrer plus autoritaire envers le corbeau. Elle lui mit une sucette terrifiante dans le bec et lui coinça le cou contre la table afin de pouvoir examiner l’aile blessée.
Etonnamment, elle se laissa faire et Moody retira les quelques plumes qui lui gâchaient l’accès à la blessure qu’elle désinfecta. La sonnette de la boutique résonna et la jeune femme jeta un bref coup d’œil vers la porte d’entrée où elle aperçut le Capitaine de l’Ombre accompagné d’un familier.
« Purreru, j’ai besoin de ton aide. Sheitan ne se sent pas bien depuis hier. » dit le vampire d’une voix inquiète.
Moody retourna à sa tâche, enroulant l’aile de l’oiseau dans un bandage blanc. La Ptérovorcus avait cessé de lui donner des coups de becs et semblait plus apaisée à se faire soigner par la jeune femme. Elle croassa.
« Je sais ma belle. Ce n’est pas une partie de plaisir. Mais bientôt tu pourras retourner de là où tu viens. » la rassura Moody, comme si elle comprenait ses bruits.
La corbeau la jaugea de son œil flamboyant avant d’ébouriffer les plumes de son crâne dans le creux de la paume de sa sauveuse. La lunienne eut un sourire tendre.
« J’apprécie tes excuses. » murmura cette dernière à l’attention de l’oiseau.
« La femme qui murmurait à l’oreille des Ptérovorcus. » commenta Nevra d’une humeur massacrante.
Moody jeta un regard par-dessus son épaule avant de rétorquer.
« La mauvaise humeur n’est pas la bienvenue en salle de soin. » déclara-t-elle d’une voix calme.
La jeune femme aux cheveux violines transporta l’oiseau dans un box, refermant la grille après lui avoir donné une eau riche en maanas. Elle fit face au vampire dont les traits étaient tirés par la fatigue et l’angoisse.
« Moo-Moody, je vais avoir be-besoin de ton assistance. » lança Purreru habillé d’une blouse.
C’était sérieux. La lunienne déposa une main amicale et chaleureuse sur l’épaule du vampire.
« Je vais aller murmurer à l’oreille de Sheitan. » déclara-t-elle pour le rassurer.
L’homme soupira faiblement en se laissant tomber sur une chaise. Moody pinça les lèvres, il était rare de voir Nevra dans un tel état. Elle enfila une blouse à son tour et rejoignit Purerru en salle d’examen pour s’occuper du Black Gallytrot blessé à la croupe et la cuisse. La lunienne s’accouda et s’arma d’une pince à épiler pour retirer les épines qu’elle voyait dans les plaies tandis que le félin prenait en main le reste de l’examen. Une fois fait, elle se positionna à la tête du canidé pour lui offrir quelques caresses.
« Je ne suis pas la meilleure pour faire de grands soins, mais j’offre beaucoup d’amour aux familiers courageux. » murmura la jeune femme qui accueillit le familier contre sa poitrine opulente. « Et puis, tu dois prouver à ton maître que tout va bien. »
Moody releva ses yeux améthyste vers Purreru, interrogatrice.
« L’a-l’assailant qui l’a attaqué. Sûrement un lu-lutin à grandes dents lui a bro-broyé le nerf. Je-je dois opé-pé-rer. »
Elle hocha la tête avant de baisser son regard sur Sheitan.
« Un petit tour aux pays des songes ça te tente ? A ton retour, je t’offrirai une dizaine de gallyflores. » promit-elle.
La canidée aplatit ses oreilles en arrière. La lunienne fit une petite moue empathique avant de se redresser.
« D’accord. J’appelle ton maître. Mais je me doute qu’il est déjà à l’affût de nos moindres paroles. » déclara-t-elle.
Elle ne se trompa pas. Nevra apparut dans l’encadrement de la porte, l’air soucieux. Moody l’invita à s’approcher d’un signe de main. Le vampire se glissa à ses côtés et caressa le poil fantomatique en silence.
« Elle est entre de bonnes mains. Elle vous reviendra très vite. » dit la lunienne d’une voix calme.
Le borgne hocha imperceptiblement la tête. Moody s’accroupit face au museau de la Black Gallytrot pour lui souffler de la poudre d’étoile dans le museau afin de l’endormir sans difficulté.
« Aux pays des songes pour huit heures.» annonça-t-elle. « Vous devriez vous reposer. »
« Tu devrais être tout autant alitée. » lui fit remarquer le brun.
La lunienne lui offrit un sourire.
« Le sang de vampire m’a offert un regain d’énergie. » rétorqua Moody, posant une main sur son avant-bras. « Merci pour votre don. Je prendrai soin de Sheitan et de sa convalescence en retour. » promit-elle.
Pour la première fois, Nevra n’eut rien à répondre. Son œil semblait larmoyant. Sa paume froide se déposa sur la main de Moody et la serra légèrement pour toute réponse. La lunienne lui offrit un nouveau sourire avant de le regarder disparaître hors de la boutique, il ne lui servait à rien de rester ici. Quant à elle, elle resta pour assister Purreru dans la boutique pendant l’opération du familier. Elle nettoya les cages, rangea les nourritures, organisa la boutique et renseigna au mieux les éventuels acheteurs. Lorsque le félin eut fini, elle disposa pour se diriger vers l’orphelinat, comme lui imposer son emploi du temps.
Sur le chemin, elle se dégota un casse-croûte et pénétra dans la bâtisse, assourdie par les cris des enfants dans la cour de récréation. Quand elle croisa le regard de l’homme-licorne, il se précipita vers elle, inquiet.
« Par l’Oracle ! Je suis sincèrement désolé pour hier… Je. Je n’aurais pas dû te laisser seule ! C’était lâche de ma part. »
Il se mit à genoux devant elle. Moody grimaça légèrement, par gêne. Tout le monde les regardait.
« Relève-toi Keroshane… » bafouilla la jeune femme. « C’est très embarrassant… Discutons ailleurs si tu le veux bien. »
« Je t’ai mis en danger. Je m’en voudrais toute ma vie. Ô pardon Moody, je suis un incapable ! » se confondit l’homme à ses pieds.
« Debout ! » s’excéda la petite femme en se reculant.
Keroshane s’exécuta en bafouillant des excuses. Moody le toisa avant de soupirer doucement en tapotant son épaule.
« Ce n’est pas grave. » le rassura-t-elle. « Par pitié. N’ouvre pas la bouche ! Je ne t’en veux pas. Tu as fait ce que je t’ai demandé : mettre les enfants en sécurité. C’est moi, et moi seule, qui ait pris la décision de rester hors de la cité. Tu n’as pas à te sentir fautif. Ni pour le danger ambulant que je suis, ni pour mes blessures. Je suis en vie. Tout va bien. »
L’homme baissa le regard, honteux. La lunienne reprit :
« Ne t’apitoie pas comme ça. On se ressaisit soldat. On a des enfants à fatiguer pour les coucher. »
Sur ses mots, elle dévora son repas à pleine dents avant de se diriger vers la cour où les enfants courraient dans tous les sens. Certains s’interrogea sur ce qu’il s’était passé la veille, d’autres voulaient savoir comment se battre pour la prochaine fois. Et Moody, d’une manière pédagogue, répondit à chacune de leurs questions sans se lasser. Lorsque le soleil finit par se cacher derrière des nuages, la lunienne put sortir de l’ombre, un bambin endormi contre sa poitrine qu’elle réveilla doucement en caressant son visage.
« Petit bébé. Il est temps d’aller se doucher et de manger. » murmura-t-elle à son oreille déchiquetée par une malformation.
Les deux grandes billes noires de l’enfant se posèrent sur elle avec surprise avant de se mettre à sangloter sans raison. Moody le berça tout en se dirigeant vers la salle de bain commune. Elle confia le petit garçon à Keroshane avant d’aller aider une Purrekos dans la salle des filles, prenant soin de celles qui devenaient des femmes puis celles qui grandissaient et avaient besoin d’indépendance. A la fin, bien qu’épuisée et tiraillée par la douleur à son flanc, Moody assura le service du repas et du rituel du coucher. Ce n’est qu’une fois la nuit tombée que la lunienne quitta l’orphelinat.
Elle se dirigea vers son propre logement, perdue dans ses pensées, le regard vague. Quand elle se présenta devant sa porte, une rose aux pétales noirs était délicatement posée sur son seuil avec un mot dont la courbe raffinée des lettres formées « merci pour aujourd’hui ». Un sourire étira les lèvres de la lunienne qui jeta un regard sur les alentours, pas de traces d’un vampire. Elle savait que ça venait de lui.
***
Les jours passèrent et se ressemblèrent. Aucune convocation auprès du Conseil. Une Ptérovorcus qui peinait à se remettre d’aplomb malgré les bons soins de Purreru et qui cherchait davantage la présence de la lunienne. Sheitan avait retrouvé la forme comme promis par la lunienne auprès du vampire qui l’avait gratifié d’un baise main et repris son attitude de coureur de jupons, ce qui ne déplaisait en rien à la jeune femme. Moody avait tout naturellement enchainé les partenaires d’un soir, se retrouvant parfois dans des situations… Extraordinaires. Et quand elle avait besoin d’une pause, la femme aux cheveux argentés se retrouvait avec Leiftan pour une marche en forêt ou une méditation sur la plage.
A plusieurs reprises, ils s’étaient rapprochés. Parfois ils se tenaient la main, s’offraient des baisers au coin de la bouche, somnolaient sur l’épaule de l’autre. Ce qui arrachait des sourires rêveurs à la lunienne. Cela lui donnait envie mais… Elle préférait sa liberté et savoir qu’elle plaisait à n’importe qui. Il était bon de se trouver un peu d’équilibre dans sa vie chaotique.
C’est en fin de semaine que la lunienne fut attendue par Leiftan, à la boutique. La Ptérovorcus blottie dans le creux de son cou, Moody clôturait la caisse de la journée avant de prêter attention au blond.
« Tu es attendue ce soir au Conseil. » annonça Leiftan d’une voix calme.
Elle se contenta d’hocher la tête en caressant le plumage du familier contre son cou.
« Elle n’a pas l’air de vouloir te quitter. » remarqua son ami.
Moody sourit.
« Je n’en ai pas envie non plus. Mais je n’ai rien pour l’accueillir dans ma chambrée. Et puis, il faudra bien que je finisse par me séparer d’elle… »
« Pourquoi ? » demanda l’Etincelant en s’approchant d’un pas.
La Ptérovorcus darda un regard assassin sur lui. Leiftan arqua un sourcil.
« Aussi caractérielle que toi. » constata-t-il, déclenchement un gloussement à la femme aux cheveux cendrées.
« Je ne suis pas caractérielle. Je suis lunatique. » précisa-t-elle.
Son regard se posa sur l’oiseau qui s’accrocha à son index. Son doigt était légèrement boursoufflé par les serres qui se plantaient sans cesse dans sa chair quand l’oiseau s’installait. Moody fixa tendrement le familier.
« Elle a été trouvé à la suite de la bataille contre Ashkore… J’ai bien peur qu’on ne la renvoie. »
« Pourquoi dis-tu ça ? » s’étonna Leiftan.
« Je ne serai pas étonnée qu’on rejette un pauvre familier à son tour. »
L’homme à la mèche noire pinça les lèvres avant d’avancer le dos de sa main pour caresser la joue de son amie, mais il se prit bien vite un coup de bec. Moody grogna faiblement.
« Eh ! Il a le droit. » gronda-t-elle envers l’oiseau qui croassa. « Et tu ne réponds pas ! »
« Définitivement… Vous vous ressemblez. » s’amusa Leiftan. « Veux-tu te changer avant d’aller au conseil ? »
Moody hocha positivement la tête avant de se détourner pour remettre la Ptérovorcus en cage. Purreru profita de ce moment pour apparaître, la lunienne lui sourit.
« Tout est rangé patron ! » annonça fièrement la jeune femme.
« T-tu dois tr-trouver un nom à… A ce fam-familier. » déclara le félin.
Moody pencha son visage sur le côté.
« Non. Je ne peux pas lui donner de nom. Elle ne m’appartient pas. »
« Tout le monde a le droit à un familier. » fit remarquer Leiftan, les bras croisés dans le dos.
La lunienne fronça les sourcils, intriguée.
« Je-je te la con-confie. Elle est à t-t-toi. » annonça Purerru avant de miauler de joie.
Il posa ses pattes contre sa gueule, presque gêné de son relâchement. Moody regarda ses deux compères avec incrédulité.
« Quoi ? »
Leiftan ricana en passant une main dans les cheveux de la jeune femme pour les lisser un peu plus.
« C’est ton familier. »
Moody cilla, la bouche ouverte avant de se tourner vers la cage, enjouée. Elle se laissa aller à un petit sautillement de joie avant de se râcler la gorge et reprendre contenance.
« Très bien. Je réfléchirai à son nom. »
L’oiseau croassa d’appréciation.
« Et ce sera le plus beau. » lui sourit la lunienne.
Elle s’empressa de déposer un baiser contre la joue du chat qui se mit à rougir et se tourna vers Leiftan pour lui offrir une légère accolade sans perdre son grand sourire. Le blond lui rendit affectueusement son étreinte.
« Maintenant file t’habiller. Nous sommes attendus au Conseil. »
« Très bien, Mentor ! » lança-t-elle à la volée en se dirigeant dans l’arrière-boutique.
Quand Moody en sortit, elle arborait une robe longue et bouffante. Sa taille était dessinée par une ceinture et sa poitrine généreuse mise en valeur par un tissu plissé gris. Pour une fois, elle n’avait pas mis de décolleté qu’elle affectionnait tant. Ses cheveux étaient coiffés de deux tresses décorées de bijoux en leurs bouts. La jeune femme s’était remaquillée les lèvres d’un noir profond et s’avança vers Leiftan qui lui offrit son bras.
« Tu es en deuil ? » demanda-t-il, l’air moqueur.
« Une sorcière doit avoir toute une panoplie dans son armoire très cher. Tu serais étonné de ce qui peut se cacher en dessous. » minauda-t-elle avant de glousser.
Elle prit le bras de l’homme et s’avança au travers de la cité en direction de la salle du cristal. Moody salua Jamon d’un signe de tête et entra à la suite de Leiftan dans la salle. Comme la première, elle se trouva au centre de la pièce, entourée et surplombée des plus grands de la cité. La lunienne passa un bras sur son ventre et se courba en une révérence polie avant de se redresser, croisant ses mains devant elle, prête à accuser de sa peine.
« Bienvenue à ton nouveau conseil. Tu es ici aujourd’hui pour être jugée de ton comportement lors de l’attaque d’Ashkore sur nos terres. Nous avons tous discutés entre nous, sans ta présence, pour délibérer de ta peine. Aurais-tu peut-être quelque chose à ajouter pour te défendre et être moins sanctionnée ? » scanda Miiko d’un ton solennel.
Moody pencha son visage sur le côté, arquant un sourcil. Elle se retint de lever les yeux au ciel. Son regard scruta l’assemblée avant de poursuivre d’une voix assurée :
« Je n’ai pas à être sanctionnée pour avoir sauvés des vies de petits citoyens d’Eel. Certes, j’ai transgressé une règle en m’extirpant, à l’insu de tous, de la cité pour protéger ses portes le temps que la Garde arrive. Je n’ai pas non plus à être sanctionnée d’avoir défendu votre pays au risque de ma propre vie. J’aurais pu ne pas le faire et laisser ce Ashkore effectuer son travail. Mais vous m’auriez reproché de n’avoir rien fait. »
La lunienne marqua une pause et posa ses améthystes sur Miiko.
« Quoi que je dise. Quoi je fasse. Vous ne me saluez pas, parce que je refuse votre autorité. Et aujourd’hui, en mon nom, je me plaide innocente et prouve une nouvelle fois que je ne tiens pas rigueur de votre autorité. »
Son regard croisa le bleu glacial de ceux de Lance, il contractait les mâchoires mais elle put déceler l’ombre d’un rictus au coin de ses lèvres. Qu’est-ce qui l’amusait autant ? La kitsune tapa de son bâton sur le sol, obligeant Moody à reporter son attention sur elle. Ses bras se croisèrent sous sa poitrine, attendant poliment qu’elle parle.
« Bien. Tu avais raison Lance, elle s’est rebellée. » dit Miiko en ignorant volontairement la présence de la lunienne.
Moody déglutit en serrant les dents. Il ne fallait pas qu’elle s’énerve et elle le savait très bien en sentant le regard insistant de Leiftan.
« Et comme j’ai foi en tes paroles et tes conseils, mon cher ami. » minauda la brune près de Lance.
L’étrangère de la cité se retint de justesse de ne pas faire une moue de dégoût ou émettre un bruit de vomissement en voyant cette scène. Son regard se posa sur le guerrier aux cheveux blancs qui continuait de la fixer en écoutant d’une oreille distraite les propos de la brune.
« Alors on va faire ce que tu as choisis… »
Miiko se redressa dans son siège et pointa son bâton vers la petite femme en robe.
« Toi, Moody. Pour te racheter après ta désobéissance, tu devras participer aux Olympiades de la Garde pour devenir une soldate. Les règles sont très simples, soit tu vis, soit tu meurs. » déclara la cheffe.
Moody fronça les sourcils. Un suicide ?
« Soit, vous vivez, et vous servez d’appât pour attirer Ashkore, puisqu’il semble vous porter de l’intérêt. Soit, vous mourrez et nous ne vous pleurons pas. » ajouta Lance de sa voix caverneuse.
« C’est aimable de votre part. Je n’en attendais pas moins de vous. J’espère avoir l’honneur d’un crachat sur ma tombe de votre part. » grinça la lunienne d’une voix froide.
Elle crut entendre un rire étouffé de la part du guerrier, mais il ne sembla rien transparaître. Son regard se posa à nouveau sur la kitsune.
« En quoi consiste vos Olympiades ? » questionna-t-elle.
« Tu le sauras le moment venu. » sourit la brune, malicieuse. « Prépare-toi à ne pas mourir, ou à préparer tes funérailles, c’est tout ce que je peux te conseiller. »
Moody soupira faiblement. Ils étaient décidés à jouer avec sa patience et ses nerfs. Si tel était son sort, alors elle sauverait sa peau de ce suicide commandité. Elle redoublerait d’effort pour s’entraîner et devenir meilleure. Mais à quoi?
« Tu peux disposer. Les Olympiades auront lieu à la fin du mois. » conclut Miiko.
La lunienne observa chaque chef. Chacun avait le visage fermé, hermétique à l’idée de la guider. Pour sûr que la kitsune leur avait interdit de l’aider dans cette démarche. Elle renifla avec dédain, se courba dans une nouvelle révérence avant de tourner les talons pour se diriger vers la sortie de la salle. Son visage était cramoisi par la colère, comment Leiftan avait pu lui mentir ? Lui cacher la vérité ? Cet excès de rage lui permit de faire dégager les autres de son passage, mais pas l’elfe noir qu’elle percuta de plein fouet.
L’homme grommela en posant son regard obsidienne sur la petite femme. Elle releva le visage vers lui pour soutenir son regard envoûtant, elle ne voyait que ça. La peau noire de l’homme était remarquable grâce à la blancheur de ses vêtements. Un masque noir lui entravait la moitié du visage et son corps semblait incroyablement bien bâti et musclé. Les deux se toisèrent en chien de faïence.
« Dégage de ma route. » ordonna Moody d’une voix tranchante.
L’elfe ne cilla même pas. La lunienne sentit ses mains crépiter avec l’envie irrépressible de tout casser sur son chemin. L’homme baissa lentement son masque en se penchant vers la jeune femme, sans quitter ses yeux.
« Stop. » dit-il d’une voix profonde et grave.
Elle écarquilla les yeux en sentant sa magie se rétracter dans ses paumes.
« Putain mais c’est quoi ça ! » s’écria Moody, incapable de lancer sa magie. « Rends-moi mes pouvoirs. »
L’elfe noir haussa les épaules sans la quitter du regard, elle leva la main.
« Baisse ta main. Donne-moi ton identité. »
Elle obéit, contre son gré.
« Moody. » répondit la lunienne, déconcertée.
« Mirlak ! Laisse-la. » intervint la voix de Leiftan à l’autre bout du couloir.
L’interpellé ne leva pas le regard, continuant de fixer la lunienne avec un sourire malicieux.
« Avec ce caractère, tu devrais ajouter un piercing à ton visage. Fais toi percer la narine, petite rebelle. » ordonna-t-il.
« Qu’est-ce que vous me faîtes ? » bredouilla Moody.
Mirlak rompit son contact visuel et remonta son masque sur sa bouche, grognant après l’Etincelant qui s’était approché de sa protégée.
« N’utilise pas ton pouvoir de Beau-Parleur ici. » dit Leiftan en fixant l’elfe.
Et il disparut, sans un mot. Le blond jaugea la lunienne.
« Tu vas bien ? »
Elle lui ricana au nez en lui faisant face.
« Parfaitement bien. On me pousse au suicide. Un elfe noir m’ordonne des choses et je n’ai même pas mon mot à dire. Et le plus drôle? C’est que pour une raison que j’ignore je vais écouter ce… Ce Mirlak. »
Moody posa un doigt accusateur sur le torse de son ami avant de fermer son poing au même endroit, colérique.
« Et le pire ? C’est que toi-même tu me pousses au suicide, en m’envoyant dans ces Olympiades. On ne me donne même pas un seul indice. Alors, si tu le permets, je vais aller m’entraîner pour éviter de me faire tuer et me faire percer le visage comme l’a suggéré l’elfe. »
Leiftan cilla, désemparé. Il ne pouvait rien dire pour aider son amie. Un, parce qu’il savait qu’elle s’en sortirait pour ces jeux. Deux, parce qu’il ne pouvait rien faire pour stopper le pouvoir d’un Svartan, un elfe noir dont la capacité était d’être un Beau-Parleur. Quoi que Mirlak énonçait, on s’exécutait contre son gré. Le blond regarda la lunienne excédée quitter les lieux sans rien faire.
Le soir même, elle n’avait pas décolérée, ressassant sans cesse la scène qui s’était déroulée plus tôt. Elle était démunie. Penchée sur son autel de fortune, Moody se laissait envoûter par l’odeur de sauge et de lavande, réorganisant ses pierres. Par chance, l’elfe noir ne lui avait pas ôté ses pouvoirs. Une étoile se posa au centre des pierres pour les recharger en magie. La lunienne attrapa son grimoire pour le lire à même le sol, cherchant quelque chose qui apaiserait ses nerfs.
Un cliquetis contre le carreau de sa fenêtre la tira hors de sa lecture. Lorsqu’elle releva les yeux, elle fut gratifiée d’un croassement. Moody cilla et se précipita pour ouvrir sa fenêtre au Pterovorcus qui était devenue son familier.
« Comment t’es-tu échappée de ta cage? » s’étonna la jeune femme.
Le familier croassa, se posant sur l’épaule dénudée de sa maîtresse. Moody referma la fenêtre et s’assit en tailleur sur son matelas miteux.
« J’espère que tu n’as pas fait faire une crise cardiaque à Purreru. Je t’en voudrai. » annonça-t-elle.
Le Pterovorcus pencha sa tête sur le côté et donna un léger coup de bec contre sa joue. Moody ricana avant de reprendre:
« Je n’ai pas trouvé le temps pour ton prénom. »
Elle leva son regard vers l’astre nocturne.
« Peut-être quelque chose qui serait un rappel à mes origines… »
La lunienne sembla perdue dans ses pensées.
« Mon père était le dieu nordique de la Lune… Fidèle messager nocturne d’Odin. Que penses-tu de… Munin? »
Le Pterovorcus croassa.
« Oui. Ça t’irait bien. Je suis sûre que tu connais un tas de secrets. » sourit la lunienne en baissant son regard sur l’oiseau. « Comme Lune. »
Le familier frotta sa tête contre la mâchoire de la jeune femme, les plumes dressées sur la tête.
« Alors va pour Munin. »
Moody caressa le plumage noir à sa disposition et contempla à nouveau la lune avec un petit sourire.
« Tu dormiras avec moi ce soir. Mais je dois te quitter un peu avant, je dois passer dans un magasin pour me faire percer… Et trouver quelqu’un pour passer un peu de temps. Je serai rentrée avant que Lune ne se couche. » informa-t-elle. « Tu peux t’étaler dans mes draps, demain je te concocterai un nid douillet ici. »
La lunienne déposa un baiser sur le crâne de l’oiseau avant de la déposer sur son lit et s’activer à trouver une tenue. Elle opta pour un haut qui dévoilait ses seins volumineux, une jupe longue qui laissait entrevoir sa peau laiteuse. Elle noua à sa taille une ceinture en argent avec une lune puis ajouta à ses bras des bracelets ainsi qu’à son poignet. A ses jambes, la jeune femme passa des spartiates et se contempla dans la glace. Moody attacha ses cheveux en haute queue de cheval, ce qui lui donna un air plus sévère, et sourit à son reflet. Ses yeux et sa bouche peints de noir, elle était prête à emprunter les ruelles animées d’Eel. Elle gratifia d’une caresse Munin avant de quitter sa chambrée.
Cette nuit-là, Moody rencontra une elfe au look étrangement attirant: de longs cheveux blonds ondulés, des tatouages sur ton son corps et des piercings qui ornaient sa bouche, sa langue et ses oreilles. La lunienne n’était pas contre la compagnie d’une femme pour ce soir. L’elfe avait proposé une offre à la lunienne: un piercing contre un orgasme. Moody était compétitrice et connaissait ses talents pour la luxure. Elle se vit offrir un nuit de débauche et plusieurs piercings dont celui à la narine comme lui avait ordonné Mirlak. La lunienne passa ses doigts sur chaque nouveau bijou avec un petit sourire. Hélix, conch et lobe étaient percés d’un côté tandis que l’autre arboraient uniquement lobes et hélix. Sa narine portait un anneau relié à une chaîne et son lobe. Les améthystes de la jeune femme se posèrent sur sa concubine nue qui l’observait.
« Tu es encore plus attirante comme ça. Laisse-moi t’offrir un dernier moment charnel. » susurra l’elfe.
Et Moody se laissa pleinement faire avant de disparaître dans la nuit quand sa partenaire fut endormie. La lunienne retrouva Munin pour le reste de la nuit. La jeune femme s’écroula sur le matelas miteux et s’endormit facilement, la Pterovorcus blottie dans le creux de son coude.
La lunienne observait les alentours, aux aguets, le souffle haletant. Elle resserra sa prise autour de son épée, écartant une jambe pour se mettre en position de défense. Un grognement sourd lui échappa tandis qu’elle se ruait vers un mannequin immobile pour l’attaquer de plusieurs coups d’épée. Ses épaules lui faisaient un mal de Black Gallytrot mais elle persistaient à s’améliorer. La jeune femme percuta, de son armure de bras, le mannequin pour le faire lourdement tomber au sol. Moody jeta son épée à califourchon sur la poupée. Munin croassa et sa maîtresse se retourna vivement pour balancer un poignard qui siffla l’air pour se planter au centre d’une cible.
Le sang battait furieusement dans ses oreilles. Son souffle lui brûlait la gorge. Une goutte de sueur glissa le long de son nez retroussé pour s’éclater sur le visage du mannequin. Moody n’était pas satisfaite de son travail. Elle donna un coup de poing haineux contre le visage du pantin qu’elle finit par exploser d’une impulsion de magie dans le creux de sa paume.
« Tout matériel cassé devra être remboursé. » fit remarquer une voix dans la pénombre.
Moody contracta les mâchoires, reconnaissant le zozotement sensuel du vampire caché. Même si elle ne le distinguait pas, elle pouvait naturellement sentir le sourire narquois qui s’était dessiné sur ses lèvres. Une nouvelle fois, elle sentit la magie lui brûler les paumes et elle visa l’endroit où elle avait entendu la voix, sans aucun scrupule.
« Raté. » souffla la voix du borgne dans son oreille.
Moody se releva précipitamment pour lui faire face. Nevra para chacun de ses coups qui lui étaient destinés par frustration. Cependant, la lunienne réussit à lui faire ployer le genou par un coup de pied bien placé. Le Capitaine de l’Ombre tomba lourdement au sol en ricanant discrètement. La lunienne baissa un regard dédaigneux vers lui, haletante. L’homme releva son œil valide, et pétillant de malice, pour scruter le visage fermé de Moody.
« Qu’est-ce que tu es sexy quand tu es ainsi en colère. » la complimenta-t-il, glissant le bout de sa langue sur sa bouche.
Moody le toisa, puis contempla la fossette qui se dessinait dans le creux de la joue du vampire à ses pieds. Ce qu’elle aimerait lui faire ravaler son stupide charisme et faire taire l’attraction entre eux. Ça devenait de plus en plus dur de mettre de la distance entre eux. Le vampire avait très bien cerné sa partenaire et s’en amusait pour la titiller un peu plus. Elle repoussa Nevra d’une main pour s’ôter la vue délicieuse qu’elle avait, soupirant faiblement. Il se laissa tomber au sol en ricanant, apposant son visage dans le creux de sa main pour observer la lunienne qui ramassait ses armes. Munin se posa sur l’épaule armurée de sa maîtresse, frottant sa tête contre sa joue pour la réconforter.
« Combien de temps vas-tu encore me résister, Moody ? » demanda le vampire, qui ne se cachait pas de lorgner sur le fessier de cette dernière.
« Éternellement. » répondit-elle sans le regarder.
« Je ne suis pas d’accord avec cette réponse. Les Olympiades ont lieu dans une semaine. Passés ces épreuves, je ne pourrais même pas te toucher. Et tu connais le commandement numéro deux: les chefs de garde ne peuvent pas coucher avec leurs recrues. »
« Ce n’est pas grave. Je pourrais toujours me rabattre sur Valkyon ou… Ezarel. »
Un silence s’installa entre les deux. Le borgne serra la mâchoire, elle savait très bien le provoquer. Il avait lui aussi envie d’imposer son territoire sur son corps.
« Sauf si l’un d’eux est ton chef de garde. » lui fit remarquer Nevra.
Elle eut un léger sourire en lui jetant un regard par-dessus l’épaule.
« Qui a dit que je respecterai vos commandements? » provoqua-t-elle.
Les deux se toisèrent mutuellement avant que le vampire ne se relève souplement pour s’approcher de la petite femme. Elle leva le visage vers lui en rangeant son épée dans le fourreau accroché à son dos. Il passa une main à l’arrière du crâne de la femme aux cheveux argentés. Étonnamment Munin ne l’attaqua pas à coup de bec. Le vampire androgyne se pencha un peu plus vers le visage de la sulfureuse lunienne pour libérer sa tignasse argentée.
« Sois à moi, juste une seule nuit, cette semaine. » susurra-t-il d’un ton sérieux.
« Vous vous avouez déjà vaincu par notre petit jeu qui ne fait que commencer? » rétorqua Moody dans un murmure, le regard planté dans son œil.
Nevra enserra sa taille de sa paume au fins et longs doigts, l’amenant un peu plus contre lui. Elle pouvait sentir son souffle contre son visage. Un sourire mutin se dessina sur le visage de la lunienne qui passait ses doigts manucurés contre le tissu du kimono à sa dispo. Elle pouvait sentir l’homme frémir en-dessous.
« Tu survivras aux Olympiades. » déclara le vampire.
« Alors… N’est-ce pas plus excitant de transgresser les règles? » conclut la lunienne en repoussant l’homme du plat de sa main.
Il tira ses cheveux bruns en arrière, un sourire à la fois carnassier et frustré sur le visage. Elle entrevit le bout de ses canines, signe d’une légère excitation. Moody lui adressa un clin d’œil avant de retourner à sa tâche. Nevra continua de la regarder encore un peu avant de se volatiliser en silence.
Moody finit par quitter la cave après plus de trois heures d’entraînement pour retrouver la surface. La lumière du soleil l'assaillit automatiquement dans la salle des portes, l’obligeant à plisser les yeux. Un soupir las lui échappa alors qu’elle se dirigeait vers les jardins de la cité. Dans son dos tintait le bruit métallique de son épée contre son armure de bras. Elle s’installa sur un banc, dans l’allée des arches, de façon à observer l’entraînement de la garde obsidienne durement malmenée par leur chef. Moody tritura ses doigts avec anxiété. Sera-t-elle vraiment à la hauteur pour ces Olympiades? Elle n’était clairement pas au niveau des futurs soldats qui lui faisait face.
Un grand vide s’installa en elle. Son cœur avait changé de rythme et battait un peu plus fort dans sa cage thoracique, lourdement. Elle pouvait l’entendre raisonner dans ses tympans. Moody tenta de gagner la panique qui la gagnait en inspirant lentement et expirant longuement. Ses paupières se fermaient. Et si je mourais sans jamais retrouver la mémoire? La femme aux cheveux cendrés se mit à sangloter silencieusement sur le banc sans s’en rendre compte. Il n’existait plus rien autour d’elle, ni même la présence rassurante de Leiftan qui l’avait rejoint en silence.
Le blond saisit doucement la main de sa protégée pour la serrer affectueusement dans sa paume. En proie à une grande détresse intérieure, Leiftan ne fit rien pour la bousculer, restant simplement à ses côtés pour la rassurer. Elle hoqueta avant de renifler.
« Je ne veux pas mourir toute seule. Sans mémoire. » dit-elle entre deux sanglots.
« Tu ne mourras pas. » lui promit Leiftan qui ne la quittait pas des yeux. « Tu as toutes les capacités pour réussir ces olympiades. »
Moody releva ses billes améthystes vers lui, le maquillage ayant coulé sous ses yeux.
« Et si je n'y arrive pas? J'ai peur, Leiftan. Et si... »
La lunienne baissa le regard, soupirant faiblement. Elle essuya de sa main libre ses joues humides.
« Je te décevrai si je ne réussis pas… » murmura-t-elle. « Je suis désolée de te déranger avec ces stupides craintes. »
« Tu ne me déranges jamais. » lui répondit l'Etincelant en lui relevant le menton.
Illustration par Vaihenaa

« Tu y arriveras Moody. Je crois en toi. » ajouta-t-il.
« Qu’est-ce qui m’attend? » questionna-t-elle.
Leiftan passa son pouce sur une joue rougie par ses pleurs.
« Je ne peux pas te le dire. Je n’en ai pas le droit. Sois simplement toi-même en trois épreuves. »
Chapitre 7 - Rejoindre les rangs de la Garde
Moody s’était entraînée sans relâche ces derniers jours. Elle avait tenté d’en apprendre un peu plus sur les Olympiades d’Eel, en vain. Rien n’était retranscrit dans les ouvrages de la bibliothèque. Jouant de ses charmes, la lunienne avait approché Keroshane et Yhkar en leur caressant le bras du bout de ses ongles, le même résultat s’était offert à elle.
Ce soir-là, elle s’était affalée sur son lit, épuisée par ses entraînements et multiples plans pour trouver un indice sur ce qui lui permettrait de rejoindre les rangs de la garde, contre son gré. Le regard posé sur la tenue que lui avait confectionné Purriry pour les épreuves, Moody se remémora ses derniers exercices et les paroles de Leiftan. Il ne fallait pas qu’elle se laisse gagner par le stress. Son ami lui avait juste soufflé que les épreuves se divisaient en trois et son instinct lui avait soufflé que cela concernerait une spécialité de chaque garde.
Elle se massa l’arête du nez en fermant les paupières, se remuer les méninges ainsi ne lui apportait qu’une migraine. Mais elle se devait de faire ce point mental: elle avait acquis assez de capacité magique et son combat à l’épée n’avait cessé de progresser. La seule chose qui lui restait à faire était d’être maligne et, dans la logique, de survivre. Un soupir lui échappa, il fallait qu’elle se repose. Elle n’avait pas la capacité de faire avancer le temps. Elle devait attendre, sagement, comme elle en était parfois capable.
On frappa à sa porte. Munin croassa et Moody, rouvrit les paupières. Une mine agacée se dessina sur son visage alors qu’elle se redressait péniblement, ses muscles étaient congestionnés par ses entraînements acharnés. Qui pouvait venir l’embêter à cette heure tardive ? Un amant? Une maîtresse? Elle soupira. Pourquoi les gens ne comprennent pas une règle simple: pas de baisers, une seule nuit. Exaspérée, la lunienne rabattit son kimono sur sa chair voluptueuse et se glissa pieds nus au sol pour se diriger vers la porte en bois. A moins que Nevra ne vienne encore faire l’aumône avant les épreuves. Un sourire amusé se dessina sur ses lippes lorsqu’elle actionna la poignée de porte. Son rictus se radoucit quand elle découvrit la personne sur son palier.
« Leiftan. » salua la lunienne. « Que me vaut ce plaisir? »
Le blond lui offrit son sourire calme en retour.
« Je sens que tu es en train de te ronger les sangs. Allons méditer au bord de la plaine. » proposa-t-il.
Moody hocha la tête.
« Laisse-moi le temps de m’habiller alors. »
Leiftan l’invita d’un geste à le faire, tournant le dos à la porte pour patienter. La lunienne ferma cette dernière le temps d’un instant, troquant son kimono contre une robe et un châle. Elle ressortit et fit tourner la clé dans la serrure avant d’emboîter le pas de l’Etincelant. Moody glissa naturellement la clé de sa demeure entre ses seins. En silence, les deux amis se dirigèrent hors de la cité. C’est une fois au bord de la falaise qu’ils s'asseyaient côte à côte, leurs doigts se frôlant légèrement. Moody leva les yeux vers le ciel pour observer le firmament nocturne. Leiftan la contempla du coin de l’œil. Le son des grillons et du bruit des vagues qui embrassait la roche berçaient le silence entre eux.
« Tu te sens prête? » demanda-t-il à voix basse.
Elle ne détacha pas son regard du ciel. Ses cheveux avaient à moitié blanchi, annonciateur d’une future pleine lune.
« Nous ne sommes jamais prêts à mourir. » lui fit-elle remarquer sur le même ton.
« Tu ne vas pas mourir. »
Moody haussa les épaules, posant son regard sur Leiftan. Elle semblait anxieuse. Le blond la couva des yeux.
« Et si je devais mourir demain? » questionna la jeune femme.
Un nouveau silence s’installa entre les deux. L’Etincelant se saisit de la main pâle pour enlacer ses doigts aux siens.
« Qu’est-ce que tu ferais? » relança l’homme, d’une voix douce.
Moody lui sourit, tristement. Ses prunelles se détachèrent de lui pour observer à nouveau le voile de nyx.
« Je contemplerai le ciel toute la nuit, et je regretterai tout ce que je ne sais pas. Je m’offrirai peut-être un dernier plaisir solitaire et je te laisserai un mot. Aussi aux Purrekos. Pour que vous ne m’oubliez pas. »
Son regard se posa sur l’horizon, contemplant le reflet de la lune sur la houle lointaine.
« Et toi? Si tu devais mourir demain, qu’est-ce que tu ferais? » questionna-t-elle.
Son visage se tourna à nouveau vers Leiftan qui réfléchissait à la question. Il resserra ses doigts autour de ceux de Moody avant de répondre:
« Je contemplerai aussi, une dernière fois, la nuit. En ta compagnie. Je dirai au revoir à Miiko et aux autres gardes. Je passerai la nuit avec Amaya. Je partirai sans remords et j’espère sans regret… »
« Quel serait ton regret? Ou tes regrets? » demanda curieusement la jeune femme.
Son regard avide de curiosité pétillait dans la pénombre du clair de lune. Le jeune homme eut un rire timide en baissant la tête avant de faire face à la lunienne. Elle arqua un sourcil lorsqu’il se pencha en sa direction. Étonnement, la lunienne se laissa faire, baissant les yeux sur ses lèvres qui se rapprochaient des siennes. Elles se rencontrèrent. D’abord en douceur, timidement, attendant un quelconque retour. Moody lui rendit avec autant de tendresse son baiser, sa main libre contre sa joue.
C’était une sensation étrange dans son corps, comme un feu d’artifice euphorique dans sa cage thoracique. Elle se sentait comme une adolescente qui acceptait son premier baiser. La lunienne entrouvrit légèrement ses lèvres lorsqu’elle sentit le contact de la langue de son mentor. Leurs muscles se laissèrent aller à une valse lente. Leiftan déposa sa main libre sur sa hanche pour la rapprocher un peu plus de son corps. La jeune femme soupira chaudement en laissant sa paume glisser contre son torse, ses paupières s’ouvrirent à nouveau lorsqu’elle détacha sa bouche pulpeuse de son ami. Elle humecta ses lèvres tout en toisant l’homme dont les joues avaient rougies par honte.
Un silence. Moody se recula en douceur de Leiftan, sans lâcher sa main.
« Sans regret? » murmura-t-elle.
L’homme soupira en baissant le regard. Il se détourna vers l’océan devant eux. Moody posa leurs mains enlacés sur ses genoux qu’elle avait approchés de sa poitrine.
« Sans regret et sans remords. » dit-il. « Je suis désolé. »
« Il ne faut pas l’être. Tu en avais envie. Et j’étais consentante. Ne t’excuse jamais de faire une folie. » le rassura-t-elle, un léger sourire sur les lèvres.
Sa joue ronde et chaude se posa sur le dos de la main de son ami. Leiftan osa enfin la regarder dans les yeux, caressant affectueusement sa pommette. Ils comprirent que ce couple n’existerait jamais, même si Leiftan lui apportait tout le bonheur et la tendresse du monde. Elle n’était pas prête à lui donner son cœur. Pour lui, il s’était juste amouraché de cette âme désespérée, en attendant qu’Erika daigne lui offrir de l’attention. Les deux amis restèrent une bonne partie de la nuit au bord de la falaise, à se contenter de leur présence rassurante.
Leiftan finit par la raccompagner jusqu’à chez elle. Sur le palier, Moody se tourna vers lui et enroula ses bras autour de sa nuque pour le serrer contre sa poitrine. Elle semblait en proie à une angoisse soudaine. L’homme lui rendit son étreinte, déposant un baiser contre sa tempe, tout en la berçant. Elle lui sourit avant de murmurer au creux de son oreille:
« Merci d’avoir été là. D’être là. »
« Et je serai toujours là. » promit-il, baissant son regard émeraude vers elle.
Moody caressa la joue de Leiftan, le regard larmoyant. Il la serra une dernière fois pour lui offrir le réconfort dont elle avait besoin.
« A demain. » murmura-t-elle.
« Je serai là. » répondit-il sur le même ton.
***
Assise sur le banc du vestiaire, Moody regardait sa jambe trembler nerveusement, bercée par le brouhaha ambiant. Certains étaient excités de passer ces épreuves, et pour cause: ils avaient attendu ça toute leur vie. D’autres tombaient malades de stress, leur offrant un visage livide. La lunienne tentait de ne pas absorber tout ce stress ambiant et ferma les yeux, se laissant aller à une prière silencieuse:
« Lune, toi qui me donne mes pouvoirs au fil des nuits et nourrit mon âme de ta divinité, je te demande aujourd’hui ce qui suit: puisses-tu me donner la force et la ruse. Puisses-tu m’aider à guérir mes blessures en plein combat. Donne-moi le courage de ne pas me diriger dans les bras de la Mort. Protège-moi de ta lumière. Accepte, merveilleuse Lune, ces prières que je te dédie. En offrande pour ton écoute, mon sang, ma chair et ma danse à ta gloire éternelle. Je t’aime. Merci. » psalmodia-t-elle à voix basse, les doigts posés contre son front où était caché le baiser de Lune.
Un soupir passa la barrière de ses lèvres, relevant le visage pour observer chacune des personnes dans la pièce avant de leur tourner le dos pour enfiler sa tenue de combat. Elle commença par enfiler une combinaison noir sur laquelle elle passa un corset et un pantalon noir moulant. Ne voulant pas perdre son côté sexy, un léger décolleté était dévoilé par son corset. La poitrine maintenue, elle passa sur ses épaules nues un haut à manches bouffantes dont les couleurs dégradaient du blanc vers le noir. A ses poignets, elle coinça les manches avec les bracelets d’Eldarya. Moody noua à sa taille une ceinture où tombait contre sa hanche des petits couteaux, elle serra la boucle pour marquer sa taille. Par la suite, la jeune femme passa ses bottes aux extrémités piquantes jusqu’à mi-cuisses. Enfin, la lunienne attacha habilement ses cheveux presque entièrement blanc en une haute queue-de-cheval et para ses oreilles de boucles qui représentait les astres diurnes et nocturnes et vérifia son piercing en chaîne à son nez.
Un gong tonna dans la ville et chacun se vit remettre un bandeau à mettre sur les yeux. Elle fit la grimace. Habituée à tout vouloir contrôler et ne pas louper ce qu’il se passe autour d’elle, la lunienne angoissa. Moody n’aimait pas ça. Ça lui rappelait douloureusement la sensation de vide de sa mémoire. Son souffle s’accéléra, resserrant sa poigne autour du bandeau. Elle releva un regard suppliant vers le chevalier dont le visage était caché par un heaume. Elle déglutit et plaça à contrecœur sur ses yeux le tissu qui représentait sa faiblesse. Moody tendit sa main crispée devant elle pour attraper la corde qui les mènerait tous et toutes à la première épreuve des Olympiades. La lunienne avançait au rythme des pas devant elle, tentant de reconnaître le lieu avec son ouïe et son flair. Elle ne connaissait pas cet endroit.
Une odeur d’humidité lui parvint. L’air était frais et la pluie qui tombait au loin lui fit serrer les mâchoires. Au moins, je ne serai pas en désavantage à cause d’Helios, tenta-t-elle de se rassurer. Des bruits de pierres qui raclaient le sol résonnaient au bout du tunnel. La marche s’arrêta, le sol trembla et le son sinistre se reproduit. Une main inconnue et gantée guida Moody sous la pluie. Elle la plaça correctement dans les rangs avant de lui débander les yeux. Des gouttes assaillirent son visage. Elle battit des cils et observa ce qui se dressait devant l’assemblée, malgré la météo peu agréable.
En premier plan se tenaient les chefs de la cité, entourant la kitsune, l’air renfermé et sévère. Droits et stoïques, aucune émotion ne traversait leurs visages. Derrière eux, une porte en pierre, haute de plusieurs mètres, n'arrivait pas à tenir enfermée la brume qui s’en échappait. Où les avaient-ils entraînés ? Ça ne ressemblait aucunement à Eel. Son attention fut reportée sur la cheffe kitsune qui tapa du bâton sur le sol.
« Chères toutes. Chers tous. Bienvenue. » dit-elle d’une voix solennelle.
Moody inclina la tête pour simple salut, croisant les bras dans son dos.
« Vous voici ici pour participer aux Olympiades d’Eel qui vous permettront d’accéder au statut de soldat ou de mort. Vous êtes ici parce que vous l’avez décidé. »
La lunienne fit la moue en arquant un sourcil. Elle ne l’avait pas vraiment décidé, elle.
« Afin de rejoindre les rangs de la garde, il vous faudra naturellement survivre mais aussi passer les trois épreuves qui vous attendent. Ou du moins passer l’épreuve de la garde qui vous intéresse. Si vous ne réussissez pas une épreuve ou n’atteignez pas le prochain lieu: vous êtes éliminés ou attribués à la section de garde que vous avez passée en dernier. »
La kitsune marqua une pause, son regard chercha celui de l’étrangère.
« Naturellement, si vous ne réussissez pas cette première épreuve, derrière moi, vous ne resterez que citoyen ou… Rien. »
Moody serra les mâchoires sans baisser le regard. Miiko s’en amusa puis reprit en regardant un à un les membres.
« Cette première épreuve se passera dans le labyrinthe brumeux. Je laisse la parole au chef de l’Ombre. » annonca-t-elle.
Nevra s’avança d’un pas. Il semblait froid et distant, les mains dans le dos, son œil scruta les recrues, s’attardant un court instant sur la lunienne avant de tonner d’une voix claire à travers l’averse:
« Bienvenue. Notre garde est spécialisé dans la furtivité, l’espionnage et l’infiltration. Passez cette épreuve et vous serez digne d’être un membre de l’Ombre. Les règles sont simples: repérez-vous dans ce labyrinthe, traquait silencieusement votre individu à la pierre violette, volez-lui, sortez du labyrinthe en direction de la prochaine épreuve. »
A la fin de sa phrase, le sol se mit à trembler et le bruit de pierre traînée au sol ressurgit.
« Les murs bougent. Attention au piège que vous pourriez croiser sur le terrain. On pourrait essayer de vous tuer ou de vous voler votre pierre. »
Nevra s’avança vers les grandes portes en pierre.
« Cent pierres sont dispersées. Cinquante sont celles que nous voulons. Les autres ne sont que des leurres. Vos familiers peuvent vous venir en aide. Les armes sont interdites dans cette section, défendez-vous au corps à corps. »
Pour ponctuer sa phrase, il siffla et une femme aux cheveux bicolores, sa sœur, ouvrit une plus petite porte où les familiers se ruèrent vers leurs maîtres, Moody accueillit sur son doigt Munin qui la fixa de ses billes rubis, bougeant la tête pour analyser l’endroit.
« A la fin de l’épreuve, vous aurez le choix de continuer ou de postuler dans ma garde. » déclara le vampire en ouvrant la grande porte.
Une vague d’air humide s'abattit sur l’assemblée, Munin croassa légèrement et Moody inspira profondément, c’était l’heure de faire ses preuves. Personne ne sembla bouger. Elle fit craquer sa nuque et s’avança la première vers le labyrinthe, plaçant son Pterovorcus sur son épaule armurée. La lunienne ignora royalement chaque membre haut placé pour murmurer :
> OST : Stray Kids - Double Knot
« Munin. Je te fais confiance pour me guider d’en haut. Repère moi deux individus à pierres, différentes. Je tenterai de comprendre le mouvement des murs pendant ce temps. »
Le familier croassa. Sa maîtresse déposa ses lèvres contre sa petite tête.
« Fais attention à toi. » dit la lunienne avant de lui donner une impulsion de l’épaule pour la laisser s’envoler par-delà les murs.
Le sol trembla à nouveau, les murs bougèrent. Moody déglutit doucement. J’ai trois minutes entre chaque mouvement. Elle jeta un bref coup d’œil aux chefs de garde et se courba dans une légère révérence avant de se mettre à courir vers la porte ouverte. Sa main droite se posa sur le mur et elle avança à travers la brume, aux aguets. La surface était rugueuse sous sa paume puis changea pour quelque chose de plus lisse, une fente séparant les deux pierres. Moody arqua un sourcil avec intrigue, s’arrêtant dans sa course, son regard suivant furtivement les mouvements autour d’elle. D’autres candidats passèrent devant elle mais elle préféra ne pas se presser, attendant le prochain mouvement de mur.
Moody se tint au mur quand le sol s'ébranla. Des membres disparurent et semblaient surpris. La lunienne, elle, resta à sa place. Elle recula sa main sur le mur de derrière, il était lisse. Idem pour celui devant elle. Un sourire malicieux étira ses lèvres: le mur lisse était le chemin à suivre pour sortir du labyrinthe. Tout comme le rugueux devait l’être. Pour finir ce labyrinthe, il fallait que les murs soient alignés à la perfection. La jeune femme reprit sa course sans lâcher le mur de sa main manucurée, Munin croassant au-dessus d’elle pour l’encourager dans cette direction. La pluie lui fouettait le visage, elle manqua de tomber lorsque le sol vibra sous ses pieds. La lunienne fut enfermée dans un cube, seule. Deux minutes de répit. Elle siffla Munin qui vint à elle alors qu’elle faisait les cent pas dans sa prison.
« En as-tu repéré un? »
La Pterovorcus croassa une fois pour oui. Moody caressa son crâne en souriant.
« Alors tu devras m’y conduire quand les murs bougeront. Ils ne tournent que dans deux sens. Le mur lisse est la solution, dès qu’il y a une fente, si je ne vais pas assez vite je peux me perdre et me diriger sur un autre chemin. »
La lunienne marqua une pause dans sa réflexion, revenant vers le mur lisse.
« Je peux me permettre de perdre deux minutes tant que je suis le bon chemin. Nevra nous a forcément fait entrer quand le chemin était correct. »
Elle leva les yeux vers le ciel nuageux et pluvieux. Laissant les gouttes se parsemaient sur son visage opalin, la Pterovorcus se posa sur son épaule, s’ébrouant les plumes en croassant.
« Je ne peux pas me repérer avec l’étoile du Nord, donc je dois faire confiance à mon premier instinct et avoir la main droite sur le mur me fera sortir, même si je dois faire tout le labyrinthe pour. Maintenant que je suis bien avancée, il faut que je trouve deux pierres différentes.»
Une vibration. Moody regarda Munin.
« Guide moi vers la première pierre. »
Un chemin se créa devant elle, une ombre apparut devant elle. La lunienne lui déroba la pierre sans avoir besoin de combattre, la personne l’avait perdu en chemin. Moody jaugea la pierre qui ne brillait aucunement. Une fausse améthyste. Elle glissa la pierre entre ses seins, se stoppant dans sa course alors que le mur devenait rugueux. Son souffle haletant se tut lorsqu’elle entendit des pas à ses côtés. Une odeur de cendre et de sang parvint à ses narines, Moody écarquilla les yeux et fit dégager directement Munin de son épaule en faisant volte-face à l’ennemi d’Eel qui ne portait pas son armure habituelle.
Ashkore était vêtu de noir, comme les individus furtifs du labyrinthe. Son visage était recouvert d’une cagoule, ne laissant apparaître que des yeux d’une noirceur profonde. Un ninja. Il n’y avait aucun indice de plus sur son identité. Déconcertée, Moody lâcha le mur, prête à attaquer mais l’homme la saisit violemment à la gorge pour la plaquer au mur puis au sol. La lunienne gronda en dardant un regard assassin sur l’ennemi, se débattant sous lui pour l’atteindre avec ses jambes. Impossible. Et personne ne lui viendrait en aide.
« Pitoyable d’être la fille du plus grand et d’être incapable de se battre. » susurra Ashkore d’une voix étouffée.
« Qu’est-ce que vous me voulez ? » demanda Moody d’une voix étranglée.
« Renouer des liens de famille perdus. »
La lunienne sembla intriguée le temps d’un instant, cessant de se débattre, toisant l’homme alors qu’elle commençait à manquer cruellement d’air. Ses doigts tentèrent de dégager la poigne autour de son cou, enroulant ses jambes autour des hanches de l’homme. Une odeur mentholée embauma les deux ennemis.
« On dirait que nous avons de la visite. » s’amusa l’homme masqué, sans relever le visage.
L’instant d’après, Lance se jeta sur son adversaire en grondant comme une bête. Moody se mit à rouler avec les deux hommes et se retourna lourdement à plat ventre. Le temps de quelques secondes, l’Etincelant l’avait surplombé. La lunienne pouvait entendre le grondement sourd de Lance à son oreille, il ne la touchait aucunement et pourtant elle pouvait sentir le poids dominant qu’il était. Si elle avait été un félin, ses oreilles se seraient rabattues en arrière en se faisant la plus petite possible contre le soldat. Ashkore se redressa dans une position offensive, prêt à bondir sur son attaquant.
« Elle est à moi! » dit l'Étincelant d’une voix menaçante.
Moody l’aurait sûrement rembarré si elle n’était pas dans cette position. Elle n’appartenait à personne, et encore moins à lui. Le ninja se mit à rire cyniquement en penchant son visage sur le côté, le regard pétillant de malice.
« En voilà un qui veut les bonnes grâces du roi. » nargua l’ennemi. « Mais elle est plus à moi qu’à toi… Cher confrère. Ne penses-tu pas ? »
Lance gronda une nouvelle fois et se jeta sur l’homme en noir qui l’évita avec souplesse, se retrouvant furtivement derrière la lunienne qui s’était redressée en frottant sa gorge. Hébétée, elle ne sentit pas la pierre que glissa Ashkore dans son décolleté.
« Tu me remercieras plus tard. » lui dit-il avant de s’évaporer dans un nuage de fumée noire, laissant le couple seul.
Le sol s’ébranla à nouveau. Moody resta pantelante à toiser Lance qui avait un regard furieux posé sur elle. Qu’avait-elle encore fait de mal? Le mur tourna pour la déboussoler. Que venait-il de se passer ? Était-ce la réalité ou une illusion de la brume ? Pourquoi Lance marquait-il ainsi son territoire ? Pourquoi Ashkore semblait la connaître ? Moody porta ses doigts à sa gorge meurtrie, étouffant un faible sanglot. Munin croassa pour ramener sa maîtresse à la réalité. La lunienne battit des cils et secoua le visage pour effacer ses pensées.
« Tu as raison. Je verrai ça plus tard. » murmura-t-elle.
Son regard se baissa vers son décolleté où elle remarqua la seconde pierre. Un soupir lui échappa, il fallait qu’elle se concentre à nouveau sur la situation actuelle. Maintenant qu’elle possédait les deux pierres, elle se devait de retrouver son chemin et rapidement. Moody retourna sur ses pas au bout d’une dizaine de minutes, revenant sur le lieu de rencontre avec Ashkore. Lance n’était plus là lui aussi. La lunienne pinça les lèvres. Pourquoi les deux hommes se battaient pour elle ? Elle grimaça. N’y pense pas. Elle pressa le pas à travers le labyrinthe pour en trouver la sortie. Sur son chemin, Moody fit face à l'un de ses camarades. Il semblait en furie et se jeta sur elle par désespoir de perdre sa chance de rejoindre les rangs de la garde. Le gringalet tentait de la voler mais elle esquiva chacune de ses parades habilement jusqu’à ce qu’il se piège avec un mur rotatif. Moody frappa de plein fouet son torse de sa botte pour l’y enfermer. Elle entendit le cri de rage de l’autre côté du mur. Les lèvres pincées, elle continua son chemin au pas de course, la main droite filant toujours sur le mur lisse.
C’est au bout d’une bonne heure que la lunienne aperçut une lumière vive au milieu du labyrinthe. Moody n’était plus qu’à quelques pas de sa liberté. Les jambes lourdes, elle passa le dernier mur qui se fermait dans son dos et s’écroula à l’ombre d’un arbre fruitier. Un faible gémissement lui échappa tandis qu’elle passait ses cuisses en feu. Son regard jaugea les alentours : seuls Ezarel et Nevra attendaient les candidats ici. Elle était sortie la première de ce foutoir. Elle avait réussi. Le vampire s’approcha de Moody, s’accroupissant face à elle en tendant la main.
« Ne crie pas victoire trop vite et donne moi la pierre de l’ombre. » exigea-t-il d’une voix condescendante.
« Ce n’est pas une pierre de l’ombre mais une améthyste. » le reprit-elle sur le même ton.
Les yeux braqués dans son regard, la lunienne glissa sa main sur la peau opaline de son décolleté pour immiscer ses phalanges manucurées entre ses seins opulents. Ezarel apparut derrière le vampire, intéressé par ce qu’il se passait tandis que Nevra préféra passer le bout de sa langue sur ses lèvres. Moody arqua un sourcil tout en sortant les deux pierres.
« Quoi? Vous n’avez jamais vu une paire de seins? » demanda la lunienne d’un ton sarcastique.
« Ce sont des vrais? » rétorqua l’elfe, tout sourire.
La jeune femme plaqua les pierres encore chaudes dans la paume du Capitaine de l’Ombre, toisant l’elfe. Elle pointa son index vers son entrejambe.
« C’est du rembourrage ? » renchérit Moody.
Son regard se posa à nouveau sur le vampire, interrogateur. Il n’avait pas détaché son regard de son décolleté. La jeune femme claqua des doigts devant son œil et Nevra observa à nouveau son visage.
« À croquer. » déclara-t-il en passant le bout de sa langue sur l’un de ses crocs. « Et qualifiée. »
Moody laissa sa tête heurter le tronc en soupirant, un sourire fier sur ses lippes charnues. Munin se blottit contre elle alors qu’Ezarel poussa son ami pour se planter devant la lunienne.
« Trêve d’amusement. Moi qui pensais que tu allais mourir. » dit-il d’un air narquois.
« Je ne te ferai pas cet honneur tout de suite. » répondit-elle en rouvrant ses paupières, un sourire malicieux au coin des lèvres.
« La personne qui t’a sauté à la gorge n’a pas serré assez fort. » fit-il remarquer.
Moody eut un rire cynique en croisant ses bras sous sa poitrine. Elle avait tenté d’oublier cet élément, et Ezarel lui ramenait la réalité en pleine face, contre son gré.
« Si tu continues, je te promets le même destin : tes couilles dans le fond de la gorge. » mentit-elle.
« Que de belles promesses. » susurra l’elfe avant de se tourner vers les nouveaux arrivants « Ah ! De la bonne compagnie ! On commençait à s’ennuyer ! »
La lunienne leva les yeux au ciel. Il valait mieux ne rien dire sur ce qu’il s’était réellement passé dans le labyrinthe. Il lui fallait d’abord comprendre pourquoi Ashkore s’était mis en tête de vouloir l’avoir et pour quelle raison Lance l’avait défendu alors qu’il souhaitait la voir périr. Un soupir passa la barrière de ses lèvres. C’était à se donner un mal de crâne intense.
Une nouvelle heure passa. La première épreuve fut terminée : cinquante gagnants et gagnantes déterminés. Ezarel siffla la petite troupe, affichant un sourire éclatant en regardant chaque membre. Il frappa dans ses mains pour attirer l'attention de tous.
« Eh bien ! Bravo à vous. Ne perdons pas de temps et passons à la seconde épreuve. Ou alors abandonner pour vous retrouver avec ce tortionnaire de vampire. »
L’elfe coula un regard mielleux vers l’interpellé qui croisa les bras en arquant un sourcil, un sourire coincé au coin de sa joue creusée par une fossette.
« Ou alors continuer pour rejoindre le chef le plus cool de la garde. Moi. Ezarel, chef de l’Absynthe. Derrière moi, le Verger aux Mandragores ! » présenta-t-il d'un geste de la main.
Il jaugea chaque membre. Moody mordilla l’intérieur de sa joue, scrutant la serre juste derrière lui. La bâtisse abandonnée était entrelacée par la nature et les fenêtres devenues poussiéreuses par le temps. Elle pouvait apercevoir au loin quelques lampions qui éclairaient chaleureusement la verdure et les quelques étagères remplies de potions. Des bacs de terre accueillaient des petites mandragores encore endormies, d'autres bien enfouies dans la terre ne laissaient qu'apparaître leur chapeau de fleurs. Non loin une hamadryade chêne veillaient sur ses progénitures. La lunienne inspira pleinement l'air en reposant son attention sur l'elfe. Qu’avait-elle à perdre ? Si elle perdait cette épreuve, elle aurait toujours sa place dans la garde de l’Ombre.
« Ceux et celles qui veulent partir avec le vampire, je ne vous retiens pas. Et pour les autres, j’ai un petit remontant pour vous pour affronter cette nouvelle épreuve ! » continua Ezarel, les poches remplies de récipients à la couleur rose foncé.
Moody fit un pas vers l’elfe sans regarder le vampire, suivie d’une vingtaine de participants. L’elfe, qui n’avait pas perdu son rictus, offrit à chacun et chacune un verre de son remontant. Par automatisme, et instinct, la lunienne porta le verre à son nez pour le renifler : aucune odeur en particulier.
« Tout le monde est servi ! Désaltérez-vous. Ça vous permettra aussi de guérir vos quelques blessures superficielles. » invita Ezarel d’une voix enjouée.
Un peu trop enjouée.
La jeune femme agit docilement et bu le verre d’une traite, comme les autres. Aucun goût particulier. Elle haussa les épaules, peut-être que pour une fois l'elfe sylvestre avait décidé de ne pas être malicieux.
« Comme vous le savez : la garde de l’Absynthe est connue pour ses connaissances poussées en sortilèges et en alchimie. Nous sommes un peu les supports de vos missions, quand vous rentrez blessés, on s’occupe de vous guérir, quel que soit le poison… »
Ezarel marqua une pause. Moody passa une main sur son front, une vague de chaleur s'emparant de son corps. Pourquoi suait-elle autant ? Ses iris améthystes observèrent ses camarades : ils avaient l’air tout aussi nauséeux. Une elfe aux cheveux verts s’écroula au sol. La lunienne se crispa et posa son regard sur l’elfe amusé. Il n'avait pas décidé de changer.
« Ah oui, c'est vrai ! » s'exclama le capitaine de l'Absynthe. «Avant que vous ne tombiez comme elle. L’épreuve est simple : réussissez à affronter votre plus grande peur et à résister à votre plus grand fantasme. Il se peut que nous aussi, Absynthe, ne puissions vous aider si vous êtes sous l’emprise d’un sortilège. » ajouta-t-il rapidement.
Quel con. Je vais le tuer. Pensa la lunienne en se sentant faiblir, elle jeta un dernier regard vers le vampire. Il lui sourit posément avant de se tourner vers ses nouvelles recrues.
« Vous avez aussi la possibilité de rester un peu trop endormis, mais si vous n’êtes pas réveillés dans le temps imparti, vous n’atteindrez ni ma garde, ni la prochaine et Nevra décidera de votre sort. »
L’elfe applaudit gaiement, un sourire des plus lubriques peint sur son visage arrogant.
« Bonne nuit. » dit-il en posant ses yeux sur Moody avant de lui offrir un clin d’œil.
Pour toute répartie, elle lui présenta son majeur avant de tomber lourdement sur le sol dans un gémissement d'exaspération, Munin s’envolant. Elle n'aurait pas dû participer à cette épreuve.
> OST - Mephisto’s Lullaby
Sa tête bourdonna, lui faisant doucement froncer les sourcils. Une voix lointaine chantait un air entêtant, comme une comptine pour enfant. Son souffle effleura le sol. Autour d’elle pas un bruit, à part celui de sa respiration. Puis la comptine reprit, incessante et bruyante. Moody ouvrit un œil : des petites filles à la chevelure tout aussi blanche et argentée que la sienne tournaient, main dans la main, en ronde autour d’elle. Un sentiment d’angoisse naquit dans sa poitrine, tétanisée sur le sol humide. Les visages horrifiques des poupées bougeaient en un même rythme sans cesser de fredonner leur air enfantin. Moody referma son œil en bouchant ses oreilles, les doigts crispés autour de son crâne.
Un silence.
Sa peur ne diminuait pas et faisait augmenter son rythme cardiaque. Sa respiration sifflante se répercuta contre des rondins de bois humides, son corps semblait allongé sur quelque chose qui tanguait. La mer. Moody ouvrit brusquement les yeux, prise de panique. Elle regarda autour d’elle, alerte. Comment allait-elle pouvoir sortir de ce cauchemar ? La houle se fit un peu plus brusque, elle se cramponna à sa planche de survie, les larmes aux yeux, peinant à retenir ses gémissements de peur. Elle détestait cette mer. Cette solitude. Ce vide autour d’elle. Une nouvelle houle. Elle tenta de hurler mais aucun bruit ne sortit de sa gorge, Paniquée, la lunienne chercha son astre dans le ciel pour se rassurer.
Lune était là. Tout comme le monstre qui rôdait autour de son radeau. Moody tâta d’une main tremblante sa cuisse à la recherche de son athanée. L’arme blanche apparut subitement. Ce n’est qu’un mauvais rêve. Tu peux le contrôler, souffla sa Mère à travers le vent. Il fallait qu’elle utilise un sort, quelque chose qui pourrait la guider vers une terre. La jeune femme se tapa la tempe nerveusement. Ne me fais pas défaut, je t’en supplie ! Un sort de localisation, vite. Elle scruta la planche comme si le bois pouvait lui donner la réponse. Ses méninges remuaient à tout va pour se sortir de ce cauchemar, tentant d’ignorer les tentacules du kraken qui créaient de la houle.
La comptine lui revint en mémoire. Ses doigts la démangeaient, sa voix s’éleva légèrement pour reprendre ce rythme enfantin. Ce n’était pas qu’une simple chanson, c’était un appel à l’aide, une lumière qui pourrait guider son chemin. Une volute luminescente blanche enroula ses phalanges, l’obligeant à dessiner un cercle autour d’elle. Rien n’apparut. Alors elle plongea ses mains dans l’eau et les ressortit aussitôt, la magie opéra: l’eau s’évapora et le sel lui permit de créer ses arabesques de sorcière. Elle dessina un cercle autour d’elle. Une barrière de protection puis Moody y ajouta des points cardinaux. Un pendule. Je n’ai pas de pendule. Se stressa-t-elle. Le monstre approchait, l’air refroidissait. La mort. La lunienne ferma les yeux, elle pouvait le faire. Un prisme en pierre de lune apparut au creux de sa poitrine, elle s’en saisit immédiatement et le plaça au-dessus de sa carte inconnu.
Rien.
La lunienne déglutit en entendant le râle du kraken. Un sanglot s’échappa de ses lèvres, elle ne voulait pas mourir sans avoir retrouvé la mémoire. Elle ne voulait pas mourir toute seule. Moody se recroquevilla en position fœtale, les mains au-dessus de sa tête, elle reprit le chant qui résonnait dans sa tête. Un flash éblouit les ténèbres de la mer, s’enfonça dans le cœur de la bête. La lumière au bout du tunnel. Moody se fit aspirer dans le vortex qu’elle avait créé et traversa le portail pour être projetée dans une nouvelle salle.
> OST - Thelema
La jeune femme roula lourdement sur le sol. La lumière disparut et elle eut besoin d’un temps d’adaptation à l’éclairage tamisé de l’endroit. Moody se tint sur ses gardes tout en se relevant doucement, une main posée sur le mur. Elle avait retrouvé la terre ferme. Un soupir soulagé s’échappa de ses lèvres. Son regard jaugea la nouvelle pièce. Elle était tamisée par des bougies, une lumière rouge s’échappait sous la porte qui se tenait en face d’elle. Une odeur sucrée et alléchante fit frémir ses narines, baissant le regard vers le bas de la porte où elle put entrevoir des ombres qui dansaient lascivement et entendre quelques grognements de satisfaction. Elle mordit ses lèvres en faisant un pas vers la porte matelassée de pourpre, passant une main dans sa crinière à demi blanche avant d’actionner la poignée.
Une vague enivrante de luxure l’entoura. Les hommes et les femmes s’enlaçaient, s’embrassaient, s’embrasaient. Moody avait l’envie certaine de se laisser aller à ce plaisir elle aussi, être touchée et se laissait aller à la petite mort. Ses lèvres tremblèrent imperceptiblement alors qu’elle portait ses doigts à sa bouche. Il n’y avait rien de plus beau et de plus sensuel que de voir des corps s’aimer et s’adonner au plaisir charnel.
« Ne te laissa pas avoir par ton fantasme, tu pourras assouvir ça plus tard… » susurra la voix fantomatique de Scorpion dans son oreille, effleurant sa taille.
Un soupir lascif s’échappa d’entre ses lèvres pulpeuses, son regard se leva vers son Zodiaque, suppliant. Pour toute réponse, il caressa sa joue rebondie avant de la pousser à continuer. Elle s’avança à travers les corps entremêlés et nus, le regard alerte à la recherche d'une solution pour quitter ce fantasme. Elle s'arrêta net en voyant le spectacle devant elle. Moody déglutit. Son cœur s’emballa. Sa respiration se fit plus haletante que jamais. Elle sentait le rouge lui monter aux joues, une chaleur agréable envahir son bas ventre. Sa poitrine ne demandait qu’à être effleurée et son corps possédé. Nevra se tenait devant elle, assis sur une chaise, habillé de son plus simple appareil. Entre les dents : une rose noire. Autour de lui des cordes rouges s’entremêlaient sur sa peau d’albâtre, mettant en valeur la forme de ses muscles finement taillés. Ses bras tendus dans son dos, pris d’envie irrépressible de se défaire de ses liens, ses veines pulsantes. Ses pectoraux imberbes montaient et descendaient au rythme de sa respiration lourde d’excitation.
Moody humecta ses lèvres, se forçant à ne pas baisser le regard vers la partie la plus intéressante. Voir un homme, dans une position soumise pour le luxure, la rendait vraiment excitée. Elle serra ses cuisses nues et baissa son regard sur sa propre tenue: des cuissardes en latex enserrés ses jambes, un corset au décolleté pigeonnant étouffait sa poitrine généreuse qui manquait d'exploser, ses bras étaient ornés de gants, tenant entre ses mains un fouet. Rien ne cachait sa partie intime. Elle s’approcha d’un pas. Une main fantomatique s’enroula autour de son poignet, la voix de Scorpion résonna à nouveau dans son oreille :
« Plus tard, ma belle. Nous ferons en sorte d’assouvir ce fantasme. Ne te laisse pas avoir par Vénus.»
Le philtre de Vénus ! Cette solution était apparue comme un miracle dans son esprit. Moody geint comme une enfant, frustrée, puis claqua le fouet à côté du vampire assis qui gronda. La lunienne reprit contenance et jeta le jouet un peu plus loin, serrant les poings, déterminée à trouver le remède à cette fantaisie. Elle s'approcha du capitaine de l'Ombre pour effleurer sa joue, Scorpion apparut dans sa vision périphérique, à contrecœur, elle détacha son regard de la magnifique œuvre pour continuer son chemin vers le bar au fond de la pièce. Elle tenta d’ignorer chaque scène obscène et alléchante qui se présentaient à elle en se mettant derrière le bar où se trouvaient de multiples fioles d'alchimie. Moody ferma les yeux pour se rappeler du contre philtre. Étonnement, c'était le seul dont elle se souvenait. Même si elle était quelqu'un de peu pudique, elle avait un côté plus secret sur ses relations charnelles. Son petit jardin secret. Moody sut finir la préparation en un clin d'œil et la boire en grimaçant. Scorpion se positionna à nouveau devant elle, se penchant vers ses lèvres, elle hoqueta de surprise. Un nouveau flash l’éblouit alors qu’elle s’éveillait en sursaut et avec lourdeur contre un sol sableux. Elle percevait au loin un brouhaha assourdissant. Moody se redressa lentement, les deux mains sur le sol, à le fixer d’un air perdu. Était-elle de retour à la réalité ?
« Moody réveillée ! » s’exclama la voix grave de Jamon.
L’interpellée leva le visage vers l’ogre. Il n'avait jamais été aussi réel que maintenant.
« Dîtes-moi que l’épreuve est finie. » supplia la lunienne.
« Elle l’est. Tu es dans la réalité. » annonça la voix de Valkyon, bras croisés contre un mur, l'air fermé.
Elle se tourna vers la voix et constata que les trois chefs de garde se tenaient dans la pièce, entourés de corps endormis et pris de convulsion. Moody s'assit en soupirant doucement, la tête lourde. Son regard se baissa sur sa tenue: rien n'avait changé. Elle passa une main dans sa chevelure pour plaquer des mèches mutines sur le sommet de son crâne.
« Alors, as-tu aimé le jus de mandragores ? » s’exclama l’elfe.
« Ferme-la. » dit Moody en levant le regard vers lui, blasée.
« C’était sympa de connaître ta peur et ton petit fantasme. » provoqua-t-il.
La lunienne crispa ses mâchoires en le toisant, Ezarel se mit à rire en se tenant le ventre et offrit une tape sur l'épaule du vampire à ses côtés qui restait imperturbable. Tout autant que Valkyon.
« Oui. Il faut que nous connaissions le maximum de toi pour que tu ne sois pas en danger ou déconcentrée. » expliqua d’une voix calme le chef de l’Obsidienne, sans jugement.
Moody claqua sa langue sur son palais et balança un caillou contre la jambe de l’elfe pour qu’il cesse de rire.
« C'était… Intéressant. » murmura simplement le vampire, un sourire malicieux au coin des lèvres, l'œil braqué sur elle.
La lunienne lui jeta un simple regard, puis se releva en silence, époussetant son pantalon noir. Elle jaugea les corps au sol, toujours tremblants dans leurs rêves, bruyants de couinement ou autres complaintes gémissantes.
« Tu es la dernière à t’être réveillée dans le temps imparti. Il reste une minute. Je crains qu’ils ne se réveillent pas. » fit remarquer Valkyon.
Elle hocha la tête et se dirigea vers les cinq personnes restantes dans la pièce, croisant ses mains dans son dos, droite. Une minute passa. Les autres ne se relevèrent pas, comme prédit.
« Bravo à vous six. Vous êtes qualifiés pour devenir membre de l’Absynthe. » s’exclama Ezarel, puis il posa son regard malicieux sur la lunienne. « Je ne veux pas de toi dans ma garde. Tu es bien trop lente et très vite dissipée. Je te conseille de continuer les Olympiades. »
Une envie de lui balancer une boule d’étoiles lui frôla l’esprit alors qu’elle plissait le nez en serrant ses poings dans son dos.
« Je suis peut-être lente, mais j’ai su me sauver. Donc je pourrais malencontreusement te tuer dans ton propre laboratoire un de ces quatre. » répondit-elle sans perdre de sa superbe.
« Ça suffit, Moody. » tonna Valkyon en se mettant devant la lignée des qualifiés.
Elle baissa le regard et n’ajouta rien.
« Il te reste une épreuve à passer. Ezarel ne te voulant pas dans sa garde, tu es obligée de passer l’épreuve de la garde Obsidienne. Comme le souhaitait Miiko. Que celles et ceux qui veulent se joindre à elle fassent un pas en avant. » ajouta le guerrier sans perdre son ton autoritaire.
La lunienne serra la mâchoire. Deux s’exécutèrent : deux hommes. Moody releva le visage et jaugea rapidement ses deux concurrents. Ils étaient grands, extrêmement musclés. Ils avaient la carrure pour être de la garde rubis. Elle espérait pouvoir compter sur eux pour la dernière épreuve.
« Bien. Pour cette dernière épreuve, et pour rejoindre mes rangs, vous devrez affronter, à l’aide de l’arme de votre choix, nos adversaires fait prisonniers lors de l’attaque d’Ashkore. Tuez-les. » dit Valkyon d’une voix froide. « La garde Obsidienne représentent les plus forts et les plus résistants d’Eel. Nous sommes les combattants, les premières lignes de chaque guerre. Notre esprit d’équipe est salué. »
Les trois derniers concurrents hochèrent simplement la tête.
« Armurez-vous. Armez-vous. Disposez. Jamon vous amènera aux portes du bastion et son arène. Ne mourrez pas. »
La lunienne releva le regard vers le chef de l’Obsidienne et crut voir Lance se dessiner sur les traits de son frère. Elle réprima une grimace de dégoût en tournant les talons pour suivre ses compères, les bras croisés sous la poitrine. Les trois chefs de garde disparurent dans l’ombre. Des écuyers s’occupaient de ramasser les corps à moitié inerte au sol. Elle n’avait pas peur, elle connaissait ses capacités en combat armé. J’y arriverai, s’encouragea la lunienne en franchissant les portes d’une salle qui ressemblait à un vestiaire. Son armure l’y attendait. L’odeur d’humidité lui frappa les narines et elle plissa le nez.
Dans le silence, les trois combattants s’habillèrent sans se jeter un regard. Elle pressentait quelque chose de mauvais. Mais quoi ? Méfie-toi, lui souffla Lune. Survis. La lunienne releva le regard en serrant l’armure sur ses bras, les hommes semblaient comploter mais elle préféra ne pas se faire remarquer et laisser ses oreilles faire le travail. Elle ne percevait rien à part des messes basses. Moody se saisit de son plastron pour le placer contre sa poitrine, ajustant ses gants en acier avant de s’asseoir pour enfiler ses cuissardes. Un mélange de blanc et de noir, comme elle l’aimait. Comme un hommage à la face claire et la face sombre de la lune.
« Vous être prêts ? » questionna Jamon. « Vous être attendus. »
> OST - Survivor
Ils hochèrent la tête comme un. La jeune femme suivit les hommes, les bruits de foule se firent plus fort au fur et à mesure que le petit cortège s’avançait vers les grands barreaux de fer. Le soleil éblouissait le sable. Les grilles se levèrent, les spectateurs étaient en liesse. Moody inspira doucement en s’avançant vers la lumière, la tête haute. Ses doigts resserrèrent sa queue-de-cheval avant de prendre son arme de prédilection : une épée longue et épaisse que lui tendit l’ogre.
« Bonne chance. » dit-il de sa voix bourrue.
Moody lui adressa un sourire confiant en le devançant. Lorsqu'elle pénétra dans l'arène, la lunienne fut subjuguée par l'aspect romain et gladiateur qui s'en dégageait. La foule les acclama et elle sentit une certaine frénésie se promener dans ses veines. Elle avait envie d'en découdre. Un mélange d’odeur de poussière et de sang séché lui parvint aux narines, puis les effluves des jumeaux. Elle releva le regard sur la prestigieuse tribune. En son centre: Miiko, entourée de Lance et Leiftan. En arrière, les trois chefs de garde. La kitsune se leva, le silence se fit, les hommes tombèrent à genoux. Moody grimaça en les imitant à contre-cœur. Elle ne voulait pas ployer devant la cheffe de la cité.
« Chers participants, votre dernière épreuve, la plus simple: tuez nos ennemis, ne mourrez pas. »
Elle marqua une pause en posant son regard sur la lunienne, un rictus malsain au coin des lèvres.
« Moody. »
L’interpellée releva la tête vers la brune, arquant un sourcil dubitatif. Que lui voulait-elle encore?
« Ayant un avantage avec ta magie lunaire, je t’interdis de l’utiliser pour être à égalité avec tes coéquipiers. » ordonna-t-elle.
Putain. Moody soupira et serra les mâchoires en toisant la cheffe.
« Bien. » répondit la lunienne, avec amertume.
« Que le combat commence. Ouvrez les grilles. » annonça la kitsune en reprenant place sur son trône de cristal.
Les guerriers se relevèrent. Moody sentit son pouls tambouriner contre ses tempes, faisant glisser sa lame argentée hors de son fourreau, le bruit de l'acier vibrant la fit frissonner. Elle posa son arme contre le sol poussiéreux et jaugea ses ennemis : un orc et deux trolls. La lunienne déglutit en enserrant sa prise autour de la poignée de son épée. Son regard balaya de gauche à droite et elle avança d’un pas vers les ennemis. Si ses coéquipiers s’alliaient avec elle, ils en auraient fini assez vite. La foule hurla d’excitation, applaudissant à tout va, lançant de la nourriture pourrie vers les participants. Le combat commença. Les trois adversaires se mirent à écourter la distance qui les séparaient des habitants d’Eel.
« Attrapons la, pour le maître. » entendit la lunienne dans son dos.
Elle écarquilla les yeux mais ne se laissa pas déstabiliser. On viendrait sûrement à sa rescousse si elle était réellement en danger mortel. Elle osa un regard vers la tribune des chefs, aucuns ne semblaient s’inquiéter. Le vampire n’avait pas bougé d’un iota. Étrange pour une oreille sensible. Était-ce un complot monté de toutes pièces ? Moody leva son épée pour pourfendre l’air devant elle et faire reculer l’ennemi. Elle évita les mains qui tentèrent de s’emparer d’elle, dans son dos et courut vers l’orc où elle se jeta au sol pour glisser entre ses jambes.
« Personne ne m’attrape pour qui que ce soit. Et encore moins pour Ashkore. » marmonna-t-elle en se redressant dans une position défensive, le regard posé sur ses cinq ennemis.
La poussière dansa autour d’elle, fléchissant sur ses jambes, prête à bondir. Elle n’avait pas le droit à la magie de la lune mais Miiko ne lui avait pas interdit d’utiliser la magie noire. Un sourire mauvais étira sa bouche charnue tandis que l’un de ses anciens coéquipiers se ruait vers elle. Leurs lames s’entrechoquèrent, un bruit d’acier résonnant dans leurs oreilles. La lunienne para habilement chacune de ses attaques, son arme faisant siffler l’air. La pointe de l’ennemi frappa son épaulière qui se décrocha par la force du coup, faisant grogner la jeune femme. Moody redoubla de rage contre son adversaire, dégageant son armure gênante. Sa lame fendit à nouveau l’air et d’un geste franc et sec, elle réussit à décrocher la tête du corps de son agresseur. Le sang gicla sur son visage de porcelaine, la faisant cligner des yeux avec surprise. La foule retint son souffle. Moody releva le visage, un sourire carnassier sur le visage. Elle était euphorique de cette sensation sous sa lame, un rire lui échappa alors qu’elle se redressait, elle en voulait davantage. Son regard se posa sur les deux gnomes qu’elle appela du bout de son index pour simple provocation.
Les deux individus se jetèrent un regard entendu et prirent en chasse la jeune femme aux cheveux à moitié blanc. La lunienne se mit à courir dans l’arène, à un rythme soutenu, sautant par-dessus de l’un de ses assaillant lorsqu’elle le croisa. Elle calcula rapidement la situation : ils essayaient de l’épuiser pour la capturer. Ashkore était réellement décidé à l’attraper, de sa main ou non. Elle jeta un regard désespéré vers la tribune, vers Leiftan. Rien. Ils ne semblaient pas inquiétés qu’on essaie de la capturer pour la tuer allègrement. Son cardio était mauvais, mais la lunienne n’en démordait pas, retournant vers son point de départ pour voler l’épée du défunt. Le souffle court, elle fit face à ses deux assaillants tout en faisant danser les épées entre ses mains avant de fléchir ses jambes une nouvelle fois. Les deux nains l’encerclèrent d’un rire pervers.
« Tu m’étonnes que le maître te veuille dans ses filets. » lança le plus petit des deux.
« Si tu voyais de devant ! » renchérit l’autre.
Moody fronça les sourcils sans les quitter du regard. Au moment où ils s’y attendaient le moins, elle décocha un coup de pied retourné au plus grand. Ses épées tournoyèrent en même temps que son corps, entamant une danse que seule elle connaissait. Avec une habilité déconcertante, la lunienne réussit à éviter leurs attaques et trancher sèchement leurs poignets quand l’occasion se présenta. Elle eut un ricanement mauvais quand le sol fut teint de sang, salissant une nouvelle fois la pureté de son armure.
« Jouons-la loyale et équitable. » lâcha la lunienne, agacée.
Nevra lui dirait sûrement d’arrêter de provoquer et de se focaliser sur sa propre protection. Une lame transperça l’armure de sa cuisse, la faisant hurler d’agonie. La douleur l’énerva davantage, giflant sèchement son adversaire pour le rendre hébété le temps d’une seconde.
« Ashkore vous a demandé de me ramener vivante, alors arrêtez vos conneries ! » cria-t-elle.
Elle lia ses deux poings ensembles pour frapper lourdement la cage thoracique de l’homme. La surprise lui coupa le souffle, ses mains relâchant le poignard enfoncé dans la chair de la jeune femme. Un sourire malsain se dessina sur ses lèvres alors qu’elle sentit un os se briser sous ses mains. Elle recommença avant de se relever vivement pour écraser son talon entre les jambes de l’homme qui se mit à hurler à son tour.
« Rappelez à votre maître que je suis du genre casse-couilles ! » railla-t-elle.
Elle pressa un peu plus sa botte entre les cuisses de l’homme pour sentir cette pression qui le congestionnait. Quelque chose se perça sous son talon qu’elle retira aussitôt pour frapper de toutes ses forces dans le service de l’homme. La foule l’acclama pour ce geste mais il lui restait un attaquant de taille et pas des moindres. De sa chaussure, elle repoussa le corps de l’homme qui s’était transformé en renard pour japper de douleur en se mettant en boule. Son regard se détourna de lui pour ne pas être affectée de sa férocité. Elle roula sa tête entre ses épaules, claqua sa langue contre son palais.
« Maintenant, je vais me mettre à ton niveau, gros tas de merde. »
La foule était en liesse. Elle frappait dans ses mains, faisait trembler la pierre qui fondait l’arène même. La lunienne ne se laissa pas déconcentrer par cette attention. Moody sentit coulait dans ses veines le fourmillement noir de la magie, comme un bâton de pluie qu’on renversait. Elle leva le visage vers le ciel, psalmodiant quelque chose d’inaudible. Une aura violette entoura ses mains maculées de sang, remontant sur ses avant-bras dégagés. Elle avait perdu en chemin ses armures de bras.
« J’en fais appel à toi Lune Noire. » murmura-t-elle.
L’orc fit trembler le sol en s’approchant de la jeune femme. Sans crier gare, il tendit sa main pour l’attraper comme un vulgaire pantin. La lunienne se laissa faire dans un rire proche de l’hystérie. Elle avait atteint les limites de sa patience. Depuis son arrivée ici, l’étrangère se sentait plus que persécutée et rejetée, noyant son profond chagrin dans la luxure. Moody n’était pas qu’une vulgaire poupée, ni une chose qu’on pouvait posséder et contrôler, Elle balança ses jambes pour les enrouler autour du cou de son ennemi, resserrant ses cuisses autour de lui. Son visage était peint d’une colère noire: les sourcils froncés, le regard assassin. Ses billes améthystes s’étaient teintées plus sombrement, ses iris tirant vers le noir à quelques endroits. La jeune femme fixa son visage immonde, plaquant ses mains sur ses oreilles rondes, applatissant ses fossettes saillantes.
« Généralement, j’aime avoir des visages entre mes cuisses. Mais là ce n’est pas le cas. » dit-elle d’une voix rauque.
L’adrénaline lui faisait oublier ses blessures. Ses pouces se plantèrent dans les orbites de l’orc qui tenta de décrocher la petite femme accrochée à son cou, elle resserra un peu plus sa prise.
« Je vais vous prouver ici et maintenant que je mérite ma putain de place. Moi, Moody Sans-Nom. Moi, la putain amnésique de la cité. » se mit-elle à crier.
Moody s’énerva un peu plus, si personne n’allait l’aider, alors elle se débrouillerait pour réduire ce dernier adversaire avec rage. Cette situation prouvait une fois encore qu’elle était une étrangère. Le géant lui attrapa le col, l’obligeant à lâcher prise. La foule était en liesse lorsque la lunienne se fit jeter comme une vulgaire poupée, mais pour une fois, elle sut atterrir lourdement sur ses jambes, un craquement lui fit relever le visage et une douleur vive traversa son genou. Tant pis. Elle tenta d’ignorer la douleur et l’odeur d’Ashkore qui lui attaquait les narines. Il n’était pas loin, sûrement tapi dans l’ombre, amusé de la voir dans une telle situation.
« Dommage. Vous ne pourrez plus vous branler en pensant à moi. » dit-elle avant de se remettre droite face aux deux hommes restants.
Moody essuya le coin de sa lèvre d’un poing, la sueur perlait sur son visage qui prenait une teinte vermillon au fur et à mesure de son combat. Sa respiration lui brûlait la gorge, ses poumons étaient embrasés par l’effort. L’armure pesait trop sur son corps, elle n’en pouvait plus mais elle ne pouvait pas faiblir maintenant, personne n’était décidé à la sauver. Elle jeta un coup d’œil à la tribune, les chefs ne semblaient pas avoir changé de posture mais elle décela le regard effaré de son mentor. Quelque chose cloche. Trop focalisée par ses pensées, elle ne vit pas l’homme renard courir vers elle pour l’attraper et la faire valser à travers toute l’arène. Son corps heurta brutalement le sol poussiéreux et roula sur plusieurs mètres, une complainte douloureuse quittant sa bouche quand elle s’arrêta sur le dos. Son plastron lui obstruait la poitrine, son souffle s’était bloqué. Elle sembla voir les étoiles en pleine journée. Son adversaire se dirigeait vers la femme au sol et cette fois-ci, elle eut le temps de le capter malgré sa panique intérieur. Instinctivement, elle repoussa la douleur qui électrisait sa hanche, Moody se redressa aussi vivement que possible, faisant tourner sa jambe à ras du sol pour taper les chevilles de l’homme et le déséquilibrer.
« Qu’est-ce que vous me voulez ? Qu’attendez-vous de moi? » s’époumona la jeune femme.
Des traits violines étaient dessinés sur ses avant-bras pâles, la magie noire électrisa son aura et ses iris changèrent pour une teinte aussi noire. Elle chargea une boule en direction du thorax de son adversaire qui tomba lourdement au sol. Moody, boiteuse, s’avança vers lui pour monter sur son corps, triomphante et vengeresse. Sa main, toujours entourée d’une volute noire, vint briser la cage thoracique de l’orc qui hurla. La foule se tut. La lunienne attrapa à pleine main l’organe qu’elle désirait tant, le serrant entre ses doigts pour le comprimer. En offrande pour la prochaine lune de sang. Elle ne vit pas la tribune élite qui s’était redressée avec surprise, ni la foule qui semblait ahurie et perdue. Moody arracha le cœur de l’orc en grondant, regardant le corps inerte expier son dernier souffle.
L’organe en main, la lunienne reprit connexion avec la réalité. Ses iris retrouvèrent leur teinte initiale, ses avant-bras affichaient leur pâleur naturelle et zébrés de traces vermillonne. Moody fixait l’organe avec un air avide. Que la mort paraissait chaude entre ses doigts.
« Je capitule. Je capitule. Je veux rejoindre l’Absynthe. Je vous en supplie sauvez mes couilles. » geignit l’homme renard au sol.
Moody braqua un regard assassin sur lui avant qu’un shuriken noir ne fende l’air pour se planter au milieu du front de son adversaire. Lorsque la lunienne releva le regard, elle vit déguerpir le ninja à l’origine de cet assassinat. Ashkore. Elle détourna son regard sur la tribune qui lui faisait face. Nevra semblait dérouté. Leiftan désolé. Ezarel ahuri. Miiko était au bord de la crise de nerf. Seuls les jumeaux étaient impassibles comme à leur habitude.
« Qu’est-ce que tu as fait ? » hurla la kitsune.
Moody releva le menton, elle aussi sur le point de céder à son hystérie. Elle avait envie de leur hurler leur incompétence, d’avoir préparé son assassinat. Elle était furieuse et seul son visage trahissait son état d’esprit.
« J’ai sauvé ma vie puisqu’aucun de vous n’a voulu m’aider. » reprocha-t-elle d’un ton tranché.
« Tu as tué tes compagnons ! » s’énerva la grande cheffe.
La lunienne haussa les épaules.
« Ma vie pour la leur. C’était de la légitime défense. » déclara Moody. « J’assume l’entièreté de mes gestes tout en respectant les règles: tuer nos ennemis et survivre. »
Elle n’avait pas relâché sa prise autour de l’organe mort dans sa main et sans réfléchir, elle leva le bras, visa la cheffe et lança le cœur au pied de cette dernière.
« La prochaine fois, je n’hésiterai pas à faire la même chose contre n’importe qui. » déclara la jeune femme aux cheveux à demi blanchis.
Mikko était en furie, ses queues s’agitaient dans son dos, manquant de fouetter les deux hommes autour d’elle. Moody navigua son regard sur chacun des faciès : Lance avait un sourire mystérieux au coin des lèvres. Etait-il fier de son comportement ? Valkyon ne laissait rien transparaître. Ezarel était amusé. Nevra avait l’œil lubrique. Leiftan tenta de la réprimander silencieusement.
« Tu me menaces ? » hurla la kitsune.
La foule semblait retenir son souffle. Un millier de paires d’yeux se braquaient sur la lunienne qui laissait un sourire malsain se dessinait au coin de ses lèvres.
« En tant que soldate de la garde de l’Ombre, je vous fais la promesse que quiconque se mettra en travers de mon chemin subira le même sort. »
Lentement, l’impudente insolente, se baissa en une révérence basse avant de tourner le dos à la tribune pour retourner dans l’ombre de l’arène, enjambant les cadavres sans écouter les propos vociférés dans son dos.
Chapitre 8 - Fille de la Lune
C’était officiel. Moody était devenue une citoyenne d’Eel en réussissant ces épreuves. Elle se devait de protéger la cité et n’en ferait qu’à sa tête. La lunienne balança sa queue de cheval défaite en arrière lorsqu’elle passa les grilles pour se diriger vers les vestiaires, étouffant les bruits de la foule dans les entrailles du bastion. Quelques-uns applaudirent sur son passage et elle leur sourit avec modestie, baissant la tête par respect. Elle bifurqua dans un couloir et pénétra dans le vestiaire. Tout ce dont elle avait besoin à ce moment précis était un bain chaud et panser ses blessures. A cette pensée, son corps épuisé lui rappelait sa condition et elle se laissa tomber lourdement sur un banc. Au même moment, Leiftan pénétra dans la pièce. Moody ferma les paupières déjà lassée d’entendre des reproches.
« Que s’est-il passé ? » demanda le blond, d’une voix calme.
Elle eut un rire jaune.
« Tu te fous de moi? Tu n’en sais rien ? » reprocha la lunienne. « Pourtant tu m’as regardé me retrouver contre cinq assaillants qui cherchaient à me blesser pour me capturer pour Ashkore. Et aucun de vous n’a cherché à m’aider. Même un vampire avec une ouïe surdéveloppée n’a rien entendu. »
Un silence s’installa entre les deux. Moody n’était aucunement dupe, elle savait pertinemment qu’elle se faisait interroger et que l’oreille d’un vampire ne traînait pas loin. Elle continua:
« Pourquoi aucun de vous n’a pas réagi ? Que Lance ne le fasse pas à la rigueur, je n’en suis pas étonnée. Mais que vous autres ne fassiez rien, j’en suis contrariée. Non, je ne suis pas contrariée, je suis furieuse, putain ! »
Sans se contrôler, elle balança une boule noire contre le mur en face d'elle, évitant de justesse l'Etincelant qui se tenait devant elle. Elle le toisa avec amertume.
« Tu savais très bien que j’avais peur de ces Olympiades, que je n’étais pas confiante. Et vous avez voulu me faire crever ! » reprocha Moody d'un ton furieux.
Ses bras se croisèrent sous sa poitrine opulente, renfrognée. Leiftan s’accroupit devant elle en soupirant, entreprenant de lui retirer l’armure au niveau de ses jambes. Un nouveau silence s’installa entre eux. Moody se laissa être libérée de l’emprise de ses protections. La combinaison qui cachait sa peau laiteuse était déchirée de toute part et dévoilait des blessures au sang séché.
« Nous ne pouvions rien faire. Nous étions paralysés par un sort. Nous pouvions tout voir mais notre réalité semblait altérée. Tu semblais te battre avec tes compagnons et l’instant d’après, je voyais que l’homme renard se jetait sur toi. »
Leiftan marqua une pause pour retirer le plastron qui obstruait la poitrine généreuse de son amie. Il replaça le tissu sur sa chair avant de reprendre:
« J’ai besoin que tu m’apportes plus d’informations sur ce qu’il s’est passé. Pour ta sécurité. Si Ashkore en a après toi, j’ai besoin de te protéger. »
Moody rouvrit les paupières après un moment, tentant de calmer la colère et la frustration qui baignaient dans son cœur. Le souvenir du labyrinthe lui revint en mémoire. Inconsciemment elle porta ses doigts à sa gorge encore marquée avant de poser son regard sur Leiftan à ses pieds, qui auscultait son genou meurtri.
« Je ne sais pas ce que me veut Ashkore. Je te le jure. Je n’ai rien à voir avec lui. Mais il semblerait qu’il ait plus d’alliés qu’on le prétend. »
Le blond l’interrogea du regard en arrachant le tissu sur sa jambe pour comparer ses deux genoux. Elle grimaça.
« Les deux soldats qui se sont présentés avec moi pour cette dernière épreuve avaient un lien avec les prisonniers. Lorsque le combat a commencé, je me suis retrouvée seule contre tous, leur mission était claire: me ramener vivante à leur chef. »
Moody s’arrêta de parler un instant, passant une main sur son visage marqué par la fatigue. Un faible gémissement de douleur lui échappa quand son ami plia un à un ses genoux. Leiftan lui saisit la cheville de sa jambe meurtrie puis posa son autre main sur sa jointure. D’un coup sec, il lui réaxa le genou, arrachant un cri à la lunienne. Moody soupira une nouvelle fois: au moins son articulation n’était pas cassée. Pour toute excuse, Leiftan caressa son genou.
« Je me suis donc défendue comme je le pouvais. Et j'ai été contrainte d’utiliser ma magie. »
Son regard se posa enfin sur le blond à ses pieds, il ouvrit les lèvres pour parler mais Jamon fit irruption dans la pièce. Moody tourna le visage vers lui, un léger sourire étira ses lippes en voyant deux curieux aux oreilles pointues faire mine de retourner à leurs occupations.
« Moody être attendue demain à la salle du Cristal. Pour fêter promotion. Félicitations à elle. » déclara l’ogre.
Moody hocha la tête avant de reporter son attention sur le blond, le regard interrogateur.
« Une cérémonie pour te proclamer officiellement soldate de la garde de l’Ombre. » informa Leiftan en se relevant avec souplesse.
Il replaça son manteau blanc sur ses épaules, puis se pencha pour embrasser la tempe de son amie. A ce contact, elle ferma les yeux avec un petit sourire.
« Profite d’une bonne douche avant d’aller te faire soigner. Repose-toi. Demain sera une longue journée. » ajouta-t-il de sa voix calme.
Un dernier signe de la main et Leiftan sortit de la pièce en compagnie de Jamon. Elle passa ses mains sur le haut de son crâne en fixant l’état déplorable de ses jambes, s’imaginant déjà se faire masser. Un soupir passa la barrière de ses lèvres, épuisée. Ses yeux se levèrent lorsqu’elle sentit une présence. Un sourire se dessina à la commissure de ses lèvres à la vue de son capitaine. Il s’approcha d’elle et quand le vampire fut trop proche, la lunienne posa délicatement son pied nu contre son torse pour le tenir à distance. Nevra posa son œil malicieux sur elle tandis qu’il enroulait ses fines et longues phalanges autour de sa cheville.
« Tous commentaires sur mes épreuves sont interdits. Toutes félicitations sont les bienvenues. » dit Moody d’une voix mielleuse.
Nevra lui adressa un sourire carnassier en caressant sa cheville.
« Dommage. La partie absynthe méritait un peu plus de développement de ta part. » dit-il sur le même ton.
Elle claqua sa langue à son palais, un rictus au coin des lèvres.
« Maintenant que je suis dans la garde de l’Ombre, je jure de ne jamais coucher avec mon chef de garde. » répondit-elle, donnant une impulsion de son pied contre son torse.
Le vampire ne bougea aucunement, remontant sa main contre son mollet. Il ricana, creusant l’une de ses fossettes. Moody réprima l’envie de lui toucher, étouffant son soupir frustré. Ce qu’il était craquant et désirable dans le fond, mais elle se devait faire perdurer ce jeu de séduction.
« Entre nous… qui respectera le mieux ce commandement ? » reprit Nevra qui caressait allègrement sa cuisse tout en se penchant vers elle.
La lunienne, dans toute sa splendeur et sensualité, glissa sa jambe autour de la hanche de l’homme penché à quelques centimètres d’elle.
« Moi, naturellement. » répondit Moody.
Le borgne eut un ricanement en se penchant sur elle. Son regard soutenait le sien tandis qu'elle enserrait sa jambe autour de l'homme, passant son autre pied entre ses jambes. La lunienne sentit frémir le vampire qui continua son petit manège du bout de ses doigts. Il remonta, tout en effleurant la chair opaline, vers son décolleté déchiré pour y faire glisser une pierre contre la séparation de ses deux seins volumineux. Moody entrouvrit les lèvres pour expier un faible soupir, remontant son pied près de l'entrejambe de l'homme au regard lubrique.
« Cadeau de bienvenue, chère Ombrette. » murmura Nevra en lâchant la pierre.
La lunienne se cambra légèrement, plantant le bout de ses dents dans sa lèvre inférieure. Son pied retomba au sol alors que le vampire se défaisait doucement de son emprise et se recula de quelques pas avant que Lance n'apparaisse dans l'encadrement de la porte. Moody préféra l'ignorer en gardant son regard braqué sur le vampire aguicheur.
« Nous avons des choses à finir le vampire. Cesse de jouer avec tes recrues. » ordonna d'une voix froide le bras droit de Miiko.
La lunienne détourna un instant son regard sur Lance avant de sourire à Nevra.
« Merci d'être venu me féliciter, Capitaine. On se voit demain. » dit-elle d'une voix suave.
Le borgne lui sourit malicieusement avant de quitter la pièce sans rien ajouter. Quant à la lunienne, elle se releva avec le peu de grâce qui lui restait pour tourner le dos à l'homme qui restait planté à la porte. Elle entendit les pas discrets du vampire quitter la pièce puis la porte se refermait. Néanmoins l'odeur mentholée continuait à persister derrière elle, la rendant plus nerveuse qu'à l'accoutumée. Sa mâchoire se serra alors qu'elle faisait volte-face, bras croisés sous sa poitrine, peu disposée à parler. Lance réduisit la distance entre eux deux en silence, posant deux doigts sous son menton pour lui faire pencher la tête en arrière. Son regard azuré parcouru les quelques marques restantes sur son cou. Ashkore l'avait bien serrée. Moody soupira en détournant le regard.
« Merci. » dit-elle en dégageant doucement la main gantée de l'homme à l'armure noire.
Lance se contenta de grogner en se reculant. Il lui tourna le dos, prêt à quitter la pièce.
« Pourquoi m'avoir sauvée alors que vous rêviez de me voir périr ? » s'empressa de demander la jeune femme, le regard braqué sur le dos imposant du géant.
Elle s'efforçait sévèrement de ne pas dévier sur son fessier, fermant les paupières pour calmer ses hormones en fusion. Il n'y avait rien d'attirant chez ce fou. Lance marqua un temps d’arrêt. Un silence s'installa avant qu'il ne réponde de sa voix caverneuse:
« Contentez-vous de vous taire et d'oublier, ça ne devrait pas être difficile. »
La lunienne le foudroya du regard.
« Connard. » dit-elle, à voix haute.
Il fit volte face et elle ne put éviter son geste. Son corps tomba lourdement au sol, posant une main tremblante contre sa joue en feu. Hébétée, elle fixa le sol du vestiaire. Ce n'était pas sa violence qui l'estomaquait mais sa capacité à aller au bout de ses pulsions malsaines. Moody releva un regard noir vers l'Etincelant qui ne sembla même pas désolé de son geste.
« Vous êtes complètement malade. »
« Merci. » répondit Lance avec détachement. « Je n'ai pris aucun plaisir à vous sauver. Je n'ai juste pas apprécié qu'on essaie de faire mon propre travail. Maintenant, contentez-vous de vous taire ou je demanderai à Mirlak de le faire. »
Moody se raidit à l’évocation de l’elfe noir. Elle serra les mâchoires sans le quitter des yeux. Lance tourna les talons pour quitter la pièce sans un mot de plus, il s’était simplement assuré qu’Ashkore n’avait pas davantage abîmé son jouet, l'objet de sa prochaine promotion. Un rictus mauvais se dessina au coin de son visage balafré. Il serait prêt à tout pour ce nouveau grade, même à tuer son petit frère ou le fils du roi. L'Étincelant espionna du coin de l'œil le visage désemparé de Moody lorsqu'il claqua la porte dans son dos. Excitant. Elle était presque plaisante à martyriser.
Trou du cul. Elle soupira en massant sa joue giflée, se relevant péniblement pour s’enfermer dans sa cabine de douche. Elle ne comprenait pas les événements récents. Pourquoi Ashkore lui portait de l’intérêt ? Pourquoi Lance l’avait sauvée et aussitôt menacée, violentée ? C’était à ne plus rien y comprendre. Elle tenta de se rappeler de leur altercation dans le labyrinthe, il l’avait désignée comme sienne en parlant à Ashkore. Avaient-ils quelque chose à voir ensemble ? La lunienne se laissa glisser le long du mur froid pour s'asseoir au sol après avoir ouvert l'eau chaude. Une moue de dégoût se dessina sur son visage. Hors de question qu'elle appartienne à qui que ce soit. Toujours habillée, elle glissa ses doigts dans son décolleté pour attraper et caresser la pierre que lui avait offert Nevra. Et si Lance était dans les rangs d’Ashkore ? Si j'étais un trophée à ramener. Si ma tête avait un prix… Elle secoua la tête. Impossible. Moody l’avait vu attaquer sans relâche les troupes ennemies et s’il était vraiment avec l'homme masqué, il l'aurait sûrement déjà amenée à ses pieds.
Elle posa sa tête contre le mur de la douche en arrachant le reste des tissus sur son corps, tenant précautionneusement la pierre dans le creux de sa paume. Réfléchir à tous ces événements lui donnait un mal de tête. Tandis que l'eau dégoulinait sur son corps voluptueux, elle tenta de faire le vide, les yeux clos. Lance et Ashkore n'étaient que des problèmes parmi tant d'autres. Tout autant que la cité. Même si demain elle jurait sa vie pour Eel, elle ne défendrait pas ce peuple qui l’avait rejetée depuis son arrivée. Elle risquerait sa vie uniquement pour ceux et celles qu’elle appréciait un minimum : Leiftan, les Purrekos et les enfants de l'orphelinat. Moody se redressa pour poser la pierre soigneusement sur le sol et se laver sous l’eau chaude. Lorsqu’elle eut fini, un écuyer l’attendait pour la guider hors des lieux, vers la cité d’Eel où elle rejoignit l’infirmerie.
***
A l’heure convenue, elle rejoignit la salle du cristal, habillée sobrement de sa tenue de travail. La lunienne prit place sur une chaise qui lui était attitrée et ses jambes se croisèrent délicatement. Les bons soins d’Eweleïn lui avaient permis de se remettre plus facilement de ses blessures, combinées aux bienfaits des rayons de la lune, Moody était pratiquement indemne. Elle n'avait plus aucune trace des blessures et courbatures de sa journée d'hier. Elle posa ses mains sur ses genoux, observant la verrière au-dessus d’elle pour contempler le ciel, à la recherche de la lune en plein jour. A une semaine de la pleine lune, la jeune femme ressentait déjà le besoin de courir dans l’Astral aux côtés de Scorpion, à la quête de Lune. Un soupir lui échappa. Et aussi de trouver quelqu’un capable de me combler pour cette nuit particulière.
Les chefs de la cité pénétrèrent dans la pièce, arrachant la lunienne à ses pensées. Elle se leva d’un seul mouvement avec ses camarades pour les accueillir avant de se rasseoir après un signe de main de la part de la kitsune.
« Bienvenue à vous, nouveaux soldats. Vous avez brillés lors de ces Olympiades, je suis fière de vous et de vous avoir dans ma garde. Eel compte sur vous. Son peuple, ses terres… »
Miiko affichait un sourire faussement radieux. Moody n'osa pas regarder l'estrade, le simple fait d'avoir entrevu Lance lui rappela la sensation désagréable de sa gifle sur sa joue. Déconcentrée, elle n'écouta pas la suite du discours pompeux de la cheffe.
« Une fête sera donnée en votre honneur ce soir, au Q.G, à la salle de bal. »
Quelques exclamations de joie se firent entendre. D’autres, plus silencieux, laissaient une larme couler sur leur joue. Moody contempla ses doigts. Certains étaient nés pour rejoindre les rangs de la garde et elle, elle se trouvait là sans aucune envie d’en faire partie. Une pensée l’effleura, ce qui l'a fit discrètement sourire : elle pouvait être plus libre avec ce nouveau statut et retrouver le chemin de son pays natal. La jeune femme releva le visage pour reprendre le fil de la situation.
« Nous allons vous faire circuler les commandements et règles à suivre en tant que soldat. Vous devrez jurer, main droite levée, devant le cristal où repose l’Oracle, à voix haute. Si vous enfreignez une de ces lois, vous serez déshonorés de vos fonctions. »
Moody retint une moue. Ce n’est pas toi qui te déshonoreras après avoir couché avec ton bras droit. Elle secoua la tête. Faites ce que je dis, pas ce que je fais. Comment le savait-elle ? Le parfum de Lance régnait sur la peau de la kitsune. Et puis, pourquoi s'en soucier ? Ce n'était pas ses affaires. Miiko était tout aussi répugnante que Lance. La lunienne observa ce dernier, les sourcils froncés, puis détourna le regard au moment où il s’intéressa à elle. Elle sourit discrètement à Leiftan, son point d'ancrage. Au moins une personne capable d'apaiser la rage dans son cœur d'un regard. Elle porta son attention sur Nevra qui continuait de la fixer, elle arqua un sourcil.
« Faites attention, vous avez de la bave sur le coin de la lèvre. » murmura-t-elle à voix basse.
Un sourire malicieux creusa la fossette du vampire que reporta son œil valide sur l’assemblée. Moody posa ses iris sur la cheffe de cité, fière d'avoir décroché un rictus à son capitaine.
« Après cette session, chaque chef de garde vous guidera dans l’aile du bâtiment qui vous appartient. Tous vos effets personnels vous seront rapportés par les Purrekos une fois que vous serez installés. C’est une nouvelle vie qui vous attend. Vos plannings seront distribués chaque semaine par vos chefs : entraînement, tour de garde, missions, travaux dans la cité… »
La lunienne espérait secrètement pouvoir continuer son travail avec Purreru et à l’orphelinat. Si tel n'était pas le cas, alors elle obtiendrait ce qu'elle voulait en faisant les yeux doux à Leiftan ou à Nevra.
« Deux tenues de garde vous seront remises sur vos lits. Prenez soin de les porter lors de grands événements. Sauf pour ce soir, soyez libres. » ajouta Miiko, sur un ton faussement enjoué.
La brune invita, d'un geste, les écuyers à distribuer le code de l’honneur de la garde d’Eel. Moody baissa le regard sur le papier officiel qu'on lui tendit. Elle le prit délicatement et lut les commandements, sans retenir ses expressions faciales :
1. Soldat d’Eel, je m’engage à servir mon pays.
2. En toutes circonstances, je me conduis avec honneur, courage et dignité.
3. Toujours disponible et discipliné, je suis exemplaire dans mon comportement comme dans ma tenue.
4. Respectueux des lois et des règlements, je m’exprime avec la réserve qu’exige mon état militaire.
5. Loyal à mes chefs et dévoué à mes subordonnés, j’obéis avec confiance et je commande avec exigence et bienveillance.
6. Membre d’une communauté soudée par l’esprit de corps, je respecte toutes mes sœurs et tous mes frères d’armes.
7. Prêt à l’engagement, je m’entraîne sans relâche et recherche l’excellence.
8. Au combat, je n’abandonne ni mon arme, ni mes camarades morts ou blessés. Maître de ma force, j’agis avec humanité et respecte mon ennemi.
9. La mission est sacrée, je l’accomplis jusqu’au bout avec détermination et esprit d’initiative.
10. Le succès des armes et de la magie de la cité d’Eel guide mon action.
Moody eut un sourire amusé au coin des lèvres, le second commandement n’était pas tel qu’elle l’avait entendu depuis son arrivée. On peut coucher avec son supérieur et rester digne. Elle haussa les épaules et se racla la gorge. Ces commandements lui paraissaient ridicules, mais elle en prendrait note. Moody attendit son tour pour prêter serment devant le cristal. Même si la lunienne ne jurait que par Lune, elle promettait silencieusement à l’Oracle de la servir en tout honneur.
« Je jure devant vous Oracle, de vous servir et de protéger votre pays sous les ordres des dirigeants de ce pays. » répéta la lunienne, la main droite levée.
Un souffle balaya ses cheveux et la lunienne sourit discrètement en se penchant pour embrasser le cristal qui vibra à son contact. Elle se détourna pour se ranger derrière son capitaine, croisant ses mains dans son dos en attendant la fin de la cérémonie.
Lorsque se fut le cas, la jeune femme emboîta le pas du vampire vers le bâtiment dédié à la Garde de l'Ombre. Il se situait au dernier étage du Q.G, dans l'aile gauche, non loin de la verrière qui servait de toiture. Moody sentit un sourire se peindre sur ses lèvres, elle pourrait s'allonger dans les multiples coussins pour contempler le ciel nocturne quand l'envie lui prendrait et que les nuits seraient fraîches. En continuant vers les corridors, Nevra informa son équipe au sujet des douches communes qui se situaient en sous-sol. Des sources chaudes dans les cavités du Q.G. Les bains étaient mixtes et les vestiaires séparés. Pour y aller, il suffisait de prendre un escalier en colimaçon derrière une grande porte en bois. Ils seraient mélangés aux autres membres de la garde. Puis le vampire rappela les horaires des repas, de la bibliothèque et des entraînements quotidiens. Enfin, le capitaine les guida vers les chambres tant attendues. Il laissa le libre choix à ses subalternes. Moody se dirigea vers une chambre enfoncée, au bout du couloir. Lorsqu’elle y pénétra, elle fut subjuguée par le charme de la pièce.
Devant elle se tenait un grand lit à baldaquin aux couleurs sombres, qui semblait moelleux, il était paré de rideaux légers. Près de la fenêtre, un bureau en bois massif avec une vue sur la ville. Au centre de la pièce, quasiment à l'entrée, se tenait un petit salon avec un divan et un sofa au style baroque. Sur sa gauche se tenait une grande penderie et une coiffeuse. Enfin il y avait une salle de toilette qui lui permettrait de faire ses besoins et se préparer dans l’intimité. Mais son regard fut captivé par le petit renfoncement qui donnait sur une autre fenêtre, plus petite. La petite cavité était rembourrée par un matelas et accessible par une personne de petite taille. Enfin ! Quelle chance d'être petite, s'amusa Moody. Cet endroit serait enluminé par les rayons de la lune et cela gonfla chaudement le cœur de la jeune ombre. Un nouveau sourire étira ses lèvres charnues, c’était une chambre qui lui convenait énormément. Il n’y avait plus qu’à placer son petit autel et elle serait au paradis. Moody fut tirée de ses pensées quand une malle tomba au sol derrière elle.
« Vos affaires. » annonça un jeune écuyer.
La lunienne lui offrit un sourire après avoir hoché la tête poliment. Elle lui laissa le passage avant de se promener dans la chambre pour prendre ses marques, se laissant aller à une décoration et un aménagement imaginaire. Ici, Moody mettrait son autel de fortune. Là-bas, ses articles de sorcellerie. Il faudrait aussi qu’elle se trouve une petite bibliothèque pour son grimoire, son carnet de pensée et… Un bruit se fit entendre au carreau de sa fenêtre. La lunienne sourit un peu plus à la vue de son familier qu’elle laissa entrer après avoir ouvert.
« Et bien sûr… Je mettrais aussi ton petit nid quelque part. » murmura-t-elle à l’attention de Munin qui se posa sur son épaule en croassant.
L’écuyer eut une sueur froide en voyant l’oiseau et resta à bonne distance. La jeune femme l’observa, retenant un gloussement. Elle ne pensait pas qu’un petit Pterocorvus pouvait effrayer à ce point… Pas plus que les tenues que déposait le jeune garçon sur son lit. Moody grimaça à la découverte des accoutrements officiels de sa garde.
« Je suis vraiment la bouffonne de cette histoire maintenant… Je savais que j’aurais dû partir en Obsidienne. Voir supplier Ezarel de me laisser aller dans sa garde. » murmura la lunienne.
« Les tenues obsidiennes t’auraient davantage rapetissée et n’auraient pas été à ton goût. Quant aux tenues de l’Absynthe, bien que les robes soient jolies, je ne pense pas que la couleur verte te plaisent. » intervint la voix de Nevra, accoté à l’encadrement de la porte. « Notre rôle en tant que soldat de l’Ombre n’est-il pas de pouvoir interpréter qui nous voulons et nous faufiler n’importe où ? » ajouta-t-il.
« Je préfère les tenues plus… Moulantes. » fit remarquer la jeune femme aux cheveux blancs en se tournant vers lui.
« Alors notre tenue Shinobi devrait davantage te seoir. » sourit malicieusement le vampire. « Elle est très… Sexy. »
Moody gloussa faiblement en ouvrant sa malle suite au départ de l'écuyer. Munin croassa et s'envola vers les oreillers du lit pour s'y blottir, le regard rivé sur les deux faëliens. Nevra ne bougea pas de sa place tandis que la lunienne sortait ses affaires pour les ranger dans son armoire. Elle se fichait pleinement que l'homme voit sa petite lingerie.
« On se voit ce soir ? » questionna Nevra qui s'était approché de la malle pour effleurer la petite dentelle.
« Peut-être. » répondit Moody en coulant un regard mielleux vers lui, sauvant ses sous-vêtements des doigts de l'homme.
« J’aurais le droit à une danse? »
Elle gloussa une nouvelle fois, lui retirant un string en dentelle rouge. Il croisa les bras sans détacher son œil du fessier qui allait et venait à la penderie.
« Seulement si l’alcool est fort et que la musique est entraînante. » renchérit-elle. « Je suis une piètre danseuse. »
« N’oublie pas que tu es sous mes ordres. » lui rappela Nevra.
« Imiter Lance ne vous sied guère. » fit-elle remarquer. « Restez comme vous êtes, vous aurez moins l'air d'un trou du cul. » sourit-elle.
La lunienne déposa son grimoire sur le bureau en bois, suivi de sa petite artillerie de sorcière. Elle décocha un dernier regard au vampire.
« Mais peut-être que si vous êtes attrayant, je pourrais concevoir l’idée d’une danse avec vous. » souffla-t-elle d’une voix suave, faisant sourire à pleine dents son capitaine.
Le vampire lui adressa une révérence quand une voix de femme l’interpella à travers le couloir. Il referma la porte dans son dos et Moody leva les yeux au ciel avec un amusement certain. La soirée promettait d’être longue. Ses doigts plongèrent à nouveau dans la malle et elle sentit un paquet en velours, lui faisant hausser un sourcil avec curiosité. Elle remarqua une petite carte avec une empreinte de pattes de chat sur le colis:
Pour que tu sois la plus resplendissante des soldates de l’ombre.
- Purriry.
Un sourire orna les lèvres de Moody lorsqu’elle découvrit la robe aux manches bouffantes. La lunienne s’empressa de détendre le tissu en l'accrochant sur un cintre. Elle secoua sa crinière décolorée avec un petit sourire, Purriry avait encore pensé à tout pour la remercier et la rendre encore plus vaniteuse qu'à l'accoutumé. Cette chatte était fabuleuse. Les mains sur les hanches, elle quitta la contemplation de sa nouvelle tenue pour continuer à aménager son nouveau petit cocon sous l'œil attentif de son familier.
Après avoir profité d’un bon bain chaud, Moody s’était de nouveau isolée dans sa chambre pour se préparer devant sa coiffeuse. Elle avait noirci le coin de ses yeux pour lui étirer un peu plus le regard, un rouge à lèvres foncé parait ses lippes malicieuses alors qu’elle déposait un diadème serti d’une lune sur son front. Nue, elle se releva pour enfiler sa robe noire. La pâleur de sa peau ressortait plus que de nature, un pan de tissu cachait son intimité et dévoilait ses cuisses blanchâtres et balafrées. Sa poitrine généreuse était maintenue par son grand décolleté qui plongeait jusqu’au-dessus de son nombril. Elle glissa quelques bijoux entre ses deux chairs pour les faire briller un peu plus. Le dos ressemblait à l’avant, dévoilant sa chute de rein jusqu’à sa cicatrice en forme de croissant de lune. Moody se contempla dans le miroir à pied tout en accrochant à ses majeurs les manches de sa robe. Ravie de son reflet, la Vaniteuse replaça correctement ses cheveux bicolores avant d’enfiler une paire d’escarpins hauts. On frappa à sa porte. Elle s’avança vers cette dernière pour actionner la poignée et découvrir Leiftan qui resta un instant bouche bée. Moody ricana.
« Je crois que c’était l’effet que je souhaitais. » taquina la lunienne.
Elle s’autorisa, à son tour, à contempler la tenue de son ami. Il avait changé son habituelle tenue pour quelque chose de plus sobre et distingué. Leiftan portait une cape aux ornements raffinés et de couleur émeraude, serrée à son torse par le badge de l’Etincelante. Son ventre était caché par une chemise en soie blanche dont le col laissait entrevoir sa pomme d’Adam. Ses jambes portaient élégamment un pantalon tout aussi blanc, surmonté par des bottes cavalières vertes. Son regard remonta au visage de l’homme qui avait dégagé ses cheveux en arrière, arborant toujours ses deux petites tresses.
« Tu es… » commença l’Etincelant avant de secouer le visage. « Tourne-toi et ferme les yeux.» annonça-t-il.
La jeune femme l’interrogea du regard et lui fit dos sans insister. Doucement une pierre froide se glissa à son cou, contre sa poitrine, la faisant doucement frémir. Elle baissa le regard vers la pierre légèrement bleutée : une pierre de lune. Un sourire étira ses lèvres alors qu’elle laissait le blond serrer le collier sur sa nuque. Lorsqu’il eut fini, Moody se tourna vers lui, l’enlaçant affectueusement.
Illustration par Nessuna

« Tu es plus que resplendissante maintenant. » murmura Leiftan à son oreille.
« Merci. » répondit-elle sur le même ton.
Elle se détacha de lui et passa ses doigts manucurés sur la pierre, touchée.
« Elle est parfaite. »
« Elle te va à ravir. » ajouta le blond en sortant de la chambre. « Tu es prête ? »
Elle hocha la tête et lui emboîta le pas après avoir fermé la porte. A hauteur de son ami, il se permit de glisser une main chaude contre sa chute de rein. Son corps s’électrisa instantanément à ce contact. Il avait à peine effleuré sa cicatrice qu’un voile blanc passa devant elle, Leiftan ayant à peine le temps de la rattraper avant qu'elle ne tombe face contre terre.
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A l’aube de ses dix-huit ans, la jeune Moody gambadait joyeusement dans la Cour lunaire. Entourée de ses nourrices, la jolie chevelure blanche s’intéressait à ce qui l’entourait. Demain aurait lieu son baptême sacré. Tout le royaume, et par-delà les frontières, y était convié. Elle était insouciante et souriante. Le rituel de la Mère Lune n’allait pas être des plus plaisant, mais elle n’en savait encore rien.
« Es-tu vraiment prête à faire ce rituel ? » lui dit une vieille femme à ses côtés.
Elle avait un sourire chaleureux en passant ses doigts dans les cheveux argentés de la future reine de Luna.
« Oui. » s’exclama Moody, un large sourire sur son visage malicieux.
« Ton cœur et ton âme seront à jamais liés à la Mère Lune. En es-tu sûre ? » continua la nourrice.
La princesse déposa en douceur ses mains sur les épaules frêle de sa première nourrice après s'être tournée vers elle. Sa longue toge argentée volait au gré de la légère brise. Une mèche mutine caressa le nez retroussé de la lunienne.
« Oui, Claire. Je n’ai pas le choix. La Mère Lune m’a appelée à ma naissance. Il n’y a pas d’autre chemin pour moi. Le lien qui m’unit à elle est bien plus fort que ça. » dit la lunienne d’une voix assurée. « Plus fort que celui qui me lie à mes parents. Je vis et vivrai pour Lune, jusqu'à ce qu'elle se lasse de moi. »
Claire lui offrit un tendre sourire.
« Bien. N’oublie pas, la lune ne se contente pas de veiller sur la nuit mon enfant. C’est l’âme de l’équilibre. C’est une magie lumineuse, une chasseresse qui mène la meute. Au moindre faux pas, tu mourras. »
« Je suis née pour mourir. Je ne l’oublierais pas. »
Moody embrassa la joue pâle de la femme qui avait toujours veillée sur elle, depuis sa naissance.
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« Moody ! » s’alerta Leiftan alors qu’elle tombait à genoux dans une complainte de douleur.
Son souffle lourd trahissait son angoisse certaine. Elle avait l’impression de manquer d’air et que la douleur au creux des ses reins embrasait sa peau. L'Étincelant se mit à sa hauteur, retirant ses doigts de sa cicatrice. La lunienne ne réussit pas à voir son visage. Un nouveau voile passa devant ses yeux améthystes.
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Moody s’approcha de la stèle. Elle avait revêtu sa plus belle tenue de rite. Un simple voile qui camouflait à peine ses formes déjà bien généreuses à son jeune âge. La Lune était haute, pleine et lumineuse en cette soirée. La jeune femme apposa sa main sur la pierre devant elle. Tout était silencieux, même la foule qui l’entourait. Elle leva son regard améthyste vers l’astre pour y trouver du réconfort et de la paix. Ses cheveux blancs dansaient autour de son visage pâle.
Une maîtresse de cérémonie, vêtue d'une robe violette, encapuchonnée et voilée, fendit la foule en silence et se mit aux côtés de Moody, lui adressant une révérence. Elle la regarda et hocha la tête dans un signe respectueux. La voix brisa ce silence d’un ton solennel :
« Ce soir ta vie ne t’appartiendra plus, es-tu sûre de vouloir continuer ? »
« Oui. » dit Moody d’une voix forte et solennelle.
Tant bien que mal, la jeune princesse tentait de cacher l'angoisse qui pulsait dans son coeur.
« Ton cœur et ton âme seront à jamais liés à la Mère Lune. En es-tu sûre ? »
« Oui. » répéta la lunienne sur le même ton.
« A nue. » lui ordonna la voix capuchée.
Moody inspira lentement et entreprit de se dévêtir aux yeux de tous. Son voile tomba à ses pieds, dévoilant ses formes généreuses : une poitrine galbée aux tétons roses, une taille fine, des hanches marquées, des cuisses rondes et galbées. Son pubis était décoré d’une légère toison, son fessier était rebondi et ferme. Elle se présenta face à la table de marbre pour s’y allonger à plat ventre. On s’empressa de lui lier les poings et les chevilles avec des chaînes en argent. Moody embrassa la pierre, les yeux clos, alors qu’un frisson parcourut son échine. Il lui était impossible de fuir dorénavant.
« Moody de La Luna, acceptes-tu de ton plein gré à devenir une fille de la Mère Lune en tant que sorcière ? Acceptes-tu de te consacrer qu’à elle, de la placer au-dessus de tout ce qui t’est cher, y compris ta vie et ton souffle ? » reprit la voix.
« Je l’accepte. » répondit la lunienne d’une voix distincte.
« Moody de La Luna, acceptes-tu le joug de la sorcière, que tu ne seras plus libre de servir une autre déesse, que ton esprit sera lié à elle pour toujours et n’appartiendra jamais à un autre dieu qu’à la Mère Lune tant que tu évolueras dans le monde, dans ce corps ? »
« Je l’accepte. »
Les questions furent plus rapides. La Lune blanche, et sans tâche, arborait son plus beau halo de lumière. Elle était prête à l’accueillir au sein de sa famille.
« Vivras-tu au nom de la Mère Lune ? »
« Je vivrai au nom de la Mère Lune. »
« Guériras-tu au nom de la Mère Lune ? »
« Je guérirai au nom de la Mère Lune. »
« Tueras-tu au nom de la Mère Lune ? »
« Naturellement. Je tuerai au nom de la Mère Lune. »
« Mourras-tu au nom de la Mère Lune ? »
« Je lie ma vie à elle. » répondit Moody sans perdre le rythme effréné du rite.
Les éléments se déchaînèrent alors autour de la stèle. Le vent fit lever les longs cheveux blancs de la fille de Séléné, dévoilant la pâleur de son corps au ciel nocturne. Un éclair quitta la Lune pour s’écraser sur la chute de rein de la jeune femme. Elle se mit à hurler de douleur, tirant sur les chaînes avec force. Le rayon lumineux lui brûla la peau. Son visage fut tiraillé par la douleur, les larmes ruisselèrent sur son visage tandis qu’un amas de lumière sombre émanait de son corps, contre attaquant cette clarté. Un bruit de stupéfaction quitta la foule, un rire guttural et mauvais étouffa les complaintes.
« Bienvenue nouvelle Fille de la Lune. » souffla une voix fantomatique à son oreille.
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La lunienne sanglotait sans larmes, tâtant de ses mains son ami inquiet devant elle. Elle revenait doucement à la réalité. Quelques personnes la regardaient avec surprise, pensant qu’elle était atteinte de démence. Leiftan encadra son visage de ses mains, la bouche de Moody tremblotait, elle n'était pas une bête de foire.
« Reprends d’abord ton souffle avant de parler. » murmura le blond, d'une voix calme.
Elle hocha imperceptiblement la tête avant de fermer les yeux afin de caler son souffle à celui de l’Etincelant qui lui venait en aide. C’est au bout de quelques minutes qu’elle reprit contenance, se relevant maladroitement. Moody redressa fièrement le menton, affrontant du regard ceux qui s'étaient attardé à la regarder.
« Que s’est-il passé ? » la questionna Leiftan sans perdre son ton calme.
« Une bride de mémoire qui m’est revenue. Ce n’est pas aussi violent. Ni aussi long, d’habitude. » confia la lunienne en reposant ses améthystes sur lui.
Elle passa ses doigts sur sa chute de rein afin de redessiner sa cicatrice, son appartenance à Mère Lune. Un faible sourire décora son visage opalin.
« J’ai vu la plus belle, et la plus douloureuse, chose qui me soit arrivée. »
Leiftan pencha son visage sur le côté, interloqué.
« Mon rituel d’allégeance à Lune. C’est un bon souvenir. Je t’en parlerai plus tard. » informa Moody.
« Tu es sûre que ça va aller ? »
Elle lui sourit malicieusement en s’accrochant à son bras. Il la jaugea, sachant pertinemment qu’elle se cachait derrière son masque. Un soupir franchit la barrière de ses lèvres, reprenant la marche vers la salle de bal de la cité, comme si rien ne s'était passé. Un brouhaha imperceptible émanait de la pièce qui se découvrait devant elle. Moody fut guidée par Leiftan en haut des marches de marbre, observant la pièce avec stupéfaction. En contrebas, une large piste de danse était éclairée par un grand lustre de chandelles. De nombreuses tables étaient tenues par un personnel de service qui offrait alcool et nourriture aux convives. Sur la gauche se tenait l’emplacement du trône de Miiko, entouré de cinq sièges. Au bout de la pièce, un peu plus sur la droite de la piste un groupe qui jouait de la musique aux sonorités celtiques. Enfin, en face d’elle, derrière la piste de danse, de grandes baies vitrées qui donnaient sur des balcons et des accès à un jardin qu’elle ne connaissait pas. Leiftan lui offrit sa main, Moody la prit avec un sourire et descendit les marches au rythme de la musique qui reprenait dans l’espace communal. La lunienne se laissa bercer par le tempo lent et régulier jusqu’en bas des marches.
« Tu voudrais bien danser avec moi ? » questionna le blond.
« Bien sûr. Mais je suis une piètre danseuse. » sourit la lunienne.
Leiftan eut un léger rire.
« Dommage pour une soldate qui va ouvrir le bal. »
« Comment ça ? » s'étonna la jeune femme, le regard planté dans celui de son ami.
« C'est une tradition. Chaque meilleure recrue des Olympiades doivent offrir la première danse avec les chefs de garde. »
Moody écarquilla les yeux, hébétée. Elle entrouvrit ses lèvres, prête à refuser.
« Il n’y a rien de compliqué, crois-moi. Il suffit d'apprendre trois ou quatre pas, puis d'accélérer au fur et à mesure du rythme. La danse d’Eel n’est pas compliquée.” s'empressa de rassurer l'Etincelant.
« M-mais… Quand bien même ! » s'exclama la jeune femme, l'air dépité.
Elle se pinça l'arrête du nez, une moue déconfite peinte sur son visage. Un soupir bref s'échappa de ses lèvres alors qu'elle relevait son visage pour observer les alentours.
« Alors laisse moi boire de l’alcool avant. » déclara Moody en attrapant une coupe de bulles qui passa sur un plateau d’argent. « Et je serai apte à danser les mille et une danse que tu m'imposes. »
Leiftan lui sourit lorsqu'elle lui offrit un baiser au coin des lèvres pour l'abandonner et gambader au travers des convives pour repérer les différents mets et alcool à sa disposition. Elle appréciait l'ambiance festive, la beauté des tenues de chacun, la musique qui berçait ses oreilles. La lunienne finit sa première coupe d'une traite puis en saisit une nouvelle qu'on lui tendit. La valse cessa doucement pour laisser place aux discussions imperceptibles, les chefs montèrent un à un sur le piédestal qui leur était dédié. Lorsque Miiko fit taper son sceptre au sol, la lunienne préféra se mettre un peu à l’écart pour jouer avec une étoile entre ses doigts, se fichant de son discours pompeux, préférant s'enivrer de l'alcool blanc et pétillant. Elle jeta un rapide coup d’œil vers les baies vitrées, bientôt la lune serait reine du ciel nocturne. La foule applaudit autour d’elle, obligeant Moody à reporter son attention sur l’estrade des chefs. Elle scruta leurs habits de soirée.
Les jumeaux avaient troqué leurs armures pour quelque chose de plus original: chemises en lin et pantalon en cuir avec des bottines qui mettaient en avant leurs carrures saillantes et larges. Cheveux tirés en arrière, Moody arrivait à discerner ce qui les rendait similaires: une mâchoire carré, un nez aquilin et une bouche plutôt charnue, ils arboraient ce même sourire mystérieux au coin de leur visage. Ezarel avait choisi une robe elfique qui lui allait à ravir. Moody pouvait distinguer sous ce long manteau un pantalon fait de coton et une paire de mocassins. Sa chevelure bleue était tressée élégamment et ses doigts parés de nombreux bijoux dorés. Enfin, elle s’attarda sur Nevra qui avait marqué sa taille fine avec un corset, son pantalon moulant mettait en valeur la minceur de son corps. Sa chemise bouffante laissait entrevoir les muscles dessinés de son poitrail. Sa tignasse brune lui donnait un air juvénile et sauvage, ainsi éparpillée sur son crâne, cachant toujours soigneusement son cache-oeil. Ses lèvres semblaient rosées par un peu de maquillage, tout autant que le coin de ses yeux.
Un sourire malicieux se dessine sur les lèvres de la jeune femme, qu'elle caressa du bout de son index manucuré. Un soupir avide quitta sa bouche lorsqu'elle se délecta une nouvelle fois de son verre d'alcool, son apparence androgyne ne la laissait aucunement indifférente. Moody croisa discrètement ses cuisses galbées en secouant la tête, la pleine lune allait encore lui jouer de sale tour ce mois-ci. Miiko fit signe à la foule de créer une place centrale pour l’ouverture des festivités.
« En l’honneur des Olympiades, j’invite les chefs de garde et les Étincelants à choisir leur partenaire parmi les plus excellents de cette session. » annonça la brune, un sourire hypocrite sur son visage.
Ça ne lui plaisait pas de savoir Moody dans ce palmarès. Leiftan se dirigea vers la petite femme qui fit disparaître son étoile dans le creux de sa paume. Elle entrevit Nevra se faire attraper le bras par une jolie elfe blonde. La lunienne retint un ricanement en prenant l’avant bras de l’Etincelant pour se diriger vers la piste de danse. Elle se positionna face à lui, aux côtés des autres meilleures recrues féminines, qui gloussaient devant leur partenaire haut gradé. Moody leva les yeux au ciel, heureusement qu’elle restait avec Leiftan pour ce début de soirée. Elle posa son regard sur son partenaire, une moue sur le visage. Le blond lui sourit tendrement:
« Ne t’en fais pas, c’est un supplice de trois minutes à passer. La danse reste la même, seul le rythme change. » rappela-t-il.
Elle se contenta d’hocher la tête, les sourcils froncés. Brièvement il lui montra les pas qu’elle devait mémoriser. Les lèvres pincées, Moody tentait d’enregistrer les mouvements, elle ne voulait aucunement se ridiculiser. Leiftan se stoppa, un bras en l’air:
« Enfin, à partir de ce moment: nous tournons bras dessus, bras dessous et nous changeons de partenaire. » l’informa-t-il.
La lunienne eut une moue déconfite en fixant son ami, ce n’était pas dans son programme de danser avec Lance. Elle réprima une grimace de dégoût en reculant de deux pas lorsque la kitsune tapa le sol de son bâton. Ses mains se placèrent devant elle, levant les yeux vers Leiftan qui se contenta de lui sourire tendrement. Il avait tout d'un prince charmant. Les musiciens commencèrent doucement le son celtique d'Eel. Un premier artiste frappa le cuir de son tambour pour donner le rythme tandis qu'un autre ajoutait les percussions. La cornemuse commença son chant envoûtant.
Les danseurs reculèrent d'un nouveau pas, se courbant l'échine pour saluer leur partenaire. Au son des instruments à vent, ils se mirent ensemble, main droite en l'air à tourner. Moody tenait de sa main gauche les pans de sa robe qui se balançait au rythme de ses pas. Leiftan lui sourit en s'approchant d'elle, sa main glissant sur sa hanche. Leur dextre qui était auparavant en l'air, s'enlacèrent, entamant une valse gaie, tapant des talons au sol. Ils se séparèrent puis se retrouvèrent aussitôt, sans se percuter. L'Etincelant lui présenta son bras auquel la lunienne s'accrocha pour tourner et saisir les autres qui s'offraient à elle, jusqu'à atteindre son nouveau partenaire : Nevra.
Moody recula d'un pas, un sourire malicieux au coin des lèvres. Elle se courba pour le saluer et se laisser entraîner une nouvelle dans la danse, au rythme un peu plus soutenu. Quand la main du vampire glissa sur sa hanche, Nevra se pencha à son oreille pour y susurrer:
« Tu es bien jolie. » dit-il, le sourire enjôleur.
La lunienne sautilla à ses côtés, passant ses doigts manucurés sur la soie de sa chemise, relevant son regard améthyste vers lui, mielleuse.
« Vous n’êtes pas mal non plus dans votre genre. » murmura-t-elle.
« J’espère que tu arrêteras de me vouvoyer après cette danse. » dit-il en prenant ses mains.
Elle s’avança puis se recula avec un sourire malicieux.
« Je ne peux rien vous promettre. Ce sont des choses qui se méritent. » rétorqua la lunienne sans perdre son rictus.
Le bruit des violons s’accélèrent. Leurs petits doigts s’enlacèrent, puis leurs bras s'accrochèrent pour tournoyer. Passant de coude en coudes, son échine frémit à l’odeur d’eucalyptus dans ses narines. Lance. Oh non. Elle recula d’un pas et sans le quitter du regard offrit sa révérence la plus hypocrite au lieutenant de l'Etincelante. Il grogna. Elle claqua sa langue à son palais. Quand la poigne de Lance agrippa fermement sa hanche, il planta son regard de glace dans celui améthyste de sa partenaire. Elle contracta les mâchoires.
« Cachez votre joie. » dit-il de sa voix caverneuse.
Moody lui marcha sur le pied volontairement, se faisant foudroyer du regard. Elle lui offrit un sourire insolent.
« Mince. Que je suis maladroite. »
« N’oubliez pas que j’ai sauvé votre adorable cul. » souffla Lance dans son oreille.
La lunienne écarquilla les yeux à ses propos, fronçant le nez sans se cacher, décochant un sourire mauvais à l’homme aux cheveux blancs.
« Culotté, venant de la bouche de celui qui voulait que j'oublie cette histoire et qui a levé la main sur moi. Je ne vous permets pas. » dit la jeune femme en glissant ses petites mains dans celles géantes de son partenaire.
Son regard de glace se posa sur elle.
« Je me permets tout ce que je veux. Je suis votre supérieur. » lui fit remarquer Lance.
« L’abus de pouvoir, ce n’est pas très bon pour votre égo. » rétorqua Moody sans baisser le regard.
« Votre cou manque de marques de doigts. »
« Fermez-la trou de cul de monchon. » l’insulta la jeune femme.
Leurs petits doigts se lièrent, il se pencha à son oreille.
« Je vous ferai payer vos paroles. » promit-il.
Moody eut un rire jaune en glissant l’intérieur de son coude contre le sien.
« Je vous attends. Je tendrai l'autre joue. » provoqua-t-elle tout en tournoyant à la recherche de son nouveau partenaire.
Dans le fond, cette brève joute verbale l'avait quelque peu stimulée, réveillant quelque chose de plus sauvage, animal, en elle. Elle soupira. Cette pleine lune lui montait réellement à la tête, depuis quand pouvait-elle supporter la présence de cet abruti et trouver un quelconque plaisir à lui parler ? En se glissant dans les bras de Valkyon, Moody jeta un dernier regard vers Lance, quelque peu troublée. La lunienne secoua son visage pour faire taire ce foutu souvenir et se concentrer sur le chef de l’Obsidienne.
« Il t’a menacé? » demanda-t-il quand elle fut dans ses bras.
« T’es mon préféré Valkyon. Sache-le. » marmonna la jeune femme, déclenchant un rire à l’homme aux yeux mordorés.
La danse se poursuivit sur un rythme soutenu, elle en avait presque mal à la tête, à tournoyer ainsi, à passer de bras en bras. Ses doigts serrèrent l’épaule d’Ezarel qui s’amusait pleinement:
« T’as besoin d’un petit remontant la lunienne? » proposa-t-il.
« Ne m’approche pas avec tes élixirs de Vénus. Donne moi plutôt un truc qui pourrait donner des impuissances à un monchon. » railla-t-elle.
L’elfe rit à gorge déployée en prenant ses mains.
« A qui veux-tu donner ça? Je peux toujours glisser quelque chose dans un verre et t’offrir ce que tu veux. Mais à une condition: il va falloir voler un pot de miel et me l’apporter sur un plateau d’argent. » dit Ezarel, l’air malicieux.
Moody le toisa en faisant la moue.
« Marché conclu. Donnes-en à Lance. »
L’elfe rit une nouvelle fois, en essuyant le coin de ses yeux de leurs mains liées.
« Même avec une dose de Rawist, je ne pourrais pas le coucher. » lui dit l’homme.
Moody soupira en se laissant guider par la danse. La musique mourut peu à peu. La lunienne se replaça face à son premier partenaire qui lui baisa la main alors qu’elle se courbait. Les autres les applaudirent bruyamment alors qu'elle se remettait droite pour observer Miiko sur sa tribune, les sourcils légèrement froncés. Elle fixait hargneusement la lunienne avant de reprendre un visage faussement chaleureux.
« Merci à nos danseurs. Maintenant place aux meilleurs hommes. Mesdames, veuillez vous joindre à moi pour cette nouvelle danse ! » annonça-t-elle.
Lance et Leiftan retournèrent vers la kitsune qui ignora pleinement Lance en descendant les marches pour rejoindre la piste de danse. Eweleïn, Yhkar et deux autres femmes : une hamadryade et une sirène se joignèrent à Miiko. Un sourire malicieux s’esquissa au coin des lèvres de Moody qui comprit la raison vaniteuse de la kitsune à ignorer son bras droit. Oups, j'ai encore brisé un couple. Elle se détourna pour se diriger vers un nouveau buffet pour se servir de liquide pétillant et se remplir la panse de quelques mets. Son regard parcourut la foule, un bras posé contre son ventre. La lunienne sirota son alcool en silence, à la recherche de sa prochaine proie.
« C’est moi que tu cherches? » demanda une voix mielleuse.
« Vous n’êtes pas le centre de mon monde, Nevra. » répondit Moody d’une voix suave en portant une nouvelle fois sa coupe à ses lèvres pulpeuses.
Le vampire l’imita avec un verre dont le liquide était carmin, laissant ses fins et longs doigts glisser contre l’échine opaline de Moody qui se mit à frissonner avec délectation. Un sourire narquois orna le coin de son visage tandis qu’elle coulait un regard sur la foule pour l’ignorer royalement. La musique battait son plein, offrant un registre à la fois celtique et guerrier, faisant danser et tournoyer chaque personne présente. Moody avait perdu du regard Leiftan et les autres. Nevra n’avait pas quitté sa position, lorgnant discrètement sur le décolleté plongeant à ses côtés.
« Vous voulez peut-être mes deux yeux pour mieux regarder? » dit la lunienne, l’air narquois en prenant une nouvelle coupe d’alcool pétillant.
Le rouge lui était déjà monté aux joues et les effluves de l’alcool l’obligeait à être plus détendue et ouverte. Elle se sentait plus légère et gaie. Le vampire ricana bassement sans relever le regard.
« Il est vrai qu’avec une paire d’yeux valides je pourrai mieux apprécier la vue. » répondit le vampire.
« C’est la chose la moins sexy que j’ai pu entendre de votre bouche. » rétorqua-t-elle, un sourcil haussé.
Cependant un sourire amusé s’affichait sur son visage opalin. Moody croisa ses bras sous sa poitrine en le toisant. Nevra se tourna légèrement pour pouvoir glisser ses doigts sur la jugulaire opaline découverte, faisant frissonnait la jeune femme.
« Je voulais dire que cette robe te met énormément en valeur. Tu es époustouflante. » reprit le vampire à voix basse, descendant ses doigts le long de ses clavicules. « Ce que j’aime le plus c’est de voir ta jugulaire à nue. Et non ta poitrine, aussi alléchante soit-elle. »
Son regard avait quitté sa poitrine opulente pour scruter ses clavicules et son cou. La lunienne leva légèrement le menton, assez pour montrer sa veine pulsante. Nevra pourlécha ses lèvres avec désir, levant son œil valide dans les améthystes qui le toisaient. Le Capitaine de l’ombre sonda sa subalterne qui entrouvrit les lèvres pour murmurer:
« Merci. Je penserai à le faire plus souvent. »
La lunienne attrapa délicatement la main baladeuse du vampire pour la faire glisser contre son décolleté et l’obliger à se repositionner contre lui. Elle laissa ses propres phalanges caresser les siennes sans le lâcher du regard. Ils se fixèrent avec une tension certaine, une envie de continuer ce jeu dangereux. Moody leva son verre à ses lèvres pour se délecter du breuvage qui la rendait lentement euphorique. Du bout de ses doigts, la lunienne s’éventa le cou alors que Nevra se positionnait de nouveau à ses côtés pour laisser sa main baladeuse se poser contre sa croupe.
« Tu veux peut-être aller te rafraîchir, étant donné que tu ne danses plus? » proposa l’homme, poliment.
« Je pratique d’autres danses, mais pas celles-ci. » répondit-elle.
Nevra la regarda d’un air suggestif, arquant subtilement son sourcil. Un sourire étira le coin de sa lèvre, redessinant cette fossette que Moody voulait inlassablement toucher. Caresser. Elle eut un faible soupir avide. Elle coula un regard mielleux vers le borgne avant de tourner les talons vers l’un des balcons ouverts pour s'échapper de la fournaise de la salle. Où alors était-ce l'alcool qui l'avait trop embrasée ? La douceur de la nuit lui caressa la peau. Elle laissa un nouveau soupir lui échapper en s’appuyant contre la balustrade pour contempler les jardins en contrebas. Bien qu’elle n’y voyait pas grand-chose: seulement la forme des buissons et des arbres, la beauté du jardin semblait appréciable. Un dédale de labyrinthe et de petits chemins se dessinaient, quand elle plissait les yeux. Il y aurait de quoi faire un cache-cache ici.
« Quelles autres danses pratiques-tu alors? » questionna le vampire à ses côtés, à observer la fête à l’intérieur.
La lunienne parut réfléchir en buvant les dernières gouttes de son alcool, tendant l'oreille pour entendre l'écoulement d'une cascade ou d'une fontaine en bas des marches de pierre.
« Je danse nue pour la lune, les bras au-dessus de la tête. C’est ma façon de prier. » répondit-elle, honnêtement. « Et parfois, je pratique la danse des corps. »
Nevra eut un brin de malice dans son regard quand il épia du coin de l'œil. La lunienne s’accouda à la balustrade, le dos creusé, les fesses en arrière. Elle savait très bien ce qu'elle faisait, tout était calculé. Elle aperçut un petit kiosque au centre du labyrinthe nocturne. Le vampire se tourna à demi vers elle, accoudé. Il laissa son regard parcourir le corps de la femme qu’il désirait depuis le premier jour où il l'avait vu. Jamais il n'avait autant couru après une partenaire et pour une fois, ça ne lui déplaisait pas. Nevra trouvait même ça exaltant. Il en devenait accro. Un silence s’installa et Moody daigna à murmurer, le regard fixé à l’horizon:
« Êtes vous en train de m’imaginer à danser, Nevra ? »
Elle marqua une pause et reprit :
« Prenez vous un plaisir secret à m'imaginer rouler des hanches tout en caressant mon corps comme un sanctuaire, comme une femme libre, pleine de pouvoir ? »
Pour toute réponse, le vampire eut un léger rire en laissant son regard dessiner la courbe de ses seins et de ses fesses, s’attardant sur le galbe de ses cuisses nues et dépourvues de trace de sous-vêtements. Il humecta ses lèvres avant de répondre:
« Tu dois sûrement être très sensuelle dans cette danse. Tout aussi chaude que tes paroles pleines de lubricité. »
Nevra se redressa sans faire un seul bruit, passant derrière la lunienne d’un pas feutré alors que ses doigts effleuraient à peine son fessier pour remonter sur le petit croissant de Lune au creux de ses reins. Moody s’électrisa instantanément, laissant une agréable chaleur embraser son bas ventre. Cependant, elle ne baissa pas la tête pour se soumettre à lui. Il ramperait pour elle, pour son corps. Le vampire s’installa de l’autre côté, bras croisés sur son ventre le regard baissé vers la jeune femme cambrée à ses côtés.
« Offre moi une danse privée. » demanda-t-il d’un ton sérieux, l’œil joueur.
Un sourire étira la bouche pulpeuse de la jeune femme qui daigna enfin à poser son regard sur l’homme. Elle prit un instant pour réfléchir, posant sa coupe vide sur le rebord du balcon. La légère brise nocturne caressa ses joues rosies par l’alcool. Moody avait du désir pour Nevra, et ce depuis le début de leur jeu tentateur. La lunienne se redressa en toute volupté.
« Si nous dansons, ce ne sera qu’une fois. »
Moody leva un regard lubrique vers le vampire, laissant sa petite main glisser contre le corsage serré à son ventre en passant devant lui. Une invitation à la suivre. Elle se dirigea vers l’escalier pour les descendre doucement, la main sur la rembarre. Le vampire s’empressa de la suivre docilement et de lui proposer son bras. Elle enroula ses doigts autour de son biceps en silence. Le couple s’avança sur l’allée de cailloux blancs, Moody prenait garde à ne pas se tordre la cheville du haut de ses talons, resserrant sa prise sur le bras de l’homme.
« Pourquoi me repousses-tu sans cesse ? » demanda subitement Nevra, pour briser le silence entre eux.
« Parce que la règle est simple : je ne coucherai qu’une seule fois avec vous. » répondit Moody sur un ton tranquille.
« Coucher implique donc un rapport intime entre nous, avec pénétration. »
« C’est exact. » dit la lunienne en arquant un sourcil.
« Si je t’offre uniquement du plaisir, avec ma langue ou mes doigts, ce n’est pas coucher avec toi. » remarqua Nevra, tout sourire.
Moody claqua sa langue à son palais, lui jetant un regard en coin. Il haussa les épaules d’un air désinvolte. La négociation devenait intéressante, elle n'avait jamais revu à la baisse ses exigences sexuelles.
« Jouons à ton jeu avec mes conditions. » continua l’homme en s’enfonçant dans les jardins. « Si je m’occupe bien de toi, tu me tutoies et me devra une gâterie en retour. Si ce n’est pas le cas, alors je n’insiste plus. Ça n'implique aucune nuit torride entre nous pour le moment. Juste deux amants qui veulent répondre à une pulsion soudaine et consentie. » proposa-t-il.
La lunienne réfléchit. Pouvait-il vraiment lui faire changer les règles de son jeu? Qu’avait-elle à y perdre ? S’il gagnait alors elle le récompenserait, comme un bon soumis. Le flash de son épreuve absynthe lui revint en mémoire, la faisant déglutir. Elle gagnerait au change, puisqu'elle gardait les rênes de leur jeu. S’il perdait alors… Elle gagnerait aussi au change en continuant à le séduire sans jamais rien lui donner. Ce n’étaient pas les partenaires qui lui manquaient. Mais lui, était celui qui lui donnait le plus de sensation agréable dans son bas ventre. Moody croisa le regard du vampire qui attendait sa réponse.
« Vous vous déclarez donc perdant de notre pari ? » provoqua-t-elle.
« Lequel ? » demanda-t-il, hébété.
« Qui respectera le mieux le second commandement ? » dit-elle l’air malicieuse.
« Ce n’est pas toi qui jurais ne jamais coucher avec ton chef de garde ? » remarqua le vampire.
« Qui vient de dire que lécher ce n’est pas coucher ? » rétorqua-t-elle aussi vite.
« Donc tu acceptes ? » susurra Nevra, la fossette creusée sur sa joue.
« C’est moi qui décide de l’endroit. » conclut la lunienne.
Le vampire hocha de la tête sans perdre son rictus pervers. Pour autant, il n’insista pas plus, continuant de marcher aux côtés de la lunienne qui semblait s’éloigner de la fête. Ils ne s'échangèrent guère plus de mots, laissant la jeune femme aux cheveux blancs et argentés guider leurs pas vers un coin un peu plus reculé, à peine éclairé par la lune. Moody jeta un discret regard par-dessus son épaule avant de bifurquer vers un arbre entouré de petits buissons. Sans crier gare, elle saisit plus fort le bras de son partenaire pour le plaquer contre le tronc. Son sourire idiot s’agrandit, l’œil pétillant de malice. Il laissa ses doigts effleurer les courbes devant lui. Moody pencha son visage sur le côté, humectant ses lèvres. Elle leva sa petite main vers le visage de l’homme, glissant le bout de son doigt manucuré le long du nez droit du vampire.
« Voyons voir ce que vaut ce joli nez. » murmura la lunienne sans le quitter du regard.
Le vampire se pencha vers elle, attrapant sa taille avec une envie certaine. Son visage approcha celui de la jeune femme qui le stoppa de deux doigts sur sa bouche. Elle pouvait sentir son souffle chaud contre ses propres lèvres. Ses yeux de biche remontèrent vers son œil borgne, laissant un sourire lubrique orner sa bouche pulpeuse. Nevra entrouvra ses lippes en soutenant son regard.
« Seconde règle de mon jeu : ne pensez jamais à me voler un baiser. » dit la lunienne d’un ton suave et bas.
Le vampire passa le bout de sa langue sur les doigts de la jeune femme avant d’y glisser ses crocs. Moody laissa sa main descendre contre la mâchoire de l’homme, traçant la finesse de ses traits androgynes.
« Comme il plaira à madame. » souffla-t-il d’une voix rauque, changeant la direction de ses lèvres pour la jugulaire palpitante de désir.
Moody se mit à frissonner pleinement en sentant ses lèvres effleurer sa peau tendue, remontant sa main sur la nuque froide de son partenaire. L’homme emprisonna fermement la croupe de la jeune femme et en profita pour dessiner, et presser, les quelques formes à sa disposition. Il continua sa trajectoire vers le creux de son cou, s'enivrant de son parfum sucré, pour se diriger vers sa poitrine opulente. Un soupir s’échappa d’entre les lèvres de la femme aux cheveux bicolores, sachant pertinemment qu’il suivait la veine qui menait à son cœur. Moody balança son visage en arrière en sentant le bout de sa langue s’immiscer contre la fine peau entre ses seins. Elle remonta ses mains à l’arrière de son crâne pour enserrer sa crinière brune, appuyant son visage contre ses formes. Nevra préféra promener ses longues phalanges le long de son échine, glissant peu à peu sous le tissu qui cachait son fessier pour l’empoigner dans un grognement sourd. Combien de fois avait-il fantasmé ce corps lors de ses nuits solitaires ?
Moody eut un rire nerveux en le sentant un peu plus s’abaisser devant elle jusqu’à se mettre à genoux. Son capitaine embrassa la dernière parcelle de peau nue, levant son oeil noir de désir vers elle. La lunienne croisa son regard, passant une de ses jambes sur son épaule pour la poser, lui offrant une invitation à s'aventurer un peu plus. Le vampire, dans sa position, ne cachait pas l’allégeance qu’il portait à ce corps en sablier qui le hantait parfois. Sa bouche embrassa le nombril dévoilé à sa hauteur, décalant le pan de robe qui obstruait l'endroit de ses désirs. Un sourire narquois peignit son visage quand il vit l’intimité dépourvue de sous-vêtements. Nevra humecta ses lèvres avec avidité, passant ses mains à l’arrière des cuisses galbées, frôlant de ses pouces les cicatrices boursouflées qui se trouvaient sur son passage.
« Ne me décevez pas. » souffla-t-elle, avide.
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Avide de goûter une nouvelle fois à ce péché de la luxure. Excitée de se faire surprendre par quelqu’un alors que son capitaine était blotti entre ses cuisses pour s'affairer à lui offrir un baiser des plus exaltants. Le vampire fondit entre ses jambes à la découverte de cet endroit qu’il allait conquérir. Quand il leva son regard vers elle, elle était le tableau même de la luxure et de la dépravation. Des mèches de cheveux mutines étaient coincés au coin de sa bouche charnue, ses joues cramoisies et sa moue tiré par le plaisir la rendait terriblement excitante, sa bouche entrouverte qui psalmodiait des choses inintelligibles, son corps cambré par la beauté de Vénus. Nevra pourrait jouir rien qu’à cette vision. Et il le ferait. Ce soir, quand il retrouvera seul sa chambre, il se promit de retenir cette vision pour s’offrir du plaisir. Mais pour l’instant, le vampire se contentait du plaisir que prenait Moody sur son visage, décidé à lui offrir ce qu’elle voulait, Nevra redoubla d’effort. Elle serrait avec force le visage du vampire entre ses cuisses, convulsante de plaisir. Moody ne relâcha pas sa poigne autour de sa tignasse brune, tentant de trouver un point d’ancrage alors que sa petite mort l’entraînait dans de nombreuses vagues de plaisir.
Nevra la maintenait fermement de son bras, se détachant lentement et à contrecœur. Le visage souillé par Moody, le vampire prit appuie contre le tronc avec un sourire malicieux. Puis, quand la lunienne eut repris ses esprits, il l’aida à descendre de ses épaules et l'installer à genoux en face de lui. Nevra s’assit plus confortablement sur le sol, étriqué dans son pantalon, il garda les jambes écartées, sans s'en cacher. Un soupir extatique échappa à la lunienne qui serra ses jupons. Le vampire nettoya son visage de sa main avant de se l’essuyer dans l’herbe humide. La lunienne se pencha vers lui pour continuer son travail du pan de sa robe. Après tout cela ne la dérangeait pas de se souiller un peu plus.
Un silence apaisant s’installa entre les deux. Moody avait encore une respiration haletante et encore quelques soubresauts de plaisir. Elle tamponna délicatement les lèvres de son amant fougueux tandis qu'il fermait son œil pour tenter de calmer ses ardeurs. Lorsque la jeune femme eut fini, Nevra se pencha vers elle pour rhabiller sa poitrine nue.
« Merci. » murmura la lunienne, levant un regard fiévreux vers lui.
« Avec plaisir. » minauda le vampire.
Elle lui décocha un sourire malicieux en laissant son regard dévaler sur lui: il avait les cheveux ébouriffés, le visage rosi et les lèvres encore humides de son nectar. Ses yeux continuèrent son chemin vers la bosse visible entre ses cuisses, la faisant un peu plus sourire. Oui, elle aurait pu profiter de son corps au pied de cet arbre, le chevaucher sans s'arrêter et se laisser emporter par de nombreuses vagues de plaisir.
« Bonne chance avec ça. » dit-elle d’un ton suave.
Le vampire ricana.
« J’imagine que tu ne vas pas m’aider ce soir. » retorqua-t-il.
« Tout vient à point à qui sait attendre. » lui rappela Moody.
Et il rit de plus belle en passant une main dans ses cheveux. La lunienne se releva doucement en tentant de garder de sa superbe sur ses jambes flageolantes. Nevra suivit son mouvement sans perdre son sourire malicieux, replaçant son corset sur sa taille.
« Vous ou tu ? » demanda-t-il.
« Je n’ai pas la réponse ce soir. » sourit malicieusement la lunienne en s’approchant de lui.
Son index griffa la peau froide de son torse découvert.
« Je n’ai pas le temps de penser à ça maintenant. Je dois me préparer pour la pleine lune. Peut-être demain. Ou après-demain. »
« T’es terriblement sexy quand tu joues à ton petit jeu de mots sournois. » susurra le vampire. « S’il te plaît de me torturer, continue. »
Moody lui décocha un regard fiévreux en tournant les talons, ses doigts effleurèrent son pantalon tiré par l’excitation.
« Bonne nuit. » souffla-t-elle avant de disparaître dans le jardin.
Chapitre 9 - Première Mission
Un soupir extatique quitta la bouche pulpeuse de la lunienne, son âme frétillait encore de sa balade sur l’Astral en ce jour de pleine lune. La lunienne était encore toute groggy de sa promenade et de sa dernière activité lubrique. Elle avait pensé au vampire pour s’aider, ses fantasmes avaient dérivé pour l'amener à sa petite mort. Sa tête se renversa en arrière pour laisser l’eau chaude des bains lui caresser la gorge, ses paupières se fermèrent et elle se laissa aller à la relaxation au son des bruits de la caverne humide. Les muscles de son dos se dénouèrent lorsqu’elle posa ses bras sur le rebord en pierre, l’eau cristalline lui donnait l’impression de cacher sa nudité. De toutes manières, elle n’était pas pudique, surtout quand elle se sentait épiée. A quelques mètres d’elle se tenait son capitaine qui avait malencontreusement remué l’eau en se glissant dedans. Un sourire narquois se peignit sur les lèvres de la femme voluptueuse aux cheveux blancs.
« Je croyais que la discrétion était la capacité principale de l’Ombre ? » lança-t-elle d’un ton moqueur.
Un rire lui répondit. Moody ouvrit à nouveau les yeux et bascula sa tête en direction de son compagnon nocturne. Elle humecta ses lèvres en apercevant la maigre silhouette de Nevra dans la pénombre. Imberbe, son torse finement taillé s’enfonçait dans la chaleur de l’eau, ne laissant pas l’occasion à la lunienne de profiter du spectacle.
« Tapi dans l’ombre, l’homme repère sa proie. Il n’attend qu’un signe. Un mot qui lui donnera l’opportunité de l’approcher. » commenta la lunienne, narquoise.
« Je constate que tu es d’humeur joueuse. » souligna le vampire en nageant vers elle.
La déesse opale ne bougea pas, se contentant de suivre du regard son capitaine, telle une statue. Il imita la jeune femme dans sa position, face à elle. Elle suivit les perles d’eau sur ses muscles tendus avant de s’échouer dans le bassin.
« Trois jours que tu évites soigneusement d’utiliser un quelconque pronom en me parlant. » lui reprocha Nevra.
Moody se contenta d’un sourire énigmatique à la commissure de ses lèvres.
« N’est-ce pas excitant ? » questionna-t-elle. « J’aime l’effet de surprise alors… Il faudra encore se montrer patient. »
Le vampire grogna faiblement en se penchant. Elle leva aussitôt sa jambe pour poser son pied contre son torse.
« Une habitude de me tenir à distance avec ton pied ? »
« C’est plaisant. »
« A peine un mètre. » taquina Nevra.
La lunienne claqua sa langue à son palais en le fixant puis baissa son regard sur ses doigts qui caressaient son tibia. Le vampire glissa un peu plus vers elle, sa main libre se posa près de sa hanche alors que Moody plaçait sa jambe sur son épaule et croisait ses bras sous sa poitrine. Le couple se fixa intensément. La jeune femme ne cilla même pas quand une main baladeuse se glissa sur son ventre.
« Non. » dit-elle d'une voix calme.
Nevra fit la moue en se reculant, les mains en l'air en signe de paix. Il s'installa à côté d'elle en soupirant, l'air renfrogné. Moody réprima un rire en se tournant vers lui, prenant appui de son coude sur la pierre. Son visage se lova dans sa paume, le regard mielleux.
« Tu es si frustrante. » bougonna-t-il.
« Tout vient à point à qui sait attendre, Nevra. »
« Tu es vaniteuse. » renchérit le vampire.
« Et dépravée. » lui sourit la lunienne. « Quel plaisir en tirer si tout vient tout de suite ? »
Nevra lui jeta un regard en coin, amusé.
« Tu pourrais au moins me donner un indice sur ta réponse. » négocia-t-il.
Elle parut réfléchir, faisant glisser son ongle sur l'épaule dessinée de son capitaine. Le vampire frémit à ce simple contact, contractant son muscle pour arracher un sourire à la lunienne.
« Il y a un « u » dans ma réponse. » lui répondit-elle d'un sourire malicieux avant de se glisser un peu plus dans l'eau pour nager vers la rive.
Le vampire eut un bruit de frustration en balançant son visage en arrière.
« Tu n'es pas croyable ! » râla-t-il.
« Nuance, je mériterai un point supplémentaire pour ma capacité à entretenir une joute verbale. » fit-elle remarquer en montant les marches du bain.
Son corps nu s'extirpa de l'eau, elle jeta un coup d'œil par-dessus son épaule pour observer le vampire qui fixait le ruissellement contre sa peau. Il ne cachait aucunement son attirance pour elle, tout comme elle lui faisait comprendre que son corps était un sanctuaire à mériter. Sa démarche chaloupée s'avança vers sa serviette de bain qu'elle enroula autour de son corps voluptueux avant de se tourner à nouveau vers le vampire enfoncé dans l'eau.
« A demain, Capitaine. » susurra-t-elle.
« Tu seras chez Purreru ? » questionna Nevra.
« Un seul être vous manque et tout est dépeuplé… » taquina Moody avant d'hocher positivement la tête. « Oui. Puis j'irais à la bibliothèque et à l'entraînement avec Karenn. J'ai ouïe dire que mon capitaine ne serait pas là pour assurer cette partie. »
Nevra sembla sourire malicieusement aux propos de sa subalterne qui tourna les talons pour quitter la pièce sans un mot de plus.
***
Sa vie n'avait pas tant changé à Eel, seuls quelques avantages et nouvelle mission s'étaient ajoutés à sa routine. Moody avait toujours la possibilité d'aider les Purrekos suite à sa demande auprès de son chef de garde. Elle ne souhaitait pas être mêlée aux affaires concernant la cité et se contentait du strict minimum : les tours de garde sur les remparts. Les rondes lui offraient la possibilité de passer un peu plus de temps en compagnie de Lune. Cependant, Moody était favorable à quitter la cité en cas de mission extérieure, elle n'avait pas perdu son objectif : retrouver son pays et sa mémoire. Cela lui valut de longues heures d'études à la bibliothèque et un effort hors du commun pour rester concentrée. D’après les ouvrages trouvés, son peuple avait disparu suite à l'extinction de la race draconnique. Moody avait appris qu'il n'y avait plus aucun moyen de rentrer chez elle, sauf si elle arrivait à trouver une larme de dragon pour ouvrir un portail dont elle ne connaissait pas la position exacte. Elle se massa les tempes en soupirant. Il y avait sûrement un moyen de créer une larme artificielle en alchimie mais demander de l'aide à Ezarel, tout en restant discrète, lui vaudrait une facture de pot de miel très longue. Qui plus est… Elle n'était pas la seule à chercher à ouvrir un portail : Erika s'était mise en tête de rentrer sur Terre, au grand damne de Leiftan. La Garde avait refusé par sécurité pour son peuple. Enfin, les portails n'étaient plus actifs depuis des décennies.
La lunienne déposa ses coudes sur la table et plongea sa tête dans le manuel, dépassée par tout ce qu'elle venait d'enregistrer. Elle non plus ne pourrait visiblement jamais rentrer chez elle ou retrouver des bribes de son passé. Un sentiment de solitude pesait dans sa poitrine. Si seulement il y avait eu d’autres survivants de son peuple... Une odeur mentholée lui frôla les narines, l’obligeant à relever la tête de son manuel. Lance s’était installé en face d’elle, arrachant une moue blasée à la lunienne : il y avait tant de place ailleurs. Pourquoi ici ? Son regard se baissa sur le livre qu’il ouvrait et elle entrevit le mot « dragon », lui faisant arquer un sourcil. Putain de provocateur.
« La curiosité est un vilain défaut. » lui fit remarquer l'Étincelant.
« Je ne suis pas curieuse, j’observe. » rétorqua Moody en faisant mine de replonger dans les lignes de son propre manuel.
L’ombre d’un sourire s’esquissa sur le visage de Lance.
« Vous semblez perdue. » constata l’homme.
« Vous devriez vous mêler de vos affaires à partir de maintenant. » lui répondit la lunienne.
« Votre visage est un livre ouvert. »
« Alors allez vous asseoir ailleurs si vous ne voulez pas vous soucier de moi. » reprocha Moody.
Yhkar passa une tête hors d’une rangée de livres, un doigt sur ses lèvres pour intimer le silence aux deux convives de sa bibliothèque. La lunienne enfonça son visage dans ses paumes en marmonnant quelque chose d'incompréhensible.
« Votre peuple était en quelque sorte lié à celui des dragons. » dit Lance, sans détour, faisant subitement lever le visage de Moody.
Ayant capté toute son attention, le regard azuré se posa dans celui améthyste de la lunienne.
« Vous n’avez pas fait le rapprochement avec la légende ? » demanda-t-il avant de secouer le visage, croisant les bras sur son torse.
L'Étincelant avait échangé son habituelle armure noire et rouge pour une tenue plus simple, en lin. Ses cheveux étaient toujours tirés en arrière et une mèche mutine caressait la peau basanée de son front. Une cicatrice boursouflée traversait sa jugulaire gauche. Il était séduisant, certes, mais la lunienne préféra taire cette idée en fermant un instant les yeux. L’homme semblait d'humeur à la ridiculiser alors elle l’invita d’une main à poursuivre son récit.
« La légende raconte qu’un dragon est toujours à l’origine d’une éclipse lunaire. Lors du Sacrifice, une nouvelle éclipse devait avoir lieu, le dragon a mangé la lune mais elle n’est jamais revenue. Cependant, les Ancêtres parlent parle d’une fille de l’Ombre… Une sorte de dragon lunaire qui pourrait faire renaître de ses cendres ces communautés. La lune ne serait plus comme nous l’avions connue avant le Sacrifice. »
Moody pencha son visage sur le côté, intriguée. Lance la toisa avant de reprendre :
« Vous avez dû connaître cette lune : ronde, blanche et belle. »
« Je suis plus jeune que vous. » fit remarquer la lunienne, sans réfléchir.
L’homme fronça les sourcils, un grognement animal se faisant entendre dans le fond de sa gorge. Elle crut entrevoir de la fumée quitter ses narines. Sûrement une hallucination à cause de la fatigue. Elle haussa les épaules avec indifférence, se laissant retomber dans le fond de son siège, bras croisés sous sa poitrine, après tout la lunienne devait avoir à peine dix-huit ans sur ces terres, vingt-cinq pour lui.
« Si je comprends bien : un dragon a mangé la lune de mon pays, la plongeant totalement dans le noir et tuant n'importe quelle forme de vie et que, de ce fait, il me faudrait retrouver cette Fille de l'Ombre pour que tout revienne à la normal. »
Impossible. Lance tourna le visage pour observer les gens aller et venir dans la bibliothèque.
« Dans l’optique où cette chose est vivante. Elle serait la fille d'une déesse lunaire et d'un dragon de la même espèce. Une anomalie qui nous permettrait de voir la face cachée de la Lune, cet astre purement et parfaitement imparfait. » dit l'homme avec une flegme que la lunienne ne lui connaissait pas.
« Génial. Votre Fille de l'Ombre n'est donc vraisemblablement pas vivante puisque toutes les espèces principales du Sacrifice sont mortes ! Vous croyez vraiment à ce genre de prophétie ? »
Moody leva les yeux au ciel. Quel abruti.
« Je ne crois que ce que je vois. » dit Lance d'un ton mystérieux en reposant son regard sur la lunienne.
« Pour un saint comme vous. » ironisa-t-elle.
L'Etincelant contracta ses mâchoires alors qu'elle haussait une nouvelle fois les épaules d'un air innocent. Moody ne détachait pas son regard de l’homme, son visage se penchant imperceptiblement sur le côté : pourquoi Lance prenait-il le temps de lui expliquer ce genre de chose? Pourquoi cette direction plutôt qu’une autre ? Que n’avait-elle pas compris sur son peuple ?
« Ne dénigrez pas les prophéties draconniques. » avertit l’Étincelant.
Elle soupira. Non, il avait simplement l’intention de la ridiculiser, comme à chaque fois. Jamais il ne se montrait aussi prévenant et soucieux de son état. Alors pourquoi aujourd’hui ? Quelle idiote d'avoir cru le temps d'un instant à un peu d'empathie de sa part. Moody serra les poings en décroisant ses bras pour les déposer sur ses cuisses. Il l’humiliait constamment et ce n’était pas demain la veille qu’il serait avenant avec elle. Des prophéties draconniques, mon cul.
« Pourquoi ? Vous êtes un survivant du Sacrifice et vous êtes un dragon venu me raconter mon histoire ? » railla la jeune femme avant de fermer brusquement son livre, agacée. « J'ai cru le temps d'un instant à votre bonne foi, mais vous êtes juste obsédé à me ridiculiser et à me mettre plus bas que terre. Alors, cordialement, allez vous faire voir avec vos histoires sans queue ni tête ni ailes de dragon, et ne cherchez plus à m'aider dans ma quête. »
Son ton avait été froid et étonnamment, l'homme devant elle n'avait pas cillé, ne l'avait pas réprimandée pour son comportement, comme s'il s'y attendait. Les bras toujours croisés sur son torse imposant, Lance toisait Moody, une flamme malicieuse dans le fond de son regard. Il ne croyait que ce qu'il voyait… Comme son frère, comme Ashkore, comme tous ceux en quête de cette Renaissance. Elle était cette chose, sa chose. Braquée et vexée, la lunienne se redressa non sans faire de bruit en faisant glisser la chaise sur le sol. Yhkar la foudroya du regard alors qu'elle détournait les talons pour aller ranger son livre. Pauvre con. Elle enfonça brusquement le tome à sa place et décida de détourner l'odeur mentholée pour s'échapper de la bibliothèque.
Lorsque la lunienne fut hors de la pièce, ses pas la menèrent directement vers la cave où plusieurs membres de la garde de l'Ombre étaient attendus. Personne n'osa approcher la jeune femme à l'humeur tempétueuse, son aura meurtrière découragea même les plus courageux qui lui tendait une arme de combat rapproché. Moody libéra sa rage contre les mannequins d'entraînements, ressassant ce qui s'était passé plus tôt dans la bibliothèque. L'ombrette allait offrir un nouveau coup au mannequin lorsqu'on lui saisit fermement le poignet pour la stopper. Un grondement sourd remonta sa gorge et elle fronça les sourcils, forçant l'autre à la relâcher. Qui osait la stopper dans sa colère ? Son poing se resserra davantage autour de la poignée de son arme, redonnant un coup sec pour se libérer.
« Ça suffit ! » ordonna Karenn.
Moody darda un regard noir sur cette dernière, sans relâcher la prise autour de son poignard.
« Si t'as vraiment besoin de botter le cul de quelqu'un ou te faire toi-même défoncer, je t'invite à te rapprocher d'un membre de l'Etincelante, ton équipe n'est pas là pour subir ta mauvaise humeur. » dit la vampire d'un ton tranchant.
Moody passa sa langue sur ses dents puis la claqua à son palais en relâchant l'arme à ses pieds. Même ici, elle n'était pas libre de faire ce qu'elle voulait. La lunienne s'échappa furtivement de la prise de sa cadette pour quitter la cave avant la fin de son entraînement, non sans oublier de faire une nouvelle scène extravagante en jetant son arme au sol. Même le sexe ne réussirait pas à la détendre, elle et son humeur massacrante. Cet abruti de Lance avait bien trop de facilité à la faire réfléchir, à la rendre obsédée sur un sujet qui n'était pas sa priorité. A cet instant, tout ce qu'elle souhaitait, c'était se réfugier dans sa chambre et attendre la venue de Lune pour lui confier ses secrets, ses craintes, ses questionnements… Un soupir passa ses lèvres tandis qu'elle tirait ses cheveux en arrière tout en marchant à pas rapide dans le corridor qui menait à sa chambre, ses talons martelant furieusement le sol en pierre.
Lorsqu'elle fut isolée dans sa chambre, Moody s’assit à son bureau pour feuilleter son grimoire d’une main. De l’autre, elle tenait une sucrerie terrifiante pour aider Munin à manger. La nuit avait à peine commencé, la lunienne ne releva le regard que lorsque la lune se reflétait sur sa peau diaphane, la rendant brillante. Elle referma en douceur son livre, se leva pour prendre une bougie et un bâton d’encens sous l’œil attentif de son familier. La lunienne se réinstalla lorsque tout fut en ordre, les mains jointes devant elle, son front se posa contre ces dernières et elle ferma les yeux. A voix basse, elle psalmodiait sa première prière à sa déesse. Son regard améthyste se leva à nouveau vers l’astre lorsqu’elle eut fini.
Ma Fille, tu sembles désemparée, souffla la voix de Lune dans sa tête.
Moody soupira en hochant la tête.
Une dure journée, lui confia-t-elle. Pas dure. Plutôt… Étrange. J’ai du mal à assimiler ce qu’il s’est passé. Je suis contrariée et en colère. Je n’ai rien pu contrôler.
Un nouveau souffle s’échappa de sa bouche pulpeuse tandis qu’elle croisait les bras sur son bureau. Son menton se déposa sur ses mains, les yeux toujours levés vers le firmament voilé d'étoiles. Munin se trouva une place dans le creux de son cou, croassant faiblement à son oreille pour tenter de la réconforter.
Tu as entendu ce que m’a confié Lance. Je n’ai pas compris au départ pourquoi il m’offrait de son temps pour m’aiguiller dans mes recherches. Il n’a jamais été très accueillant à mon égard. J’ai d’abord cru qu’il voulait se racheter pour son comportement exécrable aux Olympiades mais… Non. Il m’a juste bernée et humiliée, comme à son habitude, continua à confier la jeune femme.
Ne penses-tu pas qu’il peut y avoir une part de vérité là-dedans ? Questionna Lune.
Une part de vérité dans une prophétie ? Ce sont des énigmes sans aucun sens à mes yeux.
Pourtant, tu crois à chacune de mes paroles, lui rappela sa déesse.
Moody pinça ses lèvres, baissant le regard. Lune marquait un point. La jeune prêtresse ne croyait qu’en sa parole divine à la moindre occasion.
Alors… Qu’est-ce que je dois faire ? demanda-t-elle.
Que penses-tu faire ? interrogea Lune, un sourire chaleureux dans la voix.
Moody ricana faiblement en fermant les yeux, il y avait tant de possibilités qui s’offraient à elle.
Si les propos de Lance ont une once de vérité, alors je chercherai cette Fille de l’Ombre pour faire renaître Luna. Dans le fond, j’espère toujours trouver les réponses à toutes mes questions. Je suis amnésique, et je sais que ma quête ici-bas n’est pas vaine. J’ai juste besoin de plus de réponses.
Il faut rester optimiste, Lance n’est pas inutile dans ton combat. Murmura Lune d’un ton mystérieux.
Moody arqua un sourcil, intriguée par les propos de sa maîtresse. Elle ouvrit à nouveau les paupières, apercevant un sourire énigmatique sur la face de l’astre. La lunienne râla en plongeant à nouveau sa tête dans ses bras, Lune avait coupé leur contact. Le temps d’un instant, tout lui semblait encore un peu flou. Il fallait qu’elle digère toutes ces informations. Son cœur et sa raison étaient tiraillés. Espérer ou accepter qu’il n’y ait plus rien ? Et si Lune était si énigmatique, elle devait avoir ses raisons . Les Maîtresses du Destin ont toujours une raison pour équilibrer la Vie. Néanmoins, les paroles de Lance ressurgirent dans sa mémoire et elle grimaça. Moody n’accepterait pas d’avoir un quelconque lien avec les dragons, aussi morts soient-ils. Elle ne voulait pas accepter leur génocide. S’ils revenaient, elle se promettait de les punir pour leurs crimes, avec l’aide de cette Fille de l’Ombre. La lunienne se redressa sur sa chaise, roulant ses épaules en soupirant. Munin croassa.
« On va aller se coucher. Demain est un autre jour et je dois remettre de l’ordre dans ma tête. Il paraît que la nuit porte conseil. »
Elle souffla sur la bougie, puis prit Munin entre ses mains pour se diriger vers son lit. Lorsque sa tête tomba sur l’oreiller, Moody se laissa emporter dans un sommeil sans rêve.
***
Avoir la tête dans la lune était une expression qui convenait parfaitement à la lunienne. Elle avait encore trop de choses en tête et était plus préoccupée à dresser une liste mentale de choses à faire que de tendre la bonne nourriture au sabali à ses pieds. Trouver plus d’informations sur les portails, Luna et les dragons, les dragons… Purreru se racla la gorge à ses côtés, lui offrant un coup de patte dans la côte. Moody sursauta et secoua son visage.
« Oh pardon ! » s’exclama-t-elle en tendant le nuage de sucre au crylasm qui se tenait derrière elle.
Elle se gratta la nuque en soupirant puis reprit contenance en offrant deux fleurs de coton au sabali comme toutes excuses.
« Qu’est-ce qui t-te tra-tracasse comme ça ? » demanda Purreru. « Tu es dans la-la lune. »
La jeune femme eut un petit sourire amusé.
« Un comble pour une lunienne. » ironisa-t-elle. « Je suis désolée, je vais me reprendre. »
Le félin fit une petite moue en frottant affectueusement l’œuf qu’il avait en main pour le placer dans un incubateur. Moody lui sourit faiblement en retournant à son activité. Il fallait absolument qu’elle mette de côté ses problèmes personnels pour se concentrer au travail. Elle ne voulait pas être dérangée dans sa quête, ni même que quelqu’un mette son nez dedans. Et elle ne remerciera pas Lance de lui avoir ouvert une porte. Moody distribua les dernières rations aux familiers du refuge avant de se diriger dans la partie toilettage. En fin de matinée, la lunienne sortit de la boutique pour se diriger sur la place du marché à la recherche de son déjeuner. Elle n’avait pas envie de rejoindre la cantine en compagnie des autres gardes, son côté solitaire était de sortie. Plusieurs mets lui faisaient envie, mais celui qui retenait toute son attention était une galette de blé fourrée de crème à l’herbe et de poisson lunaire, accompagné de petits légumes. Elle prit une eau aux bulles pour accompagner son repas, puis une note sucrée pour la fin avec un gâteau au sucre. Moody s’isola au cerisier centenaire le temps de sa pause avant de rebrousser chemin vers l’orphelinat.
Du coin de l’œil, elle vit un mouvement de panique au niveau de la place du marché. Elle huma instinctivement l’air, puis se hissa sur la pointe des pieds en quête de réponse. Ses sourcils se froncèrent et son regard chercha la cause de cette agitation. Un cri s’échappa de la foule, et elle ne réfléchit pas plus longtemps pour se frayer un chemin parmi les silhouettes agitées. Elle ne laissa pas l’angoisse la gagner lorsqu’elle vit le corps ensanglanté d’un jeune loup garou au sol.
« Laissez-le respirer ! Reculez. » ordonna la lunienne en se jetant à genoux près du corps meurtri.
Le jeune adolescent glapissait de douleur, oscillant dans sa transformation. Moody sonda la situation et la blessure.
« Il faut que tu restes avec moi, sous ta forme faëlienne… » dit doucement la lunienne en prenant la main du loup.
Il lui jeta un regard désolé et honteux. Il lui était impossible de subir cette souffrance. La douleur le consumait de l'intérieur, le brûlait, lui donnait des crampes paralysantes. Moody pinça les lèvres en maintenant le garçon pour observer la morsure sur sa jambe. La marque était violette et sentait le poison. Lequel ? Elle ne savait pas. Mais elle devait réagir vite le temps qu’un membre de l’Absynthe ou de l’Etincelante daigne se montrer.
« Donnez-moi de l’hydromel. » cria Moody pour se faire entendre.
« Dégage tes putains de mains de son corps, traînée ! Ce n'est qu'un adolescent. » lui répondit une voix nasillarde et affolée.
La lunienne releva son regard vers Karenn qui s’était rué près du loup garou meurtri, suivit d’une autre fille à la poitrine plantureuse, l’air hébété.
« Alajéa ! Aide-moi. » vociféra la vampire en caressant les oreilles du lycanthrope. « Ça va aller mon loup. Hein ? Ça va aller Chrome. »
Moody ne se laissa pas démonter par la bande d’adolescente et bloqua la jambe du loup en passant à califourchon au-dessus de lui, attrapant la bouteille qu’on lui tendait pour nettoyer la plaie. Chrome hurla de douleur.
« Mais aide-le au lieu de lui faire mal, abrutie ! » s’énerva l’adolescente aux cheveux bicolores dans son dos.
« Ferme-la Karenn ! » claqua sèchement la voix de Moody.
Il lui fallait de l’antiseptique, et vite.
« Donne-moi de la Belle de nuit ! » exigea la lunienne en levant un regard vers Purroy qui s’était approché.
Le félin s’exécuta. La lunienne psalmodia une incantation qui réduisit la plante en miettes avant de plaquer sa paume sur la plaie. Elle n’entendit pas Ezarel s’être approché avec Eweleïn, ni Leiftan qui faisait reculer la foule. Moody releva le regard quand l’odeur boisée de Valkyon lui parvint aux narines, elle cilla et leva les mains pour laisser place aux deux membres infirmiers. Le jumeau de Lance l’aida à se relever d’une poignée douce puis elle regarda Chrome se faire évacuer par Ezarel et Ewelein, talonnés par Karenn et Alajéa. Elle frotta ses mains entre elles pour enlever les miettes de pétales de ses paumes. Quelques rumeurs se répandirent parmi les habitants présents avant qu'ils ne se dispersent.
« Tu as fait du bon travail. » dit le capitaine de l’Obsidienne, le regard baissé vers elle.
Moody lui sourit faiblement, croisant ses bras contre son ventre.
« C’est mon rôle de gardienne de venir en aide aux autres, non ? » répondit-elle avec humilité.
La lunienne soupira avant de faire rouler sa nuque entre ses épaules. Quelque chose craqua et la détendit.
« Je ferai mon rapport plus tard. Les enfants ont besoin de moi ! » indiqua la lunienne en tapotant l’armure de l’Obsidien qui restait de marbre.
Ce dernier hocha simplement la tête et Moody disparut comme une ombre au travers de la cité. Lorsqu’il ne sentit plus son odeur, Valkyon se détourna à son tour pour rejoindre le quartier général. La journée passa sans plus d’action et la lunienne remplissait ses tâches sans interruption. Penchée au-dessus du pupitre, elle rédigea son rapport comme convenu, sans oublier aucun élément, avant de confier le parchemin à Yhkar. Elle se redressa pour s’étirer et s’avancer dans la bibliothèque, à la recherche d’un nouveau manuel. La lunienne avait l’impression de se bourrer le crâne et de ne sortir aucune information importante dans sa quête. Les portails, les dragons, Luna, le Sacrifice, tout se mélangeait. Il ne fallait pas qu’elle force, ça ne servait à rien. Elle reposa le livre, le regard levé sur l’ombre devant elle, un sourire malicieux se dessina sur ses lèvres.
« Nevra… » susurra-t-elle.
« Raté. Ce n’est pas le seul homme aux oreilles pointues dans une bibliothèque à te courir après. » répondit Ezarel à son oreille.
Moody fit la moue en faisant volte-face, bras croisés sous sa poitrine opulente.
« Je ne savais pas que je te faisais cet effet. Qu’est-ce que tu me veux ? » demanda-t-elle.
« Moi, rien. Mais tu es convoquée en salle du cristal ! » sourit malicieusement l’elfe.
Elle leva les yeux au ciel et le repoussa d’une main. Sa démarche chaloupée se dirigea hors de la bibliothèque sous le regard observateur du capitaine de l’Absynthe dans son dos. Ses pas la menèrent vers la salle du cristal, les mains dans le dos, elle se posta à l’entrée de la salle du conseil où les capitaines de la cité étaient installés. Miiko se tenait au centre, comme à son habitude. Moody ne prit pas la peine de saluer l’assemblée. Son regard balaya la table où trônait son rapport.
« J’ai fait ce que j’ai pu pour la blessure de Chrome. J’espère qu’il se porte bien. » dit la lunienne.
« Sans tes premiers soins, il serait mort. » dit Valkyon d’une voix posée.
Elle hocha la tête.
« Pourquoi l’hydromel et la Belle de Nuit ? » questionna l’elfe aux cheveux azurés, curieux.
« Dégager, désinfecter la plaie. J’utilise la Belle de Nuit comme antiseptique après mes rituels. Sa plaie ressemblait à une morsure, je n’ai pas cherché plus loin. » expliqua la jeune femme, les mains toujours dans le dos.
« C’était une blessure de Blackdog. » informa Miiko d’un ton sombre.
Moody n’ajouta rien et n’exprima aucune expression.
« Tu sais ce que c’est ? » demanda la kitsune.
Son ton faisait croire que la lunienne était une idiote. Cette dernière ne préféra pas relever la chose.
« Oui. Un familier de la même branche que les Black Gallytrot, mais ils sont considérés comme présage de mauvais augure. De mort. Ils ne sont… » fit Moody.
« Leur morsure est mortelle. » la coupa la kitsune.
« Pas censés être dans les environs. Ce sont des légendes. » finit la lunienne, ignorant la remarque de la kitsune.
Elle le savait déjà.
« Ou des prophéties que vous n’osez croire. » intervint Lance.
La lunienne contracta la mâchoire à son pique, serrant les poings dans son dos tout en lui adressant un regard à faire éclater la foudre sur lui.
« Si vous voulez me féliciter ou me remercier c’est maintenant. » dit l’ombrette, agacée.
« Soldat, restez dans vos rangs. » gronda Miiko.
L’interpellée haussa un sourcil arrogant, se tenant toujours aussi droite devant l’assemblée.
« C’est le minimum à me dire non ? » murmura la jeune femme.
« Moody. » tonna sèchement Nevra.
Elle baissa le regard sur le bout de ses bottes. Le vampire soupira et ajouta d'un ton ferme :
« Je ne veux plus t’entendre jusqu’à nouvel ordre. Compris ? »
« Oui, Capitaine. » obtempéra à contre-coeur Moody en relevant le visage.
C'était bien la seule fois où elle lui obéirait. Miiko se massa l’arête du nez avant de reprendre :
« Effectivement, les Blacks Dogs ne sont que des légendes vivantes. Ils existent bien, mais ne sont pas censés se promener sur nos terres mais en Outremonde. Pourtant, l’un d’eux a attaqué Chrome lors d’une mission quotidienne dans la forêt. Il n’a pas su nous expliquer davantage la situation, c’est un adolescent qui se dissipe facilement. »
La kitsune marqua une pause et croisa le regard améthyste de l’Ombrette.
« Tu te vois offrir ta première mission soldat. Je veux savoir pourquoi des Blacks Dogs trainent dans nos forêts, qui les dirigent... Qu‘ils attaquent, je m’en fous, c’est leur habitude. Mais je veux que tu les extermines s’ils deviennent une menace. » ordonna-t-elle.
Génial, encore un suicide, pensa la lunienne. Oui, elle aurait pu le dire à voix haute mais Nevra lui avait ordonné de se taire. C'était bien le seul à qui elle obéissait quand le travail l'exigeait, ce qui étonna intérieurement Leiftan.
« Tu seras accompagnée de ton chef de garde et d’autres confrères pour cette mission. Débrouillez-vous pour qu’elle soit menée à bien. Est-ce clair ? » ajouta la kitsune.
La soldate se contenta d’hocher la tête positivement. Enfin une occasion de sortir de cette cité.
« La mission débutera demain à sept heures. Sois à l’heure et en forme. » ordonna Miiko, un sous-entendu à la fin de sa phrase.
Que Moody aurait aimé rétorquer qu’elle avait besoin d’un coup de queue pour se sentir en forme juste pour la voir enrager, mais elle contenta de laisser braquer son regard noir sur la cheffe de cité.
« Dispose. »
La lunienne tourna les talons sans un regard sur l’assemblée et quitta la pièce.
***
A sept heures, la lunienne se tenait devant les portes de la cité. Son regard observa les gardes qui finissaient leur ronde sur les remparts, attendant la venue de ses confrères pour sa mission. Elle resserra sa queue de cheval au-dessus de son crâne, son épée claquant dans son dos. Sa tenue lui permettrait de se défendre sans la gêner en cas d’attaque. Les couleurs qu’elle avait choisies s'accordaient avec celles de sa garde : noir et violet. Un sac en besace pendait à sa hanche. Dedans, elle avait prévu une collation, la pierre de lune que Leiftan lui avait offert et d’autres objets qui pourraient lui servir. Elle craqua ses phalanges, excitée par cette nouvelle aventure. Son regard dériva quand elle entendit les autres approcher et la saluer. Elle fut surprise de voir Erika faire partie de cette mission mais ne dit rien. La lunienne fixa son capitaine, se contentant d’un hochement de tête polie.
« Si tout le monde est là, nous allons pouvoir commencer à marcher. A la croisée des chemins, séparons-nous en trois groupes de deux. Une personne à l’ouïe fine par groupe. » annonça le capitaine de l’Ombre. « En cas de danger, nous pourrons nous alerter. Et nous pourrons faire nos rapports au fur et à mesure. Ouvrez les portes. »
Moody frémit d’excitation en regardant les portes s'ouvrir sur la plaine encore baignée de la lumière de la nuit. En silence, le petit groupe s’avança vers l’orée de la forêt. La nuit se retirait petit à petit pour laisser place au lever de l’astre diurne. Peut-être aurais-je dû prendre un gilet… pensa la lunienne en sentant un rayon caresser sa peau opaline. Si elle restait trop longtemps sous la lumière du soleil, sa peau deviendrait plus grise. Quelle horrible teinte.
« Surtout Erika, n’oublie pas de ramasser les fraises pistachées. » dit le vampire à voix basse.
Moody fronça les sourcils. Pourquoi lui faire ramasser de telles choses alors qu’ils étaient en mission de la plus haute importance. Elle soupira en levant les yeux au ciel. Pourquoi même s’étonnait-elle encore de l’idiotie de cette garde ? La lunienne dépassa le couple pour se trouver aux côtés de deux lycanthropes, elle l’avait remarqué à la vue de leurs oreilles duveteuses et de leurs queues touffues qui balançaient dans leur dos. La forêt enveloppa la petite troupe de son aura protectrice et douce, Moody se laissait aller à la relaxation en entendant les chants matinaux de cette dernière. Tout le monde se réveillait peu à peu : les animaux, les familiers, les végétaux, la Nature… Un sourire s’esquissa sur ses lèvres. Bientôt les rayons du soleil dansaient au travers des feuillages. Leurs pas les menèrent à la croisée des chemins. Trois sentiers se dessinaient devant les soldats, Moody se dirigea instinctivement sur la droite et Nevra se précipita avec elle.
« Bien, on se retrouve ici à la fin de journée si nous n’avons rien de plus. » s’empressa-t-il de dire. « Duncan, fais attention à Erika. Enfin, faites attention à vous tous. »
Le groupe se sépara et Moody continua son chemin en silence.
« Tu as perdu ta langue ? » demanda le vampire.
Elle secoua négativement la tête. La lunienne était d’humeur à le faire tourner en bourrique : elle n’avait pas oublié son ordre de la veille et comptait bien se venger.
« Alors pourquoi ne parles-tu pas depuis ce matin ? » questionna Nevra.
Moody haussa les épaules d’un air innocent, laissant ses doigts caresser les quelques feuillages sur son chemin, observant les alentours, écoutant les bruits de la nature. Pourrait-elle trouver ici les quelques ingrédients dont elle avait besoin pour ses sorts de sorcellerie ?
« Moody, je t’ordonne de parler. » s'agaça le vampire, usant de son autorité.
Un sourire amusé orna la bouche pulpeuse de la jeune femme qui leva son regard vers son capitaine.
« Ce n’est pas trop tôt. Je suis réduite au silence depuis hier, j’ai cru devenir muette. » lâcha-t-elle sans détour.
Nevra ne retint pas son rire en marchant à ses côtés.
« Comme tu es bien docile. » susurra-t-il.
« Seulement parce que je suis au travail. » prévint-elle en croisant ses mains dans son dos.
« Quand ça t’arrange. » souligna le vampire.
« C’est plus amusant. Personne ne peut me contrôler. Sauf peut-être mon capitaine, quand j’en ai envie. »
L’œil pétillant de malice se posa sur la petite femme.
« Tu n’as toujours pas fait ton choix pour mon pronom ? »
Moody lui intima le silence, l’index contre sa bouche.
« Ecoutons la Nature se réveiller. Je ne suis pas quelqu’un de matinal et je ne voudrais pas être grognonne pour mon compagnon de mission. » sourit-elle.
Puis elle pressa un peu plus le pas pour s’enfoncer au travers de la forêt. Cependant, elle resta soigneusement sur le chemin déjà tracé par de nombreux allers et venues. Son regard balaya la zone. Tout lui semblait magique et incroyable. Cela éveillait en elle une certaine euphorie: celle de sa première sortie.
« Pourquoi faire chercher à Erika des fraises pistachées ? » demanda la lunienne de but en blanc.
« Je croyais que tu n’étais pas bavarde le matin ? » lui fit remarquer le vampire, tout sourire.
Moody ouvrit la bouche et la referma aussitôt pour glousser. Elle haussa les épaules en s’intéressant à la nature verdoyante autour d’eux. Le cadre était idyllique pour un rendez-vous amoureux : un petit point d’eau entre deux grands chênes, une lumière pâle et chaleureuse, de la mousse et des fleurs sauvages et le bruit d’un ruisseau au loin. Un buisson pour plus d'intimité.
« Miiko lui a donné une mission en parallèle : aider Ezarel à concocter la potion du brouilleur de présence. »
La lunienne marqua un arrêt et jaugea l’homme à ses côtés.
« Pour le cercle de champignons ? » s'étonna-t-elle. « Je croyais qu'il n'avait qu'un voyage à offrir. »
Il hocha la tête.
« Il est important de brouiller l’entrée à Eldarya, pour notre sécurité. Sait-on jamais, les portails sont toujours capricieux et si les humains tombaient un à un ici-bas… »
« Et elle a accepté sans rechigner ? » coupa la jeune femme.
« Elle est un peu naïve… » dit le vampire, sans détour. « On ne peut pas se permettre d’avoir Ashkore sur le dos et une armée humaine sur nos côtes. Le Sacrifice a aussi eu lieu pour une raison. »
« Pas des plus justifiées, à mon avis. Tout n'est pas très équilibré. »
Le vampire pinça ses lèvres, posant une main délicate sur son épaule nue.
« Désolé. »
Il marqua une pause avant de reprendre :
« J’espère que tu comprends notre point de vue. L’importance de notre sécurité à éviter une nouvelle guerre. »
Moody se contenta d’hocher la tête et reprendre sa marche, dépassant le lieu idyllique pour quelque chose de plus sauvage et sombre. L’aura de la forêt semblait avoir changé ici, la nature semblait un peu plus obscure et funèbre. Morte. Le vampire s’accroupit près d’une racine, la lunienne le regarda faire en penchant son visage sur le côté.
« Étrange. Je n’entends plus la sève couler à partir d’ici. Pourtant des hamadryades sont censées peupler la forêt. Avançons-nous un peu plus. » indiqua Nevra en se relevant.
Moody lui emboîta le pas en silence, un frisson parcourant son échine. Ils sortirent du sentier battu. Elle croisa ses bras sous sa poitrine, ce chemin ne lui disait rien qui vaille. L’atmosphère lugubre ne l’aidait en rien à améliorer son instinct : une brume latente, une teinte étrange et froide, des taches de sang… Plus ils s’enfonçaient, plus l’endroit devenait inquiétant. Alors, sur le qui-vive, la lunienne décroisa ses bras pour porter une main à la poignée de son épée dans son dos.
« Nevra… » murmura Moody, peu assurée. « Ce n'est pas une bonne idée. On pénètre sur un terrain ennemi. Appelons les autres… »
« Ne te laisse pas avoir par la peur. » répondit le capitaine, aux aguets.
L’instant d’après il disparut de son champ de vision. La lunienne hoqueta de surprise en portant sa main à ses lèvres. Vivement, elle tourna sur elle-même pour se préparer à attaquer, son arme dégainée, mais rien n’entrava son chemin, seul un bruissement et un grondement sourd indiqua la position de son capitaine. Moody avança d’un pas hésitant, les mains entourées d’une fumée blanche autour de son épée. La brume se dissipa peu à peu, et elle le vit. La lunienne cilla plusieurs fois avant de faiblement déglutir : Nevra se tenait là, pris au piège par des ronces et des lianes. Le temps d’un instant, l’image de son fantasme lors de l’épreuve absynthe lui revint en mémoire. Elle secoua vivement son visage pour se ressaisir et se précipiter vers son chef en rangeant sa grande lame.
« Par la Lune ! Laisse-moi t'aider. » s’exclama-t-elle en se saisissant d’un poignard à sa ceinture.
Son regard affolé se releva vers le vampire qui arborait un sourire carnassier, complètement détendu et narquois. Moody fit une moue dépitée en le toisant.
« Vraiment ? » geignit-elle.
« Eh, je viens de gagner une pipe ! » se défendit Nevra, tentant de lever les bras en signe de paix.
Elle leva les yeux au ciel. Le vampire se mit à gigoter pour se libérer de sa prison naturelle, ne faisant qu’enserrer sa chair un peu plus. Les lianes n'étaient pas tout à fait mortes.
« Si tu pouvais cesser de bouger. » dit la lunienne en commençant à couper sèchement les racines autour du vampire attaché.
« Pourquoi ? Je te laisse apprécier le spectacle réel de ton fantasme. » rétorqua-t-il, un sourire malicieux au coin de ses lèvres.
Moody darda un regard colérique sur le vampire qui éclata de rire. Un rire qui, à l’oreille de la lunienne, semblait suave et guttural, contrastant avec sa voix douce et son cheveu sur la langue. Elle poussa un soupir en se reconcentrant sur son activité principale, entaillant une liane au niveau de son entre-jambe. Nevra déglutit et eut un léger mouvement de recul. Elle releva un regard brillant de malice vers lui :
« La prochaine fois je te la coupe étant donné que tu y tiens tant. »
« Tu n’oserai pas. » rétorqua-t-il en plissant les yeux. « J'en ai besoin pour recevoir mon cadeau. »
Elle arqua un sourcil, un air condescendant se dessinant sur son visage, le bout de sa lame posée contre sa masculinité.
« Penses-tu ? » provoqua-t-elle.
Les deux se toisèrent un long moment avant que Nevra ne daigne baisser le regard. Moody arbora son petit air supérieur en coupant le reste de la végétation autour de son capitaine sans rien ajouter de plus. Libéré, l’homme se redressa souplement sur ses deux jambes. Elle le suivit dans son mouvement et laissa son regard se balader sur les alentours. L’air lugubre qui y régnait la fit frémir. Elle enserra sa prise autour de son poignard, jetant un rapide coup d’œil à son chef qui semblait déceler du bruit non loin, le faisant reculer et placer la lunienne derrière lui. Moody l’interrogea silencieusement et sursauta en entendant le grognement sourd d’un canidé qui apparut dans son champ de vision. La volute noire qui entourait son corps développé lui fit comprendre tout de suite qu’elle était devant un Blackdog… Ce n’est pas ici qu’il doit vivre. Nevra fit un pas, elle le retint par le poignet. Ni mourir. Moody sembla fixer un point derrière le familier sauvage : une souche d’arbre noirâtre, protégée par une hamadryade peu commune. Son air ahuri et dément inspirait la peur. La lunienne réprima son dégoût.
« Pourquoi Yvoni ? »
La voix de Nevra avait brisé le silence et la tension palpable entre eux. Moody prit conscience qu’elle avait retenu sa respiration. Elle inspira aussitôt en posant à nouveau son regard sur le Blackdog. Celui qui avait blessé le jeune Chrome. Celui qui était contrôlé par Yvoni. La lunienne percevait la petite racine plantée dans une de ses plaies, il fallait qu'elle le libère. Un bruissement se fit entendre derrière le couple.
« Parce que Ashkore m’a promis un monde où l’on pourrait vivre tous heureux. » claqua la voix suraiguë et hystérique de l’hamadryade.
Instinctivement, Moody huma l’air. Aucune odeur de cendre et de sang. Seulement du soufre et de la putréfaction. Elle secoua la tête, pourquoi reniflait-elle toujours ainsi ? Erika apparut dans son champ visuel, elle semblait ailleurs, la main devant elle. Le Black Dog grogna, montrant ses canines. La brune s’avançait comme hypnotisée vers Yvoni. Le familier courut vers elle et la lunienne ne réfléchit pas davantage pour bondir sur lui, roulant avec le familier dans les feuilles séchées par la mort. Elle n’entendit pas Nevra l’appeler. Elle ne vit pas ses autres compagnons tenter de sauver l’humaine. Le Black Dog claqua sa mâchoire près de son oreille et elle se rendit compte de son énorme erreur, le tenant à bout de bras. De la bave tomba sur son visage opalin et l'odeur de chair putréfiée de la gueule du canidé lui fit avoir un haut-de-cœur.
Moody se débattait contre la bête enragée, évitant la moindre morsure, tentant d’atteindre la racine qui le contrôlait. Elle analyse rapidement la situation, donnant un coup de pied dans la patte du canidé pour le déséquilibrer. Elle ne voulait pas lui faire de mal, mais elle ne voulait pas mourir non plus. Sa main frappa le flanc du Black Dog, le faisant tomber à terre, elle saisit la liane pour la tirer d’un coup sec, arrachant un hurlement strident à la bête qui se jetait à nouveau sur elle. La lunienne bloqua aussitôt la gueule du Black dog contre sa poitrine opulente, le regard plongé dans celui de l’animal. Il s’évertuait à se débattre férocement dans les bras opalins. Moody enroula ses jambes autour des côtes de la bête, et serra sa prise sans prendre conscience du chaos autour d’elle.
« Ça suffit ! » tonna-t-elle d'une voix autoritaire au familier.
Ses oreilles s'abattirent en arrière, impressionnée par le ton de la jeune femme. Le temps d’un instant il la toisa et s’arrêta de bouger. Moody serra les mâchoires. Quelle autorité dégageait-elle naturellement pour que la bête l'écoute ? Doucement, et sans relâcher sa prise, elle présenta sa paume aux naseaux du Black Dog et remonta le long de son museau pour caresser le sommet de son crâne, entre ses deux oreilles.
« Tu es en sécurité avec moi. » souffla-t-elle d’une voix calme, ne cessant pas son frôlement.
La bête était terrorisée, elle le savait. Elle le ressentait. Le Black Dog jappa faiblement en cessant de s'agiter. Moody parut surprise d'avoir acquis sa confiance aussi rapidement.
« Mais putain ! Comment as-tu apprivoisé ça ? » aboya Duncan non loin d’elle, ahuri.
« J-je sais pas… J'ai un don naturel parce que je bosse avec des familiers ? » proposa-t-elle d'une voix qui trahissait sa panique cachée.
Le lycanthrope se débattait furieusement avec une liane. Le Blackdog glapit à nouveau contre la chair de la lunienne. Moody relâcha sa prise soudainement, elle venait de se faire gifler par cette même liane. Moody redressa vivement son visage, relâchant sa défense aussitôt. Le spectacle qui s’offrait devant elle était illogique : Érika s’était jetée dans le piège d’Yvoni et semblait être coincée, Nevra aidait Duncan tandis que l'autre lycanthrope fut balancer comme une vulgaire peluche dans les airs, le bruit des os cassés fit grimacer la lunienne. Les autres se battaient furieusement contre la nature morte. Elle se releva précipitamment, surprise de sentir le Black Dog derrière elle à la protéger des attaques de lianes. Ne réfléchissant pas plus longtemps, Moody se rua vers la pièce la plus faible de ce combat : Erika. Talonnée par la bête, elle tenta d'extirper la brune en grondant. Du coin de l'œil, elle vit briller un bout de cristal peu conventionnel. Le morceau était violet. Un morceau de liane fouetta son bras et la lunienne gémit de douleur, elle ne devait pas perdre plus de temps.
Le Black Dog gronda furieusement dans son dos, la protégeant de nouvelles attaques alors qu'elle tirait Erika par son sac à dos. L'humaine tomba lourdement au sol et la lunienne la gifla pour la sortir de sa torpeur. Rien. Moody ragea intérieurement et attrapa le morceau convoité. Aussitôt une racine enserra avec force sa taille, lui coupant le souffle. Elle était devenue la cible principale de l'hamadryade enragée, son corps claqua violemment au sol, si violemment qu'elle sentit le goût particulier du sang envahir sa bouche. La liane la relâcha et la lunienne se redressa en hurlant au Black Dog:
« Protège-la ! »
Erika n'avait pas totalement repris conscience mais hurla quand la Bête fondit sur elle pour la tirer hors de portée. Moody joua avec le bout de cristal impur avec de la narquoiserie.
« C'est ça qui te donne de la force, vieille branche ? » provoqua-t-elle avant de glisser la pierre entre ses seins opulents.
Au moins, elle ne le perdrait pas en cours de route. Elle se saisit brusquement de son épée de son dos, faisant chanter le bout de métal en fendant l’air. Yvoni eut un rire démoniaque.
« Petite idiote. » cracha l’hamadryade en dirigeant ses lianes vers l’Ombrette qui para chaque coup avec férocité.
Mais elle s’épuisait bien trop vite, à bouger la lourde arme de ses bras fins. Son souffle siffla entre ses lèvres. Une liane s’entoura autour de sa cheville et la fit basculer en arrière, sa tête heurta lourdement la terre sèche, lui arrachant un grondement sourd.
« Moody ! » s’exclama le vampire en accourant vers elle.
Yvoni l'attrapa avec ses lianes et la tira au sol vers elle. Un bruit aigu fendit l’air, Moody avait perdu son arme, ce qui énerva un peu plus la jeune soldate. En un instant, ses mains se chargèrent d’une poussière sombre aux reflets violets, un nuage noir dansa autour d’elle. Moody pointa sa magie vers l’hamadryade, poussant un hurlement enragé. Touchées, les lianes disparurent aussitôt. La lunienne en profita pour se relever et continuer à attaquer de sa magie lunaire qui lui sortait des pores. Une énergie étrange l’habitait, une euphorie malsaine dansait dans son regard : Moody aimait faire du mal à son ennemie. Elle aimait la puissance qui s’emparait de son corps, de la confiance qui faisait gonfler sa poitrine. Sa jambe se leva pour fendre l’air et frapper le visage de l’hamadryade qui tomba à terre, hilare. Démente. Comme toi.
Yvoni se redressa et Moody lança son autre jambe avec souplesse, plaquant solidement son pied contre sa gorge. Elle maintint la position en y mettant tout son poid, un regard noir posé sur son ennemie. Ses mains n'avaient pas éteint le feu ardent de ses paumes.
« Je comprends mieux pourquoi Ashkore court après toi, petite Ombre. » souffla l’hamadryade aux cheveux faits de racine.
Ses iris verts et flamboyants soutenaient le regard améthyste embrasé. Moody entendit son sang frapper ses tympans, son cœur battre dans poitrine, sa jugulaire pulser. Elle était excitée de ce combat, appuyant un peu plus son pied contre la trachée de l’hamadryade.
« Je lui enverrai ton corps pour lui rappeler de ne pas m’approcher. » claqua sèchement la lunienne.
Ses mains chargèrent un peu plus de magie noire dans le centre de ses paumes. La lunienne se concentra et visa le cœur même de l’hamadryade : son arbre. Il s’enflamma d’un feu violine. Yvoni eut un hurlement strident, Moody boucha ses oreilles en grimaçant, comme ses alliés. Elle posa un regard dédaigneux sur Yvoni alors que le cristal pulsait contre sa chair, il se nourrissait du malheur, du chaos. La lunienne recula d’un pas chancelant. Elle percuta quelqu’un dans son dos et jeta un regard par-dessus son épaule : Nevra. De ses doigts, elle attrapa le bout de cristal entre ses seins et le déposa dans la paume de son chef, négligeant la brûlure entre ses chairs. Son âme semblait s'apaiser de sa fureur et son regard chercha Érika. Elle était toujours maintenue par le Blackdog, terrorisée et en pleurs. La lunienne aurait voulu l’insulter, la gifler pour son imprudence mais se contenta de la mépriser du regard. Elle s'avança vers elle et posa sa main sur le crâne du familier sauvage qui relâcha sa prise. L’humaine courut aussitôt dans les bras du seul chef présent. Moody s’accroupit près du monstre d’Eldarya, le regard planté dans l’œil gris du vampire qui la toisait.
« Retourne chez les tiens. On ne te fera pas de mal. Je ne laisserai personne t'en faire. » murmura-t-elle à l’oreille du canidé.
Une lumière jaillit dans des brumes. De la pluie tomba du ciel. Moody se releva, essuyant négligemment ses mains salies sur le tissu de son pantalon, le canidé s'enfuyant dans son dos. Son regard se posa sur le corps brûlé de l’hamadryade, la lunienne plissa le nez, sensible à l'odeur de chair carbonisée. Yvoni avait retrouvé sa morphologie habituelle : une femme mince à la peau beige, des cheveux verdoyants et un air doux sur son visage. Elle respirait difficilement, Nevra s’empressa de s’approcher d’elle. Une odeur de cendre et de sang parvint au nez de Moody, son regard chercha discrètement la présence d’Ashkore sans bouger de sa place.
« Merci… » dit Yvoni d’une voix enrouée .
Nevra sembla l’interroger du regard.
« Garde ton énergie… On va te sauver. » la rassura-t-il en posant son visage sur ses cuisses.
« Je ne veux pas… J’ai eu si peur. Je suis libre. » marmonna la jeune femme.
La lunienne repéra la brillance de deux rubis au loin. Elle déglutit en fixant Ashkore qui lui adressait la plus énervante des révérences puis des applaudissements silencieux. Moody aurait dû révéler sa position, hurler qu’il était là. Mais aucun son ne passa la barrière de ses lèvres, aucun mouvement n’attira l’attention de ses partenaires. Pourquoi tu ne dis rien, Moody ? souffla Lune dans sa tête.
Parce qu’il reviendra.
Chapitre 10 - Alliances et secrets
à venir... Le 1er Février
Dernière modification par Moody (Le 23-01-2023 à 13h44)