
Gardiennes, Gardiens, bienvenue sur cette fanfiction.

Cela fait quelques années maintenant qu'Erika vit à Eldarya.
Et Nevra est devenu une constante dans sa vie.
Désormais familière avec ce nouveau monde et avec la nature de son compagnon,
il lui arrive parfois encore de redécouvrir les différences culturelles qui les définissent.

A tous les enfants d'Eldarya, avant de poster un message :
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Celles-eux qui veulent se souvenir que Nevra n'est pas humain.

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>> Chapitre 1 : La Science-Fiction
Le chapitre
La Science-Fiction
La chambre était faiblement éclairée, la seule source de lumière étant une douce lueur ambrée qui projetait de longues ombres paresseuses à travers la pièce, enveloppant les murs de chaleur en se reflétant doucement dans les mèches ébènes des cheveux de Nevra. Dehors, le vent murmurait contre les vitres du QG, et à l’intérieur, sous les draps soyeux, Erika était blottie contre le vampire, un livre tenu entre leurs mains. Ils étaient encore en retard dans leur lecture, le club se réunissant à la fin de la semaine. Les missions de Nevra s’étaient enchaînées sans relâche ces derniers temps, exigeant des nuits tardives et des retours imprévisibles. Il lui avait proposé, plus d’une fois, de lire seule en avance. Mais, pour être honnête, elle adorait leurs moments lecture : être lovée sous la même couverture, son épaule frôlant son torse, son bras à lui paresseusement posé autour d’elle pendant qu’ils lisaient, discuter de l’intrigue, être en désaccord sur les personnages, rire des métaphores maladroites. Cette intimité, tranquille et rassurante, était devenue l’un de ses rituels préférés.
« Donc… Ils sont dans l’espace ? » Demanda Nevra, clignant des yeux devant la page comme s’il tentait de déchiffrer ce décor d’un autre monde.
« Oui. » Répondit-elle en tournant une autre page avec précaution. « Sur une sorte de bateau spatial appelé Noé12. »
« Et le bateau parle ? »
« Oui. » Dit-elle, essayant de ne pas sourire face à sa perplexité. Elle pouvait presque voir le scepticisme sur son visage avant qu’il ne reprenne.
« Tss, les humains. Les bateaux ne parlent pas. »
« C’est l’IA. » Expliqua-t-elle en se redressant contre la tête de lit.
« C’est quoi une IA ? Ils n’arrêtent pas d’en parler, mais je ne comprends pas. »
« IA signifie Intelligence Artificielle. » Commença Erika d’un ton patient.
« Comme Chrome ? » Lança immédiatement Nevra, le coin des lèvres frémissant d’amusement. Elle lui donna un léger coup de coude, son expression légèrement réprobatrice.
« Dis pas de méchancetés sur lui. Tu l’aimes bien. »
Nevra s’éclaircit la gorge, comme pour esquiver le sujet, et la laissa reprendre son explication.
« C’est un… » Elle s’interrompit en se mordant la lèvre. Nevra ne savait pas ce qu’était un ordinateur. Même pas un téléphone. Le mot technologie était pour lui aussi lointain qu’une étoile. Il attendait patiemment. Elle sentait la pression de trouver une métaphore qui fonctionnerait. Quelque chose de tangible pour lui.
« C’est comme un bébé créé par des humains. » Dit-elle, puis elle grimaça, réalisant combien ses mots semblaient étranges.
« Oh oui, parce que les humains ne font pas de bébés. » Répliqua Nevra du tac au tac, un sourire en coin.
« Ce que je veux dire, … . C’est un autre genre de bébé. » Tenta-t-elle de se rattraper.
« Ok. De quel genre on parle ? » Demanda-t-il quelque peu sceptique.
« Du genre qui ne fait que … péter, caca, pleurer. » Enuméra-t-elle. Nevra cligna des yeux. Tant de perches se tendaient vers lui.
« Non ?! » Fit-il presque hilare à cette révélation. Presque.
Elle claqua la langue et lui lança un regard acéré.
« Ecoute-moi au lieu de faire des blagues ! Bon, ce bébé n’est pas… il… hum… » Et là, plus rien, sa pensée dérailla complètement. Elle avait perdu le fil de sa métaphore. Elle secoua la tête pour se changer les idées. « D’accord, c’est comme… comme une page blanche. » Tenta-t-elle à nouveau, cherchant une meilleure analogie. « Tu écris des mots dessus. Et puis la page blanche apprend à écrire les mots toute seule. »
Nevra sembla réfléchir un instant.
« Ca a l’air pratique. »
« Ca l’est. »
« Ce serait bien pour les rapports. Chrome fait toujours des pâtés sur les parchemins. »
« Je… euh… »
« Et les notes de travail de Valkyon sont affreuses. » Ajouta-t-il pensivement, visiblement en train d’adapter l’idée à sa vie quotidienne.
« Hum… »
« Mais la page – ou la couche – n’est-elle pas pleine à un moment ? » Demanda-t-il, fronçant les sourcils avec un sérieux qui trahissait une réelle préoccupation pour ce concept abstrait.
« Oublie le bébé. » Lâcha Erika, se massant l’arête du nez. Cette comparaison était vraiment mauvaise.
Le silence retomba entre eux, seulement troublé par le bruissement des pages et leur respiration. Puis, juste quand elle pensait qu’il en avait fini.
« Donc le bateau fait caca ? » Demanda Nevra, les yeux grands ouverts d’une innocence toute feinte. Ses lèvres trahissant le sourire qu’il essayait de cacher. Elle le fusilla du regard et il leva les mains en exagérant un geste de reddition plein d’amusement.
Extra chapitre 1
La Science-Fiction : Extra
« Bienvenue à notre réunion mensuelle du club de lecture ! Je vous remercie d’être aussi nombreux à assister à la réunion de ce mois-ci, votre investissement fait plaisir à voir ! » annonça joyeusement Ykhar, debout au milieu de la salle commune, une pile de notes à la main.
Le soleil de fin d’après-midi filtrait par les hautes fenêtres, projetant de longs rayons sur des coussins dépareillés et le cercle de fauteuils usés que le club avait aménagé dans un coin de la bibliothèque.
« Cette semaine, nous avons lu Noé, Arche de l’espace » dit-elle, une lueur de fierté dans la voix. « Cette œuvre appartient au genre de la science-fiction, qui imagine les possibles futurs de l’humanité. Bien que celle-ci soit devenue un léger fourre-tout entre fantastique, fantasy et science-fiction dans les sens originaux des termes, mais je digresse. Ici, nous parlons donc bien de science-fiction, un récit reposant sur la logique rationnelle où nous nous projetons dans un univers scientifique ou technologique. Ce qui est très différent du fantastique qui … » Déblatérait la brownie avec passion et énergie bien que la moitié du groupe la regardât l’air ahuri en clignant des yeux et l’autre moitié ne l’écoutait pas du tout.
Erika hochait la tête, assez impressionnée par ses connaissances en la matière. D’autant que la science-fiction était un concept extrêmement abstrait pour les Faeries. Nevra avait fini par abandonner mais Erika avait bien aimé l’œuvre. « … J’espère que vous avez tous apprécié vos sessions de lecture. Nous allons maintenant partager nos impressions sur le livre. » Termina Ykhar. A sa grande surprise, elle eut à peine le temps de balayer le groupe du regard qu’une grande main se leva. « Oui, Jamòn ? Tu veux commencer ? ».
« Jamòn pas compris le livre. » Déclara simplement l’ogre, sa voix profonde résonnant dans la pièce.
La lapine cligna des yeux, prise au dépourvu.
« Oh, je suis désolée, Jamòn. C’était à cause de l’intrigue ? » demanda-t-elle, le front plissé avec sympathie. Il regarda autour de lui, comme s’il cherchait du soutien.
« L’intrigue, les mots, les personnages… » vint Chrome à la rescousse. « Erika m’a dit que Noé12 est un bateau. Qui parle. »
« Oui ! C’est fou, non ? » s’écria Ykhar, essayant d’y mettre de l’entrain.
« Les humains ont juste abandonné dans ce livre. » marmonna Ezarel enfoncé dans son fauteuil, les bras croisés.
« Qu’est-ce que tu veux dire ? » demanda Erika qui voyait une insulte poindre le bout de son nez.
« Ils n’ont même pas de noms. HU5, TEC7, DEF9… Le vrai mystère, c’est : où sont passés HU1, 2, 3, 4 ? » lança-t-il d’un ton sec.
« C’est une très bonne question, mais ce n’est pas le propos du livre », répondit Ykhar, fronçant les sourcils.
« Le bateau a un nom mais pas les humains. »
« Je n’ai pas compris comment TEC7 peut sourire avec son ventre. » coupa Alajéa, la voix intriguée. « Il attrape sa graisse pour parler genre ‘Bonjour, je m’appelle Alajéa !’ » dit-elle en attrapant son propre ventre pour mimer l’action. Ykhar ferma brièvement les yeux et inspira profondément.
« Ah oui, pendant qu’on y est : une fois n’est pas coutume, je suis d’accord avec Alajéa. On a une chance folle que les parents d’Erika l’aient formée normalement. Comment TEC7 peut avoir un visage sur le ventre ? Ils mettent les parties du corps n’importe où tant que ça marche pendant la gestation ? »
« T’es sérieux là ? » s’offusqua Erika d’un bond sur sa chaise.
« Non. Ils ne font pas ça. » insista Ykhar, la voix lasse.
« Désolé, mais c’est ce qui est écrit dans le livre. » répliqua l’elfe avec assurance.
« C’est vrai. C’est écrit. » ajouta Alajéa, voulant aider – ou pas.
« Non, ce n’est pas ce qui est écrit ! » s’énerva Erika.
Ezarel leva un sourcil, déjà en train de feuilleter rageusement. « Ah si. Attends. Je vais te retrouver ça. »
« Je crois que vous n’avez pas compris le livre. » dit Alajéa avec douceur.
« J’ai parfaitement compris le livre ! » firent simultanément Erika et Ykhar.
Leiftan, d’un calme égal à lui-même, feuilletait son exemplaire du livre, s’arrêtant de temps en temps. Finalement, le lorialet leva les yeux.
« C’est quoi un … THPI ? » demanda-t-il.
« Sûrement un autre humain. » marmonna Ezarel.
Ne connaissant pas la réponse, Ykhar se tourna vers Erika avec espoir.
« Très Haut Potentiel Intellectuel », répondit rapidement Erika.
« C’est quoi ça ? » demanda Karenn en enroulant une mèche de cheveux autour de son doigt.
« Ce sont des humains dont les capacités cognitives dépassent la norme humaine », expliqua Erika. « Ils sont plus intelligents, mais aussi plus submergés par leur environnement. »
« Très triste pour eux », dit Ezarel avec un sérieux parfait.
« Qu’est-ce que tu veux dire ? » demanda Erika, les yeux plissés.
« Ils ont le potentiel mais pas les capacités », dit-il avec un sourire cynique.
« C’est drôle, c’est ce que ton rencard de l’autre soir a dit de toi », répliqua Erika du tac-au-tac. Chrome et Nevra étouffèrent leurs rires.
Le souffle offensé d’Ezarel aurait pu renverser une étagère. Il se replongea furieusement dans son livre.
« Etait-ce vraiment nécessaire ? » demanda calmement Valkyon.
« Désolée », marmonna Erika, sans vraiment sembler le penser.
« Bien que j’ai apprécié ses capacités guerrières, je n’ai pas compris la partie où DEF9 se divise », avoua le chef de l’Obsidienne, pensif.
« N’est-ce pas comme ça que les humains se reproduisent ? » demanda Purral, qui était apparu de nulle part, affalé sur l’accoudoir avec une tasse de lait fumant.
« Non, les humains font des bébés. Et qu’est-ce que tu fais ici ?! » s’énerva Ezarel.
« Quoi ? Un Purreko ne peut pas apprécier la littérature ? » dit le marchand avec innocence. Tous les membres du groupe levèrent un sourcil sceptique.
Soudain, Nevra claqua des doigts bruyamment, interrompant le chaos.
« C’est ça que tu voulais dire par bébés créés par les humains ! » s’exclama-t-il, les yeux brillants en se tournant vers Erika. « Ils font de la mitose ! »
Erika resta bouche bée, elle n’avait aucune idée de ce que pouvait être la mitose.
« Euuuuh … non ? » dit-elle, visiblement perdue, en lançant un regard implorant à Ykhar.
« Si ! C’est ton explication sur les IA, non ? Avec le bébé qui fait caca et les rapports qui se remplissent tout seuls ! » poursuivit le vampire.
« Je … Non … je n’ai pas … » bredouilla-t-elle.
« Si c’est comme ça qu’ils se remplissent ; en mettant n’importe quoi, n’importe où pour peu qu’il y ait de la place, ce n’est pas très différent des torchons habituels de Chrome. » conclut-il.
Chrome ouvrit de grands yeux choqués. « Hé ! » protesta-t-il, surtout par principe.
« Ah ! Trouvé ! » s’écria triomphalement Ezarel, en pointant une page du doigt. « Tu vois, Erika ? Tu n’as pas compris le livre. C’est écrit qu’il a un visage sur le ventre. »
« TEC7 n’est pas humain, Ezarel ! » hurla Erika en brandissant son livre.
« Calme-toi. Franchement, quelle mauvaise foi », souffla l’elfe en se tournant vers Alajéa, qui hocha gravement la tête.
Ykhar s’effondra dans son fauteuil et laissa tomber ses papiers dans un bruit sourd. Elle n’en pouvait plus.
« Concluons cette réunion par la décision commune qu’on ne lira plus jamais de science-fiction dans ce club de lecture », dit-elle en se frottant la tempe.
« Ykhar pas avoir donné livre pour le mois prochain. » fit remarquer Jamòn.
« Lisez ce que vous voulez. J’ai besoin de repos » conclut la brownie.
Tous se levèrent et sortirent de la bibliothèque en poursuivant leurs conversations. Elle fut enfin tranquille. Puis elle vit Valkyon rester en arrière, l’air dubitatif. Elle l’observa du coin de l’œil.
« Tu as besoin de quelque chose ? » Offrit-elle, déjà fatiguée à l’idée d’entendre la suite.
« Je ne sais toujours pas comment DEF9 s’est divisé en deux. » Marmonna-t-il.
>> Chapitre 2 : Dans les bras de Morphée
Le chapitre
Le chapitre
Dans les bras de Morphée
Un gémissement sourd s’échappa des lèvres d’Erika alors que sa conscience s’éveillait. Son corps bougea sous les couvertures, ses membres emmêlés dans une fraîcheur envoûtante et une fatigue persistante. Elle bâilla longuement, les yeux encore fermés. Quelle heure était-il ? Il y avait un silence de mort et l’obscurité qui enveloppait la pièce lui indiquait qu’il faisait encore nuit noire.
Elle tendit la main instinctivement vers lui.
Ses doigts ne rencontrèrent que le tissu froid des draps.
Etait-il parti ? Ce ne serait pas inhabituel. Nevra, après tout, n’était pas étranger aux errances nocturnes. Pourtant, une pointe de déception lui serra le cœur. Elle roula de l’autre côté du lit, pour sentir une forme solide étendue là.
Il était toujours là.
Un faible sourire étira ses lèvres tandis qu’elle se rapprochait, se lovant contre le parfum familier de bois ambré et de pomme. Elle laissa son bras glisser sur son torse.
Mais il ne bougea pas.
Pas du tout.
Même pas un souffle léger. Juste de l’immobilité : parfaite, absolue, anormalement figée.
Son cœur s’accéléra.
Elle se redressa légèrement, scrutant son visage dans l’obscurité, les contours à peine visibles dans le mince rayon de lune filtrant par la fenêtre.
Il était allongé sur le dos, de façon rigide, les bras le long du corps, la tête légèrement tournée vers le plafond.
Qui dort comme ça ?
Un frisson lui parcourut l’échine, sa gorge se serra.
Le problème avec la peau des vampires, c’est qu’elle est toujours froide. Le froid de leur sang. Un froid sans vie, pour un humain. Et il avait l’air si parfaitement immobile ; comme une sculpture, une parodie de ce qui n’est pas tout à fait vivant.
Sa respiration se bloqua. Etait-ce simplement le sommeil ? Ou …
« Nevra ? » murmura-t-elle, la voix tremblante d’inquiétude.
Aucune réaction.
Avalant sa salive avec difficulté, Erika se pencha et posa un baiser sur sa joue, désespérée de provoquer un signe de vie.
Rien.
Sa poitrine se serra. L’angoisse se répandit en elle comme de l’eau glacée.
D’accord, d’accord. Reste calme. Ne panique pas. Il faut juste… juste vérifier.
D’une main tremblante, elle appuya sa paume contre son torse, par-dessus le tissu tendu de son maillot de corps.
Y avait-il un battement ? Quelque chose ? N’importe quoi ?
« Nevra ? » répéta-t-elle, la voix vibrante. Sa main glissa sur son flanc, le pinçant doucement ; juste assez pour réveiller quelqu’un, espérait-elle.
« Nevra, réveille-toi », dit-elle, la voix brisée, la panique imprégnant chaque mot.
Des larmes lui montèrent aux yeux alors qu’elle se rapprochait, décidée à garder son sang-froid. Elle pouvait le faire. Elle devait juste vérifier s’il respirait. Pourquoi n’avait-elle pas commencé par-là ? Elle glissa son doigt tremblant sous le nez du vampire, tel une moustache, pour vérifier s’il y avait le moindre souffle de vie.
Une voix froide trancha soudain dans l’obscurité.
« Qu’est-ce que tu fais ? »
Erika se redressa d’un bond, le souffle coupé, manquant de hurler en croisant un œil de prédateur brillant dans l’ombre, à demi-fermé, à demi-amusé.
Sa main vola à sa poitrine, là où son cœur battait comme s’il voulait briser ses côtes. Elle expira violemment.
« Je… » souffla-t-elle, la voix encore secouée par la panique. Comment expliquer qu’elle venait juste de vérifier s’il était encore vivant ?
Nevra grogna faiblement, interprétant sa tension complètement de travers.
« A cette heure-ci ? » marmonna-t-il, la voix plus grave encore de sommeil. « J’ai besoin de dormir aussi, tu sais ? »
« Quoi ? »
« Quoi ? »
« Non. » dit-elle rapidement, réalisant soudain. « J’ai cru que tu étais mort. »
Un silence.
Puis un ricanement bas et moqueur s’éleva dans l’obscurité. Elle fusilla l’éclat de son œil du regard et lui tapa le bras, pas fort, juste assez pour montrer son indignation.
« Je suis sérieuse ! Tu ne bougeais pas, tu ne respirais pas, e-et… » Sa voix se brisa. « Oui, tu étais super rigide ! »
Il répondit d’un ton plat : « Je dormais. »
« Ce n’est pas comme ça que les gens dorment, » répliqua-t-elle.
« Et comment les gens dorment-il ? » demanda-t-il, ironique.
« Ils bougent. Et ils ronflent ! » énuméra-t-elle, excédée.
« Deux choses que tu ne manques jamais de me rappeler. »
Ses yeux se plissèrent. « Qu’est-ce que tu insinues ? »
« Que tu me rappelles chaque seconde de la nuit que tu es bien en vie. »
Elle cligna des yeux, stupéfaite.
« Je ne ronfle pas, » déclara-t-elle, catégorique.
« Oh que si. Même les mugissements des vaches ne sont pas aussi bruyants. »
Elle eut un hoquet d’indignation. « Pardon ?! »
« Oh, je t’ai déjà pardonnée depuis longtemps, » répondit-il nonchalamment.
« Je ne ronfle pas, et je ne bouge pas non plus, d’ailleurs ! » insista-t-elle, outrée.
« Oh si, tu ronfles, ma chère. Tu te bats plus fort dans ton sommeil que pendant l’entraînement. Et quand la nuit semble calme… » Il s’interrompit, un sourire audible dans sa voix. « Tu me rends fier. Tu as une telle détermination à voler les couvertures. Tu pourrais mettre ce talent à profit dans l’Ombre. »
Elle lui lança un regard d’offense théâtrale, ce qui ne fit que redoubler son amusement. Son sourire, invisible mais profondément ressenti, emplit l’espace entre eux.
Dans un soupir exagéré, elle se laissa retomber à côté de lui, tirant une bonne part de la couverture pour elle.
« Bonne nuit, » grogna-t-elle. « Et débrouille-toi tout seul la prochaine fois que tu sembles mort. »
« Tu veux dire la prochaine fois que je dors ? »
« Oh, tais-toi. »
Nevra ricana doucement, un rire sifflé qui vibra dans sa poitrine alors qu’il passait un bras autour de la taille d’Erika et la rapprochait de lui. Elle se laissa faire, tandis qu’il embrassait sa tempe. Son cœur battait encore fort, mais l’angoisse s’était dissipée, remplacée par le réconfort familier et stable de sa présence.
Peut-être qu’elle ronflait un peu, après tout.
Extra chapitre 2 

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Il ronflait.
Fort.
Et pas juste un petit ronflement, non, le genre qui faisait trembler les murs.
On dirait un volcan en éruption par les narines.
C’était l’été.
La chambre était un four.
Lui, une véritable bouillote.
Elle était en train de mourir.
Karenn était allongée à côté de lui, en sueur comme si elle était coincée dans un sauna auquel elle n’avait jamais consenti. A quel moment, exactement, avait-t-elle accepté de partager sa couche avec ce monstre ?
Plus jamais.
La terre tremblait (bon, c’était peut-être juste le lit, mais quand même). A chaque fois qu’il se tournait, toute la structure grinçait comme si elle allait s’effondrer.
Elle fixait le plafond, les yeux grands ouverts dans le noir, en remettant en question chaque choix de vie qui l’avait menée à cet instant.
Puis il murmura :
« Hmm ~ Salut toi. »
Elle cligna des yeux.
Est-ce qu’il flirtait dans son sommeil ?
Il continua, la voix basse et rêveuse : « Viens par ici, beauté ».
Karenn arqua un sourcil. Hum, bon, ok, c’était… plutôt flatteur.
« Tu ne quittes pas mes pensées, tu sais ? »
Un petit sourire lui échappa. Elle pourrait s’y habituer. S’il parlait comme ça plus souvent, elle ne s'en plaindrait pas.
Puis …
« T’es tellement bonne. On en trouve rarement d'aussi fermes. »
Attends.
Quoi ?
Son sourire disparut.
Ses yeux se plissèrent.
C’était quoi ce rêve tordu ?
Il bavait un peu.
Elle le fixa dans le noir, un mélange de fascination écœurée et d’horreur grandissante. Ses pensées s’emballèrent.
« Je te vois venir. N’y pense même pas, Erika. »
Pardon ?!
Karenn se redressa d’un coup, la bouche grande ouverte. Est-ce qu’il venait de parler d’Erika ?! Quel genre de triangle bizarre et incestueux était-ce censé être ?!
« Arrête d’insister. Ca n’arrivera plus, » grogna-t-il.
C’était quoi ce rêve, non d’un gallytrot ?
Karenn le fusilla du regard, prête à commettre un meurtre.
Qu’est-ce qui n’arriverait plus ?
Qu’est-ce qu’il s’était passé, d’abord ?!
« Ecoute, » continua-t-il, somnolent, « demande à Nevra. Il arrivera sans doute à te satisfaire. »
Elle était à deux doigts de le réveiller avec une gifle.
Puis, le coup de grâce :
« Non, je ne partagerai pas mon saucisson avec toi. »
A ce moment-là, le silence se fit dans l’esprit de Karenn. Un peu comme si son cerveau redémarrait. Et puis, tout s’éclaira.
Il rêvait de bouffe.
De saucisse sèche.
Elle le fixa, abasourdie.
Sans prévenir, un rire, fort, incontrôlable, secoua tout son corps.
Elle s’effondra sur le lit, à côté du loup-garou ronflant, les larmes aux yeux.
Il remua un peu. « T’es trop bruyante, » grogna-t-il.
Parle pour toi, se dit-elle.
Elle étouffa son rire dans l’oreiller.
Oh, elle en parlerait aux autres.
Ainsi, le rêve cochon de Chrome devint légendaire.
>> Chapitre 3 : Un vent de liberté
Un vent de liberté
Le ventre d’Erika la faisait souffrir. Pas une douleur qu’on pouvait ignorer, non, c’était un gonflement plein d’enjeux qui lui tordait les entrailles. Elle se sentait comme un ballon de baudruche prêt à imploser tragiquement. Sa peau au teint pâle brillait d’une fine pellicule de sueur, et son expression était tourmentée. Nevra, perché à côté d’elle sur le lit, l’observait avec inquiétude.
« Tu vas bien ? » demanda-t-il, les yeux plissés.
« Très bien. » répondit-elle sèchement.
Mensonge.
Ce serpent ne l’avait pas quittée de l’après-midi, toujours là : boulot, restau, dodo. Il l’avait même suivie sous la douche ! Bon… la douche, c’était différent. Plutôt agréable. Très agréable même. Mais ce n’était pas la question.
Là, tout de suite ? Nevra était son pire cauchemar. Chaque fois qu’elle essayait de s’éclipser, il la suivait comme une ombre aux pommettes parfaites et au charme éternel. Murmurant des douceurs, souriant comme la tentation incarnée, l’attirant toujours plus dans son étreinte affectueuse et maléfique.
Tout ce qu’Erika voulait, désespérément, c’était être seule.
Non pas pour être seule avec ses pensées, pour réfléchir, méditer ou quoi que ce soit de très introspectif. Non, rien de si profond. Mais elle ne pouvait pas accéder à cette douce liberté tant que Nevra restait si proche.
Il se dressait entre elle et la délivrance. Un geôlier silencieux, aux sens dangereusement affûtés : une ouïe sans faille, un odorat surdéveloppé. Si elle se relâchait, il le saurait.
Elle ne s’en remettrait jamais.
Il haussa un sourcil, manifestement peu convaincu.
« Tu as l’air malade, tu sais. »
« Je ne le suis pas » répliqua-t-elle un peu trop vivement.
Il haussa les épaules, n’ayant aucune envie de subir sa drôle d’humeur.
« Je vais me rafraîchir » annonça-t-elle brusquement en se levant.
« Je t’en prie » répondit-il, les yeux déjà retournés vers son livre.
Elle quitta la pièce d’un pas rapide, emprunta les couloirs doucement illuminés du QG, passa les escaliers, traversa le grand hall, et enfin – enfin - franchit les portes pour atteindre l’air libre.
La brise fraîche de la nuit caressa son visage comme une amante. Erika ferma les yeux, inspira profondément et se relâcha. L’air fut libéré, suivit d’un soupir de soulagement.
Son âme vibra.
La terre trembla.
Le ciel exulta.
C’était glorieux.
Le soulagement la submergea en une vague bénie. Le long pet mélodique résonna doucement sur le parvis silencieux. Erika se sentait comblée, plongée dans un état de paix pure et absolue.
Personne n’avait entendu. Personne ne savait. C’était un secret entre elle et la lune.
Quelques minutes plus tard, elle retourna dans la chambre avec la démarche d’une femme renaissante.
Nevra n’avait pas bougé. Il était allongé sur le lit avec la grâce nonchalante de quelqu’un qui était totalement serein. Son livre toujours ouvert.
« Tu te sens mieux ? » demanda-t-il sans lever les yeux.
« Beaucoup mieux » répondit Erika avec un sourire radieux en remontant dans le lit. Elle tira la couverture sur elle avec une dignité silencieuse. Les astres étaient de nouveau alignés.
Un silence confortable s’installa entre eux.
« Intéressant » murmura Nevra.
Elle tourna la tête vers lui.
« De ? »
Il ne quitta pas son livre des yeux.
« Il t’aura fallu quatre heures pour céder et péter. »
Elle se figea. Son corps se raidit. Son cerveau s’arrêta.
Il savait ?!
Sa mâchoire se décrocha.
« Qu… Comment ? »
« Tu déambulais comme une bombe à retardement depuis le dîner » répondit-il en tournant une page. « J’entendais ton ventre gémir et pourtant, tu as continué à manger comme si de rien n’était » ajouta-t-il. « Comment t’as fait pour faire rentrer tout ça ? »
Sa bouche s’ouvrit. Se referma. S’ouvrit encore. Elle le fixa, trahie jusqu’à l’os. Honteuse de l’absurdité de toute cette situation.
« Pourquoi tu n’as rien dit ? » reprocha-t-elle, le visage écarlate.
« Curiosité » répondit-il en haussant les épaules, sans la regarder.
« Curiosité ?! »
Il se tourna enfin vers elle, avec un sourire doux et terriblement agaçant.
« Je voulais voir combien de temps tu tiendrais. »
Elle plissa les yeux.
« Toi. » Grogna-t-elle.
« Hé ! Tu t’es mise dans cette situation toute seule ! » Se défendit-il en riant. « Tu aurais pu... je sais pas, aller aux toilettes ? Ou juste péter comme ça. »
« Tu… tu m’aurais entendu. »
« Et alors ? J’entends un tas de trucs. Tu crois que les gars de l’Obsidienne se sont déjà gêné parce qu’un vampire était dans les parages ? »
Erika pesa les arguments de son amant quelques instants. Il est vrai que Chrome s’était souvent plaint des odeurs des membres de l’Obsidienne pendant les missions. Et ils n’étaient pas particulièrement glamours ou élégants par nature.
« Tu ne sors pas avec les membres de l’Obsidienne. » Rétorqua Erika.
« C’est vrai. Je t’aime beaucoup plus qu’eux. » Susurra Nevra. Il pressa un baiser sur sa joue et l’enroula dans ses bras. « Ca arrive à tout le monde. Et si ça t’embarrasse, va juste aux toilettes. Tu n’as pas besoin de te torturer. »
Erika le fixa un instant, un léger rouge aux joues. Derrière son sourire, elle pouvait voir de la tendresse. Elle soupira puis se laissa aller contre lui. Elle sentit de la chaleur dans son ventre. Oh, pas celle qui fait mal, non.
L’autre.
Celle qui fait du bien.
>> Chapitre 4 : Réflexion
Le chapitre : The Origin
Le chapitre : The Origin
Réflexion
Cela faisait quelques jours que Nevra avait disparu de la circulation. Parti en mission de longue durée. Au début, Erika ne s’était pas formalisée de son absence. Elle savait à quoi s’en tenir : le vampire était un homme occupé, et ce n’était ni la première ni la dernière fois qu’il partait plusieurs semaines.
Mais, au fil des jours, quelque chose commença à lui peser. Ce n’était pas la solitude, non, plutôt une irritation grandissante incarnée par un loup-garou adolescent du nom de Chrome.
De manière générale, c’était un adolescent normal. Un peu impertinent, certes, mais rien de bien exceptionnel. Lui et Erika se taquinaient, s’amusaient, se lançaient dans des explorations à rallonge. Parfois, ils glandouillaient même sans véritable but en pleine mission. L’atmosphère était détendue. Les chamailleries restaient bon enfant.
Le problème, c’est que lorsque le vampire n’est pas là, le loup-garou danse. Sans Nevra pour réguler les choses, Chrome se lâchait progressivement. Le jeune loup devenait plus vindicatif, plus audacieux dans ses propos et ses actions. L’absence de son mentor lui donnait des ailes ; une confiance qui le poussait à se montrer plus provocant, voire irrespectueux.
Erika, d’abord patiente, essayait de le cadrer sans le froisser. Chrome restait un adolescent après tout, l’âme encore malléable. Elle ne voulait pas se disputer avec lui, simplement qu’il calme un peu ses ardeurs. Mais au bout de trois semaines, ses nerfs commençaient à se tendre. Et Miiko ne lâcherait Ezarel qu’au bout de quatre semaines sans Nevra. Moment où les nerfs de la kitsune atteindraient le point de rupture. Elle n’avait cure de la souffrance quotidienne d’Erika.
Un jour, grâce à un stratagème aussi subtil qu’efficace, Erika parvint à le refourguer à Karenn. Une petite remarque innocente, un regard complice avec la sœur de Nevra, et le loup-garou sauta sur l’occasion. Enfin libre de ses chaînes lupines, Erika erra dans la ville, à la recherche d’un peu de calme.
Ses pas la menèrent jusqu’aux jardins, havre de paix transformé pour la saison. Des lanternes aux teintes chaudes pendaient entre les arbres, des guirlandes végétales s’enroulaient autour des statues, et le sol exhalait une odeur d’herbe humide et boisée. Le vent tiède faisait danser ses cheveux autour son visage alors qu’elle s’agenouillait près du bassin. Un petit Corko, curieux et maladroit, s’y désaltérait. Probablement en plein apprentissage, il s’aventurait prudemment dans le cocon du QG. Erika le taquina du bout des doigts. L’animal éternua brusquement, secouant la tête avec un air vexé.
« Salut. » La voix, un murmure tout contre son oreille, la fit sursauter violemment, rompant la paix dont elle profitait. Erika perdit l’équilibre et, dans un grand plouf, bascula dans le bassin.
L’eau froide la saisit.
Le petit Corko bondit de joie, ravi d’avoir trouvé une « compagne de baignade ».
Au bord de l’eau, Nevra la regardait, partagé entre amusement et remords. Son sourire était coupable, l’œil pétillant de malice, comme s’il savourait à la fois ses retrouvailles et la situation.
« T’es revenu… » grogna Erika, mi-ravie, mi-vexée.
Nevra se pencha sur le rebord, un éclat tendre dans le regard.
« Tu m’as manqué aussi. »
Il tendit une main à Erika pour l’aider à sortir de l’eau. Elle saisit ses doigts pour se redresser, l’eau dégoulinant de ses cheveux, ruisselant le long de son visage.
« Désolé. » Ajouta-t-il, faussement contrit, tout en l’aidant à se stabiliser. La jeune femme grimaça, l’air contrarié, tout en secouant la tête. Elle avait l’habitude d’être sur ses gardes avec Nevra, mais il n’était pas censé être de retour au QG. Elle l’observa un instant, et bien qu’heureuse de le voir, elle n’appréciait que moyennement d’être trempée jusqu’aux os.
Elle passa ses bras autour de lui, et il l’enlaça à son tour. Son parfum de bois ambré et de pomme se mêlait à celui des jardins. Sa peau presque chaude contrastait avec la fraîcheur de l’eau qui perlait encore sur les bras d’Erika.
« Tu voulais que je sois trempé aussi ? » Demanda-t-il, soupçonneux.
« Oui. »
Il la serra un peu plus contre lui, sifflant un rire. Un juste retour de bâton.
Lorsqu’elle se détacha de lui, Erika tourna son regard vers l’eau, ses sourcils se froncèrent immédiatement, une impression étrange la saisissant. Elle scruta la surface du bassin, et son regard se figea.
Un petit frisson lui parcourut l’échine.
Là, dans l’eau, son propre reflet était net et précis, mais celui de Nevra… Rien.
Il n’y avait rien.
Rien d’autre que de l’eau calme, un vide étrange.
Elle cligna des yeux, puis se pencha un peu plus près pour être sûre.
« Tu n’as pas de reflet ? » demanda-t-elle, incrédule.
Nevra tourna les yeux vers l’eau. Visiblement amusé. Il ne semblait pas surpris, comme s’il s’attendait à cette réaction. « Hm ? Non. » Il confirma lentement en souriant davantage.
Erika le fixa, déstabilisée. Elle n’avait jamais remarqué ça avant, et elle se demanda s’ils n’avaient jamais croisé un miroir ou une autre zone réfléchissante ensemble auparavant. Elle le scrutait intensément, cherchant des indices sur ce qu’il venait de dire, mais son expression restait calme, implacable.
« Comment tu te prépares le matin ? » Demanda-t-elle, un brin déconcerté.
« Tu veux la version détaillée ou … ? »
Erika roula des yeux, exaspéré à son air taquin, mais un léger sourire se dessina malgré elle. Elle n’avait pas vraiment l’intention de poursuivre cette conversation sur les habitudes matinales du vampire. Elle tourna les talons, décidée à retourner au QG, mais pas avant d’envoyer un dernier regard vers le bassin. Le petit Corko, tout joyeux, jouait avec le familier d’Erika, sous l’œil vigilant de Shaïtan.
Nevra, quant à lui, la suivait d’un pas tranquille, comme si la question de son reflet n’était qu’une broutille parmi tant d’autres.
Mais pour Erika, c’était un détail qui la perturbait.
Ce n’est que quelques jours plus tard qu’elle eut la réponse qu’elle cherchait.
Enfin non, elle n’a eu aucune réponse à vrai dire.
Elle revenait de mission avec Chrome et ils devaient faire un détour au marché.
Un détour salutaire pour la mission.
Selon Chrome.
Bref.
Un détour.
Comme d’habitude.
C’est là qu’elle les aperçut Nevra, Valkyon et Ezarel, marchant au niveau des boutiques des purrekos.
« Pince-moi je rêve. » Balbutia-t-elle.
Aussitôt, elle sentie une vive pression sur sa peau.
« Aïe ! » Protesta-t-elle.
Le loup-garou haussa les épaules.
« Si je peux aider. » Déclara-t-il avec désinvolture. « Tu m’en dois une du coup. »
…
Sérieusement ?
Elle sent son sourcil tressaillir. Ce petit monstre…
Elle secoua la tête exaspérée. Mieux valait l’ignorer.
« J’aurais juré que Nevra se reflétait dans le miroir. » Marmonna-t-elle en regardant en direction des boutiques Purrekos.
« Non ? » Répondit Chrome d’un ton désintéressé.
« Il n’en avait pas l’autre jour. »
« C’était peut-être l’orientation du soleil ? » suggéra le loup-garou.
« Non, il y avait mon reflet. »
« Oui mais peut-être que Nevra était mal placé par rapport au soleil. »
« Non, il m’a confirmé ne pas avoir de reflet. »
« Ah ? » Fit Chrome, toujours focalisé sur les étals du marché.
« Tu as une idée de pourquoi ? » Demanda Erika.
Chrome, sentant qu’on sollicitait son expertise, prit un air profondément inspiré avant de déclarer, solennel : « Je ne sais pas. Demande à Nevra. »
Erika le fixa, l’expression figée. Merci Chrome pour cette suggestion d’une incroyable inutilité. Mais au fond, il avait raison. C’était probablement la seule solution : elle allait devoir mener l’enquête ! Elle ne savait pas encore par où commencer, ni s’il y avait vraiment quelque chose à découvrir, mais une chose était sûre : elle découvrirait le pot aux roses !
« Karenn. Est-ce que les vampires se reflètent ? » La question fusa, sans préambule, au réfectoire, les yeux avides de curiosité. La vampire la regarda, les yeux ronds et une fourchette dans le bec.
« Euh… bonjour. » Fit-elle, prise de court.
« Bonjour. Alors ? »
Karenn prit le temps de poser sa fourchette, l’air suspicieuse.
« Pourquoi tu veux savoir ça ? »
« Nevra n’avait pas de reflet l’autre jour. »
« Ah ? »
« C’est normal ? » Insista Erika se penchant toujours plus du côté de la vampire comme pour extraire l’information par la force du regard.
« Je suppose. Il revenait de mission, non ? » Demanda Karenn. Intéressant. Alors ce serait sur commande ? Erika hocha la tête vivement.
« Oui. »
« Alors oui, c’est normal. »
« Mais tout à l’heure au marché il avait un reflet. » Objecta Erika.
« Ah ? Et Nevra t’a dit quoi ? »
« Rien. Je ne l’ai pas trouvé depuis. C’est pour cela que je te demande. »
« D’accord. » Répondit simplement Karenn avant de se reconcentrer sur son assiette. Mais Erika la fixait. Intensément. Le genre de regard qui transperce les âmes et fait trembler les plus braves. Ou tout du moins c’est ce qu’Erika se plaisait à croire. Karenn sentie que l’humaine n’en avait pas fini. Alors elle se résigna. « Oui ? »
« C’est normal ? » répéta Erika.
« De quoi ? »
« Qu’il ait un reflet. »
« Tu en as bien un toi. »
« Le mien ne disparaît pas. »
« Tu devrais essayer, c’est bon pour la furtivité. » Recommanda Karenn, et les yeux d’Erika se plissèrent. Tel frère, tel sœur. Ils pouvaient être volubiles et de bons professeurs, mais ils affectionnaient également le fait de se payer sa tête. Scrutant Erika du coin de l’œil, Karenn ajouta au bout d’un moment : « C’est essentiellement pour être plus discrets que nous faisons disparaitre notre reflet ou encore notre ombre. Il n’y a rien d’anormal là-dedans. » Ah bon ? Les ombres pouvaient disparaitre aussi ?
« Donc Nevra a un reflet ? »
« Oui. »
« Et il peut le faire disparaitre ? »
« C’est ce que je viens de dire. »
La bouche ouverte, Erika finit par acquiescer de compréhension. Ceci explique cela. Puis, lentement, une moue d’incrédulité se dessina sur son visage.
« Il a fait exprès. » Exhala-t-elle avant de sortir en trombe du réfectoire.
Extra chapitre 4 : New Era
Attention ! Contient des spoilers sur le début de New Era.
Attention ! Contient des spoilers sur le début de New Era.
Extra chapitre 4
Sept ans plus tard…
Erika était fatiguée de cet endroit. Elle avait d’abord atterri dans ce monde inconnu, appris à s’y adapter, s’était construit une vie sociale, avait travaillé dur pour développer des compétences utiles. Tout ça pour que tout soit défait par ce maudit cristal.
Ah !
Elle était l’héroïne.
La belle affaire !
Il valait mieux être une anonyme entourée qu’une héroïne solitaire.
Certes, elle avait Chrome et Karenn. Mais pouvait-on vraiment comparer l’amitié partagée avec des adolescents à celle qu’on tissait entre adultes ? C’était ridicule, mais Erika s’était toujours figuré qu’elle devait les protéger. Même s’ils étaient objectivement plus forts qu’elle. Et dans le cas de Karenn : plus maline. Et leurs esprits étaient bien moins en désordre que le sien.
Quoi qu’il en soit, Erika ne se sentait pas de leur confier son tourment. Une fois encore, tout le monde attendait d’elle qu’elle s’adapte, qu’elle avance, qu’elle aille se confier à quelqu’un d’autre. Mais qui ? Valkyon était mort. Ezarel s’était fait la malle. Et quelle malle, franchement ! Marie-Anne et Twylda ? Sérieusement ? Sur l’échelle des mauvaises idées, ça se posait là. Cet elfe semblait vivre pour le drame.
Erika poussa un profond soupir. Pas la peine de compter sur Nevra non plus : il avait été très clair. Elle ne pouvait plus compter sur lui.
Déambulant dans les couloirs du QG, elle se dirigeait dans la salle d’alchimie afin de remettre des documents à Huang Chu. Depuis son retour, elle était la représentante officielle de la Poste au sein de la Garde. Ou plutôt, la remplaçante non-officielle d’Ykhar.
Mieux valait ne pas s’aventurer sur ce terrain-là.
Et puis, elle était revenue blessée de sa dernière mission. Comme d’habitude. Alors elle devait y aller doucement.
Erika ne s’attendait pas, à ce moment-là, à tomber sur Chrome en train de faire le pitre devant un miroir. Erika ne put s’empêcher de sourire : pas de doute, il était devenu adulte.
« Fais attention, on commence par se regarder dans un miroir et ensuite on se met à draguer tout ce qui bouge. » Le taquina-t-elle. Chrome s’observa encore un peu avant de se tourner vers l’humaine.
« T’inquiète, il n’y a pas de danger. » Répondit-il nonchalamment.
« A tes risques et périls. » Lança-t-elle en s’approchant pour ajuster ses vêtements, supposant qu’il se préparait pour un rendez-vous galant avec Karenn. Ils étaient adorables, tous les deux. Cela la laissait pourtant avec un goût amer dans la bouche.
Mais ce qu’elle vit dans le miroir - ou plutôt ce qu’elle ne vit pas - l’intriguât bien plus.
« Tu n’as pas de reflet ? »
« Non, t’as vu ? C’est trop cool ! » Déclara le loup, les poings sur les hanches, hyper fier de lui. Il tourna sur lui-même pour montrer que ça fonctionnait à trois cents soixante degrés. Mais pour Erika, ça avait un air de déjà-vu. Elle réfléchit un instant à la façon de poser sa question. D’ordinaire, elle pouvait être directe avec Chrome. Mais il lui avait sciemment caché qu’Il était en liberté.
« Comment ça se fait ? »
« J’ai bu une potion de furtivité. »
« Une potion de furtivité ? »
« Ouais, ça supprime les reflets et les ombres. C’était assez rare avant, mais aujourd’hui, l’Absynthe peut en produire régulièrement. » Expliqua Chrome.
« Tu aurais pu me dire que ça existait. » Lui reprocha Erika.
« Pourquoi faire ? On n’en a jamais eu besoin ensemble. » Répondit-il, toujours absorbé par son reflet inexistant.
« Oui, mais l’autre fois, je t’ai demandé pourquoi Nevra n’avait pas de reflet. » Pointa Erika.
Chrome sembla réfléchir. Il ne parvenait pas à se souvenir du moment où elle lui avait posé la question. En revenant de la forêt ? Ou pendant la célébration de son retour ?
« Oublie. C’était avant. Il y a sept ans. » Souffla Erika. C’était ridicule. Pour elle, cela représentait quelques mois. Mais pour Chrome, sept longues années. Il l’observa, embarrassé. Il ne pouvait pas se rappeler de ça.
« Désolé. » Dit-il sans trop savoir de quoi il s’excusait. Etait-ce pour avoir oublié une conversation sans importance ? Ou était-ce pour lui avoir caché la vérité ? Ou encore pour ne pas lui avoir tendu l’oreille qu’elle cherchait ?
Erika balaya doucement l’air de la main, comme pour écarter le sujet.
« Ce n’est rien, répéta-t-elle. C’est moi. Je m’adapte. » Elle n’avait pas d’autres choix. « Explique-moi comment ça fonctionne, cette potion de furtivité. » Demanda-t-elle avec un sourire. Sourire que Chrome lui rendit aussitôt, s’exécutant avec enthousiasme.
Malgré tout, elle conserva ce goût amer. Suite à sa rencontre avec Chrome, elle monta les escaliers en direction du corridor, à bout de souffle. Avaient-ils toujours été aussi hauts ? Son corps ne lui appartenait plus vraiment, ses pouvoirs non plus. Sa raison et ses émotions étaient en constante dissonance et elle se sentait irrémédiablement seule. Elle se laissa tomber sur une marche, à mi-chemin, pour reprendre son souffle. Quelques gardes passèrent, s’arrêtant pour lui demander si tout allait bien. Elle les remercia d’un sourire, prétextant qu’elle se reposait. Ce qui était vrai.
Personne ne semblait vraiment surpris qu’elle ait perdu en masse musculaire après sept longues années enfermée dans le cristal.
Une fois dans le corridor, elle se retrouva face à Nevra, qui arrivait en sens inverse. Un air de déjà-vu. Elle pourrait lui crier dessus, encore. Lui reprocher d’avoir accepté trop facilement qu’Il rejoigne la garde. A un poste important, rien de moins. Ou encore, de ne pas prendre le temps d’écouter ses problèmes à elle ; même si au fond, il n’avait jamais été son psy.
Il la scrutait avec une certaine méfiance. Il savait qu’elle savait.
Elle s’avança vers lui, tournant prudemment sa langue dans sa bouche. L’Autre n’était pas très loin derrière. Quel plaisir… . Elle n’avait pas envie de se disputer. Pas encore.
« Tu m’as menti. » Lança-t-elle sur un ton qu’elle aurait voulu plus taquin qu’il n’en avait l’air. Elle vit immédiatement qu’il se mettait sur la défensive. Son nez tendait à se plisser dans ces cas-là. C’était nouveau. Mais qu’est-ce qui ne l’était pas, désormais ?
« Je te demande pardon ? » Fit-il calmement.
« Il y a sept ans, tu m’as menti. » Clarifia-t-elle.
Le chef de garde s’éloigna un peu, pas suffisamment au goût d’Erika. Mais que pouvait-elle y faire ? Il était probablement sur un dossier avec Nevra. Le vampire se mura dans l’indifférence.
« Je ne mens jamais. »
« J’ai pourtant eu la preuve de ton mensonge sous les yeux, il n’y a pas plus de cinq minutes. »
Nevra parut passablement agacé. Un de ses rencards aurait eu l’audace d’aller voir son ancienne petite amie ? Il s’interrogeait, sans savoir précisément ce dont il était accusé.
« Tu m’en vois navré. Mais je ne mens jamais. Tu devrais le savoir. » Ce n’était pas le moment le plus délicat d’Erika, elle savait pourtant bien comment le vampire percevait la tromperie.
« Ce que je veux dire, c’est… tu te regardes dans un miroir ? »
Il la fixa, outré. Il avait une furieuse envie de l’envoyer paître.
« Je ne te dois rien. » répliqua-t-il, la frôlant sans un mot de plus, mettant fin abruptement à la conversation, suivi de près par son subordonné.
Elle le regarda disparaitre dans les escaliers. Qu’avait-elle dit cette fois ? Erika retourna dans sa chambre, lasse, ressassant la conversation. Elle qui espérait simplement retisser un lien autour d’un souvenir d’autrefois.
Les deux hommes descendaient les escaliers de la tour d’un pas pressé. Le chef de l’Obsidienne avait la désagréable impression qu’il devait dire quelque chose, mais sans le désir de d'intervenir.
« Je m’excuse. Commença-t-il. J’ai été très égocentrique. Je pensais sincèrement qu’elle serait furieuse de me voir. » Nevra ne répondit pas. Le chef se demanda s’il avait fait sa B.A. ou si les conventions sociales en attendaient davantage. Puisqu’il s’agissait de réconforter quelqu’un ; il devait probablement terminer sur une note positive. « Si on regarde le bon côté des choses ; c’est la première fois que Chrome gagne un pari contre Karenn. ».
Le vampire s’arrêta et jeta un regard noir à l’Obsidienne. Intéressant. Le guerrier avait pourtant suivi scrupuleusement les conseils du « Petit guide Fenghuang pour se faire des amis et les garder » dont Huang Hua lui avait recommandé la lecture.
Dernière modification par Lyscoris (Le 08-06-2025 à 22h15)