06/04 : Ajout du chapitre 5
Bonjour/Bonsoir Ă tous et toutes et bienvenue sur cette histoire.
Peut-ĂȘtre que vous ĂȘtes ici parce que vous avez eu un contact, dâune façon ou dâune autre, avec mon style dâĂ©criture et quâil vous plaĂźt ? Ou peut-ĂȘtre que vous cherchiez juste un endroit oĂč passer le temps ? Quâimporte. Quelle que soit la raison, je vous remercie dâĂȘtre venu en ces lieux pour laisser une chance Ă mes mots.
Cela fait cinq ans maintenant que cette histoire murĂźt doucement dans mon cĆur. Elle avait Ă©tĂ© publiĂ©e une premiĂšre fois, dans une version maladroite, avant dâĂȘtre emportĂ©e par les flammes de lâincendie. Depuis, elle a Ă©tĂ© reprise, remaniĂ©e et retravaillĂ©e pour aboutir Ă la version que jâai le courage de vous prĂ©senter aujourdâhui. Et cela grĂące Ă @Aespenn qui a su trouver les mots pour faire taire les sempiternels «âEt siâ» qui tournaient dans mon esprit, mâempĂȘchant de sauter le pas. Un grand merci Ă elle pour cela.
Quant Ă cette histoire, elle reprĂ©sente Ă elle seule la plus grande partie de la vie de ma gardienne, mais aussi ses pires dĂ©mons. Alors ? Tenterez-vous lâaventure Ă ses cĂŽtĂ©s ?
A tous les enfants d'Eldarya
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--> Afin de ne pas reproduire les incohĂ©rences scĂ©naristiques qui se sont retrouvĂ©es tout au long du jeu, la nourriture nâest pas rationnĂ©e dans lâEldarya que je mâapprĂȘte Ă vous dĂ©peindre.
--> Le métissage de Valkyon est inconnu.
--> Il nâest pas nĂ©cessaire dâĂȘtre Ă jour dans les Ă©pisodes pour profiter de ce texte puisquâil ne suit que trĂšs peu la trame de lâhistoire originale.
--> Dans mon univers, il existe cinq gardes au sein d'Eel, la derniĂšre Ă©tant la garde Ăcarlate.
--> Cette histoire est de la fantaisie noire. Par consĂ©quent, il y aura quelques scĂšnes de combats avec un peu de violence (bien Ă©dulcorĂ©e et rien de gratuit afin de rester dans les rĂšgles) et de la psychologie, sur fond dâamitiĂ© et de romance.
--> Les chapitres sortiront une semaine sur deux, les dimanches.
La jeune femme sâarrĂȘta un instant devant lâentrĂ©e de la CavitĂ© Bleue. LĂ oĂč tout allait se jouer. Le seul compagnon qui lui Ă©tait autorisĂ© Ă©tait son familier. Aucun guerrier nâallait lâaccompagner. Elle devrait se dĂ©brouiller seule.
« Lulyah, ne fais pas de folie, ordonna son chef de garde. Tu ne sais pas ce qui peut tâattendre lĂ -bas, alors rĂ©flĂ©chi bien ! Si tu te rĂ©tractes, nous trouverons une autre solution. Ne te mets pas en danger !
La faelienne se retourna vers lui, serrant les poings pour empĂȘcher ses mains de trembler. Elle avait peur, oui. Mais elle ne reculerait pas.
â Ma dĂ©cision est prise Valkyon. Je rentrerais victorieuse ou je ne reviendrais pas. Mais je suis prĂȘte Ă tout. Pour lui, jâirai jusquâau bout !â»
Une mission qui tourne au cauchemar est tout ce quâil faut Ă Lulyah pour que sa vie bascule de la pire des maniĂšres. Se retrouvant confrontĂ©e aux remords, Ă la solitude et aux doutes, sa seule chance de se racheter est de se rendre sur les lieux oĂč reposent les rĂ©ponses aux questions de son existence. Cependant, lĂ non plus, personne ne lâattend. Dans un monde qui ne veut pas dâelle, elle nâaura dâautre choix que de se forger une place pour exister avant que ses derniers espoirs ne se dĂ©sagrĂšgent.
Quand les rĂȘves se brisent, il ne reste plus que le cauchemar que lâon nomme RĂ©alitĂ©.
Je suis finalement revenue sur mon idée premiÚre et ai instauré une petite liste de prévenu.e.s. Si tu souhaites en faire partie, il suffit de me le demander en commentaire ou par MP afin de ne rater aucune sortie de chapitre

~ @Lillion
~ @Florianne
~ @Aespenn
~ @Elehann
Merci Ă vous â„
~ @Florianne
~ @Aespenn
~ @Elehann
Merci Ă vous â„
Chapitre I: Mission d'investigation
Le soleil nâĂ©tait levĂ© que depuis quelques heures, et pourtant, des bruits de pas se faisaient entendre dans la forĂȘt qui sâĂ©tendaient sur les flancs des collines environnantes. Nevra ouvrait la marche, tranchant dâun coup de dague, lianes et plantes grimpantes venues obstruer le sentier de terre battue quâil suivait depuis un moment. MalgrĂ© l'heure de marche quâil avait dĂ©jĂ essuyĂ©e, il ne semblait ressentir nulle fatigue, se mouvant avec rapiditĂ© et aisance, comme sâil venait seulement de partir. Chassant une feuille rousse venue se perdre dans sa chevelure Ă©bĂšne, il se retourna avant de poser son unique pupille cendrĂ©e sur la personne qui le suivait, une bonne cinquantaine de mĂštres plus loin. Dâailleurs, son familier, SheĂŻtan, ne pouvait que grogner de mĂ©contentement Ă lâattention de la retardataire. Il ne put rĂ©primer un fin sourire, dĂ©couvrant ses canines pointues, en lâapercevant.
Lulyah suivait comme elle pouvait tout en pestant, ne cessant de trĂ©bucher sur des pierres ou des racines qui jonchaient le sol. Au moins, si sa peau, dâune atypique couleur verte, la faisait disparaĂźtre au milieu de la vĂ©gĂ©tation, le vampire Ă©tait sĂ»r de ne pas la perdre tant elle Ă©tait bruyante. La main sur la hanche, il suivit du regard la tache blanche que reprĂ©sentait la chevelure de sa comparse, attendant quâelle le rejoigne. Il sourit un peu plus quand il croisa son regard hĂ©tĂ©rochrome, violet et azur, sans oublier la mine boudeuse qui lâaccompagnait.
â Nevâ, on peut faire une pause ? demanda-t-elle pour ce qui devait au moins ĂȘtre la troisiĂšme fois durant la derniĂšre demi-heure. Ăa fait un moment quâon marche et je nâai mĂȘme pas pris de petit-dĂ©jeuner. Je commence Ă avoir faimâŠ
â Un peu de nerf Lulu ! Nous sommes presque arrivĂ©s au village oĂč nous devons nous rendre.
â Ăa va bien faire une heure que tu me rĂ©pĂštes ça. Depuis quâon est parti en faitâŠ
â Et tu verras que je finirais bien par avoir raison. Courage ! Et ne marche pas trop Ă la traĂźne ou je vais dĂ©finitivement finir par te confondre avec une fougĂšre. Tu as la mĂȘme couleur !
Il sâamusa de la mine renfrognĂ©e de sa camarade, et rit encore plus quand elle fit mine de lâĂ©trangler en agrippant le bout de sa longue Ă©charpe noire.
â Ce nâest pas sympa de te moquer de moi comme ça, soupira Lulyah en sâefforçant de marcher Ă sa hauteur. Je nây suis pour rien. Je nâai jamais demandĂ© Ă avoir une couleur de peau aussi affreuse en arrivant dans ce mondeâŠ
â Je sais, je te taquine, assura le vampire en lui Ă©bouriffant les cheveux. Puis, si ça peut te rassurer, ce nâest pas si horrible. Jâai dĂ©jĂ vu bien pire.
â Sympa, merci.
La gardienne se tut pour Ă©conomiser son souffle, en profitant pour faire un point sur leur mission. Ils se rendaient actuellement au village de Yomagris, expert dans le travail de la laine de Crylasm, pour enquĂȘter sur des vols de bĂ©tails. Visiblement, cela faisait prĂšs dâune semaine que ces larcins Ă©taient commis, sans que les villageois nâaient pu dresser un portrait du potentiel voleur. De plus, les rares personnes qui sâĂ©taient trouvĂ©es dans les rues au moment des faits avaient Ă©galement disparu, sans que personne nâen retrouve la moindre trace. Cet appel au secours Ă©tait finalement parvenu au QG, et Miiko avait envoyĂ© une premiĂšre Ă©quipe pour enquĂȘter. Ne sachant pas quel pouvaient ĂȘtre les ennemis, la kitsune avait pris la dĂ©cision dâenvoyer sur place un chef de garde, et son choix sâĂ©tait naturellement dirigĂ© vers lâexpert en collecte dâinformations et dâespionnage. Pour lâĂ©pauler, en revanche, elle avait dĂ» choisir parmi les gardiens disponibles et capable de faire Ă©quipe avec le vampire. CâĂ©tait finalement Valkyon, chef des Obsidiennes, qui lui avait conseillĂ© de faire appel Ă Lulyah. Dâailleurs, la concernĂ©e sâen Ă©tait retrouvĂ©e trĂšs surprise, bien que cela ne lâest pas dĂ©rangĂ©e pour autant. Son chef de garde, fort et fier, avait toujours eu le droit Ă toute son estime et son respect. CâĂ©tait pour cela que la gardienne avait toujours voulu sâillustrer devant lui, mais sans jamais y parvenir. Valkyon nâaurait dâailleurs probablement jamais su quâelle existait si elle nâavait pas Ă©tĂ© dans sa garde ou la meilleure amie de Nevra. Alors, pour une fois quâil se souvenait de son existence, Lulyah voulait lui prouver quâil avait eu raison de lui confier cette mission. Câest forte de cette pensĂ©e quâelle releva la tĂȘte, gonflĂ©e dâune dĂ©termination nouvelle.
â Je te sens curieusement motivĂ©e, dâun coup, constata Nevra en la regardant du coin de lâĆil. Que vaut ce soudain regain dâĂ©nergie ?
â Pas grand-chose. Seulement, Ă mon arrivĂ©e, je nâai fait que rĂąler parce quâon me donner pour seule et unique mission le toilettage de familier, et que je voulais en faire des plus importantes. Alors, maintenant que lâon me confie des responsabilitĂ©s, je veux prouver que je sais mâen montrer digne.
â Enfin, ça fait dĂ©jĂ dix-huit mois que tu es arrivĂ©e parmi nous et un an que tu ne fais plus cette tĂąche ingrate. MĂȘme si certains esprits sont encore trĂšs mĂ©fiants de la faelienne que tu es, je suis sĂ»r que beaucoup te considĂšre dĂ©jĂ comme une des nĂŽtres.
â Je ne sais pas⊠Les humains ne sont pas bien vus Ă Eldarya et, de ce que jâai compris, les vouivres ne sont pas trĂšs populaires non plus. Alors vu que je suis un peu des deuxâŠ
Le vampire soupira. Il nâaimait pas amener ce sujet sur la table, car il savait que son amie en souffrait beaucoup. Effectivement son deuxiĂšme peuple, celui des vouivres serpentaires, avait Ă©tĂ© longtemps considĂ©rĂ© comme des ĂȘtres portant malheur. Ils avaient Ă©tĂ© persĂ©cutĂ©s pour cette raison, et avaient failli voir lâextinction de leur espĂšce, comme ce fut le cas pour leurs cousines, les vouivres wygan. Depuis cette Ă©poque, ces crĂ©atures vivaient en groupe trĂšs soudĂ© et refusaient tout contact avec lâextĂ©rieur, ce qui leur valait dâĂȘtre trĂšs hostiles avec les autres faeries. Mais Lulyah nây pouvait rien et il ne trouvait pas ça juste de la juger pour une histoire quâelle connaissait Ă peine. MĂȘme sâil avait lui-mĂȘme eu des idĂ©es prĂ©conçues Ă son encontre autrefois. HĂ©las, il semblait ĂȘtre une des rares personnes Ă avoir acceptĂ© de revoir son jugement. Il dĂ©cida finalement de changer de sujet, un sourire narquois se dessinant sur ses lĂšvres.
â Et sinon, dis-moi qui comptes-tu essayer dâimpressionner durant cette mission ? Serait-ce ce cher Valkyon ?
MalgrĂ© la couleur de sa peau, le rouge ressortait bien sur les joues vertes de Lulyah, alors quâelle le regardait, scandalisĂ©e.
â Personne ! assura-t-elle en lui donnant un coup dans lâĂ©paule. ArrĂȘte de dire un peu nâimporte quoi, tu nâes vraiment pas drĂŽle !
â Tu sais que ton comportement est le meilleur des aveux que tu pouvais me faire.
La gardienne pesta avant de dĂ©tourner le regard. Son ami passait son temps Ă la faire tourner en bourrique et ça lâĂ©nervait. Mais son affection pour lui dĂ©passait largement son agacement, raison pour laquelle elle Ă©tait Ă ses cĂŽtĂ©s malgrĂ© tout. Elle sortit nĂ©anmoins de ses pensĂ©es en apercevant des chaumiĂšres se dessiner entre les troncs des arbres.
â On aperçoit enfin le village ! sâexclama-t-elle en pointant la direction du doigt.
Le jeune homme, disposant dâune moins bonne acuitĂ© visuelle, mit sa main en visiĂšre pour regarder ce quâelle lui indiquait avant dâapprouver dâun signe de tĂȘte.
â En effet. Fini de rire, notre mission commence dĂšs maintenant. JâespĂšre que tu es prĂȘte Lulu ? Il va falloir ouvrir lâĆil pour essayer de tirer toute cette histoire au clair.
â Oui, tu peux compter sur moi !
Il sourit Ă cette rĂ©ponse avant quâils nâarrivent finalement Ă la lisiĂšre de la forĂȘt. Et un peu plus loin, en contrebas, sâĂ©tendait le village de Yomagris. InstallĂ© dans un petit vallon, au milieu des collines, câĂ©tait un lieu verdoyant qui sâoffrait Ă eux. Les maisons, simples, Ă©taient toutes bĂąties Ă lâaide de rondins de bois tandis que les rues Ă©taient constituĂ©es de pierres soigneusement imbriquĂ©es entre elles. Une petite chapelle sâĂ©levait du fond du village, visiblement pour prier lâOracle, et veillait sur un puits, qui semblait ĂȘtre la seule source dâeau environnante.
Cependant, les deux voyageurs nâeurent pas le loisir dâadmirer plus longtemps le paysage, se faisant accueillir par des fourches sitĂŽt lâarche de lâentrĂ©e passĂ©e.
â Halte-lĂ ! ordonna le villageois le plus en avant, lâair se voulant menaçant. Peut-on savoir ce que des voyageurs comme vous viennent faire ici ?
â Nous sommes ici sur ordre de la garde dâEel, Ă qui vous avez rĂ©cemment fait appel, rĂ©pondit Nevra, nullement impressionnĂ© par cette animositĂ©. Cette lettre vous prouvera mes dires.
Il sortit un parchemin de sa poche et le donna Ă lâhomme face Ă lui. Celui-ci sâempressa de lire son contenu avant dâordonner Ă ses collĂšgues de se retirer, dâun signe de tĂȘte.
â Veuillez nous excuser pour lâaccueil glacial que nous avons eu Ă votre encontre, reprit-il en sâinclinant humblement. Nous ne pensions pas que la garde dâEel serait si prompte Ă dĂ©pĂȘcher une Ă©quipe. De plus, depuis que les vols ont commencĂ©, nous sommes obligĂ©s de redoubler de vigilance face Ă tous ceux qui souhaitent fouler nos terres.
â Il nây a pas de problĂšme. Nous comprenons aisĂ©ment la situation dĂ©licate dans laquelle vous vous trouvez.
â Merci beaucoup pour votre comprĂ©hension. Mais assez perdu de temps en bavardages ! Si vous voulez bien me suivre ? Il serait dâusage que vous rencontriez le maire pour quâil puisse tout vous raconter en dĂ©tail.
â TrĂšs bien.
Le villageois se mit en route et les deux gardiens lui emboĂźtĂšrent le pas sans attendre. En se retournant, Lulyah put voir les deux autres hommes reprendre immĂ©diatement leur poste, bloquant de nouveau lâentrĂ©e du village. De mĂȘme, des murmures se faisaient sur leur passage alors que les habitants sâĂ©cartaient lĂ©gĂšrement.
â Jâai bien lâimpression que nous ne sommes pas spĂ©cialement les bienvenus ici, constata-t-elle dans un murmure Ă lâattention de son collĂšgue. Nous risquons dâavoir du mal Ă les approcher si nous avons besoin de les interroger.
â Ne tâen fais pas pour ça, jâai la solution. Contente-toi de me faire confiance.
Le sourire quâil lui adressa nâĂ©tait pas spĂ©cialement rĂ©confortant, mais la jeune femme acquiesça tout de mĂȘme dâun signe de tĂȘte. Ils arrivĂšrent devant la maison du maire, avant que lâhomme qui leur servait de guide ne sâarrĂȘte devant la porte.
â Attendez-moi ici, je vous prie. Je vais informer monsieur le maire de votre arrivĂ©e.
â TrĂšs bien.
Le villageois entra dans la maison, les laissant seuls devant la porte. Lulyah en profita pour regarder les enclos qui se trouvaient non loin dâelle. Les quelques Crylasms qui sây trouvaient encore sâĂ©taient tous rassemblĂ©s en troupeaux, semblant complĂštement apeurĂ©s. Visiblement, ces pauvres bĂȘtes sâĂ©taient fait traumatiser par lâenlĂšvement de leurs compagnons. Mais qui pouvait bien faire une chose pareille ? Et surtout, pourquoi ?
Elle quitta violemment ses pensĂ©es en entendant la porte devant laquelle elle se trouvait, sâouvrir, la faisant sursauter. Lâhomme qui se prĂ©senta devant eux Ă©tait de petite taille et ventripotent. Les rares cheveux qui restaient sur son crĂąne dĂ©garni Ă©taient poivre et sel, dĂ©nonçant un Ăąge assez avancĂ©. Il arborait Ă©galement des moustaches grisonnantes, parfaitement taillĂ©es, accentuant la forme crochue de son nez. Sur celui-ci reposaient des petites lunettes rondes Ă montures dorĂ©es, cachant des yeux noisette. Son regard sembla toutefois sâilluminer quand il se posa sur les deux gardiens.
â Merci dâĂȘtre venu si vite, valeureux guerriers dâEel. Mais je vous en prie, entrez ! Nous serons mieux installĂ©s pour discuter.
â Bien. SheĂŻtan, attends-nous sagement ici et ne bouge pas.
Le familier grogna avant de se coucher docilement contre le mur de la maison. Le duo reporta son regard sur le maire qui les invitait dâun geste ample Ă franchir la porte, avant de les guider jusquâĂ son salon. Celui-ci Ă©tait dĂ©corĂ© simplement. Une bibliothĂšque habillait le mur du fond, Ă cĂŽtĂ© dâun petit bureau en bois poli. Un grand tapis de velours rouge, aux arabesques dorĂ©es, recouvrait le sol. Il Ă©tait surmontĂ© dâune table basse en verre fumĂ©, elle-mĂȘme encadrĂ©e de deux sofas et dâun canapĂ© en cuir de couleur jais.
Sous le commandement de leur hĂŽte, les voyageurs prirent place sur le canapĂ©, lâhomme sâasseyant en face dâeux.
â Comme je lâavais prĂ©cisĂ© dans la missive que jâai envoyĂ©e Ă votre QG, cela fait une semaine que nous nous faisons dĂ©rober des Crylasms de nos troupeaux, en moyenne deux par nuits, commença le maire en remontant ses lunettes. Cependant, aucun dĂ©gĂąt nâa Ă©tĂ© enregistrĂ© sur les clĂŽtures des enclos.
â Et avez-vous constatĂ© une prĂ©sence Ă©trangĂšre qui se serait Ă©tablie rĂ©cemment dans les environs ? questionna Nevra. Celle-ci aurait pu se traduire par de la fumĂ©e dâun feu de camp qui sâĂ©lĂšverait la nuit, ou bien par des empreintes Ă©tranges aux abords du village.
â Non, rien de tout ça. AprĂšs, nous ne nous sommes pas aventurĂ©s dans les collines. Les chemins pour y accĂ©der sont trĂšs escarpĂ©s, sachant que des bĂȘtes sauvages y rĂ©sident. Nous ne sommes pas des combattants et ne saurions nous dĂ©fendre si nous nous retrouvions face Ă ce genre de crĂ©atures.
â Je vois⊠Et concernant les personnes qui ont Ă©galement disparu ?
Lulyah regarda un instant son ami. Elle Ă©tait toujours surprise de voir son sĂ©rieux durant les missions, lui qui semblait tout faire avec frivolitĂ©. Elle reporta par la suite son attention sur le maire, face Ă eux, qui se grattait la tĂȘte dâun air embarrassĂ©.
â Comme jâen avais fait mention dans la lettre, nous nâavons pas retrouvĂ© la moindre trace dâeux. La seule piste que nous ayons eue, câest le fragment de la lance de lâun des volontaires qui patrouillaient dans les rues, il y a trois nuits. Jâignore ce qui a pu lui arriver, mais je ne peux mâempĂȘcher dâenvisager le pire. Naturellement, jâai fait taire cette dĂ©couverte afin de ne pas provoquer de panique au sein du village.
â Je pense que, compte tenu du peu dâinformations dont nous disposons, câest le plus sage. Avez-vous instaurĂ© une sorte de couvre-feu ?
â Oui. Ă part les volontaires qui exĂ©cutent les rondes nocturnes, personne nâa le droit de se promener dans le village dĂšs la nuit tombĂ©e.
â Avez-vous entendu quelque chose qui pourrait nous donner une quelconque piste sur lâidentitĂ© du voleur ?
â Eh bien⊠une nuit, jâai entendu ce qui ressemblait fort Ă un pas lourd et pataud, rĂ©sonner dans les rues de la ville. Cela ressemblait Ă la dĂ©marche dâun Pachirondo. Je crois quâils aiment bien vivre dans des lieux de moyenne altitude, comme ce quâoffrent les collines environnantes.
â Je vois. Je vous remercie de votre coopĂ©ration, assura Nevra. Ne vous souciez plus de rien, nous prenons les choses en main Ă compter de maintenant. On y va Lulyah !
â Hein ? Dâaccord.
Voyant le chef de garde sâincliner devant le maire, elle dĂ©cida de faire pareil avant quâils ne quittent la demeure. Une fois dehors, elle se dĂ©cida finalement Ă poser la question qui lui brĂ»lait les lĂšvres.
â Dis-moi Nevâ, câest quoi un Pachirondo ?
â Câest un familier quadrupĂšde dont la taille dĂ©passe allĂšgrement les deux mĂštres. Son corps est de forme ronde, ses pattes ressemblent Ă des poteaux, recouverts de poils. Il a Ă©galement une trompe en guise de nez et une queue en tire-bouchon.
â Ah je vois⊠Câest une sorte de croisement entre un mammouth et un cochon, en faitâŠ
â Sinon, dis-moi, que penses-tu de la situation que nous a exposĂ© le maire ?
â Quoi ? Tu veux mon avis ?
â Ăvidemment ! Je te rappelle que tu nâes pas ici pour faire pot de fleurs, tu es lĂ pour mâaider ! Du coup, jâaimerais beaucoup entendre ton point de vue.
â Sauf que je ne suis pas sĂ»re dâĂȘtre dâune grande aideâŠ
Mais le vampire avait raison. AprĂšs tout, si elle voulait prendre du galon, il lui fallait rĂ©ussir des missions Ă responsabilitĂ©s. Et pour cela, il fallait commencer par sây investir !
â Eh bien, puisque le maire nous a assurĂ© quâil nây avait aucun dommage sur les clĂŽtures, on peut supposer que les voleurs les enjambent chaque nuit.
Voyant que son meilleur ami lui adressait un sourire encourageant, elle se décida à poursuivre.
â Du coup, jâen suis venu Ă la conclusion quâils doivent ĂȘtre de grandes tailles et dotĂ©s dâune force consĂ©quente pour pouvoir parvenir Ă rĂ©aliser cette prouesse tout en portant un Crylasm.
â Jâen suis venu aux mĂȘmes conclusions.
â Avec les bruits de pas dont on nous a parlĂ©, peut-ĂȘtre que ces voyous se dĂ©placent Ă dos de Pachirondo ?
â Je ne pense pas, assura Nevra, catĂ©gorique, en rangeant son carnet de notes. Contrairement Ă ce que nous a dit le maire, je suis absolument certain quâil nây en a pas dans la rĂ©gion. Dâordinaire, ce familier vit en moyenne montagne. Les collines sont bien trop basses par rapport Ă son habitat naturel.
â Ah⊠Mais tu as une idĂ©e de ce que ça pourrait ĂȘtre alors ?
â Oui, mais inutile de tâen faire part pour le moment, je nâai encore rien de concret. Nous allons donc interroger certaines villageoises pour essayer de savoir si elles ne peuvent pas nous en apprendre plus.
â Mais tu as vu comment les habitants rĂ©agissent Ă lâapproche des Ă©trangers ? sâĂ©tonna Lulyah. Jamais ils ne nous laisseront les approcher !
â Câest bien pour cela que jâai parlĂ© des demoiselles !
Nevra lui adressa un sourire confiant avant de marcher vers une femme, visiblement ĂągĂ©e dâune vingtaine dâannĂ©es, qui passait le balai un peu plus loin. Elle eut dâailleurs un mouvement de recul en le voyant sâapprocher dâelle.
â Nâayez pas peur madame, je ne vous veux aucun mal, assura le jeune homme dans un sourire charmant. Je suis venu pour libĂ©rer votre village du flĂ©au qui y sĂ©vit. Il serait dommage quâune si jolie femme soit menacĂ©e par quelques voyous que ce soit.
Son interlocutrice ne sembla pas rester de marbre face Ă ses paroles, ses joues se teintant dâune vive couleur rosĂ©e. Lulyah, restĂ©e en retrait, ne put sâempĂȘcher de lever les yeux au ciel devant ce spectacle des plus navrants.
â Que⊠quâattendez-vous de moi, monsieur ?
â Jâaimerais seulement savoir si vous avez entendu ou vu quelque chose qui pourrait nous aiguiller sur lâidentitĂ© des voleurs. Dites-moi tout ce que vous savez, mĂȘme les dĂ©tails qui vous paraissent les plus dĂ©risoires.
Dâun geste habituĂ©, le vampire glissa une mĂšche Ă©bĂšne de la jeune femme derriĂšre son oreille, gagnant un nouveau rougissant de lâingĂ©nue.
â Eh bien, la nuit derniĂšre, il mâa semblĂ© entendre le rugissement dâun Moogliz, dans le village, mais je ne suis sĂ»re de rien.
â Un Moogliz, hein ?
Sceptique, le chef de garde nota ce renseignement dans son carnet, les sourcils se fronçant à intervalles réguliers.
â Je suis navrĂ©e de ne pas vous ĂȘtre dâune grande aide.
â Au contraire, votre aide a Ă©tĂ© Ă la hauteur de votre beautĂ© : parfaite !
â Me-merci !
â Pourquoi ne pas garder vos remerciements pour un autre soir, autour dâun verre, une fois les malfrats neutralisĂ©s ?
Dans un dernier sourire brillant, le vampire fit un signe de tĂȘte Ă sa collĂšgue afin quâelle le suive. Lulyah soupira, mais sâexĂ©cuta sans protester. Elle vit ainsi la mĂȘme scĂšne se rejouer encore et encore. Les femmes semblaient rĂ©ticentes Ă toutes approches, jusquâĂ ce que Nevra commence Ă leur sourire en glissant quelques compliments dans la conversation. Aux yeux de Lulyah, il Ă©tait juste trĂšs lourd, mais ce nâĂ©tait visiblement pas lâopinion unanime.
â DĂ©solĂ© de te dire ça comme ça Nevâ, mais tu es quand mĂȘme super embarrassant comme gars ! lĂącha-t-elle finalement alors quâils sâĂ©taient mis Ă lâĂ©cart, la rĂ©colte dâinformations Ă©tant terminĂ©e.
â Ben quoi ?
â Ne fais pas comme si tu ne voyais pas ce que je veux dire. Je parle du comportement que tu as eu avec toutes ces dames ! Il y en avait des mariĂ©es dans le lot, je te ferais dire !
â Nâen fais donc pas tout un plat. Tu apprendras avec lâexpĂ©rience que tous les moyens sont bons pour rĂ©cupĂ©rer des informations. Il faut savoir tirer parti des faiblesses de la personne face Ă soi.
â Ben voyons⊠Parce que tu vas me dire que leur proposer dâaller boire un verre avec toi une fois le voleur arrĂȘtĂ©, câĂ©tait Ă©galement pour lâobtention de renseignement ?
â Il faut savoir mĂȘler lâutile Ă lâagrĂ©able !
â Si tu le dis.
LâObsidienne nâavait pas envie dâĂ©piloguer plus longtemps sur ce sujet avec son ami, sachant que câĂ©tait un combat perdu dâavance. Le jeune homme avait toujours rĂ©ponse Ă tout. Elle reporta donc son attention sur ce quâil faisait, pour constater quâil venait de terminer la rĂ©daction dâun parchemin. Il le roula soigneusement avant de lâattacher autour du cou de son familier, un Black Gallytrot.
â Pourquoi ces notes ? Tu sais finalement Ă quoi nous avons affaire ?
â Oui. GrĂące aux tĂ©moignages de ces dames, jâai pu avoir la certitude que mes premiĂšres suppositions Ă©taient exactes. Du coup, il va falloir retourner voir le maire, afin quâil donne lâordre aux habitants de sâenfermer chez eux.
â Pourquoi ? Je ne te suis pas⊠La seule chose que ces femmes se sont accordĂ©es Ă dire, câest quâelles avaient entendu des rugissements de Mooglizs pendant plusieurs nuits.
â Justement, câest ce qui a fini de me conforter sur lâidentitĂ© de ces voleurs. Il nây a pas de Moogliz dans cette rĂ©gion-ci dâEldarya.
â Du coup, quâest-ce que ce serait dâaprĂšs toi ?
â Des trolls des montagnes. Câest pour cela quâil faut que le QG envoie des renforts le plus vite possible.
Lulyah regarda un instant SheĂŻtan, le familier de son ami, partir Ă toute allure avec le message quâil portait. Elle pouvait sentir son estomac se nouer. Pour une raison inexplicable, elle avait un trĂšs mauvais pressentiment.
Chapitre II : Erreur tactique
ConformĂ©ment aux ordres du chef de garde, ils Ă©taient tous deux retournĂ©s dans la demeure du maire, afin de lui faire part de leur sinistre dĂ©couverte. Dâailleurs, le vieil homme avait paru complĂštement chamboulĂ© par la nouvelle, et ne sâĂ©tait pas fait prier pour donner lâordre aux habitants de sâenfermer chez eux. Le petit duo Ă©tait, par la suite, retournĂ© dans les rues dĂ©sertes, avant de sây arrĂȘter pour dĂ©jeuner.
â Du coup, quelle est la suite des opĂ©rations ? questionna Lulyah, rompant finalement le silence instaurĂ© entre eux.
â Nous allons aller faire une petite dĂ©marche dâinvestigation dans les collines avoisinantes.
â On nâattend pas les renforts pour cela ?
â Non. Je pense quâau plus tĂŽt, au regard du temps de trajet qui sĂ©pare le QG dâici, ils nâarriveront pas avant trois heures. De plus, si nous cherchons la taniĂšre des trolls en Ă©tant trop nombreux, nous nous ferions facilement repĂ©rer, expliqua Nevra. Ces crĂ©atures sont loin dâĂȘtre des enfants de chĆur. Mieux vaut ne pas sâattaquer Ă eux de front. Du coup, câest Ă nous que revient la charge de dĂ©busquer leur campement.
â Mais, si jamais nous tombons face Ă face avec eux ? demanda la jeune femme, sentant la peur lâĂ©treindre un peu plus Ă chaque minute qui passait.
â Ne tâen fais pas, les trolls des montagnes sont essentiellement actifs la nuit. Dans le pire des cas, nous aurions seulement affaire Ă leur sentinelle. Dans ce cas, nous nâaurons quâĂ la supprimer, avant que les autres ne rappliquent. Ă deux contre un, câest largement faisable.
â Tu es sĂ»r ?
â Ăvidemment. Comme je viens de te le dire, ils sont dangereux. Cependant, il ne faut pas oublier quâils sont Ă©galement lourdauds, gauches et incroyablement stupides. De la rapiditĂ©, de lâagilitĂ© et de la tactique nous permettront de nous sortir de ce mauvais pas, Ă nâen pas douter.
Lulyah hocha vaguement la tĂȘte, trouvant quâil sâavançait peut-ĂȘtre un peu vite sur cette affirmation. Si le vampire avait toute confiance en ses talents de combattant, ce nâĂ©tait pas du tout le cas de la gardienne, qui hĂ©sitait encore beaucoup. Cependant, elle sâabstint de faire tout commentaire, terminant son repas. AprĂšs tout, sâils avaient de la chance et si les informations de son collĂšgue Ă©taient justes, ils ne verraient peut-ĂȘtre personne.
Ils finirent leur repas rapidement avant de se mettre en route, empruntant lâun des nombreux sentiers escarpĂ©s qui serpentaient entre les collines. Lâascension commença dans le calme, Ă©conomisant leur force. Le vampire regardait dans chaque recoin, Ă la recherche dâun potentiel indice de passage, et Lulyah se mit Ă faire la mĂȘme chose. Cependant, la terre Ă©tait sĂšche, tĂ©moin de nombreux jours sans averse, empĂȘchant toute empreinte de sây imprimer.
â Si seulement il avait plu rĂ©cemment, soupira-t-elle finalement. On aurait pu facilement remonter la piste jusquâĂ leur campement.
â Câest vrai. Cependant, nous pouvons trĂšs bien faire sans. Sâils volent toutes les nuits, on peut penser quâils empruntent toujours le mĂȘme chemin. Et ce faisant, câest obligĂ© quâils finissent par laisser une preuve de leur passage. Ce sera moins Ă©vident Ă voir, mais pas impossible. Il faut juste chercher un peu.
â Oui. Tout ceci ne serait pas arrivĂ© si je maĂźtrisais mes compĂ©tences de vouivre. Avec le don de rĂ©tro cognition, je nâaurais eu aucun mal Ă savoir ce qui se passe ici, toutes les nuits.
â Te prends pas la tĂȘte, Lulu ! Tu nâes quâĂ moitiĂ© de ce peuple, câest normal que tu ne saches pas utiliser toutes ses compĂ©tences. On saura trĂšs bien faire sans, tâen fais pas.
La gardienne approuva dâun signe de tĂȘte, tentant de ne pas paraĂźtre trop dĂ©faitiste, avant de reprendre son observation. Par endroit, lâherbe Ă©tait lĂ©gĂšrement aplatie, mais il Ă©tait parfaitement impossible de savoir si câĂ©tait bien lâĆuvre des voleurs ou celle dâun familier quelconque.
Ne trouvant rien sur le sol, Lulyah dĂ©cida de contempler un peu les arbres qui les entouraient. Les collines, si verdoyantes, se rĂ©vĂ©laient recouvertes dâune vĂ©ritable forĂȘt. Si on omettait le fait que des trolls y avaient Ă©lu domicile, câĂ©tait un endroit trĂšs agrĂ©able. Son regard se figea nĂ©anmoins sur les branches des arbres qui abritaient le sentier. La plupart avaient Ă©tĂ© cassĂ©es en de nombreux endroits. Elle tapota lâĂ©paule de son compagnon pour gagner son attention.
â Nevâ, je viens de trouver ça, annonça-t-elle en indiquant sa dĂ©couverte dâun signe de tĂȘte. Tu penses que ça peut ĂȘtre lâĆuvre des trolls ?
Le vampire leva la tĂȘte pour constater les dĂ©gĂąts qui sâĂ©tendaient au-dessus dâeux.
â Nous ne pouvons en avoir la certitude absolue, mais vu la hauteur, ce nâest pas impossible du tout. Ce qui veut dire que nous sommes sĂ»rement sur la bonne voie. De plus, jâentends un curieux grondement qui provient dâun peu plus loin. Ă partir de maintenant, il va falloir redoubler de vigilance. Et, par mesure de sĂ©curitĂ©, nous allons quitter le chemin. Lâascension sera certainement plus pĂ©nible, mais cela rĂ©duira nos chances de nous faire repĂ©rer.
â DâaccordâŠ
La jeune faelienne pouvait sentir son estomac se nouer davantage alors quâelle suivait son compagnon, avançant pĂ©niblement entre les arbres et les ronces. La vĂ©gĂ©tation devenait de plus en plus dense, masquant une partie des rayons du soleil. Cela ne faisait quâalourdir un peu plus lâatmosphĂšre. TrĂ©buchant sur les rochers et les racines prĂ©sents sur son passage, lâObsidienne avait perdu du terrain sur son compagnon qui avançait sans aucun problĂšme et dans un silence des plus troublants. Il nâĂ©tait pas Ă©tonnant de le voir chef de garde de lâOmbre au regard de sa discrĂ©tion sans Ă©gale.
Nevra arriva bien vite sur un promontoire rocheux avant de finalement sây allonger, regardant lĂ©gĂšrement en contrebas. Il se tourna vers sa camarade, qui arrivait pĂ©niblement, et lui intima le silence avant de lui faire signe de venir vers lui. Lulyah ne se fit pas prier et prit place Ă ses cĂŽtĂ©s, sâallongeant Ă©galement pour ĂȘtre moins visible.
Un peu plus en bas se trouvait un campement. Au centre de celui-ci se trouvait des branchages, disposaient en croix et fortement brunis, laissant supposer quâun feu y Ă©tait allumĂ© rĂ©guliĂšrement. Les cahutes qui lâentouraient avaient Ă©tĂ© fabriquĂ©es grossiĂšrement avec du bois, de la roche, et ce qui ressemblait fortement Ă des os. Mais la gardienne prĂ©fĂ©rait ne pas y penser. Dâimportants ronflements en sortaient, ne faisant quâapeurer les pauvres Crylasms, parquĂ©s dans un enclos ridiculement petit.
â CâĂ©tait donc bien ça, le bruit insupportable que jâentendais depuis tout Ă lâheure, constata Nevra Ă voix basse. Et pas Ă©tonnant que les villageois ne se soient pas rendu compte dâune prĂ©sence vivante dans les parages. Ils se sont servis du relief du paysage pour masquer Ă©ventuellement la fumĂ©e de leur feu de camp. Je dois avouer quâun tel raisonnement, venant de crĂ©atures aussi bĂȘtes, me forcerait presque le respect.
â Du coup, notre dĂ©marche dâinvestigation est un succĂšs ? demanda Lulyah dâune toute petite voix. On va pouvoir rentrer au village ?
â Ouais. Et nous saurons exactement oĂč et quand frapper, une fois les renforts arrivĂ©s. Je tâavais bien dit quâil nây avait pas Ă sâen faire.
LâObsidienne approuva dâun signe de tĂȘte, un sourire soulagĂ© illuminant son visage. Elle ne pouvait nier ĂȘtre rassurĂ©e que tout se soit passĂ© sans le moindre accro. Elle regarda son ami se relevait doucement avant de faire de mĂȘme, commençant Ă rebrousser chemin.
â Il y a quelque chose que je ne comprends pas vraiment dans cette histoire, confia finalement la jeune fille, une fois ĂȘtre sĂ»re que les trolls du campement ne pouvaient pas les entendre. Je pensais quâils volaient les Crylasms pour sâen nourrir. Mais ce nâest visiblement pas le cas puisque ces pauvres familiers sont toujours en vie. Alors, pourquoi les volent-ils ?
â Probablement pour leur laine. Tu sais, nâĂ©tant pas trĂšs habile de leurs mains, ce genre de crĂ©atures vit de brigandages et de braconnages. Et ils ne sont pas non plus suffisamment dĂ©gourdis pour rĂ©ussir Ă domestiquer des familiers, ce qui les pousse Ă en voler. Raison pour laquelle jâai rapidement pensĂ© Ă eux comme coupable. Quant au fait de dĂ©vorer les Crylasms, sache que peu de peuples mangent les familiers. Les trolls prĂ©fĂšrent de loin la chair de faeries.
La faelienne se figea Ă ces mots, forçant son ami Ă sâarrĂȘter Ă©galement.
â Mais alors⊠les sentinelles du village qui ont disparuâŠ
â Câest effectivement la fin la plus envisageable pour ces pauvres personnes. Câest bien pour ça que jâai demandĂ© au maire de faire en sorte que plus personne ne se trouve dans la rue, surtout dĂšs la nuit tombĂ©e. Inutile quâil y ait davantage de victimes.
â Câest horrible, marmonna Lulyah, reprenant sa marche.
Et dire quâĂ son arrivĂ©e sur Eldarya, dix-huit mois plus tĂŽt, elle avait eu lâair de vivre dans un monde merveilleux, digne dâun conte de fĂ©es. Force Ă©tait de constater que, plus le temps passait, plus elle dĂ©couvrait les dessous cauchemardesques de la vie ici. Et elle nâĂ©tait pas sĂ»re du tout de sây faire un jour.
Elle sortit toutefois de ses pensĂ©es en se heurtant violemment au dos de son ami, sâĂ©tant immobilisĂ© sans avertissement.
â Quâest-ce qui te prends Nevâ ? questionna-t-elle en se massant le bout du nez. Pourquoi tu tâarrĂȘtes ?
â Jâentends une respiration⊠On nâest pas tous seulsâŠ
Lulyah ne put empĂȘcher un frisson de la parcourir alors quâelle regardait tout autour dâelle. Elle ne voyait rien du tout, et nâentendait pas non plus ce dont parlait son ami. Pourtant, Ă la mine grave que son visage arborait dĂ©sormais, elle savait quâelle pouvait commencer Ă sâinquiĂ©ter. Toutefois, elle nâeut pas le loisir de mĂ©diter davantage sur la question, se faisant empoigner fermement par le bras alors que son camarade recommençait Ă avancer Ă grandes enjambĂ©es. La jeune femme nâavait quâĂ essayer de tenir le rythme du mieux quâelle pouvait, essayant de ne pas trĂ©bucher sur le sol escarpĂ©.
â Ralenti Nevra ! Jâai du mal Ă te suivre !
â On nâa pas le temps ! Faut quâon dĂ©gage dâici au plus vite !
Cependant, il sâimmobilisa de nouveau, manquant de se faire heurter une nouvelle fois par sa camarade. Celle-ci allait lâinterroger avant dâesquisser une grimace de dĂ©goĂ»t, se bouchant le nez.
â Quâest-ce que câest que cette odeur putride, dâun coup ? Câest infect !
â Câest mauvaisâŠ
Suivant le regard de son ami, elle leva la tĂȘte avant de sentir son sang se glacer dans ses veines. Un peu plus loin, dissimulĂ© parmi les arbres, se trouvait une crĂ©ature les dominant, sa taille avoisinant sans mal les trois mĂštres. Un gourdin Ă©tait nĂ©gligemment posĂ© sur son Ă©paule, alors que ses petits yeux, dâaspects porcins, fixaient sans le moindre doute le duo. La crĂ©ature esquissa finalement un sourire, dĂ©couvrant sa dentition jaunie.
â Chouette, de la viande fraĂźche, assura-t-elle en riant bĂȘtement.
Lulyah dĂ©glutit difficilement tandis que le troll les approchait dâun pas lourd. Devant elle, Nevra avait dĂ©jĂ dĂ©gainĂ© ses dagues.
â Ce que je craignais est arrivĂ©, nous sommes tombĂ©s sur la sentinelle. Tiens-toi prĂȘte Lulu ! Nous nâavons pas dâautres alternatives que de la supprimer avant que la situation ne se complique.
â Je veux bien, mais tu as vu ce mastodonte. Je ne suis pas capable dâaffronter un tel monstre, marmonna la concernĂ©e, la voix tremblante. Câest dâailleurs la premiĂšre fois que jâen vois un.
Et autant dire que câĂ©tait une rencontre dont elle aurait aisĂ©ment pu se passer.
â Je sais. Sachant que le moindre coup reçu peut ĂȘtre fatal. Il nây a donc pas de place Ă la maladresse ou au doute.
Le vampire jeta un coup dâĆil Ă sa partenaire avant de reporter son attention sur le troll qui avançait toujours de sa dĂ©marche lourde.
â Je vais faire diversion ! Attends une ouverture, et frappe un grand coup !
La jeune femme approuva dâun signe de tĂȘte en regardant son meilleur ami partir Ă lâassaut. Elle sâĂ©carta rapidement du lieu de lâaffrontement afin de guetter une opportunitĂ©. Elle en profita Ă©galement pour essayer de rĂ©guler son rythme cardiaque, son cĆur martelant douloureusement sa cage thoracique. MĂȘme ses mains tremblaient sur le manche de son marteau.
â Allez, Lulyah, ce nâest vraiment pas le moment ! Nevâ compte sur toi ! Ne laisse pas la poule mouillĂ©e qui tâhabite refaire surfaceâŠ
Elle Ă©tait de la garde Obsidienne, bon sang ! Elle ne pouvait pas trembler comme une feuille devant le premier ennemi qui passait ! Que diraient ses compagnons dâarmes ? Et, pire encore, que dirait Valkyon sâil la voyait ?
Elle reporta son attention sur le combat qui se dĂ©roulait sous ses yeux. Nevra se mouvait avec une rapiditĂ© et une agilitĂ© dĂ©concertante. Aucun de ses gestes nâĂ©tait superflu, chacune de ses attaques frappant avec une prĂ©cision chirurgicale. Le troll semblait dâailleurs dĂ©passĂ© par les Ă©vĂ©nements. Il agitait son gourdin dans des coups meurtriers, mais complĂštement dĂ©sordonnĂ©s, aucun nâatteignit sa cible. Comme quoi, la vitesse Ă©tait clairement quelque chose qui semblait faire dĂ©faut Ă ce peuple. Il avait rĂ©coltĂ© de nombreuses entailles sur les bras et lâabdomen, pas assez profondes pour le mettre en pĂ©ril, mais suffisamment pour le mettre en difficultĂ©.
ConcentrĂ© dans son duel avec le vampire, le mastodonte semblait avoir complĂštement oubliĂ© Lulyah. CâĂ©tait probablement lĂ , la chance quâelle espĂ©rait. Saisissant cette opportunitĂ©, elle entreprit dâescalader lâarbre qui se trouvait non loin dâelle. Sâaccroupissant sur une branche, suffisamment Ă©paisse pour supporter son poids, elle attendit que les mouvements de sa cible la rapprochent dâelle. Quand le troll passa finalement Ă sa portĂ©e, elle bondit de son perchoir, armant son marteau. De toutes ses forces, elle abattit le bout de sa masse sur le crĂąne de son adversaire. Le troll chancela un moment, laissant juste le temps Ă la jeune femme de tomber souplement sur le sol, avant de sâeffondrer dans un bruit sourd. LâObsidienne ne put sâempĂȘcher de ressentir une certaine fiertĂ© Ă son action. Elle avait rĂ©ussi cette mission ! Peut-ĂȘtre que Nevra irait mĂȘme en parler Ă Valkyon, et celui-ci viendrait la fĂ©liciter ? Mais il ne fallait pas quâelle se laisse distraire.
â Vas-y Lulyah, câest le moment ! sâĂ©cria Nevra, ayant repris ses distances pour Ă©viter de se faire aplatir par la chute du monstre. Finis-en !
La concernĂ©e approuva dâun signe de tĂȘte et leva une nouvelle fois son marteau, regardant le troll, toujours dĂ©boussolĂ©, Ă ses pieds. Il lui suffisait dâabattre encore son arme sur son crĂąne, et tout serait fini. Cependant, elle suspendit son action, alors que de nombreux doutes venaient lâĂ©treindre. Si elle terminait son geste, elle allait le tuer. Et bien que cette crĂ©ature soit dangereuse, câĂ©tait avant tout un ĂȘtre vivant. Ătait-elle vraiment obligĂ©e de le tuer ? Nây avait-il pas une autre solution ?
Elle se mordit la lĂšvre pour empĂȘcher son corps de trembler, alors quâelle sentait ses mains devenir moites sur le manche de sa masse. Nevra avait Ă©tĂ© trĂšs clair, il nây avait pas de place pour le doute ! Si elle ne faisait rien, il risquait dây avoir encore des victimes dans le village de Yomagris. Et elle ne pouvait pas laisser une telle chose se produire !
Alors quâelle avait finalement trouvĂ© le courage de mener son action Ă son terme, le troll poussa un rugissement effroyable, forçant la gardienne Ă se boucher les oreilles.
â Quâest-ce que câest que cette horreur ?
â Lulyah, attention !
Elle nâeut pas le temps de rĂ©agir quâelle se fit pousser par le vampire, Ă©vitant de peu la main de la crĂ©ature qui avait tentĂ© de la saisir. La jeune femme se releva maladroitement, contemplant avec horreur le troll se remettre sur pieds.
â Quâest-ce qui se passe ?
â Il vient dâappeler des renforts ! Faut quâon dĂ©gage dâici ! Cours !
Le vampire ne lui laissa pas le temps de protester, la saisissant par le bras avant de lâentraĂźner Ă sa suite. Essayant de suivre du mieux quâelle pouvait, Lulyah se risqua un coup dâĆil par-dessus son Ă©paule. Elle pouvait voir le monstre les prendre en chasse, les bruits sourds de ses pas correspondant avec les battements erratiques de son cĆur.
â J-je suis dĂ©solĂ©e⊠Câest de ma faute si nous sommes dans cette situationâŠ
â Peu importe, ce nâest pas le moment de savoir qui est en tort, nous en aurons tout le loisir une fois tirĂ© dâaffaire. Pour le moment, concentre-toi seulement sur notre fuite !
La faelienne approuva dâun signe de tĂȘte, faisant de son mieux pour suivre le rythme imposĂ© par son compagnon tout en chassant toute pensĂ©e parasite de son esprit. Cependant, Nevra bifurqua brusquement, leur faisant Ă©viter de peu un coup de gourdin qui les aurait facilement rĂ©duits en bouillie. Alors quâils reprenaient leurs distances, ils virent trois trolls se dresser face Ă eux, leur barrant la route.
â Visiblement, celui que nous avons affrontĂ© nâĂ©tait pas la seule sentinelle dans les environs. Jâai Ă©tĂ© trop nĂ©gligent.
Lulyah ne rĂ©pondit rien, son regard passant avec horreur dâun mastodonte Ă un autre.
â On ne peut rien faire contre tous ces monstres, marmonna-t-elle, tĂ©tanisĂ©e. On va se faire massacrerâŠ
â Ăcoute-moi trĂšs attentivement ! Je vais faire diversion. Pendant ce temps-lĂ , essaie de tâenfuir vers le village. Cours droit devant toi sans te retourner. Me suis-je bien fait comprendre ?
â Que-quoi ? Mais⊠et toi ? Je ne peux pas tâabandonner ! Tu ne vas rien pouvoir faire, seul, face Ă ces trois colosses !
â Je ne peux pas me battre convenablement si je dois en plus protĂ©ger quelquâun ! Alors, ne discute pas et obĂ©is !
Surprise par ce brusque haussement de ton, la jeune fille se contenta dâapprouver dâun signe de tĂȘte. MalgrĂ© tout, elle ne parvenait pas Ă chasser la pensĂ©e que, si elle le laissait seul, elle ne le reverrait plus jamais. Secouant de nouveau la tĂȘte, elle commença Ă courir, les jambes tremblantes, avant de sâarrĂȘter, nez Ă nez avec la sentinelle quâils avaient dĂ©jĂ affrontĂ©e. DĂ©sormais, ils Ă©taient complĂštement encerclĂ©s. Dâailleurs, elle put entendre son compagnon jurer dans son dos.
â Nous nâavons pas le choix que de nous battre. Ăvite au maximum les attaques ennemies. Je vais essayer de te faire une ouverture pour te permettre de tâenfuir.
â D-dâaccordâŠ
La jeune femme raffermit sa prise sur son arme alors quâune seule priĂšre traversait son esprit.
â Sâil te plait, Oracle. Aide-nousâŠ
/!\ Ce chapitre met en scĂšne un combat et la violence inĂ©vitable qui lâaccompagne. MĂȘme sâil nây a rien de trĂšs graphique, vous voici prĂ©venu.e.s.
Chapitre III : En plein cauchemar
Les trolls ne cessaient dâavancer vers eux, tĂ©tanisant Lulyah. MĂȘme le contact du dos de son ami contre le sien ne parvenait pas Ă calmer les battements erratiques de son cĆur. Elle aurait souhaitĂ© ĂȘtre dans un cauchemar, et se rĂ©veiller aux cĂŽtĂ©s de son familier, dans la douceur de sa chambre. HĂ©las, il lui fallait se rendre Ă lâĂ©vidence : si elle voulait sâen sortir, il lui fallait se battre !
Elle interrompit ses pensĂ©es alors que Nevra se jetait au cĆur de la bataille, les dagues menaçantes. Seule la dĂ©termination brillait dans son regard, aucune hĂ©sitation ne venant entraver ses gestes. En le voyant Ă lâĆuvre, la faelienne dĂ©glutit difficilement avant de raffermir sa prise sur son marteau. Si elle voulait sâen sortir, elle ne pouvait pas attendre que les choses se passent ! Forte de cette pensĂ©e, elle se lança Ă lâattaque. Si elle nâavait pas dâouverture, elle allait sâen crĂ©er une ! Cependant, mĂȘme en employant toute sa force, ses attaques ne semblaient avoir aucun effet contre ces mastodontes. Dâailleurs, ils ripostaient plutĂŽt bien, ne lui laissant quâune fraction de seconde pour Ă©viter leurs Ă©normes gourdins.
â On nây arrivera jamais, songea-t-elle en contemplant ses actions rĂ©duites Ă nĂ©ant. Ils sont trop forts⊠et trop nombreux. On va se faire massacrer.
Elle pouvait dâailleurs sentir son cĆur marteler douloureusement sa cage thoracique alors que la peur et le dĂ©sespoir lâĂ©treignaient. Elle sortit nĂ©anmoins de la spirale infernale de ses pensĂ©es en entendant un bruit sourd derriĂšre elle. En se retournant, elle put constater que lâun des trolls venait de sâeffondrer, visiblement raide mort. Il arborait une importante entaille Ă la jugulaire, suggĂ©rant quâil sâĂ©tait rapidement vidĂ© de son sang.
Nevra avait bondi sur le dos dâun autre de ces monstres pour tenter de lui assĂ©ner un coup mortel. Cependant, sa victime nâavait de cesse de sâagiter dans tous les sens, rendant sa prise maladroite et incertaine. Le vampire fut contraint de lĂącher prise alors quâun autre troll venait en renfort. Celui-ci assĂ©na un puissant coup au brun, mais le rata, son gourdin terminant sa course dans le visage de son camarade, lâenvoyant sâeffondrer sur le sol.
Sentant lâespoir renaĂźtre, Lulyah reporta son attention sur la crĂ©ature qui se trouvait face Ă elle, avançant dâun pas pataud. Ă deux contre deux, câĂ©tait encore jouable.
â La situation sâamĂ©liore, assura le chef de garde en revenant vers elle. Ce que je tâai dit tout Ă lâheure tient toujours. Ă la premiĂšre ouverture, tu files vers le village. Les renforts ne devraient pas tarder Ă arriver, tu les guideras jusquâici. Je vais finir le travail. Et quoiquâil arrive, ne te retourne pas et cours toujours tout droit. Compris ?
â Oui, je te le promets !
Le vampire repartit Ă lâassaut et Lulyah fit de mĂȘme, ayant finalement trouvĂ© un point faible. Ăvitant le coup de gourdin dirigĂ© contre elle, elle abattit de toutes ses forces son marteau sur les orteils du troll. Celui-ci poussa un rĂąle douloureux avant de sâĂ©carter. La voie Ă©tait dĂ©sormais libre ! Sans attendre, la faelienne commença Ă courir sur le chemin qui sâoffrait Ă elle.
â Lulu ! Ăcarte-toi !
Elle nâeut pas lâoccasion de se retourner, se faisant pousser. Perdant son arme, elle sâallongea de tout son long sur le sol en terre battue du sentier. Un peu sonnĂ©e, elle se retourna avant que ses yeux ne sâĂ©carquillent dâhorreur. Nevra sâĂ©tait visiblement jetĂ© sur elle pour lâĂ©carter de la trajectoire dâune attaque, et se fit heurter par un violent coup de gourdin Ă sa place. LâObsidienne ne put dâailleurs retenir un cri dâeffroi en voyant son corps se faire balayer comme une poupĂ©e de chiffon, allant rouler un peu plus loin.
Le corps tremblant, la jeune femme se releva maladroitement, ses yeux sâembuant de larmes. Elle devait retourner au village le plus vite possible, pour attendre les renforts. Elle le lui avait promis ! Elle ramassa son arme, prĂȘte Ă reprendre sa course.
â On va commencer par lui, ricana lâun des trolls en sâapprochant du jeune homme. Câest bon, la chair de vampire !
Lulyah serra les dents avant de faire volte-face. Elle courut aussi vite que ses jambes tremblantes le lui permettaient avant dâempoigner le chef de garde par son Ă©charpe, Ă©vitant de peu au monstre de sâen saisir. Elle le regarda alors, ne pouvant empĂȘcher son cĆur de se serrer Ă cette vision. Son corps Ă©tait tĂąchĂ© de vermeille, lâun de ses bras pendant mollement dans un angle Ă©trange. Son unique Ćil, vitreux, Ă©tait posĂ© sur elle sans la voir. Dans ces conditions, il Ă©tait mĂȘme difficile de savoir sâil Ă©tait encore en vie.
â Nevâ, marmonna-t-elle en le secouant, des larmes roulant sur ses joues. Je tâen prie Nevra, rĂ©ponds-moi !
Mais il ne semblait plus rĂ©agir Ă ce qui lâentourait. Et un coup dâĆil vers les trolls lui indiqua quâils avançaient vers elle dâun air affamĂ©. Reprenant son marteau, la gardienne se plaça devant son ami, tentant de leur assĂ©ner des coups capables de ralentir leurs progressions. Mais aucune de ses attaques ne semblait suffisamment puissante pour accomplir une telle prouesse.
â Je suis pourtant de la garde Obsidienne, songea-t-elle sans relĂącher ses efforts. Alors pourquoi ? Pourquoi suis-je si faible ?
Le monstre le plus en avant sembla se lasser de ses mouvements, lui infligeant un coup de pied pour la chasser. La jeune femme alla rouler plus loin, sentant quelques-unes de ses cĂŽtes se briser sous lâimpact.
Lulyah se mordit les lĂšvres pour ne pas hurler de douleur alors quâelle tentait de se relever. Sa chevelure blanche Ă©tait dĂ©sormais maculĂ©e de boue et de sang, tout comme sa peau et ses vĂȘtements. Ses yeux Ă©taient embuĂ©s de larmes, rendant sa vision, dâhabitude si bonne, complĂštement floue. MalgrĂ© tout, elle ne pouvait pas sâenfuir. Pas en laissant Nevra dans cet Ă©tat derriĂšre elle.
Reprenant le manche de son arme en main, elle chercha du regard la silhouette de son ami. Elle put alors voir avec horreur lâun des trolls se pencher sur lui et lâattraper par le bras pour le soulever dâun bon mĂštre.
â Oh ? Il est mort, ricana-t-il bĂȘtement.
Lulyah sentit son sang se glacer dans ses veines Ă lâentente de cette phrase. Il mentait ! Ăa ne pouvait pas en ĂȘtre autrement ! Nevra ne pouvait pas mourir, elle le lui interdisait ! Surtout pour elle !
Resserrant sa prise sur son marteau, elle se mit une nouvelle fois debout et, avec sa force restante et lâĂ©nergie du dĂ©sespoir, donna un grand coup dans le bras du monstre. Celui-ci lĂącha le vampire et elle se jeta au sol pour tenter de le rattraper avant que son corps nâessuie un impact supplĂ©mentaire. SoulagĂ©e, elle le serra doucement contre elle. CâĂ©tait presque imperceptible, mais il respirait encoreâŠ
â La petite souris commence Ă mâagacer.
Relevant les yeux, elle put voir la main de lâun des monstres sâavancer vers elle. Avec une vitesse quâelle ignorait possĂ©der, elle attrapa son marteau avant de lâagiter dans un coup meurtrier. Le monstre sembla rester Ă distance, mĂȘme si ce nâĂ©tait quâune affaire de malheureuses secondes. Lulyah en profita pour dĂ©poser dĂ©licatement le corps de son ami sur le sol, avant de se lever, arme en main. Elle savait que, seule face Ă ces deux brutes, elle ne serait pas capable de faire grand-chose. Mais aprĂšs tout, cela faisait un moment maintenant que SheĂŻtan Ă©tait parti porter le message au QG. Les renforts ne devraient plus tarder. Et avec le bruit qui rĂ©sonnait dans les collines, ils pourraient sĂ»rement les localiser. Ă condition, bien sĂ»r, quâils le fassent avant le reste des trolls.
â Il faut que je gagne du temps, se rĂ©pĂ©ta-t-elle comme un mantra. Juste un peu plus de tempsâŠ
Elle continuait dâagiter son marteau dans tous les sens, espĂ©rant tenir les deux monstres Ă distance. Cependant, il aurait Ă©tĂ© utopique de penser que cela suffirait, et la gardienne le savait bien. DĂ©sespĂ©rĂ©e, son regard dĂ©pareillĂ© parcourut ce qui lâentourait avant de finalement se figer sur une des dagues de Nevra. Elle se trouvait Ă quelques pas dâelle, si prĂšs et en mĂȘme temps si loin, compte tenu de la condition de ses jambes tremblantes. Reportant son attention sur les trolls juste Ă temps pour esquiver une nouvelle attaque, elle exĂ©cuta une roulade maladroite pour sâemparer de lâarme blanche. Se retournant, elle la leva haut au-dessus de sa tĂȘte avant de la planter le plus fort possible dans la jambe du mastodonte le plus prĂšs dâelle. Celui-ci grogna de douleur et tenta de lâattraper, mais la jeune femme parvint Ă lâesquiver de justesse. Ramassant son marteau, elle prit appuie sur un rocher, se trouvant non loin dâelle, et bondit, lâarme menaçante. Si elle parvenait Ă lâassommer de nouveau, cette fois, elle nâhĂ©siterait plus.
Cependant, Lulyah ne vit que trop tard lâattaque qui venait de sa gauche, ne pouvant lâĂ©viter. Le monstre lâattrapa par le pied avant de la rabattre violemment par terre. La jeune femme Ă©chappa un cri quand son dos rencontra douloureusement le sol. LĂąchant son arme, elle sentit la bĂȘte la soulever une nouvelle fois, la tenant toujours la tĂȘte en bas.
â Puisque tu tiens tant Ă mourir avant ton ami, on va commencer par toi, ricana-t-il.
Des larmes coulĂšrent de ses yeux alors quâelle les fermait, ne souhaitant pas regarder la mort en face. Elle avait vraiment tout ratĂ©âŠ
Elle entendit toutefois celui qui la tenait grogner avant quâil ne la lĂąche, lui valant de sâĂ©craser lamentablement sur le sol. Toutefois, ces sensations voulaient bien dire une chose : elle Ă©tait encore en vie. Elle rouvrit prudemment les yeux pour constater que de nouveaux soldats se trouvaient sur les lieux. Et devant elle, se tenait celui qui venait de la secourir. De grande taille, la peau hĂąlĂ©e, ses cheveux argentĂ©s ondulaient avec la fine brise. Une silhouette musclĂ©e aussi intimidante que rĂ©confortante. Un plastron dâacier dĂ©corĂ© de fines ciselures recouvrait son torse et Ă©tait en harmonie avec les imposantes jambiĂšres recouvrant ses bottes. Une traĂźne pourpre finissait de lâhabiller. Il nây avait quâune personne qui correspondait Ă cette description.
â Valkyon⊠murmura Lulyah, des larmes de soulagement dĂ©valant ses joues.
LâinterpelĂ© jeta un bref coup dâĆil par-dessus son Ă©paule, permettant Ă ses yeux dâor de rencontrer ceux de la jeune femme, avant de reporter son attention sur ses ennemis. Sans plus tarder, il se jeta au cĆur de la bataille, la lame menaçante. La gardienne laissa le champ libre Ă ses camarades, nâĂ©tant de toute maniĂšre plus apte Ă faire quoi que ce soit. Elle rampa maladroitement, ses jambes ne parvenant plus Ă la porter, jusquâĂ atteindre Nevra. Elle le serra de nouveau contre elle, constatant avec un certain soulagement que son Ă©tincelle de vie ne lâavait toujours pas quittĂ©.
Avec tous les soldats prĂ©sents sur les lieux, il ne fallut pas longtemps avant que les deux trolls soient mis hors dâĂ©tat de nuire. Dâailleurs, cela ramena immĂ©diatement le calme sur les lieux, rendant lâatmosphĂšre terriblement pesante. Seuls les bruits du vent et de leurs respirations pouvaient ĂȘtre entendus.
Valkyon se dirigea finalement vers la faelienne. Le claquement sonore de ses bottes dâacier sur le sol sembla la sortir de sa torpeur.
â Tu nâas rien de cassĂ©, Lulyah ?
La jeune femme sursauta avant de le regarder.
â Je⊠ça va⊠Mais NevraâŠ
Baissant le regard sur lui, de nouvelles larmes commencĂšrent Ă couler sur ses joues. Le jeune homme Ă©tait couvert de sang, toujours inerte dans ses bras. Des gardiens, probablement de la garde Absynthe, accoururent vers elle. Lâun des hommes commença immĂ©diatement Ă ausculter le vampire.
â Il est extrĂȘmement faible ! Son souffle de vie risque de sâĂ©teindre Ă tout moment ! On ne peut pas le dĂ©placer, il ne survivrait pas au voyage. Il faut faire une premiĂšre intervention, maintenant !
Ses camarades approuvĂšrent dâun signe de tĂȘte et allongĂšrent Nevra sur le sol, un peu plus loin. Ils se disposĂšrent en cercle autour de lui avant de commencer Ă rĂ©citer des incantations. Lulyah nâavait jamais vu un tel rituel, mais espĂ©rait sincĂšrement quâil pourrait sauver son ami. Ses yeux se posĂšrent finalement sur ses mains. Celles-ci, originellement vertes, Ă©taient dĂ©sormais tachĂ©es de carmin. De son sang. Les larmes affluĂšrent de nouveau au coin de ses yeux Ă cette seule pensĂ©e.
Elle sursauta néanmoins en sentant une main se poser sur son épaule, avant de rencontrer le regard de Valkyon.
â Ăa va aller, Lulyah, dĂ©clara-t-il dâun ton prĂ©venant. Câest fini.
â Valkyon⊠tout est de ma faute, marmonna-t-elle dans un souffle. Câest Ă cause de moi si Nevra est dans cet Ă©tat. Pour me protĂ©ger. Mais ceci ne serait jamais arrivĂ© si jâavais fini mon geste⊠Si jâavais achevĂ© ce troll, ilâŠ
Elle ne put terminer sa phrase alors que de nouveaux sanglots secouaient son corps. Maintenant que lâadrĂ©naline commençait Ă retomber, elle pouvait sentir le poids de la culpabilitĂ© peser douloureusement sur ses Ă©paules.
â Tu nâas pas Ă tâen vouloir, tu as fait ce que tu as pu. En plus, tu as tenu suffisamment longtemps pour nous permettre dâarriver avant quâil ne soit trop tard, reprit son supĂ©rieur.
La gardienne approuva mollement dâun signe de tĂȘte, reniflant pitoyablement. Ses paroles, aussi rĂ©confortantes fussent-elles, ne lui permettaient pas de se sentir mieux. Une petite voix dans son esprit ne cessait de lui dire que, si elle avait achevĂ© le monstre comme elle aurait dĂ» le faire, ils auraient pu quitter les lieux Ă temps.
â En revanche, connaissant Nevra, je suis sĂ»r quâil a enquĂȘtĂ© pour trouver le campement de ces trolls, dĂ©clara Valkyon, la tirant de la spirale infernale de ses pensĂ©es. Il faut que tu me dises Ă tout prix oĂč il se trouve, et ce que vous avez pu apprendre. Câest important.
Lulyah approuva dâun signe de tĂȘte avant de commencer Ă indiquer lâitinĂ©raire Ă suivre dâune voix tremblante. Il lui fallut un peu de temps supplĂ©mentaire pour finalement ĂȘtre de nouveau en Ă©tat de se lever. Dâailleurs, toutes ses blessures la faisaient grandement souffrir, mais elle pouvait tenir. Le plus important pour le moment, câĂ©tait Nevra et lui seul.
Reportant son regard sur les membres de la garde Absynthe, elle put constater quâils semblaient avoir terminĂ© leur rituel. Ils Ă©taient en train dâamĂ©nager un brancard de fortune, fait de branchages et de feuillages, afin de pouvoir transporter le vampire sans encombre. Et la gardienne prĂ©fĂ©ra rester en retrait pour ne pas dĂ©ranger.
â Si tout est bon de votre cĂŽtĂ©, vous allez rentrer au QG avec Lulyah, ordonna Valkyon. Il faut quâils reçoivent tous deux les soins adaptĂ©s Ă lâinfirmerie. Le chemin du retour est suffisamment long comme ça, inutile de perdre davantage de temps. Arland et Fricht, vous allez les accompagner, des fois que vous rencontriez des complications qui nĂ©cessitent de se battre.
Les deux hommes, de la garde Obsidienne, approuvĂšrent dâun signe de tĂȘte.
â Karim, tu viens avec nous. Nous allons nous rendre au campement des trolls et les Ă©liminer une bonne fois pour toutes pour conclure cette mission ! ExĂ©cution !
Les soldats approuvĂšrent dans un cri unanime avant que les deux groupes ne se sĂ©parent. Dâailleurs, Lulyah ne pouvait que dĂ©plorer lâabsence de Valkyon, mĂȘme si elle Ă©tait comprĂ©hensible. Le savoir prĂšs dâelle lâaurait rassurĂ© un peu.
Ils commencĂšrent finalement Ă refaire en sens inverse le chemin quâelle avait empruntĂ© le matin. En traversant le village, ils purent constater que celui-ci Ă©tait toujours dĂ©nuĂ© de la moindre prĂ©sence. Les habitants avaient scrupuleusement respectĂ© la consigne de ne pas sortir de chez eux. Cela leur avait probablement Ă©vitĂ© dâentendre de trop les bruits des affrontements, ce qui Ă©tait probablement pour le mieux.
La gardienne avançait silencieusement du mieux quâelle pouvait, massant ses cĂŽtes douloureuses. Mais elle refusait de se plaindre, estimant quâelle nâen avait pas le droit. De plus, il valait mieux que les membres de lâAbsynthe gardent leurs remĂšdes et magies pour celui qui en avait le plus besoin. Les yeux rivĂ©s sur le sol, elle faisait de son mieux pour ignorer la douleur qui la transperçait Ă chaque pas quâelle faisait. Et Ă cela se rajoutait le sentiment de solitude qui pesait sur son cĆur. De toutes les personnes qui lâentouraient, elle nâen connaissait aucune. Personne nâavait la moindre parole pour elle, ou un geste rĂ©confortant. Ils murmuraient entre eux, sur ce que la faelienne supposait ĂȘtre ce qui venait de se passer.
Elle reporta son regard sur le seul soldat quâelle connaissait, dĂ©sormais aux portes de la mort. Il Ă©tait si pĂąle, si fragile. Les mouvements de sa poitrine, prouvant quâil respirait encore, Ă©taient presque imperceptibles. Elle dĂ©tourna les yeux alors quâelle pouvait sentir les remords lâĂ©treindre une fois de plus. Aujourdâhui plus que jamais, elle se sentait faible et inutile.
Chapitre IV : Douloureux regrets
Câest aprĂšs un long moment de marche quâils aperçurent finalement le bĂątiment qui abritait en son sein la garde dâEel. Fiers et indomptables, ses murs dâenceinte, blancs, se dĂ©coupaient sur le ciel rougeoyant du soleil couchant. Dâailleurs, la petite escouade ne tarda pas Ă franchir la lourde porte dâentrĂ©e, leur permettant de pĂ©nĂ©trer dans les jardins. Bien quâau courant grĂące Ă un familier partit en Ă©claireur, les deux gardes postĂ©s Ă lâentrĂ©e ne purent retenir leur stupeur face Ă lâĂ©tat dans lequel rentraient les soldats. Et le vacarme eut tĂŽt fait dâattirer une foule de badauds, aussi bien composĂ©e de soldats que de civils et membres du Refuge. Rapidement, les murmures commencĂšrent Ă aller bon train sur leur passage.
â Ne serait-ce pas le chef de la garde de lâOmbre ?
â Nevra MĂžrke ? Je crois bien que si ! Mais il semble ĂȘtre dans un sale Ă©tatâŠ
â Vous pensez quâil est encore en vie ?
â Quâest-ce qui a bien pu se passer pour quâil soit dans cet Ă©tat ?
Lulyah ne fit que baisser un peu plus la tĂȘte, contemplant la finesse du chemin pavĂ© sur lequel elle se trouvait. Blanc, il ressortait bien parmi lâherbe grasse, dâun vert Ă©meraude. Si seulement un trou pouvait subitement sây ouvrir pour la faire disparaĂźtre.
â Ăa suffit ! Vous partir ! Rien Ă voir ici !
La jeune femme nâavait pas besoin de lever la tĂȘte pour savoir de qui il sâagissait. La façon de parler de Jamon Ă©tait reconnaissable entre mille. Dâailleurs, la foule se dispersa Ă lâapproche de lâogre, qui la dĂ©passait allĂ©grement dâau moins deux tĂȘtes. Il faut dire que, malgrĂ© un caractĂšre adorable, sa corpulence avait de quoi en intimider plus dâun. Sa musculature donnait lâillusion quâil pouvait broyer nâimporte qui Ă main nue, et la hallebarde quâil tenait nâaidait pas Ă effacer cette impression. Ă cela se rajoutaient ses deux crocs imposants, dĂ©passant largement de sa lĂšvre infĂ©rieure. Avançant Ă grands pas, il rejoignit bien vite lâescouade qui venait dâarriver.
â Vous allez vite infirmerie ! Jamon prĂ©venir Miiko !
Le garde qui menait le groupe acquiesça dâun signe de tĂȘte avant que les soldats ne se remettent Ă marcher dâun bon pas. NĂ©anmoins, maintenant que chaque seconde Ă©tait comptĂ©e, jamais les jardins nâavaient semblĂ© si longs aux yeux de Lulyah. MĂȘme le doux parfum floral qui flottait, et quâelle apprĂ©ciait dâordinaire, lui apparaissait suffocant. Rentrant davantage sa tĂȘte dans ses Ă©paules, elle suivit silencieusement les autres, le regard rivĂ© sur ses chaussures. MĂȘme elles avaient des tĂąches de vermeille, rappel douloureux de son incompĂ©tence.
Cependant, la gardienne constata bien vite quâelle nâĂ©tait pas au bout de ses peines. En effet, elle nâeut quâĂ peine le temps de prendre conscience quâils avaient traversĂ© le hall, quâelle se trouvait dĂ©jĂ devant les portes de lâinfirmerie. Et sitĂŽt entrĂ©e, elle put constater lâeffervescence qui y rĂ©gnait.
Les aides-soignantes se jetaient partout, courant dâun bout Ă lâautre de la piĂšce pour rĂ©unir tout le matĂ©riel mĂ©dical nĂ©cessaire Ă leurs interventions. Tout ceci sous le regard intraitable dâEweleĂŻn qui leur dictait les ordres. Son regard azur arborait une lueur grave alors que ses cheveux bleu pĂąle Ă©taient nouĂ©s en une tresse couronne autour de sa tĂȘte. Elle avait enfilĂ© une longue blouse blanche par-dessus ses vĂȘtements, et terminait dâenfiler des gants chirurgicaux. Visiblement, elle aussi avait Ă©tĂ© mise au courant et attendait impatiemment le retour de lâescouade.
â Allongez Nevra au fond de la piĂšce, câest lâendroit le plus calme ! Jade, apporte la caisse de poche de sang ! Il faut quâil en boive le plus vite possible ! Lewis, ramĂšne lâassistance respiratoire, vite !
Les gardes amenĂšrent le vampire vers le lit qui lui avait Ă©tĂ© prĂ©parĂ© avant de le laisser au soin de lâelfe, quittant la piĂšce. Rien ne leur servait de rester en ces lieux sâils nâavaient plus rien Ă y faire. Mieux valait laisser un maximum dâespace au corps mĂ©dical pour quâil puisse travailler au mieux.
Lulyah, elle, Ă©tait restĂ©e dans un coin, prĂšs de lâentrĂ©e, tentant de rĂ©guler les battements de son cĆur. Habituellement, ĂȘtre Ă lâinfirmerie ne la dĂ©rangeait pas plus que ça. Le cadre y Ă©tait rassurant pour les patients. Une petite riviĂšre serpentait dans la piĂšce entre divers lits, cachĂ©s les uns les autres par des paravents de couleur crĂšme. La literie y Ă©tait pĂąle, agrĂ©mentĂ©e de petites touches de rose et de bleu pastel. Des glycines courraient le long des colonnes de marbre, dĂ©gageant un doux parfum apaisant. Les lumiĂšres y Ă©taient tamisĂ©es, tandis que deux grandes fenĂȘtres donnaient sur le jardin de la musique. Mais aujourdâhui, tout ce blanc avait sur elle une sensation angoissante. Et lâagitation des infirmiers nâaidait en rien Ă dissiper ce malaise quâelle ressentait. Ses yeux restaient donc inlassablement braquĂ©s sur le lit du fond, bien quâelle ne fĂ»t pas en mesure dây voir quoi que ce soit.
â Je vous en prie, sauvez-le ! Ă©tait la seule phrase Ă laquelle elle pouvait encore penser.
Maintenant quâelle Ă©tait revenue non loin du Cristal, elle espĂ©rait sincĂšrement que lâOracle entendrait ses priĂšres et pourrait sauver Nevra.
Elle sursauta en sentant soudainement une main sur son Ă©paule, et releva les yeux pour croiser ceux turquoise dâIryana. Il sâagissait dâune elfe replĂšte, assistante dâEweleĂŻn. Elle Ă©tait facilement reconnaissable pour sa longue chevelure violine et les nombreuses boucles serties de pierres prĂ©cieuses qui pendaient Ă chacune de ses oreilles. Elle Ă©tait vĂȘtue dâune tunique dâinspiration orientale aux longues manches, dans les tons bordeaux et brodĂ©e de fil dâor. Lulyah avait dĂ©jĂ eu lâoccasion de la croiser plusieurs fois alors quâelle Ă©tait venue Ă lâinfirmerie pour suivre de petites formations de soin. Formations qui, au jour dâaujourdâhui, ne lui servaient pas Ă sauver la moindre vie.
â Que tâarrive-t-il ma belle ? questionna lâelfe dâune voix douce en guidant sa patiente vers le lit le plus proche. Je vois que tu as pas mal dâĂ©gratignures, et ta cheville droite me semble enflĂ©e. Ressens-tu des douleurs importantes quelque part ?
La faelienne regarda de nouveau ses pieds. Elle comprenait dâoĂč lui venait cette gĂȘne lorsquâelle marchait. Visiblement, la cheville que lui avait saisie ce troll avait pris un mauvais coup. Elle reporta finalement son attention sur la jeune femme qui attendait patiemment sa rĂ©ponse.
â Oui, au niveau de mes cĂŽtes. Et de mon dos Ă©galement.
â Je vois.
Iryana sâĂ©loigna vers une table, situĂ©e non loin du bureau dâEweleĂŻn, avant de revenir avec un drĂŽle dâappareil. Dâailleurs, la forme Ă©voquait vaguement Ă lâObsidienne celle dâun fer Ă lisser. Lui faisant remonter son haut, lâelfe passa cet Ă©trange dispositif devant la peau verte de Lulyah, sans la toucher, au niveau de ses cĂŽtes. Elle regarda par la suite le petit Ă©cran qui ornait son outil, semblant fonctionner comme une radio.
â Tu as trois cĂŽtes cassĂ©es et deux qui sont fĂȘlĂ©es, annonça-t-elle. Tourne-toi, que je puisse voir ton dos.
La gardienne ne se fit pas prier et la laissa lâausculter sans un mot. Iryana passa finalement la main le long de la colonne vertĂ©brale de sa patiente, marmonnant pour elle-mĂȘme des choses au-delĂ de la comprĂ©hension de la faelienne.
â Tu es retombĂ©e directement sur le dos, non ?
â Oui, câest ça.
De nouveau armĂ©e de son Ă©trange appareil, lâelfe refit une radio avant de soupirer lĂ©gĂšrement de soulagement.
â Fort heureusement, ton Ă©pine dorsale nâest pas endommagĂ©e. Ce ne sont que des ecchymoses. Ewe connait une potion trĂšs efficace qui te permettra de faire plus facilement face Ă la douleur. Allonge-toi, que je mâoccupe de ta cheville.
Lulyah sâexĂ©cuta, laissant sa tĂȘte reposer sur lâoreiller moelleux. Dans dâautres circonstances, elle nâaurait eu aucun mal Ă sâendormir, ce confort retrouvĂ©. Mais, compte tenu de la situation actuelle, son esprit restait douloureusement Ă©veillĂ©. Tout aurait Ă©tĂ© pourtant tellement plus simple en fuyant dans le sommeil.
Elle laissa Iryana lui retirer sa chaussure avant de passer de la pommade sur sa cheville. Celle-ci, froide, lui fit immĂ©diatement un bien fou. De plus, elle soupçonnait quâelle devait possĂ©der Ă©galement des capacitĂ©s curatives bien au-delĂ de sa comprĂ©hension. Lâelfe lui fit finalement un bandage serrĂ© avant de partir dans le fond de la salle.
La faelienne la regarda disparaĂźtre derriĂšre le paravent oĂč tout le monde sâaffairait, avant de dĂ©tourner les yeux, prĂ©fĂ©rant les reporter sur le plafond. Si elle avait pu sâen tirer Ă si bon compte, câĂ©tait grĂące au sacrifice de Nevra. Mais survivre au prix de la vie de quelquâun Ă©tait un sentiment quâelle avait beaucoup de mal Ă accepter.
â Tu as vĂ©cu une expĂ©rience hautement compliquĂ©e, ma pauvre Lulyah.
La gardienne tourna la tĂȘte pour dĂ©couvrir EweleĂŻn, dorĂ©navant aux cĂŽtĂ©s de son lit. Il Ă©tait possible de lire Ă©normĂ©ment de compassion dans ses orbes azurĂ©s alors quâelle venait sâasseoir sur la chaise, prĂšs du matelas. Par ailleurs, elle tenait une fiole ballon emplie dâun liquide orangĂ©, et qui devait trĂšs certainement ĂȘtre pour les blessures de la jeune femme.
â Iryana vient de me dire que tu as des fractures aux cĂŽtes alors bois ça, dĂ©clara-t-elle en tendant sa mixture Ă son amie. Cela te les rĂ©parera rapidement et fera disparaĂźtre toute sensation de douleur.
Lulyah acquiesça et porta le breuvage Ă ses lĂšvres. Et de toute sa vie, câĂ©tait bien la premiĂšre fois quâelle buvait quelque chose dâaussi infĂąme. La texture, lĂ©gĂšrement pĂąteuse, lui collait Ă la langue, infligeant Ă ses papilles le curieux mĂ©lange dâĂ©pinards, de fraise, de soufre et de liquide vaisselle. Retenant difficilement un haut-le-cĆur, elle se força Ă boire lâĂ©lixir jusquâĂ la derniĂšre goutte.
â Je sais que câest trĂšs mauvais, assura la jolie elfe en prenant la fiole qui lui Ă©tait rendue. Mais il nây a rien de plus efficace, crois-moi !
Et elle avait raison. La douleur de lâObsidienne sâĂ©tait dĂ©jĂ transformĂ©e en une lĂ©gĂšre gĂȘne, rien de plus. La jeune femme avait dâailleurs toujours un peu de mal Ă se faire au miracle de la mĂ©decine eldaryenne.
â Sinon, comment vas-tu, Lulyah ? reprit lâinfirmiĂšre tout en passant un peu de pommade sur le dos de son amie.
â Ăa va. La plupart de mes blessures ne sont que des Ă©gratignures finalement. CâĂ©tait plus de peur que de mal.
â Je ne parle pas de ton Ă©tat physique. Cette mission a eu de quoi ĂȘtre traumatisante. Alors, comment te sens-tu mentalement ?
La gardienne la regarda alors quâelle sentait de nouvelles larmes lui brĂ»ler les yeux. Mais elle ne voulait pas encore fondre en larmes. Pas devant elle, pas maintenant.
â Je mâen veux, marmonna-t-elle finalement. Tout ce qui sâest passĂ© est de ma faute.
â Ne dis pas çaâŠ
NĂ©anmoins, elles sursautĂšrent alors que la porte sâouvrit violemment, laissant apparaĂźtre Miiko. Ses oreilles de renarde, aussi noires que sa chevelure, Ă©taient lĂ©gĂšrement rabattues vers lâarriĂšre, alors quâelle tenait toujours son bĂąton en main. Ses getas claquait sur le carrelage de lâinfirmerie Ă chacun de ses pas, alors que ses queues fouettaient lâair dans un semblant dâagacement. Son long kimono pervenche et le nĆud de son obi dorĂ©e virevoltaient derriĂšre elle dans un tourbillon de couleur.
DerriĂšre elle se trouvait Karenn, facilement reconnaissable pour sa chevelure Ă©bĂšne et rosĂ©e. Ses yeux Ă©meraude semblaient embuĂ©s de larmes alors quâelle les essuyait avec la manche de son haut. Dâailleurs, Lulyah pu distinctement sentir son cĆur se serrer en lâapercevant. CâĂ©tait de sa faute si ses larmes coulaient en ce moment.
â Est-ce que⊠je peux aller aux cĂŽtĂ©s de mon frĂšre ? questionna-t-elle dâune voix brisĂ©e par le chagrin. Jâai besoin de le voir.
â Bien sĂ»r, rĂ©pondit EweleĂŻn en se levant. Viens avec moi.
Posant une main compatissante sur lâĂ©paule de la jeune vampire, elle la guida vers le lit du fond, dissimulĂ© au regard hĂ©tĂ©rochrome de lâObsidienne. De toute façon, celle-ci tourna la tĂȘte pour ne plus les voir, incapable dâaffronter le chagrin de la plus jeune.
La kitsune Ă la tĂȘte dâEel sâapprocha doucement du lit, posant sa baguette contre la table de nuit, et prit place sur la petite chaise quâavait occupĂ©e lâelfe un peu plus tĂŽt.
â Lulyah ! Je sais que cette aventure a Ă©tĂ© trĂšs Ă©prouvante pour toi, mais jâai besoin que tu me fasses un rapport dĂ©taillĂ© de la situation pour comprendre ce qui sâest passĂ© ! Et cela immĂ©diatement !
La concernĂ©e acquiesça dâun signe de tĂȘte et prit une respiration tremblante avant de commencer son rĂ©cit. Elle sâefforça de tout retranscrire dans les moindres dĂ©tails, narrant leur arrivĂ©e dans le village, le dĂ©but de lâenquĂȘte, leur avancĂ©e dans les collines et leur rencontre avec le premier troll. Elle du cependant prendre une pause pour souffler, tentant de calmer les battements de son cĆur. La main encourageante que posa la brune sur son Ă©paule aida la jeune femme Ă poursuivre. Elle lui raconta comment ils avaient mis leur ennemi Ă terre, quâelle nâĂ©tait pas parvenue Ă finir son geste et que trois autres trolls avaient rappliquĂ©. Lulyah ne put sâempĂȘcher de lancer un regard vers le lit oĂč se trouvait Nevra, bien quâelle ne pĂ»t le voir, quand elle expliqua quâil avait pris le coup Ă sa place, et ne parvint plus Ă retenir ses larmes quand elle conclut avec lâarrivĂ©e de Valkyon et ses hommes.
Miiko nâavait pas prononcĂ© le moindre mot, la laissant tout lui raconter dâune traite, avant de lui frotter le dos de maniĂšre rĂ©confortante.
â Ce fut une dure Ă©preuve pour toi, mais tu nâas pas Ă te sentir coupable. Ce nâest pas ta faute si les choses ont mal tournĂ©, dĂ©clara-t-elle. Cette responsabilitĂ© mâincombe. Si jâavais su quâil sâagissait de trolls, jâaurais envoyĂ© plus dâhommes. Jâai Ă©tĂ© trop nĂ©gligente.
Lulyah la regarda sans rien dire. Si elle devait ĂȘtre parfaitement honnĂȘte, elle ne sâĂ©tait jamais vraiment entendue avec la kitsune, et elles entretenaient par consĂ©quent une relation houleuse toutes les deux. Câest pourquoi, la compassion dont la brune faisait preuve Ă son Ă©gard la touchait Ă©normĂ©ment, et elle ne pouvait que lui en ĂȘtre reconnaissante.
â Seulement, de ce que tu viens de me dire, tu as Ă©galement protĂ©gĂ© Nevra, reprit-elle, plongeant son regard bleutĂ© dans les orbes hĂ©tĂ©rochromes. Si tu ne tâĂ©tais pas battu de toutes tes forces pour gagner du temps, aucun de vous deux ne serait revenu. Alors, câest une bonne chose que tu sois exigeante avec toi-mĂȘme, mais veilles Ă ne pas lâĂȘtre de trop. Tâaccabler de reproches ne changera rien Ă ce quâil sâest passĂ© et risque de te traumatiser pour la suite.
La faelienne fut incapable de lui rĂ©pondre. Son cĆur voulait croire en ses mots, mais une partie de son esprit continuait inlassablement de lui hurler que tout Ă©tait de sa faute.
â Jâai dĂ©jĂ les informations quâil me fallait, la rĂ©daction de ton rapport attendra. Pour lâheure, repose-toi !
â Dâaccord. Merci, Miiko.
Elle acquiesça dâun signe de tĂȘte avant de se diriger vers EweleĂŻn pour sâentretenir avec elle. Naturellement, lâObsidienne nâĂ©tait pas en mesure de comprendre ce quâelles se disaient, mais tout portait Ă croire que cela avait un rapport avec Nevra.
Elle cessa nĂ©anmoins de les regarder alors que Karenn sâapprochait de son lit. Quand la gardienne vit ses yeux verts, Ă©toilĂ©s de cils mouillĂ©s, se poser sur elle, elle aurait donnĂ© tout lâor du monde pour pouvoir disparaĂźtre.
â Lulyah, dis-moi⊠comment a-t-on pu en arriver lĂ ?
â Karenn, jeâŠ
â Tu Ă©tais avec lui durant cette mission. Pourquoi est-il le seul Ă rentrer dans cet Ă©tat ? Pourquoi nâas-tu rien fait pour lâaider ?
â JeâŠ
â Jâai entendu tout ce qui sâest passĂ© quand tu lâas racontĂ© Ă Miiko. Il a pris le coup Ă ta place. NĂ©anmoins, tu es dans la garde Obsidienne ! Tu es censĂ©e savoir te battre ! Alors, pourquoi ? Il est la seule famille quâil me reste, je nâai plus que lui ! Contrairement Ă toi, mes veines charrient le mĂȘme sang que lui ! Alors que toi, tu nâes pas rĂ©ellement une MĂžrke !
Ses paroles firent le mĂȘme effet quâun coup de poignard Ă la pauvre faelienne. Elle savait parfaitement que la vampire nâavait jamais vu dâun trĂšs bon Ćil la relation quâelle entretenait avec son frĂšre, et jalousait ce lien presque fraternel qui les unissait. Mais lĂ , les mots quâelle lui lançait Ă©taient cruels et la gardienne nâavait rien Ă lui rĂ©torquer. Tout Ă©tait bel et bien de sa faute.
â Jâaurais prĂ©fĂ©rĂ© que tu ne tâapproches jamais de lui ! Il serait encore en bonne santĂ© comme ça !
â Je suis dĂ©solĂ©eâŠ
Lulyah ne pouvait faire que ça de toute maniĂšre. Sâexcuser encore et encore tout en sachant que cela ne changerait rien Ă la situation. Karenn avait raison, elle Ă©tait une honte pour la garde Obsidienne. Sa faiblesse Ă©tait impardonnable. Si seulement elle savait revĂȘtir son apparence de vouivre serpentaire. Si elle savait utiliser les formidables facultĂ©s quâoffrait cette espĂšce, les choses auraient pu ĂȘtre diffĂ©rentes. Seulement, elle ne maĂźtrisait aucun de ces talents.
Karenn sâĂ©loigna finalement en pleurant, et la blanche prit la dĂ©cision de se lever, ne supportant plus de rester dans cet environnement.
â Quâest-ce que tu fais, Lulyah ? sâĂ©tonna Iryana en venant vers elle. Tu devrais te reposer !
â Je sais bien, mais⊠si cela mâest possible, je voudrais retourner dans ma chambre. Ăa me fait mal de rester ici.
â ⊠Je comprends. Vas-y, jâen parlerais Ă Ewe. En revanche, si tu ne te sens pas bien, tu reviens immĂ©diatement ici ! Compris ?
â Oui, promis.
La faelienne la salua dâun faible signe de la main et jeta un bref coup dâĆil Ă EweleĂŻn, de nouveau au chevet de Nevra, avant de quitter les lieux.
Le hall Ă©tait relativement dĂ©sert, seuls quelques soldats se trouvant çà et lĂ , et discutant entre eux. Lulyah en profita pour se frayer un chemin jusquâau couloir, la tĂȘte basse. Elle pouvait imaginer sans mal des regards de reproches peser sur elle, et des murmures se faisaient sur son passage, mĂȘme si elle ne les comprenait pas. Ou plutĂŽt, elle ne voulait pas les comprendre.
AprĂšs un temps qui lui parut infini, elle Ă©tait finalement devant la porte de son petit sanctuaire. Elle entra rapidement avant de sâappuyer contre le vantail de bois. Son familier, Diabolo, sâapprocha rapidement dâelle, lâair inquiet. CâĂ©tait un danalasm adulte, portant un foulard violet autour de son cou, et Ă qui il manquait un bout de la queue. Il vint frotter son museau contre la poitrine de sa maĂźtresse, percevant sans mal le chagrin qui Ă©tait littĂ©ralement Ă©crit sur son visage.
â Diabolo⊠La mission dont je te parlais ce matin⊠et pour laquelle Valkyon mâavait recommandĂ©e⊠Je lâai ratĂ©eâŠ
Son compagnon frotta davantage son museau contre elle pour la rĂ©conforter, brisant ses derniĂšres dĂ©fenses. Les larmes recommencĂšrent Ă couler en un flot ininterrompu sur ses joues alors que Lulyah sâeffondrait sur le sol, serrant le cou de son ami dans ses bras. Elle enfouit finalement son visage dans son pelage, le corps tremblant.
â Nevra risque de mourir, tout ça Ă cause de moi ! Je nâai rien pu faire, jâĂ©tais morte de peur ! Mes coups nâĂ©taient pas assez puissants ! Si tu savais comme je mâen veux ! Mais quâest-ce que je peux faire maintenant ? Diabolo, je tâen prie, dis-moi ce que je peux faireâŠ
Si seulement elle pouvait revenir dans le passĂ©. Si seulement, elle pouvait refuser cette missionâŠ
Chapitre V : Se relever et avancer
Il fallut un certain temps pour que Lulyah parvienne Ă se calmer. Mais ses sanglots avaient finalement laissĂ© place Ă quelques reniflements occasionnels. Ses vĂȘtements Ă©taient toujours couverts de sang, mais elle nâosait pas sortir de sa chambre pour prendre sa douche. Par peur de croiser quelquâun. Elle Ă©tait donc assise sur le sol, tout contre le corps de Diabolo, lui caressant le museau distraitement de temps Ă autre.
Son regard dĂ©pareillĂ© se posait sur le mobilier qui lâentourait. Un tapis noir, dĂ©corĂ© dâarabesques dorĂ©es, se trouvait sur le sol, surmontĂ© dâune table en verre fumĂ©. Celle-ci Ă©tait encadrĂ©e de deux confortables poufs. Un peu plus loin se tenait une armoire en bois poli, faite dans le mĂȘme matĂ©riau que le petit bureau sur lequel elle travaillait habituellement. Au-dessus de ce dernier se trouvait une petite Ă©tagĂšre sur laquelle Ă©taient soigneusement alignĂ©es les peluches de sa collection. Et enfin un lit de grande taille, avec des draps de cotons aux nuances violines, se tenait prĂšs de la fenĂȘtre. La plupart de ces meubles avaient Ă©tĂ© achetĂ©s petit Ă petit au marchĂ©. Et Nevra lâavait aidĂ©, durant son temps libre, Ă les ramener et Ă les monter pour lui permettre dâagencer les lieux selon ses envies. Cela faisait partie des tendres souvenirs qui lui paraissaient si loin dĂ©sormais.
Sa relation avec le vampire Ă la tĂȘte de la garde de lâOmbre nâavait pourtant pas rĂ©ellement trĂšs bien commencĂ©. Car si ce jeune homme Ă©tait connu pour avoir le compliment facile pour toutes femmes croisant sa route, il nâavait jamais eu le moindre regard pour Lulyah. Au contraire, il ne semblait lui vouait que de la mĂ©fiance et du mĂ©pris. SĂ»rement du fait que les eldaryens nâaccordaient leur confiance ni aux humains, ni aux vouivres serpentaires et quâelle Ă©tait un peu des deux. CâĂ©tait dâailleurs pour cela que, nâĂ©tant pas suffisamment cruels pour la jeter dehors dans un univers oĂč elle se ferait certainement tuer, ils lâavaient accueilli dans la garde, mais ne lui permettaient que de laver les familiers. Et pourtant, tout avait changĂ© quand Lulyah avait un jour heurtĂ© Nevra, activant sans le vouloir son don de rĂ©tro cognition. Elle avait eu un aperçu du passĂ© du vampire. Sa course avec sa sĆur, semblant fuir quelque chose de terrifiant. Son arrivĂ©e Ă la citĂ© dâEel. Et lâhorreur qui Ă©tait cachĂ©e sous son cache-Ćil. Dâailleurs, la colĂšre du chef de garde Ă la rĂ©alisation de la dĂ©couverte de son passĂ© avait Ă©tĂ© innommable. La pauvre faelienne sâĂ©tait dâailleurs prĂ©parĂ©e Ă mourir rapidement par exsanguination sous le feu de son ire. Mais il nâen avait Ă©tĂ© rien. Nevra Ă©tait parti sans un regard pour elle et elle avait entrepris de lâĂ©viter les jours suivants. Fort heureusement, Ă©tant une gardienne de bas Ă©tage, elle ne cĂŽtoyait que rarement les chefs de garde.
Ce nâĂ©tait que le mois suivant, alors quâelle Ă©tait rentrĂ©e dans sa chambre aprĂšs une autre journĂ©e de toilettage, quâelle sâĂ©tait retrouvĂ©e de nouveau face Ă cet homme. Il Ă©tait entrĂ© par effraction dans la piĂšce et lâattendait, assis sur son lit. Et Lulyah nâavait pu quâĂȘtre terrifiĂ©e Ă lâidĂ©e de se retrouver seule avec un vampire. Mais alors que mille et un scĂ©narios catastrophes se jouaient dans sa tĂȘte, il nâen fut rien. Nevra resta parfaitement calme. Il lui demanda ce quâelle avait vu exactement, et lui donna quelques prĂ©cisions sur cette vision. Alors, en Ă©change, Lulyah lui avait parlĂ© dâelle, afin quâil ne soit pas le seul Ă avoir rĂ©vĂ©lĂ© son passĂ©. Une certaine comprĂ©hension sâĂ©tait installĂ©e entre eux et sâĂ©tait par la suite transformĂ©e en amitiĂ©, petit Ă petit. Et avant dâen prendre pleinement conscience et malgrĂ© la diffĂ©rence de grade, cet homme quâelle avait dâabord craint Ă©tait devenue une personne qui lui Ă©tĂ© trĂšs importante.
Cependant, aujourdâhui, ce mĂȘme vampire qui lui avait permis de se trouver une place Ă©tait aux portes de la mort Ă cause dâelle. Elle se sentait comme un chien errant qui avait attaquĂ© la main qui lâavait nourri. Et malheureusement, elle ne voyait pas lâombre dâun moyen pour essayer de rattraper toutes ses fautes.
Elle ne put rĂ©primer un soupir avant de finalement se lever. Marchant dâun pas raide vers son armoire, elle en sortit des vĂȘtements avant de faire un signe Ă son familier. MĂȘme si celui-ci nây prĂȘta pas grande attention, visiblement trop occupĂ© Ă grignoter le coin du tapis. Lulyah sourit faiblement Ă cette vision avant dâouvrir la porte de sa chambre. Regardant de chaque cĂŽtĂ© du couloir pour vĂ©rifier quâil Ă©tait bel et bien dĂ©sert, il ne lui fallut pas longtemps pour entrer dans la salle de bain commune. En moins de temps quâil nâen faut pour le dire, elle se dĂ©barrassa du sang et de la boue qui la recouvrait avant de retourner tout aussi vite dans sa chambre. Cependant, le grondement de son estomac lui fit comprendre quâil lui faudrait quitter son sanctuaire une nouvelle fois.
â Je ne veux pas y allerâŠ
Elle savait quâelle ne serait pas seule Ă la cantine. Et elle Ă©tait Ă©galement presque sĂ»re que tout le QG devait ĂȘtre au courant de ce qui Ă©tait arrivĂ© Ă Nevra dĂ©sormais. Cependant, elle ne pourrait pas fuir toute sa vie. Ni mĂȘme rester dans sa chambre jusquâĂ la fin de ses jours. Aussi, dâune main tremblante, elle posa quelques candy canes dans lâĂ©cuelle de Diabolo, se maudissant de ne pas pouvoir en manger aussi.
â Ăa ne sera peut-ĂȘtre pas si terrible, marmonna-t-elle, essayant tant bien que mal de se rassurer.
Son danalasm vint frotter sa tĂȘte contre sa poitrine en guise de rĂ©confort, lui donnant suffisamment de courage pour quitter son antre. Lulyah commença Ă remonter le couloir jusquâau hall, la tĂȘte basse. La contemplation du tapis rouge qui se trouvait sous ses pieds lui semblait ĂȘtre la chose la plus intĂ©ressante Ă faire en ce moment. Dâailleurs, certains endroits Ă©taient grandement abĂźmĂ©s, attestant dâun passage rĂ©pĂ©tĂ© sur les lieux. Il y avait mĂȘme des restes de liserĂ© dorĂ©s sur les bords. CâĂ©tait bien la premiĂšre fois quâelle les voyait. Mais cela nâavait probablement rien dâĂ©tonnant, nâayant jamais trouvĂ© pertinent dâobserver le tapis avant aujourdâhui.
Cependant, elle arriva beaucoup trop vite Ă son goĂ»t dans le grand hall du QG. Instinctivement, elle leva les yeux en direction de la porte de lâinfirmerie, qui se trouvait au premier Ă©tage. Mais elle baissa aussitĂŽt la tĂȘte quand elle aperçut Karenn y entrer, un plateau repas en main. Il Ă©tait normal quâelle mange auprĂšs de son frĂšre. AprĂšs tout, comme elle le lui avait si bien fait remarquer, ils partageaient le mĂȘme sang. Rien Ă voir avec Lulyah qui nâĂ©tait quâune parfaite Ă©trangĂšre, dans le fond.
Un soupir Ă fendre lâĂąme franchit la barriĂšre de ses lĂšvres alors quâelle entrait finalement dans la cantine. Elle se fit accueillir par un fort brouhaha, attestant que la plupart des gardes Ă©taient venus manger Ă la mĂȘme heure quâelle. Elle rentra un peu plus la tĂȘte dans ses Ă©paules, lâĆil bas, alors quâelle prenait sa place dans la file.
â Ce nâest pas elle qui Ă©tait avec le chef quand il sâest fait blesser ?
â Si, je crois bien. Je ne sais pas trop ce qui sâest passĂ©, mais dâaprĂšs les dires de Karenn, tout est de sa faute.
â En mĂȘme temps, cette fille vient de la Terre et la moitiĂ© de son sang appartient Ă ces serpents de mauvais augure. Ă quoi pensait la cheffe suprĂȘme en lâassignant Ă cette mission ?
â VoilĂ ce qui arrive quand on veut donner une chance Ă ceux qui ne la mĂ©ritent pas !
Lulyah pouvait sentir son cĆur sâaccĂ©lĂ©rer, battant douloureusement dans sa poitrine. MĂȘme si les soldats murmuraient, tous leurs propos parvenaient distinctement Ă ses oreilles. Et dire quâelle avait pensĂ© quâau prix de ses efforts, elle sâĂ©tait finalement parfaitement intĂ©grĂ©e au sein de la garde. Quâon lâapprĂ©ciait. Mais la rĂ©alitĂ© Ă©tait bien plus cruelle. Les gens ne disaient rien sur elle parce quâelle Ă©tait lâamie dâun chef de garde. Mais maintenant quâil nâĂ©tait plus lĂ , les vrais visages se rĂ©vĂ©laient, la laissant Ă la merci du venin de ceux quâelle pensait ĂȘtre ses collĂšgues.
Elle baissa davantage la tĂȘte, essayant de se faire toute petite. De cette position, la seule chose quâelle pouvait voir, câĂ©tait les chaussures des personnes lâentourant, ainsi que le carrelage de la salle de restauration. Dâailleurs, les carreaux Ă©taient rayĂ©s par endroit, sĂ»rement Ă cause des raclements incessants de chaises, sans compter les couverts qui devaient Ă©galement tomber rĂ©guliĂšrement sur le sol.
â Alors ? Quâest-ce que tu veux ce soir ?
Ce ton bourru, accompagnĂ© des sabots de chĂšvres et du tablier couverts de graisse quâelle pouvait apercevoir, ne laissait que peu de doute sur lâidentitĂ© de son interlocuteur. CâĂ©tait sans nul doute Karuto, le satyre en charge des repas de la garde. Lulyah se contenta de lui rĂ©pondre dâun haussement dâĂ©paules.
â Peu importe. Le premier plat ira trĂšs bien.
Elle nâavait aucune idĂ©e de ce quâĂ©taient les deux plats de rĂ©sistance proposĂ©s, mais elle sâen moquait. Si elle relevait la tĂȘte pour le voir, il lui faudrait affronter les regards des gens autour dâelle. Et câĂ©tait bien au-dessus de ses forces. Aussi, elle entendit le bruit dâun ustensile raclant le plat avant quâune assiette ne lui soit tendue. Cela ressemblait fort Ă de la purĂ©e, accompagnĂ©e dâune viande en sauce.
â Je peux savoir pourquoi tu fais cette tĂȘte de six pieds de long ce soir ?
â Ă cause de ma mission. Tout le monde en parle. Alors je suis certaine que mĂȘme toi, du fond de ta cuisine, tu as dĂ» en avoir ventâŠ
â Ouais et alors ? Tâes pas la premiĂšre dans ce QG Ă avoir ratĂ© une mission ! Et Nevra nâest pas mort alors pas la peine dâĂȘtre si nĂ©gative ! Parce que lĂ , tes soupirs vont finir par faire tourner mon ragoĂ»t !
â DĂ©solĂ©eâŠ
Au moins, Lulyah Ă©tait soulagĂ©e de ne pas avoir eu ce fameux ragoĂ»t Ă manger, parce quâil nâĂ©tait pas terrible. Aussi, elle fit un lĂ©ger signe de tĂȘte pour saluer le cuisinier avant de sâinstaller Ă une table de libre, dans le fond de la salle. Naturellement, mĂȘme sans lever la tĂȘte, elle pouvait sentir les regards curieux ou rĂ©probateurs peser sur elle. Et Ă©galement les murmures qui les accompagnaient. Elle comprenait dĂ©sormais ce que pouvaient bien ressentir les quatre membres de la garde Ecarlate. Eux qui Ă©taient en charge dâexĂ©cuter les traĂźtres et les contaminĂ©s par le Cristal. Eux que tout le monde fuyait en raison de lâaura de mort qui les accompagnait sans cesse. DĂ©sormais, Lulyah Ă©tait presque autant une pestifĂ©rĂ©e quâeux. Ă la seule diffĂ©rence quâelle ne rendait aucun service Ă la garde, elle.
Elle secoua la tĂȘte pour chasser ses pensĂ©es dĂ©primantes et dĂ©barrassa rapidement son plateau avant de quitter la piĂšce. Dâailleurs, il lui sembla que Karuto lui avait dit quelque chose quand elle passa Ă sa hauteur, mais elle nâen comprit pas le moindre mot. Sa seule envie Ă©tait de retrouver le calme et la protection de sa chambre. Ainsi, bien quâelle essayĂąt du mieux possible de ne pas montrer davantage Ă quel point cette histoire lâimpactait, ses pas devinrent de plus en plus rapide dans le hall pour rejoindre le couloir des chambres. Et avant mĂȘme dâen prendre pleinement conscience, elle termina son itinĂ©raire au pas de course pour se jeter dans son antre dont elle claqua la porte. Dâailleurs, elle fit sursauter son danalasm, ayant dĂ©laissĂ© son petit panier pour le confort du lit.
â Je suis rentrĂ©e, DiaboloâŠ
Le familier la regarda approcher avant quâelle ne vienne sâasseoir sur le rebord du matelas, prĂšs de lui. Il vint poser doucement sa tĂȘte sur ses genoux, essayant de ne pas heurter sa maĂźtresse avec lâun de ses grands bois.
â CâĂ©tait dur, mais jâai rĂ©ussi, marmonna Lulyah tout en caressant le pelage soyeux de son ami. Les Ă©vĂ©nements sont encore rĂ©cents. Jâimagine que les choses rentreront dans lâordre avec le temps. Jâai juste⊠pris conscience que je ne suis pas du tout acceptĂ©e ici, contrairement Ă lâillusion que jâai pu avoir. Et que hormis Nevra et toi, je nâai personneâŠ
Elle retint difficilement un nouveau soupir avant de se gifler la joue pour se remettre les idées en place.
â Je suis un membre de la garde Obsidienne ! Je ne dois pas me laisser abattre ! Ce nâest pas une honte de tomber, mais il ne faut pas rester prostrĂ©e au mĂȘme endroit ! Alors demain, je me reprends en main !
Son compagnon sembla approuver son Ă©tat dâesprit et la faelienne sourit doucement avant de bĂąiller. Il faut dire quâavec tout ce quâelle avait vĂ©cu, elle se sentait Ă©puisĂ©e. Il ne lui fallut donc que peu de temps pour se mettre en pyjama avant de se glisser sous les draps. Diabolo vint sâallonger prĂšs dâelle et elle tomba rapidement dans un sommeil agitĂ©, mais sans rĂȘve.
Elle se rĂ©veilla le lendemain au son du chant dâun familier. Lulyah chercha une pendule des yeux pour constater quâil nâĂ©tait que neuf heures du matin. Diabolo, prĂšs dâelle, semblait toujours profondĂ©ment endormi, emplissant la piĂšce de ses ronflements sonores. CâĂ©tait dâailleurs Ă se demander comment un familier aussi majestueux pouvait faire un vacarme aussi assourdissant. La faelienne sourit lĂ©gĂšrement et se glissa hors du lit en veillant Ă ne pas le rĂ©veiller. AprĂšs sâĂȘtre habillĂ©e, elle vĂ©rifia quâil ne manquait pas de vivres avant de quitter la piĂšce sans un bruit.
Les couloirs Ă©taient calmes en cette matinĂ©e. Cela sembla apaiser quelque peu lâanxiĂ©tĂ© de Lulyah. Se forçant Ă prendre des respirations lentes, elle rejoignit rapidement le hall. Comme la veille, ses yeux sâĂ©levĂšrent vers la porte de lâinfirmerie, demeurant close.
â Nevra, comment vas-tu ? questionna-t-elle dans un souffle.
Elle savait que personne ne rĂ©pondrait Ă sa question. Et que peu importe combien elle le souhaitait, elle ne le verrait pas quitter la piĂšce, un sourire aux lĂšvres en lui assurant que tout allait bien. Non. Bien au contraire, la nuit avait sĂ»rement Ă©tĂ© dĂ©cisive pour lui. Et Lulyah avait peur de monter Ă lâĂ©tage, peur quâon lui apprenne que tout Ă©tait fini. Sans compter que Karenn avait peut-ĂȘtre dormi sur les lieux, au chevet de son frĂšre. La faelienne nâĂ©tait pas sĂ»re dâĂȘtre encore prĂȘte Ă faire face Ă tout cela. MalgrĂ© tout, elle ne parvenait pas Ă dĂ©crocher son regard de la porte. Les battements de son cĆur accĂ©lĂ©rĂšrent et son estomac se nouait. Les paumes de ses mains devinrent moites alors quâelle dĂ©glutissait maladroitement.
â Jâai peur⊠mais finalement, je crois que lâignorance est encore plus terrifiante⊠Alors du nerf Lulu ! Ăa va allerâŠ
Lentement, elle emprunta les escaliers en colimaçon permettant de rejoindre lâĂ©tage avant dâavancer dâune dĂ©marche mĂ©canique vers le lieu maudit. Une fois devant le vantail, il lui fallut encore de longues minutes pour rassembler son courage, ignorant son esprit qui lui hurlait de fuir cet endroit Ă toutes jambes. Prenant une profonde inspiration, elle finit par entrer.
Câest avec un certain soulagement que la jeune femme constata que lâinfirmerie Ă©tait beaucoup plus calme que la veille. Cependant, elle nâeut pas lâoccasion dâavancer bien loin, entendant des bruits de pas venir vers elle. Aux vues des chaussures pĂąles Ă lacets et des bas bleus quâelle apercevait, il ne faisait aucun doute quâil sâagissait dâEweleĂŻn.
â Bonjour Lulyah. Comment te sens-tu aujourdâhui ? As-tu encore mal quelque part ?
â Non ça va, je te remercie. GrĂące Ă lâefficacitĂ© de tes mĂ©dicaments, mes blessures ne sont plus que de lâhistoire ancienne.
â Et je suis ravie de le savoir. MĂ©nage-toi quand mĂȘme encore un peu, le temps que tout soit complĂštement guĂ©ri.
La faelienne approuva dâun signe de tĂȘte tout en relevant le regard. AprĂšs tout, il serait malavisĂ©, voire complĂštement impoli, de continuer de fixer les chaussures de son interlocutrice. Cependant, ses yeux refusĂšrent de monter plus haut que les Ă©paules de sa camarade. Parce que bien malgrĂ© elle, la peur de lire du jugement dans ses pupilles Ă©tait la plus forte. Aussi, elle prĂ©fĂ©ra abandonner lâopĂ©ration, se concentrant sur ce qui avait amenĂ© ses pas jusquâici. Elle prit une douce inspiration tout en serrant les poings pour se donner du courage.
â Je suis venue prendre des nouvelles de Nevra, dĂ©clara-t-elle doucement. Comment va-t-il ?
Il fallut attendre quelques instants avant dâobtenir une rĂ©ponse. Et ces quelques secondes suffirent Ă tordre les entrailles de la faelienne de maniĂšre inexplicable.
â Je ne vais pas te mentir, il ne va pas fort du tout, rĂ©pondit lâelfe. Mais il a rĂ©ussi Ă passer la premiĂšre nuit malgrĂ© tout et son Ă©tat sâest stabilisĂ©. Ce qui est dĂ©jĂ un point positif. Maintenant, seuls nos efforts et le temps pourront faire le reste.
â Dâaccord.
Le simple fait de savoir que lâĂ©tincelle de vie du vampire ne sâĂ©tait pas Ă©teinte durant la nuit Ă©tait dâun rĂ©confort sans nom.
â Veux-tu le voir ?
â Le⊠voir ?
Lulyah ne put sâempĂȘcher de se figer Ă sa question, les yeux Ă©carquillĂ©s. Bien malgrĂ© elle, les images du corps de son ami, recouvert de ces macabres roses rouges, se peignaient devant son regard dĂ©pareillĂ©. Elle ferma les yeux pour tenter de les chasser, reculant dâun pas. Elle nâĂ©tait pas sĂ»re de pouvoir supporter de le voir dans ce lit dâhĂŽpital. Aussi, elle secoua frĂ©nĂ©tiquement la tĂȘte de gauche Ă droite.
â Non ! N-non⊠Je⊠je veux dire⊠je ne prĂ©fĂšre pas⊠Je⊠je ne suis pas encore prĂȘte pour çaâŠ
âLulyah, respire. Ăa va, vraiment.
Les mains douces qui lui prirent les Ă©paules lâaidĂšrent Ă se calmer un peu. Calquant son rythme respiratoire sur celui de lâelfe face Ă elle, la faelienne sentit les battements de son cĆur sâapaiser quelque peu.
â En attendant⊠je te le confie EweâŠ
â Je comprends. Il est entre de bonnes mains ici, je te le promets.
LâObsidienne approuva dâun signe de tĂȘte avant de finalement prendre congĂ© de lâinfirmiĂšre, ne souhaitant pas risquer de tomber sur Karenn. Une fois de retour dans le hall, elle relĂącha un souffle quâelle retenait inconsciemment. Elle redescendit doucement les escaliers avant de quitter le bĂątiment, rejoignant la tiĂ©deur de lâextĂ©rieur. On lui avait dit de se mĂ©nager et elle avait besoin de se vider un peu la tĂȘte.
Elle emprunta les longues rues pavĂ©es qui sâoffraient Ă elle, marchant en direction du marchĂ©. Sans but particulier, elle se contenta de se dĂ©placer sous les auvents colorĂ©s, bercĂ©e par les douces odeurs et les conversations qui sâĂ©levaient çà et lĂ . Personne ici ne semblait parler du dĂ©sastre de la veille, plutĂŽt concentrĂ© sur les derniers articles mis Ă la vente. Et la jeune femme en Ă©tait rassurĂ©e. Aussi, câest un peu de meilleure humeur et lâĂąme apaisĂ©e quâelle poursuivit sa route pour atteindre les jardins. Elle bifurqua alors Ă gauche, se rendant au pied du cerisier centenaire. Elle sâinstalla sur le banc en fer forgĂ© avant de regarder autour dâelle.
Elle admira les pĂ©tales capturĂ©s par le vent, lui offrant un ballet aĂ©rien unique. Elle se laissa envahir par le doux parfum des fleurs environnantes alors quâune douce brise Ă©bouriffait ses cheveux. Cet endroit, de toute la citĂ©, Ă©tait probablement son prĂ©fĂ©rĂ©. Il y rĂ©gnait toujours un calme apaisant. De quoi calmer la tempĂȘte de son esprit. Quelques familiers passaient non loin dâelle, certains curieux sâapprochant pour obtenir une caresse avant de reprendre leur chemin. Lulyah sourit doucement avant de porter son regard sur le ciel.
Celui-ci Ă©tait dâun bleu azur, dĂ©pourvu de nuage. La citĂ© avait Ă©tĂ© bĂątie dans une zone tempĂ©rĂ©e oĂč le temps Ă©tait toujours relativement clĂ©ment. MalgrĂ© tout, Lulyah regardait au-delĂ de la vaste Ă©tendue bleutĂ©e du firmament. Ses pensĂ©es montaient encore plus haut, lĂ oĂč rĂ©sidait sa grand-mĂšre dĂ©sormais. Elle Ă©tait la personne quâelle avait aimĂ© le plus dans sa vie et, aujourdâhui, plus que jamais, elle lui manquait. Elle aurait aimĂ© pouvoir profiter de son Ă©treinte, que la vieille dame la rassure.
â Mamie, tu me manques⊠Jâai tellement besoin de toi en ce momentâŠ
Une larme traitresse roula sur sa joue verte alors que Lulyah fermait les yeux, laissant son esprit errer dans les mĂ©andres de ses pensĂ©es. Fouillant dans sa mĂ©moire, elle laissa se dessiner sur ses paupiĂšres closes le visage de son aĂŻeule ainsi que le sourire rĂ©confortant dont elle seule avait le secret. Et son cĆur sembla lui peser moins lourd. Comme si une part de la personne quâelle chĂ©rissait tant Ă©tait encore prĂšs dâelle, pour lâaider Ă surmonter cette Ă©preuve.
Ce sont des bruits de pas qui forcĂšrent la jeune femme Ă rouvrir les yeux, interrompant ses rĂȘveries. Elle se redressa lĂ©gĂšrement avant que son regard ne sâimmobilise sur les pieds de la personne lui faisant dĂ©sormais face. Son cĆur sâaccĂ©lĂ©ra alors quâelle reconnaissait cette paire de bottes renforcĂ©es de plaque de mĂ©tal. ValkyonâŠ
â Bonjour Lulyah. Quel heureux hasard de tâavoir trouvĂ© ici. Je te cherchais.
â Ah⊠ah bon ?
Elle Ă©tait Ă peu prĂšs certaine que le hasard nâavait absolument rien Ă voir dans cette histoire, mais sâabstint bien de faire le moindre commentaire.
â Oui. Je souhaitais mâentretenir avec toi. Et je constate que tu nâas pas lâair trĂšs occupĂ©e actuellement. Jâen conclus donc que tu as un peu de temps Ă mâaccorder, nâest-ce pas ?
MĂȘme sâil avait tournĂ© la phrase pour la faire passer pour une question, il Ă©tait Ă©vident quâun refus nâĂ©tait pas envisageable. Aussi, Lulyah termina de se redresser sur le banc avant de contempler ses chaussures.
â Je⊠oui, bien sĂ»râŠ
â Bien.
Elle sentit plus quâelle ne vit son supĂ©rieur prendre place Ă ses cĂŽtĂ©s. La faelienne prit alors une inspiration tremblante. Le simple fait quâun homme aussi peu bavard que son chef de garde veuille lui parler annonçait une conversation sĂ©rieuse. Certainement en lien avec ce qui sâĂ©tait passĂ© la veille. Une boule dâangoisse se forma aussitĂŽt dans la gorge de la jeune femme. De toutes les personnes de la citĂ©, Valkyon Ă©tait bien la derniĂšre dont elle voulait entendre les reproches. Et le silence qui demeurait entre eux durant ces interminables secondes nâaidait en rien Ă faire passer son sentiment de malaise.
â Mon Ă©quipe et moi-mĂȘme sommes revenus du village de Yomagris ce matin, Ă la naissance de lâaube, dĂ©clara finalement le guerrier. GrĂące Ă tes explications, nous avons bel et bien trouvĂ© le campement de ces trolls et les avons Ă©radiquĂ©s. En soi, le village est sauvĂ© et libĂ©rĂ© de ses voleurs. On peut donc en conclure que cette mission a Ă©tĂ© accomplie. Tout du moins, cette partie-ci.
â Comment ça ?
â Disons que cette enquĂȘte a soulevĂ© beaucoup de questions. En commençant par le comportement anormal des trolls. Aussi, une rĂ©union exceptionnelle est prĂ©vue ce soir, Ă dix-huit heures. Miiko requiert ta prĂ©sence.
â Pardon ?!? Mais⊠normalement, ce genre de conseil ne rĂ©unis que les chefs de garde.
â Câest vrai, mais Nevra nâest pas en Ă©tat dây assister. En dehors de lui, tu es la seule personne Ă avoir Ă©galement prit part Ă lâenquĂȘte. Donc, tu devras ĂȘtre lĂ pour nous donner tous les dĂ©tails dont nous pourrions avoir besoin.
â Mais⊠mais jâai dĂ©jĂ fait mon rapport Ă Miiko hierâŠ
â Cela nâa rien Ă voir. Nous ne voulons pas une description globale de la mission, mais des dĂ©tails prĂ©cis. Le mieux est donc de pouvoir te les demander au fur et Ă mesure du conseil.
â Je crains que je ne sois pas capable dâassister Ă une telle rĂ©union⊠Pas maintenant en tout casâŠ
â Si tu en es capable et tu le feras ! Il nây a pas matiĂšre Ă discuter ! Tu es attendue Ă dix-huit heures dans la salle de rĂ©union, câest tout !
Le ton ferme de Valkyon ne laissait place Ă aucune protestation. Et Lulyah se contenta dâacquiescer dâun signe de tĂȘte, lâĆil de plus en plus bas. AprĂšs tout, il Ă©tait son chef, elle nâavait dâautre choix que dâobĂ©ir aux ordres quâil lui donnait.
â Par ailleurs, combien de temps encore comptes-tu arborer cet air anĂ©anti ?
â Câest parce que je nâarrive Ă penser Ă rien dâautre que ce qui sâest produit hier⊠Jâai essayĂ©, ce matin en sortant de ma chambre, de prendre la rĂ©solution de passer Ă autre chose. Mais je me rends compte que je nây arrive pas. Que jâentende des murmures sur mon passage ou que je sois seule avec mes pensĂ©es, il y a forcĂ©ment un moment oĂč mon esprit va revenir Ă cet Ă©vĂ©nement. Parce que câest de ma faute si Nevra se trouve dans cet Ă©tat. Il a pris le coup Ă ma place pour me protĂ©ger. Parce que jâai tout ratĂ©.
â Câest un fait et te morfondre ne pourra pas le changer.
Lulyah se mordit les lĂšvres. Valkyon Ă©tait de ces personnes qui allait droit au but, ne cherchant pas Ă adoucir ses propos. Il aurait Ă©tĂ© utopique de sâimaginer quâil allait la consoler.
â Cependant, en prenant ce coup Ă ta place, il tâa sauvĂ© la vie, sans aucun doute. MĂȘme si tu es Ă moitiĂ© une vouivre serpentaire, ta rĂ©sistance nâest pas la mĂȘme que celle dâun vampire. Un pareil coup de gourdin tâaurait tuĂ©. Alors ce nâest pas la peine que tu reviennes sur cette action. Il a choisi de prendre ta place de son propre chef. Pour te sauver.
â Mais tu ne comprends pas ! Câest de ma faute si on sâest retrouvĂ© encerclĂ© en premier lieu ! Nevra en avait vaincu un ! Si jâavais rĂ©ussi Ă lâachever comme jâĂ©tais censĂ©e le faire, nous aurions pu dĂ©guerpir avant que les renforts ne rappliquent ! Nous aurions Ă©tĂ© saufs !
Lulyah ne sâĂ©tait mĂȘme pas rendu compte quâelle avait haussĂ© le ton ou quâelle sâĂ©tait levĂ©e jusquâĂ ce quâune main forte, enserrant son poignet, ne la force Ă se rasseoir.
â Peut-ĂȘtre. Cependant, si les autres sentinelles sont arrivĂ©es aussi vite, câest parce quâelles Ă©taient dĂ©jĂ dans les environs. Alors, quand bien mĂȘme tu avais achevĂ© leur camarade, elles auraient pu vous prendre en chasse. Et si vous aviez dĂ©jĂ rejoint le village, les consĂ©quences auraient pu ĂȘtre dĂ©sastreuses.
â Peut-ĂȘtre⊠Mais ça ne sert Ă rien de refaire lâhistoire avec des siâŠ
â Je suis ravi de te lâentendre dire.
La faelienne se tut. Effectivement, ses paroles valaient aussi pour elle.
â En plus, tu nâes pas la seule fautive dans cette histoire. Nevra nâaurait jamais dĂ» te laisser mener une action aussi difficile, reprit le chef de lâObsidienne. Tu nâes pas parmi nous depuis longtemps, tu nâes pas familiarisĂ© avec ce monde. Et nous ne sommes pas tous fait pour prendre des vies, mĂȘme quand câest nĂ©cessaire. Quant Ă moi, je suis peut-ĂȘtre aller trop vite pour te proposer pour une mission pareille. Je nâai pas envisagĂ© que lâenquĂȘte pourrait connaĂźtre ce genre dâissue et que tu nâĂ©tais pas forcĂ©ment prĂȘte mentalement Ă y faire face.
â Quoi ? Mais non, ce nâest pas votre faute ! Ni Ă Nevra ni Ă toi ! Vous ne pouviez pas savoirâŠ
â Exactement. Tout comme tu ne pouvais pas savoir que Nevâ dĂ©ciderait de te protĂ©ger au pĂ©ril de sa vie. A moins dâavoir un don pour, personne ne peut connaĂźtre les Ă©vĂ©nements avant quâils ne se produisent. Tout ceci pour te faire comprendre quâil est inutile de ressasser le passĂ© comme tu le fais, dĂ©clara Valkyon dâun ton sans appel. MĂȘme en essayant de tout prĂ©voir Ă lâavance, tu nâes pas Ă lâabri dâun imprĂ©vu. Ni de commettre des erreurs. Câest comme ça. Avant dâatteindre mon poste, jâai moi-mĂȘme ratĂ© des missions, parmi lesquelles des trĂšs importantes. Les gens mâont fait confiance et je les ai déçus. Jâai dĂ» subir leurs reproches, leurs dĂ©ceptions et leurs accusations. Et que crois-tu que jâaie fait ? Penses-tu que je suis restĂ© Ă me lamenter sur ce qui sâĂ©tait passĂ© ?
â ⊠NonâŠ
â Exactement. Jâai repensĂ© Ă mes actions, mais aussi Ă ce que je nâavais pas fait. Je me suis servi de ces expĂ©riences malheureuses pour analyser mes fautes, les comprendre afin dâen faire de nouvelles forces. Parce que sâapitoyer sur le passĂ© et fuir ceux qui tâentourent ne te fera pas Ă©voluer Lulyah ! Alors, arrĂȘte dâĂ©viter le regard des gens !
A lâentente de cette phrase, la jeune femme releva la tĂȘte dans un sursaut. Ses orbes hĂ©tĂ©rochromes furent immĂ©diatement happĂ©s par ceux dorĂ©s de son interlocuteur. Et il Ă©tait vrai quâelle nâavait plus croisĂ© le regard de qui que ce soit depuis la veille au soir. Depuis lâaccident.
â Je veux simplement que tu comprennes que câest une bonne chose de reconnaĂźtre ses fautes plutĂŽt que de se chercher des excuses, reprit Valkyon en se levant. Mais si cela te paralyse pour la suite, alors câest une faiblesse. Peu importe ce que les gens peuvent dire de toi, souviens-toi que les Ă©checs font aussi partie du long chemin de la progression. A condition de ne pas rester prostrĂ© au mĂȘme endroit. Alors si tu trĂ©buche, relĂšve-toi ! Tu es une Obsidienne ! Sans compter quâil est bien connu que la force et lâespoir ne se trouve pas sur le sol. Alors tĂąche de garder la tĂȘte haute, toujours.
Il jeta un regard à la jeune femme par-dessus son épaule, lui adressant un léger sourire.
â On se reverra Ă dix-huit heures, Ă la rĂ©union.
â Oui !
Lulyah le regarda sâĂ©loigner, son cĆur battant la chamade dans sa poitrine. Sa silhouette, forte et fiĂšre, sâimprima dans son esprit alors quâil quittait son champ de vision. Elle releva la tĂȘte, admirant le cerisier centenaire sâĂ©tendant au-dessus dâelle.
â Valkyon⊠du fond du cĆur⊠merci !
Un lĂ©ger sourire naquit sur ses lĂšvres alors que lâhomme pour qui elle avait le plus dâadmiration venait de lui remettre le pied Ă lâĂ©trier. Brusquement et en lui secouant un peu les puces, certes, mais câest ce dont elle avait besoin. Il ne lui restait plus dĂ©sormais quâĂ remonter en selle !

Tous les Ă©lĂ©ments visuels (header, marteau des sĂ©parateurs et couvertures de chapitres) ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s par @Celsiuss â„
DerniĂšre modification par Lulyah (Le 06-04-2025 Ă 20h54)