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#1577 Le 17-07-2017 à 18h26

Pseudo: Echtach
Genre du one-shot souhaité: Amitié-Amour
Description plus ou moins précise: Echtach est en pleine recherche de ses origines. Malheureusement, ça ne donne absolument rien. Nevra lui propose donc de la mordre pour découvrir son métissage ( les espèces de faéries ont un gout différent ) et après avoir pesé le pour et le contre, elle accepte. Mais alors qu'il la mord, ils sont surpris pas Ezarel ( aka mon CDC ).
Personnages principaux:Nevra, Echtach
Personnages secondaires:Ezarel
Point de vue désiré:Omniscient ou Interne, selon vos préférenecs
Autre:
J'aimerai qu'il y ai une description assez... "Sensuelle" de la morsure. Et qu'au final Nevra n'arrive pas a deviner le métissage mais dise qu'il s'agit de " quelque chose d'ancien et délicieux "... Au point qu'il a très envie d'en reprendre. Et j'aimerai bien qu'Ezarel lance une phrase acide avant de partir ( jalousie quand tu nous tiens...)
Voici le code :
Code de la commande
[b]Pseudo:[/b] Echtach
[b]Genre du one-shot souhaité:[/b] Amitié-Amour
[b]Description plus ou moins précise:[/b] Echtach est en pleine recherche de ses origines. Malheureusement, ça ne donne absolument rien. Nevra lui propose donc de la mordre pour découvrir son métissage ( les espèces de faéries ont un gout différent ) et après avoir pesé le pour et le contre, elle accepte. Mais alors qu'il la mord, ils sont surpris pas Ezarel ( aka mon CDC ).
[b]Personnages principaux:[/b]Nevra, Echtach
[b]Personnages secondaires:[/b]Ezarel
[b]Point de vue désiré:[/b]Omniscient ou Interne, selon vos préférenecs
[b]Autre:[/b]
J'aimerai qu'il y ai une description assez... "Sensuelle" de la morsure. Et qu'au final Nevra n'arrive pas a deviner le métissage mais dise qu'il s'agit de " quelque chose d'ancien et délicieux "... Au point qu'il a très envie d'en reprendre. Et j'aimerai bien qu'Ezarel lance une phrase acide avant de partir ( jalousie quand tu nous tiens...)
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#1578 Le 18-07-2017 à 22h06
Merci de signaler dans votre post en cas d’erreur ou d’oubli.
Récap’ des commandesEn cours de réalisation
ReinaSolo prise par Ichigo89100 le 04/04
Ody78 prise par Katelyna le 01/04
TheBlueWolf29 prise par sasakura2003 le 07/04
Araminta prise par Edhellsa le 04/04 -> demande de modifications le 19/04
Misakilya prise par Cathalinda le 01/05
Anaisu prise par Enyleïs le 04/06
Wendydy prise par angelcassidy le 05/06
Roseline11 prise par Cacassette le 11/06
Diiios prise par Rubane le 12/06
SerenaHarmonia prise par Aespenn le 16/06
lulu412 prise par Bryanna le 17/06
KoHu prise par papillonnuie le 27/06
Noctallli prise par Novalia- le 07/07
Iryis prise par SerenaHarmonia le 17/07
Yunaa rendu par Eaïlynn le 16/07 (modification)
Coeuràlamer prise par NutellAlice le 02/08
Nuit prise par Alouka le 02/08Terminées mais pas encore de réponses des gardiennes
Lizoupop rendu par LanaMD le 29/07
Commandes prioritaires:
MinaOffice,Equinoxe,GreenLight
Dernière mise à jour: 02/08 à 21H28
Bonne lecture !
>> Fin du passage staff
Dernière modification par Nuit (Le 02-08-2017 à 21h28)

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#1579 Le 18-07-2017 à 22h43

« Winter is Coming »
~
「 Bonsoir, je passe pour prévenir que j'ai remercié Eaïlynn par mp et ai demandé quelques modifications. 」
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”You’re like snow
Dernière modification par Yunaa (Le 28-07-2017 à 23h46)

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#1580 Le 19-07-2017 à 21h59
Pseudo: Eloranne
Genre du one-shot souhaité: Action, Drame, ± Horreur & Policier
Description plus ou moins précise: Depuis plusieurs semaines, des meurtres sont commis un peu partout dans la cité d’Eel. Chargé d’enquêter sur le sujet avec Eloranne, Leiftan découvre d’étranges similarités entre les techniques de combat d’Eloranne et ceux utilisés dans les meurtres. Ajoutant à cela que son amie semble s’isoler de plus en plus au fil des jours en parlant à sa sœur défunte, Leiftan décide d’enquêter sur sa condition en allant retrouver la tribu des Sëyties malgré la réticence d’Eloranne. Là, il découvre ce qui lui arrive et comment régler le problème.
Personnages principaux: Eloranne, Leiftan
Personnages secondaires: Qui vous voulez ^^
Point de vue désiré: Omniscient, le plus possible raconté
Autre: J’aimerais bien que le récit commence avec Eloranne qui commet un meurtre sur les ordres de sa sœur. Aussi, j’aimerais que vous inventiez pourquoi elle voit l’esprit de Nyrla (sa sœur), que ce soit à cause d’une malédiction ou bien à cause du traumatisme de sa mort.
Dans ma tête, ce récit est assez long, alors si la personne qui prend ma commande veut se lâcher lousse, qu’elle le fasse ! ^^
Petit back story de ma gardienne
Eloranne avait une sœur jumelle qui est morte quand elle avait douze ans, et cela l’a profondément troublé. Elle est partie de sa tribu une dizaine d’années plus tard, après avoir passé toutes les épreuves que les anciennes voulaient, pour retrouver Leiftan, son ami d’enfance. C’est comme ça qu’Eloranne s’est retrouvée dans la Garde de l’Ombre. Le OS se passe donc pendant les années un peu plus sombres de ma gardienne.
Il y a aussi quelques écrits sur mon profil, il suffit de cliquer sur les * et de chercher un peu.
Petit dessin de Nyrla :
Lien de l'image externe
Quelques mots utilisés par la race de Faery d’Eloranne (Google Traduction en Amharique) :
Inatëi : maman
Arogëi : Ancienne
Sëyties : race de faerie d’Eloranne
Abayëi : papa
Memakiriti : Le Conseil
Lijëi : ma fille
Ayatï : grand-mère
Et ici le code ^^
[center]Bonjour ! Je viens enfin pour passer une commande, j'espère que c'est correct ^^"[/center]
[b]Pseudo:[/b] Eloranne
[b]Genre du one-shot souhaité:[/b] Action, Drame, ± Horreur & Policier
[b]Description plus ou moins précise:[/b] Depuis plusieurs semaines, des meurtres sont commis un peu partout dans la cité d’Eel. Chargé d’enquêter sur le sujet avec Eloranne, Leiftan découvre d’étranges similarités entre les techniques de combat d’Eloranne et ceux utilisés dans les meurtres. Ajoutant à cela que son amie semble s’isoler de plus en plus au fil des jours en parlant à sa sœur défunte, Leiftan décide d’enquêter sur sa condition en allant retrouver la tribu des Sëyties malgré la réticence d’Eloranne. Là, il découvre ce qui lui arrive et comment régler le problème.
[b]Personnages principaux:[/b] Eloranne, Leiftan
[b]Personnages secondaires:[/b] Qui vous voulez ^^
[b]Point de vue désiré:[/b] Omniscient, le plus possible raconté
[b]Autre:[/b] J’aimerais bien que le récit commence avec Eloranne qui commet un meurtre sur les ordres de sa sœur. Aussi, j’aimerais que vous inventiez pourquoi elle voit l’esprit de Nyrla (sa sœur), que ce soit à cause d’une malédiction ou bien à cause du traumatisme de sa mort.
Dans ma tête, ce récit est assez long, alors si la personne qui prend ma commande veut se lâcher lousse, qu’elle le fasse ! ^^
[spoiler= Petit back story de ma gardienne]Eloranne avait une sœur jumelle qui est morte quand elle avait douze ans, et cela l’a profondément troublé. Elle est partie de sa tribu une dizaine d’années plus tard, après avoir passé toutes les épreuves que les anciennes voulaient, pour retrouver Leiftan, son ami d’enfance. C’est comme ça qu’Eloranne s’est retrouvée dans la Garde de l’Ombre. Le OS se passe donc pendant les années un peu plus sombres de ma gardienne.
Il y a aussi quelques écrits sur mon profil, il suffit de cliquer sur les * et de chercher un peu.
Petit dessin de Nyrla :
[url=http://www.zupimages.net/up/17/15/w68t.png][color=#48b3d7][u]Lien de l'image externe[/u][/color][/url]
Quelques mots utilisés par la race de Faery d’Eloranne (Google Traduction en Amharique) :
Inatëi : maman
Arogëi : Ancienne
Sëyties : race de faerie d’Eloranne
Abayëi : papa
Memakiriti : Le Conseil
Lijëi : ma fille
Ayatï : grand-mère
[/spoiler]
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#1581 Le 21-07-2017 à 17h05
Yop ^^
Je viens re-poster ma commande et ce, avec l'accord d'@Ayaneee ^^ Merci à toi au passage.
Pseudo:SerenaHarmonia.
Genre du one-shot souhaité:Amitié voir aventure.
Description plus ou moins précise:J'aimerais une OS sur la relation entre Ezarel et Serena. L'elfe et la jeune kitsune sont de très bon amis, mais ça n'a pas toujours été le cas. J'aimerais voir comment ils deviennent amis, avec plusieurs prises de becs plus ou moins violentes.
Personnages principaux:Ezarel et Serena.
Personnages secondaires:La garde d'Eel.
Point de vue désiré:Comme l'auteur(e) le voudra.
Autre:Je suis dispo par mp pour toute question ^^ Et pour plus d'info sur ma gardienne, n'hésité pas à fouiller sur mon profil ^^ Et merci d'avance pour le ou la conteu(se)r qui prendra ma commande.
Le code
[color=#36373C][color=#D1363C][b]Pseudo:[/b]S[/color]erenaHarmonia.[/color]
[color=#36373C][color=#D1363C][b]Genre du one-shot souhaité:[/b]A[/color]mitié voir aventure.[/color]
[color=#36373C][color=#D1363C][b]Description plus ou moins précise:[/b]J[/color]'aimerais une OS sur la relation entre Ezarel et Serena.[/color] [color=#36373C][color=#D1363C]L[/color]'elfe et la jeune kitsune sont de très bon amis, mais ça n'a pas toujours été le cas.[/color][color=#36373C][color=#D1363C] J[/color]'aimerais voir comment ils deviennent amis, avec plusieurs prises de becs plus ou moins violentes.[/color]
[color=#36373C][color=#D1363C][b]Personnages principaux:[/b]E[/color]zarel et Serena.[/color]
[color=#36373C][color=#D1363C][b]Personnages secondaires:[/b]L[/color]a garde d'Eel.[/color]
[color=#36373C][color=#D1363C][b]Point de vue désiré:[/b]C[/color]omme l'auteur(e) le voudra.[/color]
[color=#36373C][color=#D1363C][b]Autre:[/b]J[/color]e suis dispo par mp pour toute question ^^ [color=#36373C][color=#D1363C]E[/color]t pour plus d'info sur ma gardienne, n'hésité pas à fouiller sur mon profil ^^ [color=#36373C][color=#D1363C]E[/color]t merci d'avance pour le ou la conteu(se)r qui prendra ma commande.[/color]
"Les gens fous sont des gens bien."
- A L I C E A U P A Y S D E S M E R V E I L L E S. -
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Dernière modification par SerenaHarmonia (Le 21-07-2017 à 17h05)
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#1582 Le 23-07-2017 à 15h30
Bonjour !!! je prend la commande de SerenaHarmonia
La fille des Sept Mers
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#1583 Le 25-07-2017 à 16h20
Bonjour !
Je m'adresse à vous pour nous aider, Diiios et moi, à fêter deux ans d'amitié. On souhaiterait un petit OS pour cela ♥
Pseudo: Nalarya
Genre du one-shot souhaité: Amitié.
Description plus ou moins précise: Libre cours à l'auteur, tant que que l'amitié entre les deux femmes est mise en avant. Ca peut être leur rencontre, le moment où elles s'apprivoisent, l'une des deux qui fait un sale coup à l'autre... Vraiment, nous laissons l'auteur s'amuser

Personnages principaux: Diiios et Nalarya.
Je vous donne une petite descriptions des deux bestioles juste en dessous

Diiios
"Diiios est une gardienne de l'Ombre dont le rôle sied à merveille, pratiquement personne ne la connaît et on la croise rarement. Personne n'a d'ailleurs pu la voir sans son masque (sauf Nala et Leiftan). Lorsqu'on l'interroge sur cette raison, elle répond qu'elle ne doit pas interférer avec le passé. Elle a donc traversé l'espace-temps pour se retrouver à Eel, perdant aux passages de nombreuses choses. Cela serait la cause de son comportement énigmatique et mélancolique, et de son isolement constant. Personne ne sait d'ailleurs de quelle race elle est issue. Son unique amie se résume à Nalarya. C'est lorsqu'elles ne sont que toutes les deux que Diiios arrive à parler franchement. Pour son physique, c'est la même apparence que ma gardienne." Diiios.
Nalarya
Ma petite Nala n'a pas vraiment d'histoire ou de description officielle. C'est une créature affiliée à la nature, plus familièrement aux nymphes. Elle est douce et farceuse mais possède un répondant mordant (elle s'entend d'ailleurs bien avec son patron). Pessimiste, elle maintient généralement des distances affectives avec les autres. Elle a un don avec les bébêtes, squatte souvent la fontaine et est une très bonne alchimiste. Elle est très fière d'appartenir à la garde Absynthe.
Physiquement, elle a les cheveux turquoises, les yeux vairons et une peau légèrement hâlée.
Diiios et Nala sont amies, elles s'adorent même si elles sont toujours prêtes à se tirer dans les pattes.
Point de vue désiré: Point de vue extérieur ou omniscient de préférence.
Autre: Je reste disponible pour toutes questions ou précisions (moi, pas Diiios, c'est une flemmarde) . Un gros merci pour celle ou celui qui sera inspiré ♥
Je mets le code ici.
Spoiler (Cliquez pour afficher)
[b]Pseudo:[/b] Nalarya
[b]Genre du one-shot souhaité:[/b] Amitié.
[b]Description plus ou moins précise:[/b] Libre cours à l'auteur, tant que que l'amitié entre les deux femmes est mise en avant. Ca peut être leur rencontre, le moment où elles s'apprivoisent, l'une des deux qui fait un sale coup à l'autre... Vraiment, nous laissons l'auteur s'amuser
[b]Personnages principaux:[/b] Diiios et Nalarya.
Je vous donne une petite descriptions des deux bestioles juste en dessous
[spoiler=Diiios]
"Diiios est une gardienne de l'Ombre dont le rôle sied à merveille, pratiquement personne ne la connaît et on la croise rarement. Personne n'a d'ailleurs pu la voir sans son masque (sauf Nala et Leiftan). Lorsqu'on l'interroge sur cette raison, elle répond qu'elle ne doit pas interférer avec le passé. Elle a donc traversé l'espace-temps pour se retrouver à Eel, perdant aux passages de nombreuses choses. Cela serait la cause de son comportement énigmatique et mélancolique, et de son isolement constant. Personne ne sait d'ailleurs de quelle race elle est issue. Son unique amie se résume à Nalarya. C'est lorsqu'elles ne sont que toutes les deux que Diiios arrive à parler franchement. Pour son physique, c'est la même apparence que ma gardienne." Diiios.[/spoiler]
[spoiler=Nalarya]
Ma petite Nala n'a pas vraiment d'histoire ou de description officielle. C'est une créature affiliée à la nature, plus familièrement aux nymphes. Elle est douce et farceuse mais possède un répondant mordant (elle s'entend d'ailleurs bien avec son patron). Pessimiste, elle maintient généralement des distances affectives avec les autres. Elle a un don avec les bébêtes, squatte souvent la fontaine et est une très bonne alchimiste. Elle est très fière d'appartenir à la garde Absynthe.
Physiquement, elle a les cheveux turquoises, les yeux vairons et une peau légèrement hâlée.
Diiios et Nala sont amies, elles s'adorent même si elles sont toujours prêtes à se tirer dans les pattes.[/spoiler]
[b]Personnages secondaires:[/b] Rien d'obligatoire, libre à l'auteur. [small](Si jamais : Diiios est obsédée par Leiftan et Nala est loin d'être insensible à Valkyon). [/small]
[b]Point de vue désiré:[/b] Point de vue extérieur ou omniscient de préférence.
[b]Autre:[/b] Je reste disponible pour toutes questions ou précisions [small](moi, pas Diiios, c'est une flemmarde) [/small]. Un gros merci pour celle ou celui qui sera inspiré ♥

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“LA RIVIÈRE PERCE LE ROCHER
NON PAS PAR SA FORCE,
MAIS PAR SA PERSÉVÉRANCE”
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NON PAS PAR SA FORCE,
MAIS PAR SA PERSÉVÉRANCE”
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#1584 Le 26-07-2017 à 14h31
» Be careful making...
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Hey !
Après exactement dix-huit jours de travail - je crois que c'est la première fois que je suis aussi efficace x) -, une inspiration fulgurante et une très grosse frayeur ahem qui au final n'a eu aucune séquelle, je viens rendre l'OS de @Phyllali05 !
Phyllali05 a écrit :
http://img4.hostingpics.net/pics/190329ryjry.png
°❈. *o* .❈ °
Hello :3 !
Je viens passer commande ~
Pseudo: Phyllali05
Genre du one-shot souhaité: Humour/Romance
Description plus ou moins précise: Alajéa est persuadée que Phy a des sentiments pour Chrome. La sirène demande alors à Karenn de l'aider à manigancer un plan pour les rapprocher. Cette dernière, voyant là l'opportunité de ne plus avoir Chrome dans les pattes et l'avantage de connaître avant tout le monde le futur nouveau couple de la Garde, accepte. Cependant, Chrome et Phy remarquent vite le comportement étrange de leurs deux camarades, et tentent de savoir ce qu'elles mijotent, sans savoir que cela les concerne...
Personnages principaux: Alajéa, Karenn, Chrome, Phy
Personnages secondaires: Comme vous voulez ! Vous pouvez intégrer un autre (ou plusieurs) personnage du jeu, voir même votre Gardienne :3
Point de vue désiré: Externe
Autre: Merci d'avance 'w'/ !°❈. *o* .❈ °[/i]
http://img4.hostingpics.net/pics/923582rhy.png
S'il y a quoi que ce soit qui te dérange ou que tu souhaites modifier, n'hésite pas à me le dire ! Je ne me suis pas encore relue, je vais le faire de suite donc s'il y a des coquilles,
c'est que je n'ai pas encore terminé de relire :3
Phy x Chrome ♥
LES CONVERSATIONS ALLAIENT bon train dans le spacieux réfectoire. Les groupes d’amis, déjà établis depuis de nombreux mois, se distinguaient par d’assourdissants éclats de rire et des discussions mouvementées. Non loin du comptoir, à leur table habituelle, siégeaient Miiko et ses plus proches conseillers, oubliant pour un instant, simplement quelques minutes, les préoccupations qui les assaillaient quotidiennement. Les vibrantes plaisanteries d’Ezarel, les canines pointues dévoilées sans pudeur de Nevra et même les sourires amusés des deux plus taciturnes, Valkyon et Leiftan, en disaient long sur l’ambiance qui régnait dans la pièce. Sous les plafonniers légèrement rougeâtres, et par un étrange effet d’optique que même la magie d’Eldarya n’eût pu expliquer, les manières de ces hauts dignitaires paraissaient plus clémentes, moins autoritaires, et ils n’avaient rien des gouvernants que chacun connaissait ; remplacés par une bande de gamins hilares et insouciants, ils paraissaient soudainement beaucoup plus abordables et affables qu’à l’accoutumée. Dans la sombreur de sa cuisine, protégé de tous ces débats bon enfant par une petite cloison, Karuto observait les effusions de bonne humeur qui se propageaient jusqu’à lui, et autorisait même la faible esquisse d’un sourire à demi dissimulé à se frayer un chemin sur ses lèvres crispées… Bien qu’officiellement, il fût tout simplement en train de vérifier que son plat du soir était au goût de tous les Gardiens.
Et comme ça, tout d’un coup, en une fraction de seconde, en un fracas de plateau s’écrasant sur une table excentrée, l’insouciance fraternelle de la soirée vola en éclats.
Pour Karenn, du moins.
La jeune vampiresse, assise seule à une petite table où elle retrouvait habituellement sa meilleure amie des fonds marins, remuait mollement la bouillie informe que le satyre bougonnant avait versée à contrecœur dans son assiette. Elle avait eu beau lui offrir son plus beau sourire – ou en tous cas, son moins carnassier… –, il avait reniflé avec mépris et mécontentement en sa direction et lâché avec mauvaise humeur une épaisse cuillérée de purée laiteuse à grumeaux. D’accord, peut-être que ce n’était pas très gentil d’avoir tenté d’hypnotiser incognito Karuto pendant son sommeil pour qu’il lui fournisse les mets les plus juteux à chaque fois qu’elle passerait dans la cantine, mais elle méritait décidément mieux qu’un coulis difforme où s’agglutinaient sinistrement des flocons.
Elle lâcha un soupir, le menton appuyé sur le poing, et reposa fermement sa fourchette sur son plateau : il était hors de question qu’elle s’abaisse à se nourrir d’une mousseline aussi infâme, et s’il le fallait, elle s’infiltrerait en douce dans le garde-manger pour subtiliser un peu de pain. Elle s’apprêtait à se lever, adresser un sourire narquois à l’injuste cantinier, un clin d’œil entendu à son frère tout aussi espiègle qu’elle et jeter sans remords sa pâtée, lorsqu’un lourd bruit juste devant elle la fit bondir sur son siège et la précipita hors de sa rêverie. Il lui sembla même qu’elle laissait échapper un faible cri de surprise, mais elle ne le souleva pas ; elle avait une réputation de rebelle à maintenir, tout de même.
En relevant les yeux, elle fut rudement accueillie par le regard inquisiteur d’Alajéa, qui semblait être en train de la dévisager jusqu’au plus profond de son âme. Elle venait de poser son plateau en face de Karenn, et observait attentivement cette dernière avec une telle insistance que ses yeux semblaient sur le point d’être éjectés de leurs orbites. Jamais la jeune fille n’avait vu son amie afficher une telle expression, jamais elle n’avait vu ses yeux roses emplis d’un tel sérieux.
– Karenn, j’ai besoin de ton avis ! proclama-t-elle vivement avant même de s’asseoir.
Sur ce, elle ramena la chaise près d’elle pour y siéger, un peu maladroitement. Malgré son aise lorsqu’il s’agissait de marcher, la sirène désormais anthropomorphe avait quelques difficultés, parfois, à exécuter des tâches plus complexes qui recourraient l’usage de jambes humaines. Heureusement, elle apprenait vite à se mouvoir efficacement sans sa queue de poisson, et son amie aux canines était épatée par les progrès notables qu’elle avait faits, les mois derniers.
– OK, mais tu étais où ? Je t’attendais, moi, protesta Karenn.
Fidèle à son jeune âge et sa mentalité équivalente à celle d’une petite fille aimant s’insurger et surtout que chacune de ses directives soit respectée au doigt et à l’œil, la brune accompagna ses propos d’une petite moue déçue. Elle avait la coutume de passer tous ses dîners simplement accompagnée de sa camarade océanique, et devait avouer que sa compagnie lui avait manqué, brisant une habitude si fermement enracinée.
– Justement, je vais t’expliquer. (Son regard coula sur la crème lactescente de son amie.) Tu manges pas ?
– Non, marmonna-t-elle.
Sans prévenir, la sirène se jeta sur l’assiette de la vampiresse et s’empressa d’engloutir une conséquente fourchetée de bouillie, indifférente aux caillots hasardeux et à l’apparence peu alléchante de la nourriture. Karenn l’observa en silence, les yeux écarquillés, bouche-bée, incapable de concevoir comment une personne censée et possédant un cœur qui bat sainement pût ingurgiter de son plein gré une telle purée inconsistante.
– Ça va, Alajéa ? demanda Karenn très sérieusement, préoccupée par la santé mentale de son amie. Quelle sorte d’immondice avait parasité son cerveau pour qu’elle se précipite aussi avidement sur… ça ?
La sirène hocha la tête en relevant les yeux vers la brunette : un filet de coulis ivoirin dégoulinait le long de son menton, et Karenn fut partagée entre le dégoût et l’hilarité.
– Chai chuste faim, répondit Alajéa en haussant les épaules et triturant la purée avec une précipitation d’hyène vorace.
Ce fut finalement l’amusement qui l’emporta et la jeune fille se mit bien vite à rire incontrôlablement, éternellement surprise par la spontanéité et l’imprévisibilité d’Alajéa. Lorsqu’elle se fut calmée, et sous le regard dubitatif et candide de la sirène, Karenn se rappela que son amie avait l’air tout agitée lorsqu’elle était arrivée et qu’elle avait vraisemblablement besoin de son aide.
– Alors, qu’est-ce que tu voulais ?
Toujours la bouche pleine, la jeune femme aux cheveux bleutés hocha la tête et se retourna – elle tentait visiblement d’être discrète, mais son mouvement maladroit lui attira plusieurs regards curieux aux alentours. Karenn, réprimant un nouvel éclat de rire, dirigea son regard vers la direction que pointait Alajéa.
De l’autre côté du réfectoire, à quelques mètres à gauche de la table de Miiko, Karenn pouvait distinguer une brunette à la coiffure sage qu’elle aimait bien gentiment importuner de temps à autre, ou qu’elle avait déjà initiée à ses manières frauduleuses. Phy était une jeune femme accueillante, un peu ingénue, parfois se montrant naïve, mais qui n’en résultait pas moins une agréable et insouciante compagnie. Elle était assise à une grande table, pourtant seules deux places étaient occupées : la sienne, et celle qui lui faisait face, où s’était assis Chrome. La jeune femme et le loup-garou étaient visiblement en plein dans une conversation très animée, et de temps à autre, la brune éclatait d’un rire bruyant et cristallin sous le regard amusé du jeune garçon. La scène était attendrissante à voir, surtout que cette amitié-là ne figurait pas dans les pronostics de la Garde d’Eel. Personne ne s’attendait véritablement à ce qu’une personnalité aussi douce que celle de Phy puisse s’entendre avec l’espièglerie pétillante du canidé. Néanmoins, il fallait avouer qu’ils étaient plutôt mignons, dans le genre « amitié imprévisible mais qui au final passe bien ».
– Oui, Phy et Chrome. Et donc ? questionna Karenn, sans comprendre où son amie voulait en venir.
Fort heureusement, Alajéa avait enfin fini d’avaler sa purée et put lui répondre immédiatement, en chuchotant, comme si elle craignît qu’une oreille indiscrète l’entendît.
– Et donc, tu ne vois pas ce que je vois ? C’est évident que Phy en pince pour Chrome ! Tu le vois pas, toi ?
Karenn plissa les yeux, comme si, ainsi, elle eût pu mieux distinguer les sentiments les plus profondément enfouis de la nouvelle Gardienne. Si elle décela un léger rougissement sur ses pâles pommettes, il ne lui sembla pas que Phy fût amoureuse de son ami, malgré les dires d’Alajéa. Elle haussa les épaules.
– Pourquoi pas, mais qu’est-ce que ç’a à voir avec ton retard et avec toi en général ?
Alajéa eut un gigantesque sourire excité qui lui était parfaitement caractéristique, signe qu’elle avait une idée maléfique en tête. Dans ces moments-là, Karenn retrouvait en elle un miroir parfait de sa propre personnalité et des troubles enfantins qu’elle causait elle-même au sein de la Garde d’Eel.
– J’étais en train de réfléchir à un plan ingénieux pour qu’elle lui avoue ses sentiments et qu’ils se mettent ensemble ! Ce serait adorable, tu penses pas ? Ils sont trop mignons ! Et en plus, ce serait grâce à nous, expliqua-t-elle, les yeux brillants.
Jouer les Cupidon pour une histoire qui ne la concernait même pas ? Karenn fut tout d’abord tentée de refuser, quitte à décevoir son amie. Cette affaire ne lui disait rien qui vaille, et elle avait grand peur qu’elle n’amène plus de complications que de solutions et de satisfaction d’avoir accompli une bonne action. Par ailleurs, elle ne voulait pas risquer de disloquer son amitié avec les deux membres du « couple » au cas où les suspicions d’Alajéa s’avéraient complètement infondées.
Cependant, à mieux y réfléchir… l’idée n’était pas si déplaisante que cela. Cela lui permettrait d’élaborer une stratégie avec son génial esprit plein d’imagination, et par ailleurs, elle s’amuserait probablement énormément en le faisant, et en compagnie de sa meilleure amie. En plus, elle serait au courant avant tout le monde de la nouvelle relation croustillante de la Garde, elle qui adorait les potins et ragots en tout genre. Enfin, et le plus important, elle serait enfin libérée de la présence du gamin constamment dans ses pattes, ce qui représenterait un allègement considérable…
Elle tourna une dernière fois la tête vers la table allègre qui abritait les deux victimes de leurs machinations…
Et un sourire carnassier, représentant parfaitement sa race faelienne, se profila sur ses lèvres fines.*
Un doux soleil printanier caressait avec tendresse l’herbe humide du Jardin de la Musique, que venaient éclabousser quelques gouttes joyeuses tout droit tombées de l’imposante fontaine en forme de piano. Néanmoins, Karenn et Alajéa n’avaient pas affronté les rayons de l’astre chaleureux pour le pur bonheur d’une plaisante promenade, mais pour retrouver leurs proies. C’était la vampiresse qui, sans surprise, avait proposé ce nom de code pour Phy et Chrome, quoique la sirène s’y fût opposée en un premier temps, avant de comprendre que cette appellation n’avait pour but exclusif que de beaucoup amuser son amie, et respectueusement elle lui accorda ce caprice.
Elles avaient inspecté tout le QG tout d’abord à la recherche des deux tourtereaux, prêtes à mettre en application leur stratagème… quel qu’il fût. En effet, Karenn semblait avoir une idée pour précipiter la confession, mais ne s’était pas concertée avec Alajéa, et cette dernière, même si elle avait confiance en la réussite de ce plan, était moins convaincue par l’idée en elle-même. Sa camarade pouvait parfois avoir des stratégies pour le moins… téméraires.
C’est avec une légère appréhension que la créature marine avait suivi son amie nocturne le long des corridors désertés de la Garde, ayant toutefois hâte de finalement assister à l’éclosion d’un bourgeon d’amour naissant. Elles ne croisèrent presque personne dans les couloirs tapissés de pourpre, ni même dans les salles où se claustraient habituellement certains haut placés – Kero et Ykhar semblaient même avoir abandonné l’obscurité poussiéreuse des ouvrages millénaires pour profiter des beaux jours. La seule présence qui ne les surprit pas fut celle de Miiko dans la Salle du Cristal, recluse devant la gigantesque pierre azurée, semblant en grande conversation avec Leiftan. Lorsque les deux jeunes femmes passèrent devant la légendaire pièce, elles ne purent s’empêcher d’y jeter un coup d’œil curieux et deux pensées bien distinctes traversèrent leurs esprits : Alajéa se lamenta avec empathie qu’ils ne pussent pas sortir de leur caverne bleutée pour profiter du soleil renouvelé et des hélianthes lui répondant ; Karenn, quant à elle, se demandait bien avec malice quelle affaire urgente pouvait requérir des mines si fermées et une discussion si absconse.
Enfin, après avoir cavalé l’air de rien à travers tout le QG et les jardins, leurs pas les menèrent jusqu’au Jardin de la Musique, où les oreilles touffues de l’enfant loup étaient facilement distinguables. Tout d’un coup, Alajéa sentit pour la première fois la faiblesse de son plan. Alors qu’elle approchait Chrome – et Phy, qui, sans surprise, barbotait dans l’eau aux côtés de son ami lupin –, une boule de nerfs lui saisit la gorge et elle se demanda bien comment elle allait faire pour suggérer à Phy d’avouer ses sentiments…
Heureusement, les deux insouciants ne semblaient pas encore les avoir remarquées. Alajéa se sentait si nerveuse qu’elle avait l’impression qu’on aurait pu lire sur son visage, d’un simple coup d’œil, qu’elle s’apprêtait à suivre les directives inconscientes de Karenn sans savoir de quoi il s’agissait… mais ce ne pouvait rien être de grave, pas vrai ? Elle souhaitait juste mettre Phy et Chrome ensemble, et de toute manière, cela crevait les yeux que la jeune femme avait des sentiments pour lui !
Karenn la tira en arrière et ramena ses lèvres à l’oreille de son amie : le souffle chaud de la jeune femme provoqua un frisson inattendu chez la sirène.
– Distrais Phy, j’ai une idée, murmura-t-elle.
Le léger tremblement dans sa voix laissait croire sans problème qu’elle retenait tant bien que mal un gloussement, pensant sans doute à la merveilleuse idée qu’elle avait eue.
Alajéa tenta de bredouiller quelque chose, totalement désemparée : elle n’avait jamais été très bonne en improvisation ! À quoi s’attendait Karenn ?
Néanmoins, elle n’eut pas le temps de protester, car son amie venait de la pousser en avant en riant, ne lui laissant pas l’occasion de proposer une objection… et les regards de Phy et de Chrome s’étaient tournés en un clin d’œil vers la source du bruit nouveau.
La sirène sentit ses joues s’embraser sous l’étouffant poids des regards inquisiteurs. Cependant, elle fit de son mieux pour ne rien laisser transparaître de sa déroute, regagner un peu de confiance et de contenance ; elle lissa machinalement le tissu bleuté de son pantalon, comme si elle essuyait ses mains moites, et se racla imperceptiblement la gorge avant d’offrir à la jeune faelienne un grand sourire amical et chaleureux. Elle devait à tout prix recouvrer son apparence spontanée et puérile habituelle.
– Phy ! Je te cherchais, avoua-t-elle en s’approchant d’elle.
– Vi ? questionna-t-elle en arquant un sourcil, offrant toute son attention à la nouvelle venue.
La sirène ne put s’empêcher de sourire plus franchement, cette fois-ci, en entendant l’adorable défaut de prononciation que son amie avait développé depuis sa plus tendre enfance. Au moins, l’innocence de son élocution permettait à Alajéa de se détendre un peu et d’oublier les yeux suspicieux de Chrome, qui la détaillait attentivement.
– Tu viens, on va se promener par ici ? demanda la jeune femme, désignant d’un geste ample de ses bras toute l’étendue des jardins verdoyants de la Garde.
La brunette adressa un regard interrogateur à Chrome, comme lui demandant la permission de s’absenter pour passer un peu de temps avec elle. Ce dernier hocha la tête avec un petite sourire, lui indiquant que cela ne le dérangeait pas qu’elle fasse quelques pas sans sa compagnie. Phy reporta alors son attention sur Alajéa ; si elle semblait dubitative et quelque peu déconcertée par la soudaine et inhabituelle proposition de la sirène, elle lui offrit un grand sourire amical, signe qu’elle ne comptait pas décliner sa proposition.
– OK, accepta-t-elle.
– Super ! s’exclama joyeusement Alajéa.
Les deux jeunes femmes s’éloignèrent du Jardin de la Musique, laissant derrière elles un Chrome sceptique, une Karenn narquoise et le gazouillis chantant de l’eau cristalline de la fontaine.*
– Alors, euh… il fait beau, non ?
Alajéa fit de son mieux pour ne rien laisser transparaître de son malaise alors que les deux jeunes femmes vagabondaient dans les alentours sylvestres, réchauffées par le soleil de fin de printemps. Phy la jaugeait d’un regard en coin suspicieux, les lèvres légèrement crispées, comme si elle se doutait de quelque chose quant au comportement inhabituel de son amie sirène. Cette dernière essaya comme elle pouvait de se rendre moins effrayante qu’elle ne le paraissait, pour ne pas donner l’impression qu’elle allait entraîner Phy dans un buisson sombre puis sauvagement l’assassiner et décorer sa chambre de ses viscères. Tentant de se donner un air décontracté, elle fourra ses mains dans ses poches… avant de réaliser que sa tenue ne comportait pas de poches, et de glisser maladroitement le long de ses cuisses, les mains moites.
Pour avoir l’air moins terrifiante, c’était mal parti.
– Vi, c’est vrai, répondit Phy avec un faible sourire.
Sa nouvelle expression amusée laissait croire que l’embarras d’Alajéa n’était pas si angoissant que ce que la sirène pouvait penser au premier abord. Elle laissa échapper un faible rire nerveux en baissant la tête. Les rouages dans sa tête carburaient à une vitesse phénoménale, qu’elle n’aurait jamais cru pouvoir atteindre. Elle pouvait presque sentir l’inéluctable surchauffe approcher, la fumée étouffante s’échapper du métal à chaud sous sa boîte crânienne. Il était impératif qu’elle trouve un sujet de discussion naturel, et vite, en espérant que Karenn se dépêche de trouver une initiative intelligente pour lui sauver la mise.
– Alors, tu reviens de mission ? questionna gentiment Phy, semblant sincèrement curieuse et intéressée par les récents accomplissements d’Alajéa.
– Non, pas vraiment, répondit amicalement la sirène, avec un léger sourire gêné, tout en se grattant la nuque.
Elle n’osait pas vraiment lui avouer que cela faisait plusieurs mois qu’elle n’avait pas quitté le QG, et qu’aucune tâche de taille ne lui avait été confiée durant tout ce laps de temps, ridiculement long. Elle ne voulait pas passer pour une simple touriste, amorphe et abandonnée dans la large base à l’apparence placide. Alajéa aurait aimé se rendre utile, être considérée comme une héroïne pour Eel, mais elle n’ignorait pas que ce profil correspondait plutôt à d’autres membres de la Garde, et qu’elle n’avait pas exactement la trempe du guerrier et fin stratège…
Elle lui offrit néanmoins un sourire affectionné. Cela lui réchauffait le cœur qu’une de ses amies s’intéresse franchement à elle et à ce qu’elle faisait. Avec Phy, elle se sentait appréciée à sa juste valeur, comme si elle n’était plus la pauvre et innocente créature marine, au lourd passé ténébreux et aux grands yeux ingénus, crédule et assez souvent sous-estimée. Avec Phy, elle était Alajéa, et jamais la jeune femme ne l’avait considérée comme inférieure, jamais elle ne l’avait traitée avec condescendance et un brin d’hypocrisie, comme on s’adresserait à un enfant posant une question puérile. C’était la raison pour laquelle la jeune femme appréciait tant la compagnie de Phy. Avec elle, elle se sentait enfin elle-même, au-delà des barrières du jugement péjoratif qui la claustraient presque en permanence. Sa détermination revint soudainement en flèche : son appréhension mise de côté, elle estimait son objectif plus justifiable. Phy méritait d’être heureuse avec Chrome, et si elle n’osait pas se déclarer, c’était bien à une amie qui l’estimait énormément de s’en charger !
– En fait, ça fait longtemps que je ne suis pas sortie du QG. Mais toi, tu as combattu des dragons, dernièrement ?
Phy autorisa un petit rire cristallin à franchir la barrière de ses lèvres, mais juste assez court pour ne pas paraître forcé. Néanmoins, au moment de répondre, ses pommettes se rabaissèrent et elle retrouva son apparence furtive et taciturne qui lui était caractéristique. Alajéa faisait de son mieux pour chasser ses pensées défaitistes, mais elle ne risquait pas d’obtenir des informations aussi confidentielles qu’une potentielle flamme si elle restait cachée dans son silence timide…
– Non, pas exactement. Mais je viens de revenir d’une mission avec Chrome…
Le ton de sa voix s’était encore plus adouci sur la fin de sa phrase, si c’était possible, et un suave ruissellement de miel couronnait le prénom du jeune homme. Alajéa se redressa un peu trop brusquement à l’entente de cette nouvelle : voilà qui s’annonçait utile pour son enquête. Aborder le sujet de ses sentiments pour Chrome serait bien plus facile si c’était elle-même qui lançait le sujet, plutôt qu’une demande maladroite venant d’Alajéa.
– Ah oui ? Qu’est-ce que vous avez dû faire ?
Elle avait lancé la question sur un ton enjoué, avec un très large sourire, les yeux rieurs et une étincelle de curiosité sur les lèvres. Alajéa était en effet bel et bien intéressée par le contenu de cette mystérieuse mission… d’autant plus qu’elle avait permis aux deux timides tourtereaux de passer plus de temps seul à seule !
Un léger rougissement apparut sur les joues pâlottes de la brunette, mordorant ses pommettes d’une délicate touche de vermeil. Intérieurement, Alajéa exultait : malgré la nature particulièrement hésitante de son amie, elle pouvait devinait à sa gêne vaporeuse qu’évoquer cette expérience lui rappelait des souvenirs agréables, si ce n’est légèrement indiscrets. N’était-ce pas là une preuve de son attachement pour Chrome, ou au moins, qu’il s’était passé quelque chose durant leur absence ?
– On était chargés de contrôler la prolifération des Plumobecs, pas loin d’ici, expliqua-t-elle, une aura de mystère éthérée teintant ses mots énigmatiques. À cette période de l’année, ils reviennent en force et se mettent à picorer les cerises et autres fruits qui commencent à peine à mûrir, et qu’on récolte ensuite pour faire des provisions pour l’hiver. En plus, ils menacent les récoltes des habitants ruraux de la région, alors Miiko nous a demandé de trouver une solution à ce problème…
– Et qu’est-ce que vous avez fait ? questionna Alajéa.
Elle en aurait presque oublié le but principal de ce rapprochement : obtenir des informations sur sa relation avec Chrome. L’histoire de Phy la passionnait tant, elle qui n’avait pas quitté le QG dans le cadre d’une mission depuis de longs mois, elle qui se languissait du goût de l’aventure et du sel marin dans ses narines, elle qui regretterait presque l’époque où elle nageait librement dans l’océan, ses nageoires et sa queue pour seules alliées, simplement pour se rendre utile, pour être reconnue comme quelqu’un… Le récit de la jeune femme éveillait en elle un sentiment d’excitation pour le risque et l’inconnu dont elle avait presque déjà oublié le goût.
– Eh bien, d’abord, Chrome voulait qu’on trouve leur nid et qu’on les tue tous pour les griller au feu de bois... ce à quoi je me suis fermement opposée, bien sûr. Du coup, avec l'aide des villageois, on a installé des protections autour des arbres afin que les Plumobecs ne puissent plus les atteindre... au final, on a construit un verger entier !
Le sourire délicat sur les lèvres rosées de la jeune femme traduisait une grande fierté, ou plutôt la joie apparente d’avoir effectué une bonne action, d’avoir été au cœur d’une entreprise bénéfique. Alajéa craignait qu’elle-même n’eût jamais souri de cette manière. Au moins, elle était satisfaite pour son amie.
Se rappelant soudainement la raison de cette diversion, Alajéa bifurqua la conversation pour qu’elle prenne le chemin qu’elle aurait dû arpenter depuis le début.
– Alors, tu as pu passer plus de temps avec Chrome ?
Désormais que le sujet tabou avait été abordé, plus ou moins habilement, Alajéa se sentait considérablement plus détendue. La moiteur de ses mains s’était évaporée, et elle arrivait à respirer sans avoir l’impression qu’une force supérieure à la raison lui compressait la poitrine.
– Vi, mais pourquoi cette question ? répondit Phy après un certain temps de silence, le pourpre sur ses joues abondamment plus visible.
– Oh, rien… Vous êtes très mignons, tous les deux ! lâcha Alajéa, l’air de rien, inspectant ses ongles avec nonchalance.
Cette simple déclaration eut l’effet escompté sur Phy : du coin de l’œil, la sirène la vit réprimer à grand mal un sourire, et murmurer quelque chose dans son menton, peut-être répétant avec incrédulité ce que son amie venait tout juste de dire. Tous ces indices, tous ces regards en coin, toutes ces palettes de rouge sur ses joues… il n’y avait plus de doute possible : la jeune faery de Cristal avait définitivement un faible pour Chrome, et comme les suspicions d’Alajéa étaient fondées, il ne restait plus qu’à espérer une intervention rapide et efficace de Karenn pour arranger leur adorable petit couple. La jeune vampiresse ne s’était par ailleurs toujours pas manifestée, ce qui ne manquait pas d’intriguer la sirène…
– Ça m’a fait du bien de parler un peu avec toi, avoua Phy avec un sourire amical.
Alajéa lui rendit une réponse affirmative également ; ce n’était pas un mensonge pour attirer ses grâces, non. Elle s’était réellement plu à conserver avec l’adolescente, et aurait aimé pouvoir recommencer, dans des circonstances différentes…
– Bon, on va retrouver Chrome et Karenn ?
Un vide intersidéral s’empara de l’esprit d’Alajéa. Elle ne s’attendait pas du tout à cette soudaine requête, et ignorait complètement si la vampiresse avait eu le temps de subjuguer Chrome avec un malicieux stratagème pour qu’il déclare sa flamme à Phy… Elle fut si déroutée qu’elle répondit précipitamment par l’affirmative, et faillit se frapper immédiatement après. Comment pouvait-elle être si stupide ? Le plan se déroulait à merveille jusqu’à ce qu’elle commette une erreur si ridicule, une erreur de débutante ! C’était bien sans surprise qu’elle était clouée au QG et qu’aucune mission ne lui était confiée…
Phy, l’air de rien, s’était retournée en direction du Jardin de la Musique, qu’elles avaient quitté à peine quelques minutes plus tôt. Sous le piano d’ébène suintante, Karenn et Chrome semblaient en grande conversation, même si Alajéa était incapable de définir la nature de leur discussion, ni même de déchiffrer leurs expressions dans le lointain. Une moue embêtée proéminente sur les lèvres, la sirène se demandait comment elle allait bien se tirer de ce mauvais pas : nul doute que Karenn avait elle-même de son côté pris Chrome à part pour lui parler de Phy, et si elle n’arrivait pas à la distraire, la jeune faery risquait fortement de faire irruption dans une conversation qui la concernait, ce qui créerait un gigantesque malaise… et précipiterait le naufrage des deux Cupidon improvisés.
– O-oh regarde, là ! s’exclama bruyamment Alajéa, de façon à couper Phy dans son élan et alerter Karenn du retour de la jeune fille.
Elle attrapa la brunette par l’épaule, un peu trop brusquement, il fallait l’avouer, et la força à se retourner dans la direction qu’elle pointait. Déboussolée, la fillette regarda tout autour d’elle, les yeux tournoyants, disparates, comme cherchant aux alentours un danger imminent. Heureusement, il n’en était rien… le doigt tremblant d’Alajéa révélait une simple plante aux feuilles grimpantes, sur lesquelles un large papillon fleuri, aux ailes déployées en un kaléidoscope de bruns et de rouges, dorait paresseusement, bruissant avec le vent.
– Le papillon, il est joli, bafouilla Alajéa, convaincue de représenter à elle seule une parfaite allégorie du ridicule.
– Vi, c’est vrai, il est joli, fut la simple réponse de Phy, qui esquissa un sourire lorsque ses yeux se posèrent sur la frêle créature bigarrée.
Néanmoins, lorsqu’elle releva les yeux vers Alajéa – yeux que cette dernière s’empressa d’éviter, quitte à paraître encore plus cachottière –, il était clair qu’elle commençait à se poser de sérieuses questions quant aux agissements étranges de son amie, comme si elle avait voulu à tout prix l’éloigner de Chrome… Il était impératif qu’elle découvre de quoi il en retournait.
Heureusement, cet appel à l’aide dissimulé fut entendu et lorsque les deux jeunes femmes reprirent leur chemin vers la fontaine, Karenn était tournée vers sa complice, lui posant toutes les questions furieuses du regard. Pourquoi n’avait-elle pas pu retenir Phy plus longtemps ? Elle n’avait même pas eu l’occasion de parler d’elle à Chrome !
Alajéa essaya du mieux qu’elle put de lui répondre avec des signes et ses prunelles violettes paniquées. Elle avait essayé, pourtant ! Ce n’était pas sa faute si Phy n’était pas réceptive… ou elle-même, pas très discrète.
Karenn poussa un soupir excédé et leva les yeux au ciel, alors qu’Alajéa se mordait la lèvre. Comme si elle ne se sentait pas assez dévalorisée, voilà que la sirène venait de faire rater toute leur mission secrète ! Parfois – et cet instant faisait partie de ces douloureux moments –, elle aurait souhaité être une toute petite Musarose pour se terrer loin des regards, et surtout loin de son propre jugement, souvent trop sévère.
Les quatre faeries se rejoignirent au pied de la fontaine musicale, et, même si elle n’en laissait rien paraître grâce à sa carapace de silence profond, le cerveau de Karenn carburait comme les machineries d’un antique train à vapeur, dont elle avait entendu parler dans des récits terriens. Elle devait trouver une idée, et vite… Une idée spontanée, un plan primesautier, un stratagème impulsif qui permettrait de créer une situation propice à une déclaration, sans élever trop de soupçons…
Un bourgeon d’idée fleurit dans son esprit. Une idée incongrue, incommodante, périlleuse, aux mille issues malencontreuses… mais une idée quand même. La seule qu’elle eût eue.
Et comme ça, sans prévenir, en une seconde d’inattention, elle calcula sa trajectoire, se précipita contre Phy, la poussa de toutes ses forces. La jeune fille poussa un cri, perdit l’équilibre, tenta en vain de se raccrocher à une quelconque prise, une bouée de sauvetage, n’importe quoi… et s’écrasa dramatiquement de tout son long dans le bassin.
Il fallait croire qu’elle n’avait pas assez bien calculé sa trajectoire.
En une fraction de seconde, dès que la réalisation l’avait frappé, à vrai dire, Chrome s’était précipité au chevet de Phy pour aider la jeune noyée, criant machinalement son nom par automatisme, comme pour bien vérifier qu’elle n’était pas trop amochée. Heureusement, elle n’avait pas l’air en trop mauvaise posture, puisqu’elle se relevait déjà, le regard tourbillonnant, la tête tournante, sonnée et désemparée. Alajéa, quant à elle, avait fermement attrapé le bras de son amie et l’avait tirée en arrière, consternée, l’indignation perlant à travers ses grands yeux violets.
– Non mais à quoi tu pensais ?! cria-t-elle en un murmure à l’oreille de la jeune vampiresse.
– Je sais pas ! lui répondit-elle, paniquée. Je voulais faire comme dans les films romantiques où la fille se taule dans les bras du garçon et ça crée une scène de confessions, mais elle s’est ramassée dans l’eau !
La sirène se retint de justesse de se frapper énergiquement le front de la paume. Lorsqu’elle avait demandé à Karenn de l’aider, elle ne s’attendait pas à ce qu’elle agisse aussi brutalement !
– Je crois qu’on devrait partir, murmura Alajéa, les yeux grand ouverts, comme paralysée devant la scène incontrôlable qu’elle avait indirectement créée.
Si Phy daignait leur adresser la parole, elle pouvait considérer cela comme une victoire… mais si elles s’éclipsaient assez rapidement pour que les retombées de sa colère ne se manifestent pas immédiatement, elles avaient peut-être encore une chance de terminer leur mission sans éveiller trop de soupçons.
– Phy, ça va ? questionna Chrome, les sourcils froncés, inspectant son amie à la recherche de potentielles marques ou ecchymoses.
– V-vi, ça va, je crois, bafouilla-t-elle se frottant les yeux et épongeant ses cheveux trempés.
Heureusement, elle ne souffrait en aucun point de son corps, ni même en son ego, elle était cependant complètement imbibée d’eau bourbeuse, dont la vase brune maculait sa petite robe et ses collants. Néanmoins, elle n’arrivait pas à en vouloir à la vampiresse et était convaincue que ce n’était rien de plus qu’un accident. Pourquoi Karenn, son amie, l’aurait-elle volontairement poussée dans l’eau ?
– C’est Karenn qui t’a poussée ? questionna le loup-garou en l’aidant à se débarbouiller.
Rougissant davantage à cause des mains du garçon sur ses vêtements, qui frictionnaient vigoureusement le tissu, elle fit de son mieux pour contrôler les tremblements timides de sa voix.
– Je crois, mais elle n’a pas dû faire exprès…, murmura-t-elle pensivement.
– Mouais… Tu trouves pas qu’Alajéa et elle sont super bizarres ?
– Si, quand même…
Elle releva la tête et, fort heureusement – ou pas, d’ailleurs, mais pour elle, c’était davantage un soulagement –, la sirène et la vampiresse avaient déserté les lieux sans donner d’explication. Phy avait bien compris que leur comportement était étrange : à force d’observer les autres et se perdre dans ses pensées sans souvent prendre la parole, elle avait développé une habileté toute particulière à décrypter la personnalité des personnes qui l’entouraient, analyser les motifs habituels de leur caractère et déceler les variations dans leur comportement, même s’ils montraient la plus grande assurance ou désinvolture. Il restait encore à trouver pourquoi elles agissaient ainsi…
– On devrait mener l’enquête pour trouver ce qu’elles manigancent, t’en penses quoi ?
Phy sourit : les idées de son meilleur ami avaient beau légèrement l’effrayer au premier abord, elle savait que tant qu’ils resteraient ensemble, elle ne risquait rien.
– J’en pense qu’on devrait totalement mener l’enquête.*
Chrome et Phy avaient passé plusieurs heures, cet après-midi-là, à espionner du coin de l’œil les deux jeunes femmes, leurs deux cibles. Phy s’était servie de ses études du comportement pour déchiffrer leurs expressions faciales ou leur langage corporel lorsqu’ils les croisaient dans le QG ou dehors. Premièrement, elles dégageaient toutes les deux une gigantesque gêne, un monstrueux embarras qui se traduisait par des regards fuyants et leur déni très manifeste de la présence des deux autres. Dès que leurs regards se croisaient, elles tournaient la tête à une vitesse fulgurante et faisaient semblant de ne rien connaître, de ne rien savoir ; cependant, Phy avait, à maintes reprises, surpris Alajéa et Karenn les regardant tous deux instamment, lorsqu’elles pensaient que son attention était focalisée sur un autre point. Cette surveillance laissait facilement comprendre que les deux jeunes femmes avaient bel et bien un plan en tête, et peut-être vigilaient-elles les adolescents pour les empêcher de dévoiler leur étrangeté aux autres membres de la Garde, ou alors justement aux personnes concernées par leur plan machiavélique. En tout cas, une aura de mystère planait autour d’elles deux, et Chrome semblait plus que déterminé à la percer pour y voir plus clair.
Ils avaient tous deux prévu de se retrouver à la bibliothèque en fin d’après-midi pour discuter du stratagème à appliquer dans l’affaire A&K, comme l’avait baptisée le jeune garçon. Après un bref coup d’œil à sa montre, Phy s’apprêtait à rejoindre son ami dans la librairie, en espérant ne pas essuyer les questions indiscrètes de Kero ou d’Ykhar…
Elle poussa la porte de sa chambre, veillant à ne pas faire trop de bruit – pourtant, elle ne faisait rien de répressible, mais avait l’étrange impression qu’il valait mieux pour elle qu’on ne la vît pas s’attarder trop longtemps –… et faillit glisser sur un papier glissé sous l’embrasure de sa porte.
Lorsqu’elle eut repris l’équilibre et lâché un juron discret dans sa barbe – enfin, un juron qui s’apparentait davantage à une exclamation de colère du siècle dernier, si Chrome l’avait entendu –, elle se pencha pour attraper le mystérieux papier, et constata qu’il s’agissait en réalité d’une lettre, dont l’enveloppe raffinée avait été soigneusement cachetée. Elle ignorait tout de l’expéditeur, et n’attendait pas de courrier de la part de qui que ce fût. Elle tourna et retourna la missive dans ses fins doigts : à l’épaisseur, elle pouvait déduire qu’elle ne contenait qu’une seule feuille qu’elle aurait parcourue assez rapidement. Elle pensa tout d’abord à la laisser dans sa chambre pour la lire après son rendez-vous, mais ce serait mentir que d’affirmer qu’elle n’était pas intriguée… Finalement, sa curiosité étant plus forte que son sens des responsabilités, la jeune fille referma la porte, s’assit sur son lit et entreprit consciencieusement d’ouvrir l’enveloppe.
Comme elle l’avait pressenti, l’enveloppe ne contenait qu’une seule feuille maculée d’encre, aux courbes raffinées, longues phrases manuscrites trahissant le plus grand soin du mandataire, qui s’étiraient vers le haut avec délicatesse et élégance, comme si la personne avait passé plusieurs longues minutes à corriger les arrondis de sa plume, souhaitant lui conférer l’aspect le plus aiguisé possible. Intriguée par tant d’application, et surtout par l’identité de ce mystérieux émetteur, Phy inspecta scrupuleusement le papier laiteux à la recherche d’un quelconque indice quant au nom de son admirateur secret. L’enveloppe était parfaitement vierge de toute inscription, et il était impossible de deviner la provenance de la missive simplement en regardant son emballage. Sans plus attendre, la jeune fille commença la lecture.
À peine avait-elle lu les premières phrases, à peine son regard avait-il parcouru les premières lignes qu’elle fronçait déjà les sourcils, sans comprendre l’intention de ce message, ni même un traître mot de l’ensemble. À la fin de sa lecture, plus déroutée que jamais, ses yeux s’attardèrent plus que de raison sur la signature, une simple lettre, une initiale, qui contrastait totalement avec le reste du message. Ses capacités d’observation lui paraissaient bien lointaines face à sa déroute… elle tenta de déchiffrer l’écriture, la calligraphie, formula l’hypothèse d’une erreur, d’une lettre qu’elle aurait mal interprétée, d’une signature approximative, d’une plume qui aurait dérapé… mais non. Rien à faire : il fallait croire qu’aucune erreur n’avait été commise, qu’il fallait bel et bien prendre ce message au pied de la lettre.
La jeune faery passa par plusieurs stades, plusieurs émotions différentes, avant de se décider à agir. L’incompréhension, la surprise l’envahirent tout d’abord, mêlés d’une certaine sorte de déception : elle s’attendait à quelque chose d’un peu plus palpitant, et surtout de moins cryptique. Une petite étincelle d’amusement s’éleva tout doucement au fond d’elle : il fallait avouer que la situation était des plus cocasses, et il ne lui était jamais arrivé de vivre une telle surprise. Néanmoins, ce furent l’ébahissement et son insatiable curiosité habituelle qui primèrent. Il fallait absolument qu’elle connaisse le fin mot de cette histoire, et tant pis si son rendez-vous avec Chrome s’en voyait légèrement retardé… il comprendrait. D’autant plus que cette nouvelle révélation risquait d’énormément les aider dans leur enquête…
Décidée, néanmoins sans souhaiter créer un scandale en plein milieu du QG, Phy quitta sa chambre pour de bon, cette fois, la lettre pressée contre sa poitrine, comme pour la protéger ; elle devait avoir une conversation sérieuse avec un certain membre de la Garde…
Fort heureusement, Karenn n’était pas loin. Phy la trouva dans la salle des portes, non loin de l’escalier de colimaçon qui venait tout droit aux cachots. Elle ne se demanda pas ce qu’elle faisait là : il était habituel de voir la jeune femme traîner aux endroits les plus incongrus, et elle avait d’autres préoccupations plus importantes. Elle appela son nom : la vampiresse se retourna, et son teint blêmit encore davantage lorsqu’elle reconnut les traits bienveillants de Phy, se souvenant sans doute de sa maladresse du matin. Elle ne lui en tenait pas rigueur : néanmoins, elle avait quelques primordiales questions à lui poser.
– Karenn ? demanda-t-elle tout doucement en s’approchant d’elle, sans souhaiter l’effrayer.
Premièrement, la vampiresse fit semblant de ne pas l’avoir entendue, mais lorsque la jeune fille se planta juste devant elle, il devint impossible de feindre l’ignorance. Phy surprit un petit rictus coupable, fuyant, traverser ses lèvres, une comète brûlante dans l’atmosphère, se désintégrant presque aussitôt sur son visage faussement détendu.
– Ah ! Phy ! Qu’est-ce que je peux faire pour toi ? questionna bienveillamment la jeune femme, bien que ses yeux scrutassent avec attention toutes les variations dans le visage de Phy.
– J’ai une petite question pour toi, répondit doucement Phy en lui tendant la lettre. C’est toi qui as écrit ça ?
Parcourant rapidement les mots des yeux, Karenn serra un peu trop fermement le papier entre ses doigts crispés pour avoir l’air parfaitement blanchi de tout soupçon. Son visage pâlit imperceptiblement pour n’importe qui, mais Phy avait l’habitude de déceler ce genre de changement de carnations, et sentait qu’elle venait de mettre le doigt sur un indice d’importance capitale. Pourquoi Karenn afficherait-elle cette tête si elle n’avait rien à voir avec ce mystérieux télégramme ?
– Désolée, mais c’est pas moi qui ai écrit ça, conclut Karenn en secouant la tête et en lui tendant de nouveau la feuille parsemée de taches d’encre.
– Oh, soupira Phy, la mine déconfite, notoirement déçue ; tout cela faisait partie de son plan pour arracher la vérité à son amie, de la manière la plus subtile qui fût. Je croyais que c’était toi, vu que c’est ton écriture… Mais je ne comprends pas pourquoi la personne a signé par un K ? Ce ne serait pas Karuto, quand même ?
– C’est pas un K, c’est un C ! s’indigna presque automatiquement Karenn, lui arrachant quasiment la lettre.
Elle pointa du doigt la lettre, tout en bas à droite, et darda un regard inquisiteur sur Phy, comme si elle voulait absolument qu’elle lui donne raison.
– Excuse-moi, mais on dirait quand même un K, protesta Phy, dessinant le contour des lettres avec son doigt sur le papier délicat.
– Roh, ça va, je l’ai fait à la va-vite, mais c’est un C, marmonna la jeune femme à mi-voix, croisant les bras sur la poitrine.
– Ah-ah ! s’écria brusquement Phy, un cri triomphant, qui fit sursauter Karenn et deux Gardiens qui passaient non loin d’elles par coïncidence. Alors c’est bien toi qui as écrit cette lettre.
Elle était piégée, désormais, et le savait très bien. Elle n’avait plus d’échappatoire, surtout pas lorsque ses propos maladroits, son ego éraflé et ses pommettes cramoisies l’avaient trahie. Phy, malgré sa timidité et son jeune âge comparé aux autres, était loin d’être née de la dernière ondée, et se trouvait être une autrement meilleure manipulatrice que Karenn, il fallait croire, grâce à sa capacité à s’effacer et savoir quand se taire et quand parler. La langue bien pendue de la jeune vampiresse la perdrait, un jour ; et pour l’instant, elle avait perdu sa disculpation.
– Pourquoi est-ce que j’ai trouvé ça sous ma porte ?
– Elle n’était pas destinée à toi, répliqua Karenn en soupirant, baissant les yeux – si c’était un mensonge, alors ses mois d’espionnage avaient fait leurs frais, car elle semblait diablement convaincante.
– Ah vi ? À qui ? interrogea Phy avec curiosité.
– Je préfère ne pas le dire.
Tout d’un coup, la jeune fille sentit son enquête s’effiler entre ses doigts, comme un mince filet de sable balayé par le vent ; le plus probable était que Karenn eût un faible pour un membre de la Garde, qu’elle lui eût écrit cette lettre de déclaration, qui, avec un impromptu courant d’air, aurait glissé jusqu’à se retrouver sous le pas de sa porte… Et si c’était bien le cas, alors la jeune femme ne comptait pas lui avouer la vérité, pour rien au monde. Karenn était bien trop secrète, et elle ne pouvait définitivement pas l’obliger à lui avouer tous ses sentiments. Elles n’étaient pas confidentes, et leur relation se limitait à une amitié occasionnelle… de plus, pourquoi le ferait-elle alors que Phy elle-même n’était pas honnête quant à ses propres sentiments ?
Comme elle ne risquait pas d’obtenir plus d’informations avec des simples questions, Phy tenta de déduire grâce à tout ce qu’elle avait pu observer ces dernières semaines, à ses propres impressions, aux bouts de conversations qu’elle avait surpris à la volée, auxquels elle ajouta les événements singuliers du matin, un long moment durant lequel Alajéa avait tenté de son mieux de l’éloigner de Chrome et Karenn, comme pour les laisser parler tout seuls, ensemble… la vérité, acérée, tranchante, un poignard empoisonné, la frappa en plein ventre et pendant une seconde, elle sentit comme une gigantesque main lui enserrait le cœur et le pressait vicieusement, une contraction douloureuse comme elle ne l’avait jamais connue. L’issue fatale de ses déductions se présentait à ses yeux, dansant juste devant elle, lui griffant le visage avec un sourire immoral. Évidemment. Pourquoi ne l’avait-elle pas remarqué avant ? Karenn était amoureuse de Chrome… et elle n’avait aucune chance contre elle.
Il ne subsistait qu’une seule zone d’ombre : pourquoi Karenn avait-elle signé par un C, alors qu’elle avait elle-même avoué qu’elle était l’écrivain de cette lettre ? Une seule possibilité était envisageable : cette unique initiale n’était pas un paraphe comme elle l’avait pensé, mais un nom de code… Chrome.
S’excusant maladroitement, une étrange nausée au fin fond du ventre, Phy s’éloigna de la jeune femme, en direction des couloirs tapissés de pourpre. Elle n’était plus tout à fait sûre d’avoir envie de continuer son enquête, en fait.*
Phy n’avait pas osé aborder Chrome, pas une seule fois de toute la journée. Elle s’était rendue au rendez-vous qu’ils avaient fixé à la bibliothèque, mais le petit loup avait dû sentir que quelque chose n’allait pas avec son amie, car il lui avait posé de nombreuses questions insistantes quant à son état, à son moral et à sa santé, auxquelles elle avait simplement répondu qu’elle était fatiguée. Lassée eût été un terme plus exact : elle connaissait désormais la raison de l’embarras et des agissements étranges d’Alajéa et Karenn, mais ne pouvait définitivement pas avouer la vérité à son meilleur ami : premièrement car elle n’aurait jamais trahi le secret d’une amie, aussi blessée fût-elle ; deuxièmement, et c’était la raison qui primait silencieusement, formuler sa conclusion à voix haute aurait été un trop grand pas vers la véracité. Elle n’osait pas énoncer clairement sa déduction, car elle avait peur que cela lui donne une apparence réelle, une forme précise, qu’elle transforme une supposition en vérité. Une petit partie, enfouie au fin fond de son intérieur, souhaitait se défaire des pensées corrosives qui asphyxiaient son esprit, se convaincre que ce n’étaient rien de plus que les élucubrations d’une fillette, mais elle était étouffée par l’assourdissant chaos de ses doutes.
Elle s’était rapidement retirée lorsque leur entretien n’avait rien donné de tangible, et qu’elle avait simulé des bâillements répétitifs pour corroborer la thèse de sa fatigue. Chrome avait aperçu ses paupières lourdes et l’avait laissée retourner dans sa chambre avec un sourire affectueux, lui souhaitant une bonne nuit et qu’elle se repose bien, pour qu’il retrouve le lendemain sa mine enjouée. Cette petite déclaration, anodine, presque rien, suffit à apporter un sourire aux lèvres de Phy, qui se détourna bien vite pour camoufler le rouge de ses joues. Si Chrome savait ce qu’il se passait dans sa tête… il prendrait sans doute peur !
Elle s’était délibérément levée tard, bien plus qu’à l’accoutumée, et avait évité le petit déjeuner pour ne pas croiser les regards interrogateurs de ses amis, qui n’auraient pas manqué de lui poser des questions sur son petit air tristounet. Elle avait décidé de prendre cette journée pour réfléchir, toute seule, sans l’interférence de qui que ce fût, à ses sentiments et à ce qu’elle ferait dans l’hypothèse où Karenn était véritablement amoureuse de Chrome. Avant de crier au loup, elle préférait se poser pour peser le pour et le contre de chacune des théories et examiner toutes les preuves tangibles qu’elle avait à disposition.
Heureusement, elle ne fut pas déconcentrée par la présence de son ami lupin, car elle ne le croisa pas. Elle aurait pensé qu’il aurait fait de son mieux pour la retrouver pour passer du temps avec elle, mais ils ne s’étaient pas vus pendant toute la matinée. Phy s’empressa de faire taire les voix mesquines, au fond de sa tête, qui murmuraient qu’il devait sûrement être avec Karenn.
Peu avant le repas de midi, alors que Phy se promenait sous les arches, le long de la longue allée qui menait à la sortie du QG, sa placidité fut soudainement interrompue par une voix appelant son nom. Alors qu’elle se retournait, elle tomba nez à nez avec… une Alajéa paniquée, courant vers elle.
– Phy ! Phy ! Phy ! criait-elle inlassablement, en réduisant l’espace qui les séparait.
À la vue de l’empressement de son amie sirène – elle qui ne courait jamais et abhorrait toute forme d’exercice physique –, de ses grands yeux exorbités et de ses gestes nerveux, frénétiques, Phy ne put s’empêcher d’imaginer le pire ; elle exhalait la peur même.
– Qu’est-ce qu’il se passe ? demanda Phy lorsqu’Alajéa arriva à sa hauteur.
– C-C’est Chrome ! bégaya-t-elle, tremblante, et Phy sentit que son cœur se mettait à battre aussi fiévreusement que les clignements d’yeux hâtifs de la sirène. Il est en danger !
– Quoi ? Comment ça ? Où ?
Elle fit de son mieux pour reprendre son souffle, offrir une histoire cohérente, et Phy dut se concentrer pour entendre ses mots au-dessus des lourdes pulsations de son cœur.
– On était dans la forêt, et tout d’un coup, il s’est mis à se sentir mal, il disait qu’il avait la tête qui tournait, il était tout pâle… je lui ai demandé ce qu’il avait mangé, et il n’a rien dit de spécial… il s’est appuyé contre un arbre et il s’est évanoui, je crois qu’il a fait un malaise, j’en sais trop rien !
– Et tu l’as laissé comme ça tout seul dans la forêt ? demanda Phy, sa voix grimpant dans les aigus – c’était clairement la première fois qu’elle manifestait une telle ardeur, la première fois qu’elle parlait aussi fort, elle qui s’était toujours montrée silencieuse et taciturne.
– J’ai pas assez de force pour le porter ! Il faut que tu m’aides !
– Porter qui ?
Une troisième voix, grave et profonde, coupa brusquement l’échange des deux jeunes femmes paniquées. Leurs deux têtes se tournèrent soudainement, au point de faire craquer leurs vertèbres, pour voir Nevra, son légendaire petit sourire satisfait sur les lèvres et une main dans les cheveux, s’approcher d’elles. Il avait dû être interpelé par l’ampleur des gestes d’Alajéa et stupéfait par la capacité vocale de Phy.
En le voyant approcher et se mêler de leur histoire, Alajéa sembla blêmir – mais peut-être était-ce simplement dû à l’inquiétude et la culpabilité d’avoir laissé Chrome seul derrière elle –. Elle bégaya quelque chose d’incompréhensible, mais Phy, comprenant à quel point son amie était indisposée, lâcha d’une seule traite, sans même reprendre son souffle :
– C’est Chrome il a fait un malaise dans la forêt et on doit aller le chercher parce qu’il pourrait être en danger il y a plein de choses qui traînent par là et s’il s’est évanoui il ne peut pas se défendre et il ne sait même pas se défendre et –
– Respire, fillette, lui intima le grand brun en un grognement. Tu m’as dit que Chrome a fait un malaise dans la forêt et vous l’avez laissé tout seul ?
Il fronçait les sourcils, désormais, mais ne paraissait pas plus inquiet que cela. Bon sang, pourquoi ne prenait-il pas le problème au sérieux ? Chrome pouvait être en grave danger !
– J’arrivais pas à le porter ! s’écria Alajéa, comme au comble du désespoir.
– Bon, alors je viens le chercher avec vous, se proposa Nevra en haussant les épaules.
Soulagée par l’aide du jeune homme – elle ne savait même pas si elles auraient été capables, à elles d’eux, de le soulever et le transporter sans accroc jusqu’à l’infirmerie –, Phy fut prise de court par la soudaine interjection d’Alajéa.
– Non ! s’écria-t-elle, comme par réflexe.
– Non ? répéta Nevra, sans comprendre.
La jeune fille non plus ne comprenait pas la réaction disproportionnée d’Alajéa. Pourquoi « non » ? Le chef de la Garde d’Ombre était le mieux placé pour les aider, et elles pouvaient compter sur sa discrétion pour ne pas créer un scandale au sein du QG.
– N-Non, marmonna Alajéa, faisant nerveusement tournoyer ses doigts. On va s’en sortir toutes seules, on voudrait pas te déranger…
– Vous pensez sincèrement que vous arriverez à le porter ? Et puis, il est sous ma responsabilité. Miiko me lâchera pas la grappe si elle découvre que je l’ai laissé mourir quelque part.
– Oui, mais…
– Ça suffit ! s’écria violemment Phy, un gigantesque cri du cœur, qui fit sursauter ses deux interlocuteurs.
Elle n’avait jamais hurlé comme cela, d’un tel timbre perçant, aigu, lancinant. Jamais personne à la Garde n’avait vu Phy perdre ses moyens, sortir de ses gonds ; jamais personne. Pourtant, la pression, les questions, les doutes, les théories farfelues qu’elle n’avait pas pu s’empêcher de créer dans sa tête avaient resserré l’étau autour de son cou, l’empêchant petit à petit de respirer, jusqu’à ce qu’elle implose, jusqu’à ce que la colère qu’elle avait emmagasinée depuis des années ne cause une brûlante déflagration.
– Alajéa, ça fait depuis hier que Karenn et toi vous comportez de manière extrêmement étrange autour de Chrome et moi et j’en ai assez ! Vous allez me dire ce qu’il se passe, à la fin ?
Une danse de regards prit alors place dans l’arène ; Phy dévisagea tour à tour Alajéa, qui paraissait n’avoir qu’une seule envie, disparaître à jamais sous terre ; Nevra, qui lui aussi dardait un regard d’acier sur les deux jeunes femmes ; puis de nouveau Alajéa, étouffant. Elle aussi avait l’air d’être sur le point d’exploser, mais Phy en avait plus qu’assez de leurs cachotteries et leurs secrets, leurs messes basses et leurs confidences. Jamais une quelconque paranoïa n’avait dit quoi que ce fût, jamais elle ne s’était sentie menacée par qui que ce fût, ce qui ajoutait de la légitimité à ses sentiments. Alajéa et Karenn étaient allées trop loin, et chaque douloureuse seconde qu’elle passait à prier pour que la sirène craque finalement était une seconde où Chrome était inconscient dans la forêt.
Ce fut alors qu’Alajéa s’effondra. La voix tremblante, les larmes aux coins des yeux, elle baissa brusquement les yeux, incapable de soutenir celui de Phy plus longtemps.
– D’accord, d’accord ! s’écria-t-elle finalement, et aussitôt une sorte de bouffée d’air traversa sa cage thoracique. Je suis tellement désolée, Phy…
– Désolée pour quoi ? C’est normal si je comprends r...
– Chut, répliqua sèchement Phy, ce que Nevra ne releva même pas, si abasourdi par l’insurrection du plus timide membre de la Garde – elle devait réellement tenir à Chrome.
Alajéa dévisagea longuement Phy, les yeux grand ouverts, écarquillés, comme débattant douloureusement en son for intérieur quant à la bonne chose à faire par la suite. Devait-elle tout lui avouer, au risque de ne jamais voir son objectif atteint et surtout de perdre son amitié avec elle en représailles, ou taire son idée tortueuse et continuer de jouer le jeu jusqu'au bout ? Karenn lui en voudrait-elle d'avoir trahi ses pensées aussi facilement ? Était-ce pour cela qu'on ne lui confiait jamais de mission majeure – parce qu'elle était trop versatile, trop velléitaire, et surtout pas assez hermétique aux torrents d'émotions qui n'auraient même pas fait sourciller n'importe quel autre Gardien ?
Au fond d’elle, elle savait ce qu’elle voulait : ne pas être honnête avec Phy, mais avec elle-même.
– Tout était mon idée, avoua-t-elle honteusement dans un soupir, les yeux baissés sur les plis audacieux de sa tunique. Ça fait un petit moment que je vous regarde, Chrome et toi, et je ne peux pas m’empêcher de penser que vous seriez adorables ensemble, et je suis sûre qu’il se passe quelque chose entre vous deux ! Alors, si vous n’osiez pas confesser vos sentiments, je me suis dit que je le ferais pour vous.
– Attendez, me dites pas que...
– Chut ! fulminèrent à l'unisson les deux jeunes femmes.
Alajéa reprit son récit, sans se préoccuper des grognements bougons de Nevra.
– J'ai demandé à Karenn de m'aider à élaborer un plan pour que vous vous mettiez enfin en couple, et elle a accepté. Depuis hier matin, toutes ces choses bizarres qu'on a faites... te pousser pour que tu te retrouves dans les bras de Chrome – et on n'a pas fait exprès de te faire tomber dans l'eau ! –, la fausse lettre d'amour supposément écrite par Chrome qui t'était destinée, et maintenant ça... c'était tout pour que le déclic se fasse dans vos têtes, pour que vous sortiez enfin de votre timidité ! Mais on a complètement abusé, et on ne s'en est même pas rendu compte, si convaincues qu'on servait une bonne cause... je suis tellement désolée...
Si la sirène semblait sur le point d'éclater en sanglots et n'arrivait pas à soutenir le regard des deux autres, Phy, quant à elle, avait les yeux perdus dans le vide, exorbités, et la bouche légèrement entrouverte, abasourdie par les révélations d'Alajéa. Le fin mot de l'histoire se trouvait être complètement différent de ce qu'elle avait supposé hâtivement... elle s'était retrouvée trop rapidement au cœur d'un gigantesque quiproquo. Tout ce qu'elles avaient fait, tous leurs étranges agissements... étaient en réalité une gigantesque stratégie pour l’aider à avouer ses sentiments à Chrome ? Tout cela n’avait été que dans la seule et unique optique de… l’aider ? Pourquoi avaient-elles fait tout cela ? Et surtout… cela voulait donc dire que Karenn n’était pas amoureuse du tout de Chrome, et qu’elle s’était fait des idées pour rien ? Soudainement, Phy eut l’impression qu’elle pouvait de nouveau respirer, et une gigantesque bouffée d’air s’infiltra dans sa poitrine, déliant délicatement tous les étaux qui l’étouffaient quelques minutes auparavant à peine. Et elle eut envie de rire. Rire, éclater de rire, bruyamment, plus fort que jamais, oublier sa discrétion habituelle, rire parce que le soulagement l’emportait comme le courant d’une rivière assourdissante, rire parce qu’en y repensant, elle n’avait pas été des plus malignes pour tout de suite imaginer le pire ; cela ne lui ressemblait pas de tirer des conclusions aussi hâtives, mais il fallait croire qu’elle avait paniqué davantage que ce qu’elle l’aurait avoué, et tout cela lui donnait une irrépressible envie de rire. Elle n’en fit rien.
– C’est… c’est pas grave, Alajéa, je ne vous en veux pas… vous avez vraiment fait tout ça pour moi ? Vous êtes vraiment…
– Des filles, grogna Nevra en levant les yeux au ciel. Non mais sérieusement, vous avez créé toute cette embrouille juste pour créer un nouveau couple ? Vous vous êtes crues dans quoi, un de ces otome-games d'humains ? C’est pour ça que je suis bien content d’être un homme.
– Désolée, répondit Alajéa à mi-voix, riant à moitié, en se grattant la nuque par gêne. On ne pensait pas que ça prendrait de telles proportions…
– Bon, alors s’il n’y a aucun problème, je m’en vais, décréta le grand brun, leur tournant déjà le dos.
– Euh… en fait, c’est un poil plus délicat que ça, risqua Alajéa, baissant de nouveau les yeux.
Nevra, au comble de l’exaspération, lâcha ce qui s’apparentait davantage au grincement d’une soufflerie à l’agonie qu’à un soupir exténué.
– Qu’est-ce qu’il y a, encore ?
– Euh… on a peut-être endormi Chrome avec un somnifère et on l’a peut-être abandonné dans la forêt pour que Phy le trouve et… bref, on a vraiment abusé, avoua-t-elle, jouant nerveusement avec ses pouces.
– Et vous êtes au courant de tout ce qui traîne par là ? s’étrangla le chef de Garde. Vous l’avez délibérément laissé là-bas ? Vous êtes complètement inconscientes !
– Je sais ! Je sais ! C’est pour ça que ce serait mieux que tu viennes nous aider…
Il bougonna quelque chose dans sa barbe à propos d’une « stupide sœur » et de « stupides filles » et de « stupides responsabilités », mais ne broncha pas davantage et ne rechigna pas à se mettre en route avec les deux jeunes femmes vers la forêt. Si les circonstances avaient été différentes, Phy se serait délectée de voir Nevra, d’habitude si nonchalant, aussi inquiet – non pas pour Chrome, bien évidemment, mais pour les représailles qui pourraient lui tomber dessus si un accident arrivait à un membre de sa Garde. Néanmoins, la jeune fille était encore trop obnubilée par la situation périlleuse dans laquelle son meilleur ami se trouvait, et surtout pas les révélations opportunes d’Alajéa, qu’elle n’arrivait toujours pas à croire.
Le chemin vers la forêt se fit dans le plus grand des silences, car aucun des trois Gardiens n’osait dire le moindre mot, chacun plongé dans son propre ressenti de la situation. Phy avait essayé de sonder les mines sombres de ses amis, mais rien à faire : ils restaient tout deux hermétiquement fermés à toute analyse caractérielle. Résignée, elle se concentra plutôt sur ce qu’elle ferait une fois qu’elle se retrouverait dans les bois : partirait-elle seule de son côté pour retrouver Chrome, ou formerait-elle une équipe éphémère avec quelqu’un d’autre ? Serait-elle en mesure de ramener Chrome avant qu’une quelconque créature ne l’attaque ? Au final, tout dépendrait des choix de Nevra, qui restait l’unique et incontestable forme d’autorité dans cette mission improvisée.
Lorsqu’ils arrivèrent à la lisière de la forêt, les couettes roses et noires de Karenn leur apparurent. Elle s’approcha d’eux, montrant son plus bel air paniqué, même si elle avait l’air déroutée quant à la présence de son frère, qui ne devait pas correspondre au plan établi avec Alajéa… Frère qui l’ignora royalement lorsqu’il passa à ses côtés, sa lassitude visiblement exacerbée par le comportement puéril de la jeune fille. Elle fronça les sourcils sans comprendre lorsque le vampire s’engouffra dans les bois en lui accordant un regard dénué de toute sympathie, et Alajéa lui indiqua que tout le monde était au courant, et que Nevra était venu les aider à retrouver et ramener le jeune loup. Si Karenn fut déçue d’apprendre son plan était tombé à l’eau, elle n’en laissa rien paraître, se contentant de suivre les trois autres sous la canopée crépusculaire.
– Bon, où est-ce que vous l’avez laissé ? soupira Nevra, passant une main dans ses cheveux.
La sirène prit les devants, s’enfonçant encore plus profondément dans la forêt jusqu’à ce que les feuilles sombres recouvrent leurs silhouettes, comme une gigantesque couverture de verdure. Elle expliquait quelque chose : Phy pouvait discerner des sons, une voix féminine parvenir à ses oreilles, sans doute des mots, mais c’était comme si elle était plongée sous l’eau, dans l’incapacité de comprendre clairement ce qu’elle énonçait : son cœur battait dans ses tempes comme la tumultueuse cavalcade d’un troupeau de Rawist.
La suite des événements fut comme nimbée de brume : Phy se rappelait vaguement une recherche d’une dizaine de minutes, d’une ou deux prises de bec entre Nevra et sa sœur, peut-être elle-même avait-elle appelé Chrome à un moment ou à un autre, dans un espoir désespéré ; il lui semblait même avoir surpris quelques sanglots nacrés au coin des yeux d’Alajéa, silencieux, mais elle n’avait pas souhaité le soulever pour ne pas opprimer son amie. Elle se souvenait avoir remarqué, entre les branchages tous semblables, tous les mêmes, un petit corps étendu sur le ventre, des cheveux noirs. Elle se remémorait à grand peine Nevra prenant le garçon dans ses bras, et la lancinante marche vers l’infirmerie, qui sembla durer des heures dans sa perception alternée de la réalité.*
Fort heureusement, d’après le diagnostic d’Eweleïn, Chrome n’aurait aucune séquelle de l’incident et n’avait souffert d’aucune blessure. Le plus délicat avait été d’expliquer à l’infirmière les circonstances de son accident, mais Karenn avait courageusement dévoilé la quasi entièreté de l’histoire… en omettant bien sûr tout le passage où Alajéa et elle le faisaient ingérer un somnifère contre sa volonté : elle expliqua en revanche qu’il s’en était procuré un lui-même et qu’il l’avait malencontreusement avalé lors du repas. La jeune elfe fronça les sourcils mais ne releva rien, visiblement habituée aux mystères de Karenn. Après qu’elle se fut retirée avec Chrome et qu’elle eut plus ou moins chassé les curieuses, qui se retrouvèrent en une seconde plantées face à la porte close de l’infirmerie, Phy se tourna vers la vampiresse, appréhendant cette discussion. Elle avait sincèrement cru qu’elle représentait un danger pour elle, alors que tout ce temps, elle ne faisait que l’aider… la jeune fille, toute confuse, ignorait comment aborder le sujet, et ses paumes humides trahissaient son inconfort.
– Euh, Karenn…
– Hm ?
Suivit un long silence, probablement un des moments les plus embarrassants de la vie de Phy. Elle observa longuement, très longuement, trop longuement la jeune vampiresse en espérant qu’elle comprendrait le message sous-entendu, mais elle n’avait pas l’air réceptive… il fallut attendre qu’Alajéa face un signe de tête – à l’apogée de la discrétion – à Karenn pour que cette dernière semble s’illuminer.
– Ah ! Oui ! D’accord. Euh, bah, désolée.
– Moi aussi, je suis désolée, confessa Phy avec un faible rire.
– Désolée pourquoi ?
– Je n’ai pas été forcément des plus agréables avec toi avec cette histoire de lettre…
– Oh ! Ça !
Elle se mit à rire, comme si l’affront était infiniment ridicule, comme si elle n’avait pas relevé la différence avec l’attitude habituelle de Phy. Puis elle haussa les épaules lorsque l’hilarité mourut sur ses lèvres.
– C’était rien, je suppose que c’était normal que tu sois sur les nerfs, vu ce qu’on t’a fait…
Indifférente, elle leur tourna le dos pour se diriger vers sa chambre, sous les regards surpris – presque interloqués – d’Alajéa et Phy. Il fallait croire que cette jeune femme resterait à jamais un gigantesque mystère.*
– Alors en fait, notre merveilleuse enquête n’a servi à rien ? questionna Chrome.
– C’est ça, répondit Phy en riant.
Le jeune loup s’était réveillé peu de temps après, fort heureusement, et n’avait manifesté aucune séquelle visible. Il s’était simplement montré quelque peu déboussolé à son réveil dans l’infirmerie, étant donné qu’il ne se souvenait que de sa promenade en forêt avec Karenn. Phy avait fait de son mieux pour lui expliquer la continuité des événements qu’il avait manqués, et surtout pourquoi il venait de se réveiller dans l’infirmerie après avoir été retrouvé inconscient dans la forêt. Puis, elle s’attela à l’incommodante tâche de lui raconter toute l’histoire au sujet des deux jeunes femmes et leur plan. Elle sentit très vite la gêne gagner ses joues lorsqu’elle expliqua que c’était parce qu’elles voulaient qu’ils soient un vrai couple…
Chrome n’avait pas arrêté de rire pendant tout le récit. Phy ignorait comment elle devait prendre cet amusement : heureusement, il n’avait pas l’air courroucé ni embarrassé par la rumeur, contrairement à son amie, mais cela signifiait sans doute qu’il ne partageait pas ses sentiments et trouvait l’idée d’un amour entre eux complètement… ridicule ?
Phy fit de son mieux pour sourire et avoir l’air le plus amical et affectueux possible lorsqu’elle racontait son histoire : elle ne voulait rien laisser transparaître du trouble qui l’habitait, et en avait assez de douter, de laisser les pires scenarii s’infiltrer dans son crâne, les diablotins du pessimisme s’amuser à la tourmenter. De plus, la seule chose qui lui importait était la santé de son meilleur ami, et heureusement, son air taquin et son sourire en coin laissaient penser qu’il n’avait pas été amoché.
Néanmoins, lorsque Phy se tut, l’expression de Chrome changea du tout au tout : plus sérieuse, presque gênée. Il approcha sa main de celle de la jeune fille et effleura ses doigts ; à ce contact pourtant anodin, l’épiderme sensible de la jeune fille s’embrasa, un kaléidoscope de rouge et d’or.
– Tu sais, Phy, je crois que je suis d’accord avec elles… On ferait un très beau couple.
Peut-être étaient-ce les médicaments qu’Eweleïn lui avait donnés, peut-être était-ce le somnifère ou un mystérieux sortilège dont il avait été victime dans la forêt… toujours était-il qu’il venait de formuler tout haut les murmures inavouables qui trottaient dans l’esprit de Phy depuis bien longtemps déjà.
– Je ne sais pas trop si c’est le moment idéal pour dire ça, mais… je crois que je t’apprécie énormément, Phy. Plus qu’une amie, en tous cas…
Il lui offrit son sourire caractéristique, un petit sourire enfantin qui laissait entrevoir une petite canine ; sourire qu’elle lui rendit, le cœur battant à tout rompre. Elle s’apprêtait à répondre par l’affirmative lorsqu’un cri déchirant perça le silence de l’infirmerie.
– OHMONDIEUVOUSETESTROPMIGNONS ! hurla à toute vitesse une voix féminine.
Phy se retourna brusquement vers la porte de la pièce, derrière laquelle elle découvrit, plus ou moins cachées, les têtes curieuses d’Alajéa et de Karenn, les observant – et écoutant vraisemblablement leur conversation – avec un gigantesque sourire. Apparemment, malgré toutes les difficultés et les mensonges éhontés, leur plan avait fini par fonctionner.
Néanmoins, elles disparurent en une fraction de seconde à peine lorsqu’une Eweleïn furieuse s’approcha de la porte pour les chasser. Leurs rires espiègles résonnèrent depuis l’extérieur jusqu’aux oreilles de Phy et Chrome, qui ne purent s’empêcher de rire à leur tour face à la détermination sans faille de leurs amies. Le jeune garçon osa entremêler ses doigts à ceux de Phy et observa son profil quelques instants avec un sourire : au final, sa présence valait bien un ou deux somnifères.
– 11637. –
☽
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...wishes in the dark «
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Dernière modification par Noctallli (Le 26-07-2017 à 18h03)

Hors ligne
#1585 Le 26-07-2017 à 16h13
°❈. *o* .❈ °
Bonjour :3 ! Je viens remercier Noctallli pour son superbe travail ♥ !
Cet OS était sublimement écrit, drôle, adorable et,et,et...RAAAAH bref je l'adore >w< ♥ ! La relation entre Phy (qui au passage ne s'appelle pas Phyllali contrairement à ce que mon pseudo laisse penser, mais c'est pas grave :'3) et Alajéa est trop mignonne. Alajéa elle même, que je n'affectionne pas particulièrement d'habitude, était trop mignonne ! Karenn m'a bien fait rire avec ses drôles d'idées. L'intervention de Nevra totalement blasé était amusante aussi, et Phy... Cette crise de nerf était gé-niale xD ! Et la fin...adorableeeuh ♥ !
Encore merci, vraiment, c'est super ^o^ !
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Merci xRiko et NeruneruMina ♥
Hors ligne
#1586 Le 27-07-2017 à 03h14
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Coucou les Conteuses ! Je reviens vous embêter avec une nouvelle commande (j'ai reçu un OS dernièrement et j'ai vérifié que les 3 semaines s'étaient écoulées, donc pas de panique de ce côté là)
Pseudo: Nutellix
Genre du one-shot souhaité: School story, Amitié et Romance.
Description plus ou moins précise: Nutellix et Alajéa sont dans la même classe (par pitié, faites les un peu matures, pas niveau adolescents écervelés. x') ).
Tout deux sont très complexés par leur physique en plus d'être introvertis. Alors que Nutellix s'apprête à passer une énième journée assis tout seul, Alajéa lui propose de rester à côté de lui puisqu'elle souffre de myopie et qu'elle n'a jamais osé le lui demander auparavant de peur de passer pour la "bonne élève de service". Les jours passent et Nutellix se rend compte qu'ils ne sont pas si différents que ça.
Personnages principaux: Nutellix et Alajéa.
Personnages secondaires: /
Point de vue désiré: Omniscient.
Autre: Je sais que ce que je demande est un peu cliché, mais j'aimerais bien retrouver l'univers scolaire dans cet OS, Nutellix et Alajéa devront porter des uniformes et pratiquer des activités extrascolaires ! Vous pouvez vous référez à mon profil pour plus de détails et me poser vos questions par MP !

Je remercie celle qui prendra ma commande.

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“The bigger the risk, the bigger the bounty.”
Hors ligne
#1587 Le 29-07-2017 à 09h43
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Bonjour bonjour !
Après une éternité, je viens rendre la commande de Plooshy ! ^^ Je n'aurai pas mis autant de temps pour rien, plus de 27 000 mots, j'ai jamais écrit un OS aussi long x) (mais peut-on encore parler de OS ? xD)
Encore une fois sincèrement désolée [...] mérite la flagellation [...] une honte [...] confiance [...] croque-monsieur [...]
Trêve de bavardage !
Genre du one-shot souhaité : Drame/Tragique et un peu de Romance please c: (oui j'aime les romances qui finissent mal) Et un peu de mystère si possible (:
Description plus ou moins précise : J'aimerais un OS centré sur Eweleïn. Il y a beaucoup de personnages et de genres que j'apprécie, mais il ne me semble pas avoir déjà lu quelque chose sur Eweleïn, or c'est un personnage que j'apprécie ._. Du coup j'me suis dit : pourquoi pas 8D J'aimerais bien voir une version sombre d'Eweleïn, ou en tout cas de son passé et peut-être de son début dans la Garde. J'aime la romance, donc j'en demande un peu tout de même :') (que ce soit avec Eweleïn ou persos secondaires) Mais pas de niais s'il vous plaît, j'ai horreur de ça. Si vous n'êtes cependant pas friands de romance et que c'est la seule chose qui vous rebute, eh bien, tant pis, je m'en passerai ! x) Ce n'est pas la chose qui m'importe le plus dans cette commande.
J'apprécie particulièrement la psychologie, donc si vous pouviez développer ça, que ce soit sur la romance s'il y en a mais surtout sur Eweleïn, ce serait super c:
Donc voilà, Eweleïn, du sombre, un peu de romance tragique si possible et de l'imagination sur les débuts de notre infirmière, c'est tout ce que je veux, je vous laisse le reste x)
Personnages principaux : Eweleïn.
Personnages secondaires : Ceux que vous voulez.
Point de vue désiré : Je pense qu'omniscient serait le mieux mais j'aime beaucoup l'interne aussi. En revanche, pas d'externe.
Danse Flamme
Acte I :C’était un matin, je m’en souviens comme si c’était hier,
Un matin rude recouvert de rosée, un matin inhabituel.
Le matin qui me convainquit que le destin avait un douteux sens de l’humour,
Lorsque, du paisible lac, surgit un brusque remous.
Eweleïn est née avec inscrite dans son esprit, dans son être tout entier, une soif insatiable de décortiquer les mécanismes du monde et de manipuler ce que la terre avait à lui offrir. Si ce n’était pas visible sur le jeune poupon qu’elle était à quelques mois, l’âge en revanche la vit devenir une enfant sans cesse curieuse de demander à quoi pouvait servir telle plante ou tel arbre, ou pourquoi ils faisaient les choses ainsi et pas autrement. Ce genre d’enfant qui vous mettait la tête à l’envers en quelques minutes en remettant en cause tout ce sur quoi vous vous êtes bâti.
Si cette elfe avait vu le jour dans une des Maisons-Mère, n’importe quel Faan aurait été capable de voir précocement en elle un précieux potentiel, et sans doute aurait-on été capable de lui proposer très tôt les outils pour se former comme l’alchimiste talentueuse qu’elle pourrait devenir, précieuse pour son peuple.
Mais il se trouve que quelque chose, quelque part, en avait décidé autrement.
Eweleïn naquit dans une petite communauté d’elfes mineurs vivant en autarcie, dont la spécificité résidait en leur fort caractère conservateur. De ce traditionalisme extrême, de nombreux Faan avaient une mauvaise opinion. Mais Eweleïn grandit sans référentiel, coupée de ce qui n’était pas son village, avec pour seul avis auquel se rattacher que l’existence d’un elfe se devait d’être dédiée aux forces de la nature qui les gouvernaient, sans jamais chercher à s’en détacher.
Être encadrée par une autorité aussi intraitable que le Haut Prêtre aurait pu travailler notre jeune elfe à la manière d’une barre de métal que l’on chauffe à vif afin de la plier à ses désirs.
Mais là encore quelque chose, quelque part, en avait décidé autrement.
Eweleïn grandit dans une cage à ses désirs, et elle apprit très vite à durcir son caractère pour passer entre ses barreaux. La pression exercée sur elle, loin d’inhiber son tempérament fier, l’avait fait rejeter absolument tout ce qui ressemblait de près ou de loin à la pensée fermée de son entourage. Juste ce qu’il fallait pour lutter.
Lutter contre le poids des regards qui jugent.
Lutter contre les assemblées qui tentent de la ramener sur le droit chemin.
Lutter contre les restrictions et les avertissements.
Eweleïn avait cette flamme. Cette flamme qu’il aurait été vain de chercher à étouffer.
C’était une force de la nature, qui se mit à détester cette forme spirituelle qui les aveuglait, tous. Elle trouvait l’apaisement dans la récolte de toute espèce de plantes qui lui tomberait sous la main, ainsi que dans leur étude minutieuse. Lorsqu’elle inspectait les feuillus et qu’elle observait le comportement des familiers égarés, elle se sentait plus vivante et vibrante de savoir que si elle se contentait de vénérer une quelconque énergie supérieure devant laquelle les siens s’inclinaient.
Elle sentait la colonne de la connaissance s’ériger en elle et lui donner la force de se tenir bien droite face à ses semblables qui courbaient l’échine devant une divinité en laquelle elle ne croyait pas.
Là où ils voyaient l’accomplissement d’une force immortelle, elle ne voyait que le fruit des processus naturels de ce monde.
Là où elle avait entrepris ses recherches afin de leur démontrer que leur vision de la terre était faussée, pour les tirer de leur servitude aveugle, elle se mit à les laisser s’embourber dans leur ignorance stérile.
Les horreurs qu’elle voyait perpétuées au nom du manaa l’avaient persuadée que cette énergie mystique n’existait pas. Si une telle puissance bienveillante existait vraiment, comment pouvait-on tolérer la mort en son nom ?Ses premiers pas étaient frivoles,
De ceux qui craignaient de ne jamais pouvoir prendre leur envol.
Sans cesse à contretemps, jamais ne comprenant un quelconque référentiel,
Elle devait s’inventer son propre rythme, bien à elle.
- Ewe’, chérie, tu veux bien aider ton père à faire à manger ?
Seul le mutisme de la porte close s’opposa à la question prudente de sa mère, qui soupira d’un air défaitiste. Son compagnon l’enlaça tendrement, mais cela ne suffit pas à éclipser l’inquiétude de ses yeux.
- Elle doit être en train de faire ses prières du soir, lâcha-t-il d’un air qui peinait à être convainquant.
Ils se détournèrent tous deux de la porte de la chambre de leur fille, le ventre noué. Ils savaient tous deux que la dernière chose qu’Eweleïn devait être en train de faire, c’était prier.
Lorsqu’ils s’étaient rendus compte que l’intimidation ne fonctionnait pas avec elle, Eweleïn, à son insu, s’était mis à inspirer une certaine forme de crainte. La crainte distillée par son assurance et la prestance qui grandissait chez elle avec les ans. La fillette impertinente et capricieuse était devenue une jeune fille assurée au regard glacé.
Là où les autres villageois avaient mis leur foi et leur existence dans un être hypothétique, Eweleïn avait appris que si elle voulait s’en sortir, elle ne pouvait compter que sur elle-même. Et elle avait douloureusement conscience que si elle voulait continuer à leur imposer le respect garant de sa liberté, elle ne pouvait se permettre de montrer la moindre faille.
Une douloureuse conscience qui l’avait privée d’enfance.
Malgré le mécontentement de leur Haut-Prêtre, les actes profanes d’Eweleïn se paraient chaque jour davantage d’indifférence de la part de sa famille, puis de son village.
Sous couvert de déni bercé de lâcheté, chacun tâchait de se convaincre que si elle n’assistait pas aux rituels, c’était parce qu’elle se portait mal, ou qu’elle supportait difficilement la foule. Que si ses lèvres n’esquissaient pas un mouvement pendant les litanies collectives, c’est qu’elle devait les psalmodier mentalement. Que si son regard était chargé de mépris à l’égard du Haut-Prêtre, cela devait être à cause d’une querelle sur un sujet quelconque. Que si elle était impassible à toute tentative de cordialité qui lui était dédiée, c’était parce qu’elle vivait mal ce qu’on appelait « crise d’adolescence ».
Quelle comédie ! Ils l’avaient privée d’enfance. Au nom de quoi aurait-elle pu vivre une quelconque adolescence ?
Oui, cet environnement étouffant, et l’enchaînement de pensées qui en résultait chez Eweleïn, l’avaient enveloppée, presque délicatement, d’une carapace la rendant plus insensible aux sentiments que ceux qu’elle se complaisait à mépriser.
Parce que lorsqu’en grandissant dans une cage, elle voulait convaincre le geôlier qu’elle était assez solide pour que l’emprisonner devienne dénué de sens.
Et chacun n’avait que trop conscience que si, par quelque moyen que ce soit, sa flamme venait à se déchaîner, elle serait destructrice.
Lorsqu’il était sujet d’Eweleïn, chacun semblait marcher sur des braises ardentes, et tout ce qui la concernait était à prendre avec des pincettes.
C’était un équilibre instable.
D’un côté, la volonté silencieuse de beaucoup de la faire rentrer dans le moule, avec le courage que cela demandait de l’appréhender. Un héroïsme dont personne ne se pensait plus capable après les nombreux essais infructueux par le passé.
Et de l’autre, ceux qui représentaient l’autorité, qui la voyaient comme un danger clair à leur culte, et qui n’avaient de cesse que de nourrir des ambitions d’exclusion à son égard. Eux en revanche n’avaient pas d’efforts à fournir, ils étaient intimement persuadés que la seule chose dont ils avaient besoin était la patience, et ils attendaient le moindre faux pas de sa part.
Oui, c’était un équilibre instable. Chacun était conscient qu’il suffisait d’un rien pour tout faire basculer.
Et finalement, le temps donna raison à la seconde catégorie de personnes.
Tandis que le gargouillis de l’eau esquivant les branches aurait charmé n’importe qui, l’invitant à somnoler contre un tronc, une silhouette était accroupie dans la terre spongieuse. Insatiable.
Indifférente à la boue qui gagnait du terrain sur ses chevilles, Eweleïn tournait et retournait une plante qui l’intriguait entre ses doigts. En écartait les feuilles, en dévisageait la tige.
Elle contempla la couleur brique d’un air pensif pendant un long moment, testant la texture de la feuille d’un frottement entre ses doigts pâles. Le mouvement, répété, eut pour effet de déplacer une sorte de poudre brune, ce qui révéla au-dessous des lignes d’un vert vif tranchant avec la chair de la feuille, s’entrecroisant en un labyrinthe fascinant.
Elle en porta un morceau à la bouche pour le mâchonner d’un air absent durant quelques secondes.
- Amère… souffla-t-elle, songeuse.
La jeune fille se trouva un abri relatif le temps de griffonner vivement des notes précipitées dans un carnet vieilli à la couverture racornie, presque aussi large qu’épais, aux pages ondulées.
Eweleïn elle-même n’hésitait pas à se décrire comme une recenseuse compulsive. Elle décortiquait la flore, leur donnait des simulacres de noms, détaillait leurs caractéristiques, avec une précision d’orfèvre et une passion d’obsessionnelle.
Parce qu’engranger des connaissances avec l’avidité d’une carencée était la seule manière à sa disposition de combler le vide dans son cœur.
Prenant l’échantillon et le glissant entre les pages humides, elle se releva avant de daigner se décider à reprendre le chemin de son village.
L’elfe avait eu le temps d’apprendre par cœur la forêt et ses racines, ses clairières et ses chemins impraticables. Elle avait tant erré entre les troncs pour fuir l’ambiance oppressante de son village, allant toujours plus loin au-delà des limites, que ses environs étaient cartographiés au fer rouge dans son esprit.
Elle huma l’odeur de terre humide et de feuilles croupies. C’était là qu’elle se sentait libre. Qu’elle pouvait faire l’unique chose qui l’épanouissait : étudier.
Comme si remplir des pages et des pages pouvait lui permettre de remplir le vide qui grandissait dans son âme.
Ou de l’oublier.
Le jour se levait avec peine au-dessus de la cime des pins lorsqu’elle emprunta les portes de son village. Elle se dirigeait vers son habitation pour se permettre de plonger dans le sommeil, dont son excursion l’avait privée, lorsqu’une odeur de chair crue et humide attira son attention.
Elle se souvint vaguement d’une équipée de chasseurs qui était revenue la veille après une expédition plus loin qu’elle n’y avait jamais été. En revanche, elle ne s’attendait pas à ça.
Là, sur le meuble de pierre gravée, dans l’espace consacré, une bête énorme gisait, de la taille de l’autel.
Si Eweleïn avait l’habitude que les siens s’adonnent à des sacrifices de créatures, elle n’avait en revanche pas l’habitude de cette créature-ci.
Dépourvue de pattes, la partie basse de son corps était dotée de six longs prolongements blanchâtres ornés de tubercules spongieux sur toute leur longueur. Son tronc, quant à lui, était constitué en tout et pour tout d’une énorme boule percée de deux petits yeux et d’une bouche atrophiée. Le tout était d’un violet tirant sur le vert et dégageait une odeur épouvantable.
Lorsque la jeune elfe s’en approcha prudemment pour étudier son épiderme, sa main rencontra une surface glacée, suintante d’humidité et visqueuse.
D’interrogation, elle pencha la tête sur le côté. Ça et l’absence de nez, et ces pattes inadaptées sur le sol ferme… Serait-ce une créature de l’eau ? Pourtant, les petits ruisseaux qui abondaient vers leur village étaient bien incapable d’héberger un tel monstre, qui devait faire deux fois sa taille.
Serait-il possible qu’une telle étendue d’eau existe dans la forêt sans qu’elle n’en ait jamais croisé ? Elle compta le nombre de jours pendant lesquels les Prêcheurs étaient partis. L’idée que, pas si loin de son village, puisse exister un écosystème tout à fait différent de ce dont elle avait toujours été familière excitait sa curiosité au plus haut point.
Même en dehors de cet élément, c’était la première fois qu’elle voyait une aussi grosse créature aquatique. Autrement dit, qu’elle avait l’opportunité de découvrir comment ces êtres sous-marins parvenaient à vivre sans air…
Délicatement, presque avec tendresse, Eweleïn se mit à déchiqueter la chair avec une minutie d’orfèvre.
Lorsque les premiers rayons du jour naquirent pour baigner de feu la scène, ce fut un spectacle bien plus sanglant que l’horizon qui attendait les elfes premiers-levés.
Ils trouvèrent au sein de leur temple consacré, devant l’autel, une des leurs les mains et la bouche baignés dans le sang du vénérable octopus, antiquement béni des dieux. Une créature vieille comme le monde et aussi rare que les éclipses gésir à même le sol, le crâne lacéré et mis à nu par la sauvagerie d’une jeune elfe qu’ils avaient protégée, nourrie, en laquelle ils avaient eu foi. Avec l’énergie du désespoir et la folie des lâches.
Eweleïn n’entendait plus rien. Plus rien que les cris.
Eweleïn ne voyait plus rien. Plus rien que les visages déformés par la haine.
Par la haine ou par la peur ?
Qu’est-ce qui différenciait la haine de la peur ?
Elle devait partir. On le lui criait, pleurait, hurlait.
Elle devait mourir. La voix était montée, impérieuse, de la gorge du Prêtre superbe, stupide.
Partir voulait dire mourir, s’emporta quelqu’un. Eweleïn, déjà, n’écoutait plus.
Elle avait été si proche, si proche d’un savoir nouveau, exaltant. Ils l’avaient saisie, écartée, la seule chose qu’il lui restait de la bête c’était son sang. Son sang sur ses mains, poisseux, son sang sur ses bras, séché, son sang tout contre ses lèvres, craquelé.
Autour d’elle, il n’y avait qu’un tourbillon. Un tourbillon de cris. De haine, ou de peur. Elle ne savait pas. Elle ne savait plus. Elle s’en fichait.
Depuis tant de temps elle avait espéré qu’ils fassent preuve d’une telle virulence. Pourquoi cela devait-il se passer pour de mauvaises raisons ?
Elle contemple, fascinée, leurs visages déformés.
Qu’est-ce qui différencie la haine de la peur ?
Elle allait partir. Il fallait qu’elle parte. Pour elle comme pour eux. Pour ne pas qu’ils deviennent comme elle.
Pour ne pas qu’elle devienne comme eux.
Elle se vit retourner chez elle, monter les escaliers. Une idée en tête, son phare dans la tempête de son âme. Ses ouvrages. Qu’au moins ces années passées ici aient servies à quelque chose.
Elle vit son grand-père s’interposer entre elle et la porte. L’empêcher d’accéder au savoir.
Qu’est-ce qui différencie la haine de la peur ?
Lorsqu’elle croisa son regard suppliant, elle sut y discerner la crainte. Une crainte dégoulinante. Abjecte. Elle le vit la regarder comme un monstre terrifiant, avec ses yeux rouges de colère et ses mains couvertes de sang.
Elle sentit une bile amère lui enserrer les tripes comme de l’acide brûlant. Ecraser sa cervelle et s’emparer de son bras comme un étau ardent.
D’un geste, elle balaie le vieillard comme un fétu de paille. Elle entend un bruit sourd dans les marches derrière elle. Des cris. Encore.
Elle ne se retourne pas.
Oh, comme elle s’était retenue longtemps !
Ouvre sa chambre, rafle les livres, sa raison de vivre.
Chacun s’est précipité vers l’ancêtre qui gît au sol. L’octopus, lui, ils l’ont laissé par terre sans lui accorder aucune attention. Pourquoi maintenant se précipiter sur cette antiquité d’humain ? Lui, il est inutile. Sont-ils donc assez stupides pour ne pas s’en rendre compte ?
Plus personne ne s’occupe de l’octopus. Plus personne ne s’occupe d’elle, Eweleïn.
Alors elle part.
Elle fuit.
Acte II :Bouge, foule, roule, coule,
Tels vont les mouvements, tremblants encore.
Petit à petit, commence à se laisser mener par la houle,
L’éclat hésitant d’une palpitation qui s’ignore.
Le vieil homme l’avait trouvée dehors, de la boue jusqu’aux genoux et de la pluie jusqu’à la tête. Ses longs cheveux blancs plaqués sur son crâne et deux grands yeux translucides qui l’observaient.
Le transperçaient.
D’abord, il l’avait recueillie chez lui à cause des oreilles. Des oreilles on ne peut plus pointues qui filaient vers le ciel au milieu de sa chevelure détrempée.
Les Faans n’étaient pas tendres, et il n’avait aucune envie de se les mettre à dos s’ils apprenaient qu’il avait laissé l’une des leurs dehors, au bon plaisir de la tempête qui ruait sur le vieux port.
Ah, bien sûr, ils étaient en harmonie avec la nature, ne faisaient qu’un avec les éléments, et caetera, et caetera. Il n’empêche que celle-là, le regard perdu vers la mer comme si elle ne l’avait jamais vue de sa vie, dégoulinante et sale, serrant son vieux sac décrépi contre elle comme si sa vie en dépendait, elle ne faisait pas la fière.
C’était ensuite qu’il s’était davantage penché sur son cas. Plus que ce que ne l’aurait voulu son intention de départ, à savoir attendre pour la refourguer au premier elfe qui passe.
En effet, la petite l’avait presque immédiatement intrigué. Elle semblait se surprendre d’un rien, et ne pas réagir en présence de l’extraordinaire. Comme si elle avait vécu dans un environnement décalé du sien. De plus, elle baragouinait une langue dans un jargon qu’il ne connaissait pas. Il en reconnaissait le rythme, pourtant, et dans sa scansion il discernait les racines de l’ancien langage. Mais la sonorité… Il ne l’avait jamais entendue auparavant. C’était comme si une autre branche, inconnue jusque-là, aurait dérivé, indépendante des autres, depuis la racine elfique qu’il avait eu l’occasion d’étudier il y avait une quarantaine d’années.
Il avait tenté de lui adresser les quelques mots qu’il connaissait dans l’Algewä des elfes, et était même remonté jusqu’au Nÿawe ancien. Il avait vu l’oreille de la petite se tendre, comme si les termes lui étaient au moins un peu familiers, mais guère plus.
Enfin, il s’était déterminé à la garder auprès de lui. Pas par bonté d’âme (son enveloppe charnelle était bien trop décrépie pour permettre à son âme d’être chaleureuse), mais parce qu’elle s’était montrée capable d’une capacité d’apprentissage tout à fait remarquable, à la mesure de son génie à lui.
Il la désigna d’abord comme son apprentie, et surprenait les regards surpris de ces gens qui étaient si convaincus de sa misanthropie.
Il ne pouvait pas leur en vouloir. Cette insociabilité dont ils l’avaient affublé, c’était la seule raison qu’ils avaient pu trouver pour expliquer qu’il ne supportait pas leur compagnie à eux, tous. Aurait-ce été insultant, s’il leur avait dit qu’une gamine d’à peine plus de dix-huit ans l’avait davantage convaincu du potentiel de quelqu’un d’autre que lui, davantage que tous les adultes qui venaient le côtoyer ? Sans doute.
Un sourire s’étira sur son visage parcheminé.
Il s’appelait Christopher Van Helsing. Le nom était étalé en vert et doré en d’élégants caractères sur la devanture, comme pour couronner la petite boutique.
En soi, elle n’avait rien d’extraordinaire vue de l’extérieur. Une petite bâtisse vert bouteille coincée entre deux grands bâtiments gris. Pourtant, quelque chose la faisait se démarquer des autres.
Dans cette ruelle sordide du vieux port presque au niveau de l’eau, à l’air saturé d’humidité, elle était la seule qui avait l’attention et la visite de riches faeries, avec leurs frasques sophistiquées tranchant avec la crasse des pavés. Plusieurs fois on avait proposé à l’apothicaire une place de choix dans les hauts quartiers de la ville côtière, mais le concerné s’était contenté de ronchonner que l’humidité était plus propice à la conservation de ses ingrédients, n’en déplaisent aux rhumatismes de ses clients.
Christopher Van Helsing. Eweleïn parvenait à le lire de manière fluide, désormais. Il y avait encore quelques mois, ce n’étaient que des symboles inconnus et des caractères dépourvus d’élégance, de même que les visages grossiers des habitants. Elle s’était petit à petit familiarisée à ces faces pataudes, ces caractères indélicats et cette écriture maladroite.
Son doigt effleura d’un air songeur les étiquettes poussiéreuses des vieux bocaux de l’arrière-boutique.
- Eweleïn, ça vient ?!
- J’arrive !
Elle se secoua mentalement et poursuivit sa lancée le long des interminables étagères recouvertes de bocaux pour saisir un des récipients à destination du « professeur ». C’était ainsi que celui qui était désormais son tuteur s’était présenté à elle, et il ne lui avait jamais donné les clés pour le mentionner autrement. Elle n’était pas sûre d’en apprécier les sonorités. En revanche, il lui avait dit qu’un professeur enseignait, pour qu’elle puisse apprendre. Cela au moins, elle en était satisfaite.
La poudre de serres d’Harfra à la main, elle remonta les allées bordées d’ingrédients pour rejoindre le professeur, qui était assis d’un air concentré à son établi.
L’alchimie. Voilà le domaine qu’elle avait découvert ici, grâce à l’expérience du vieil homme. Celui-là, de mot, elle en appréciait la sonorité, une sonorité qu’elle savourait comme du miel liquide au fond de sa gorge, un mot qu’elle avait aussitôt considéré comme la pièce qu’il lui manquait dans le puzzle de son existence.
Lorsqu’elle lui tendit le flacon, le vieillard prit deux pincées de son contenu pour les rajouter au mélange qui bouillonnait devant lui, sur un imposant plan de travail encadré par des ingrédients, récipients et recettes.
Elle avait été fascinée dès la première fois qu’elle avait vu ce lieu d’expérimentation qu’elle affectionnait tant, encore aujourd’hui. Bien plus que la pièce principale de la boutique avec ses présentoirs et ses clients tapageurs, c’était l’arrière-salle qu’elle considérait comme étant leur vrai domaine.
Là, dans un renfoncement de la réserve immense de l’antre d’alchimie, se tenait une multitude de récipients, supports et réchauds, ainsi que quelques ouvrages de référence aussi épais que tentateurs. Le tout assez éclairé pour permettre une manipulation correcte, mais pas assez pour déranger l’équilibre instable de certains ingrédients.
Sous la main experte du vieil alchimiste, la mixture prit une teinte grisâtre et laissa échapper une fine poussière brune. Eweleïn fronça le nez lorsqu’une odeur de rance se dégagea du mélange.
- Allons apporter ça aux clients.
Si, il y avait un an encore, la jeune femme avait voulu s’imaginer un lieu idéal où elle aurait été à sa place, sans doute aurait-elle dépeint un endroit similaire à celui-ci. Lorsqu’elle était arrivée pour la première fois, voir qu’un tel espace pouvait exister, avec ses longues allées d’étagères remplies de décoctions et de plantes diverses... Elle avait compris qu’ici, elle avait les moyens de donner du sens à ses connaissances, celles qu’elle avait acquis minutieusement jusqu’à maintenant. Le professeur avait été le premier à reconnaître l’utilité de ce qui était sa passion, et elle avait eu pour la première fois la sensation de voir ses travaux reconnus.
Mue par sa soif inextinguible d’avancer et d’apprendre, elle avait absorbé tous les noms de plantes, donnant aux végétaux qu’elle connaissait des dénominations qu’elle savait désormais partagés par toute une communauté, et non plus seulement d’elle en autodidacte. Elle mit ainsi tout son temps et son énergie dans l’étude. En six mois, elle connaissait déjà tout le lexique commun au domaine des plantes et de l’alchimie, qu’il soit écrit ou oral.
Paradoxalement, son langage courant, lui, demeurait un peu bancal lorsqu’elle s’exprimait, témoin du temps qu’elle passait dans les apprentissages davantage qu’avec les gens. Néanmoins, elle parvenait à comprendre à peu près tout ce qui se disait autour d’elle, grâce aux discussions de ce qui était désormais son quotidien : les acheteurs des potions que le professeur, et elle, concoctaient.
Lorsqu’ils sortirent de la réserve pour rejoindre l’avant du magasin, la jeune fille eut à peine le temps de constater la dizaine de personnes attentifs à ce qui était exposé dans les étagères que quelqu’un fondait déjà sur elle.
- Eweleïn, très chère ! s’exclama une dame au chapeau imposant. J’ai besoin de tes conseils !
La jeune fille se figea mais accepta bon gré mal gré de prêter l’oreille à son interlocutrice. La cliente l’entraîna dans un coin de la boutique avec un air conspirateur pour lui demander dans une messe basse si elle avait quelque chose pour dynamiser un peu sa vie de couple. Eweleïn la regarda sans comprendre.
- Quelque chose comme… Lui demander que vous fassiez des choses tous les deux ensembles ? Cherche quelque chose que tu aimes faire et que lui aussi.
Contre toute attente, son interlocutrice éclata de rire et lui prit familièrement le bras :
- Eweleïn, Eweleïn, je ne te savais pas aussi hâbleuse ! Non, je te parle de ces mélanges qui réchauffent de haut en bas et te donnent envie de…
Son interlocutrice se mit à se trémousser, balançant ses hanches d’avant en arrière sous l’œil d’Eweleïn qui ne tentait même pas de cacher son air dubitatif.
- Je… vois… mentit-elle - non seulement elle ne savait pas ce que voulait dire hâbleuse, mais en plus elle ignorait tout de la signification de ses élucubrations. Laisse-moi une seconde.
Il lui avait fallu six mois de documentation et d’efforts pour que le professeur l’autorise à répondre aux attentes des clients qui la sollicitaient sans passer par lui. Elle n’avait pas envie de demander conseil à son tuteur pour le prétexte d’une demande farfelue de la part d’une femme à moitié folle. Elle se convainquit de s’en retourner vers ce qui leur servait de laboratoire pour tenter de répondre à sa requête.
Dans la réserve, son doigt effleura une rangée de flacons pour s’arrêter sur un bocal de Lys des Cendres. Elle avait dit « réchauffer », non ? Ça devrait faire l’affaire. Aux pétales de la fleur elle ajouta du gingembre, ainsi qu’une plume d’Ashlak pour accélérer la circulation sanguine. Elle saupoudra également le tout d’une pincée de sable des Landes d’Argile pour favoriser la détente musculaire et psychique. Eweleïn hésita l’espace d’une fraction de seconde devant la salmonelle, connue pour clarifier les pensées et très efficace pour les esprits embrumés, mais elle se ravisa et finit par se tourner vers l’écorce de Lilv, dont les propriétés avivaient les émotions et ressentis. La jeune femme pila le tout, les lia avec de la sève, puis ajouta un liquide ambré afin de parfaire le goût et la consistance. Elle versa la mixture dans un flacon et le flaira avant de poser le bouchon, satisfaite.
- Voilà pour toi ! Donnes-en à tous les deux et ça devrait être ce que tu veux. Quelques gouttes suffisent, tu doses comme tu veux, mais n’en abusez pas.
Eweleïn se cala aussitôt contre un mur, accordant à peine son attention à la femme qui la remerciait avant de se diriger vers l’apothicaire pour le régler. Elle observait l’agitation qui avait lieu dans la boutique et tâchait d’ignorer les regards curieux.
La jeune fille ne put retenir un léger soupir. Elle avait beau apprécier l’idée de voir son savoir utile, elle devait admettre avoir un peu de mal à supporter ces bourgeois, leurs manières surfaites et leurs requêtes… Un brin superficielles ? L’elfe préférait de loin étudier les effets des plantes et concevoir des potions plutôt que subir tant de bruit et d’agitation. Elle se lassait assez vite des attitudes pleines de complaisance de leurs visiteurs.
Elle entendit quelqu’un d’autre l’interpeller, reconnut l’individu en question et l’ignora. Elle avait commencé à apprendre à repérer ces gens qui s’adressaient à elle simplement parce qu’ils la trouvaient « amusante », « rustique » ou « pittoresque », tout ça parce que son expression était approximative et qu’elle jugeait l’emploi du vouvoiement inutile dans une langue qui était déjà bien assez complexe sans raison. Quiconque avait un minimum de connaissances sur sa race savait pertinemment que son ouïe développée laissait peu d’excuses pour ce genre d’évitement, mais elle s’était laissé dire que peu de gens ici était réellement renseignés sur les elfes, et ce malgré la proximité du port avec les bois Faans. D’un autre côté, elle n’en avait jamais vu depuis qu’elle était ici. Le professeur lui avait appris l’existence de communautés elfiques autrement plus imposantes que la sienne vivant dans la forêt dont elle venait et qui bordait la ville côtière, sans avoir pu lui donner plus de détails.
Il aurait été stupide de dire qu’elle avait le mal du pays. Du moins, était-ce peut-être ce dont elle essayait de se convaincre. Maintenant qu’elle avait tout ce dont elle avait toujours rêvé, elle ne se permettait pas de se dire qu’elle regrettait l’ancien temps. Elle s’autorisait juste à se montrer curieuse de la race qui était la sienne et dont elle ne savait rien, chose qu’elle avait compris lorsqu’elle avait réalisé qu’elle avait grandi coupée du monde, elfique ou non.
La rareté de la présence de son peuple dans les parages expliquait également en partie les curieux qui se retournaient à la vue son visage fin et de ses oreilles si caractéristiques, intrigués de voir un elfe s’abaisser à se mêler à l’activité des autres faeries.
Et lorsqu’un regard sur elle lui pesait trop, lorsqu’elle s’égarait à trouver dommage de concevoir toujours une même potion à ne faire qu’appliquer stupidement la formule, lorsqu’elle se prenait à se demander le sens de la conception d’un énième filtre d’amour, elle secouait la tête et resongeait à la chance qu’elle avait.
Quand, chaque matin, le professeur lui confiait toujours de nouveaux ouvrages où elle lisait pouvoir être appliquée une infinité de connaissances, elle voyait s’ouvrir devant elle une multitude de possibles. Et quand, chaque soir, ils s’asseyaient tous les deux devant l’âtre et qu’elle lui décrivait les espèces vivant dans la forêt Faan, quand elle voyait le sourire et les yeux brillant du vieil homme quand il feuilletait les carnets qu’elle lui avait confiés, elle se disait qu’au fond, c’était tout ce dont elle avait jamais eu besoin.
C’était comme un rituel entre eux, qui s’était mis en place petit à petit, matin et soir. Les deux moments qui comptaient le plus pour elle. Se nourrir de connaissances et se sentir valorisée.
D’aucuns vous diraient peut-être qu’il s’agissait d’un désir égoïste. Peut-être auraient-ils raison. Je leur répondrais que celui qui estime qu’un individu peut rester indifférent à la reconnaissance se leurre. A plus forte raison quand il s’agit d’une adolescente qui en a été privée toute son enfance.
En dehors de ces instants riches, la jeune fille apprit à faire fi de l’ennui du reste de ses journées. Passée l’excitation de se sentir utile, les tâches s’étaient révélées assez répétitives, et les demandes des clients souvent identiques.
Malgré tout, elle s’employait à être ce rouage dans le commerce de son tuteur, considérant que c’était le prix à payer pour avoir les moyens de faire quelque chose qui lui plaisait.~
« Tu devrais te familiariser avec la queue de salamandre », qu’il disait. « C’est un ingrédient-clef dans beaucoup de potions instables. », qu’il disait. « Une hésitation et tout explose. »
Eweleïn marmonna dans sa barbe tandis qu’elle s’employait à repérer et récupérer la mousse barbue qui affleurait ici et là au sein de la roche, profitant de l’humidité de la mer. Elle avait de l’eau jusqu’aux chevilles, progressant avec difficulté dans ce qui tenait plus du marécage que de la plage. C’était dans cette avancée d’eau peu profonde sous le couvert de la forêt que la jeune elfe avait repéré ce végétal particulier dont elle avait besoin.
Elle fronça les sourcils, pataugea un peu plus, s’extirpa difficilement d’un fond boueux. Tout ça à cause de ces maudites salamandres ! Si elle avait su que le stock de l’alchimiste était aussi peu fourni en cet ingrédient, elle se serait abstenue de faire cet excès de zèle qui avait épuisé la réserve. Dans la zone humide que le professeur avait choisie pour installer son commerce, les salamandres n’étaient pas exactement le genre de créatures à courir les rues du port. Elle ne pouvait donc qu’espérer que ces mousses, placées dans un environnement chaud et sec, suffiraient à les attirer.
Lorsqu’elle retourna en ville, ce fut les cheveux en bataille et les vêtements trempés. Elle dût prendre le temps de se changer avant de descendre à la boutique, à peine débarbouillée et encore fourbue. Passablement agacée par sa piètre récolte, elle ne souhaitait pas outre mesure se rendre avenante aux yeux des clients par une allure acceptable. Ce fut donc de mauvais gré qu’elle s’installa dans le coin du magasin qu’elle s’était attribué, se contentant de balayer les faeries du regard.
Si elle le remarqua, ce n’était pas parce qu’il était vêtu d’une façon particulière. Elle avait tellement l’habitude des bourgeois aux tenues extravagantes défiant la notion de norme (ou alors il s’agirait d’une norme où chacun doit se montrer plus extraordinaire que son voisin) qu’elle ne se formalisait même plus de la façon dont les gens parlaient d’eux au travers de leurs vêtements. D’ailleurs il était, au contraire de la plupart de leurs visiteurs, habillé très sobrement : une chemise sous un veston, un pantalon ample coincé dans des hautes bottes en cuir, et une longue cape qui lui descendait jusqu’aux chevilles, lui donnant une certaine prestance discrète, le tout d’un brun sombre et sans nuances.
Ce n’était pas non plus à cause de son visage, qu’il avait commun. Aucun détail particulier de son faciès ne se détachait particulièrement. Si on lui avait demandé de le décrire après-coup, Eweleïn n’aurait guère pu donner davantage de détails que de signifier qu’il avait les yeux noirs, une légère barbe et des cheveux bruns. Elle était certaine qu’elle l’aurait oublié dans l’heure.
Alors quoi ?
Son aura. Il dégageait quelque chose de très particulier, sans qu’elle parvienne précisément à mettre le doigt dessus. Elle prit le temps de le détailler avant de saisir ce qui ressortait de son être banal, lorsque la distance entre lui et elle se réduisit un peu.
Son regard. Un regard noir, profond, qui semblait sonder tout autour de lui sans en avoir l’air. Il donnait l’impression d’être concentré sur un seul but, alors que, dans le même temps, il errait entre les rayonnages sans donner l’impression de vouloir se poser sur un seul ingrédient ou une potion particulière.
Parmi les autres clients qui papillonnaient comme des êtres égarés aux intentions inavouables, sa démarche à lui était lente et assurée. La démarche de quelqu’un qui sait où il va et qui il est. Exactement ce que ce dont elle-même manquait, réalisa-t-elle au moment où elle le relevait.
Comme s’il avait fini par sentir le poids de son regard sur lui, il se tourna vers elle et la dévisagea. La jeune fille se figea comme si elle avait été prise en flagrant délit, comme si elle sentait déjà que le regard qu’elle avait laissé s’attarder sur lui n’était pas tout à fait innocent. Pourtant, lui ne s’attarda pas. Le contact oculaire lui sembla intense, mais bref, et il la salua d’une légère inclinaison de la tête, la face toujours impassible mais le regard pénétrant. Comme si ce qu’il avait surpris d’elle ne l’avait pas le moins du monde troublé.
Un clignement d’yeux plus tard et il disparaissait derrière un présentoir.
Eweleïn se secoua mentalement et ressentit aussitôt le besoin d’éviter de réfléchir à ce qui venait de se passer, à cet instant qui avait été aussi court que prégnant.
Elle se jeta dans la masse humaine pour répondre à la demande pressante et excentrique de la clientèle.
Dès lors, elle remarqua la présence de l’homme chaque jour. Le temps de quelques poignées de minutes ou d’une heure, il venait et décortiquait avec attention ce que proposait la boutique de l’alchimiste.
Eweleïn avait remarqué qu’il avait eu un échange animé avec le professeur lors de sa troisième visite, sans qu’elle n’ait capté qui avait engagé la discussion ni son sujet. Ce qu’elle n’avait pas manqué de voir, en revanche, c’était l’attitude passive-agressive de son tuteur à l’égard de l’inconnu, attitude qu’il devait par la suite garder en permanence dès que l’étranger pénétrait son territoire. Chose à laquelle le concerné restait impassible.
Il semblait impassible à de nombreuses choses, d’ailleurs. Jamais son visage ne laissait découvrir autre chose qu’une mine d’intense concentration, comme s’il portait sur ses épaules un objectif trop important pour qu’il juge utile de se soucier de l’opinion d’autrui sur lui.
A chaque fois, l’elfe ne pouvait s’empêcher de l’observer. Elle était comme magnétisée. Quand elle vérifiait les rayonnages, quand elle échangeait avec un client, quand le professeur lui confiait une tâche. Elle avait l’impression qu’elle pouvait toujours le voir, du coin de l’œil.
Elle apprit à regarder plus loin que son attitude passe-partout : détailler une mâchoire carrée et volontaire, percevoir la manière dont il sondait tout son environnement lorsqu’il entrait, le léger frétillement de son regard quand il remarquait qu’on l’observait, ses très vifs mouvements de pupille, comme s’il passait le terrain au peigne fin, juste avant qu’il ne sorte du magasin. Il avait une faculté extraordinaire à paraître sûr de lui avec un but précis, tout en ne faisant qu’errer dans la boutique sans jamais rien acheter.
Et systématiquement, à chacune de ses visites, l’inconnu croisait son regard. Juste une fois, l’espace d’une fraction de seconde, sans relever davantage son attitude. Comme s’il se contentait de vouloir lui signaler qu’il savait qu’elle l’observait, sans chercher à en insinuer davantage.
Ce manège dura plusieurs semaines. Elle ignorait pourquoi ces échanges de regard signifiaient tant pour elle, alors qu’ils étaient si succincts. Ils n’avaient jamais échangé un mot, il ne se départissait jamais de son masque immuable, et pourtant, au fur et à mesure des jours, elle avait l’impression de le connaître.
A tort ou à raison ? Elle ne savait pas si cela avait vocation à déboucher sur autre chose que ces regards volés. Petit à petit, ses yeux à elle avaient perdu de leur teinte de curiosité pour prendre des lueurs de défi. Comme si sa volonté de comprendre ce qu’il cherchait, sa volonté de le comprendre, perçait son attitude. Le sentit-il ? Etait-ce cela qui avait servi de déclencheur ? Cela aussi elle l’ignorait, et devait sans doute ne jamais le savoir.
Tout est-il qu’un soir, alors qu’elle ne l’avait pas vu de la journée et qu’elle s’en serait presque inquiétée, peu avant la fermeture de la boutique, il se montra.
Il n’erra pas entre les supports d’exposition et les présentoirs comme à son habitude. Il ne se déroba pas à son regard comme il n’avait jamais manqué de le faire.
Il se dirigea directement vers elle.
Et cette fois-ci, elle perçut clairement le but sur lequel il était concentré, ce vers quoi il savait aller.
C’était elle.
Cela la déstabilisa, comme serait déstabilisé quelqu’un qui verrait se réaliser un désir devenu fantasme qu’il avait appris à considérer comme quelque chose qui ne serait jamais assouvi.
Lorsqu’il ouvrit la bouche, ce fut d’une voix grave et profonde qu’il s’adressa à elle, aux curieux accents à la fois rudes et enjôleurs :
- Je cherche le moyen de faire venir à moi un être égaré.
L’elfe tressaillit, déstabilisée à nouveau. A force d’avoir tant rêvé autour d’une relation abstraite, elle en avait oublié l’essence de leur statut : il était client et elle était apprentie alchimiste. Cette pensée l’agaça d’une façon incompréhensible, une incompréhension qui ne fit qu’augmenter son irritation envers elle-même d’un cran.
Au lieu d’acquiescer immédiatement et de se tourner vers la réserve pour commencer son travail pour répondre à sa demande, elle rechercha instinctivement l’appui de son tuteur du regard. Lorsqu’elle s’en rendit compte, elle s’injuria mentalement. Depuis quand avait-elle besoin de l’approbation du vieil alchimiste pour se juger apte à répondre aux besoins d’un client ? Elle savait qu’elle était capable de fournir un travail et de le faire bien.
Moribonde, elle se dirigea fermement vers l’arrière-boutique, suivie de près par l’inconnu, tâchant de s’enfoncer dans le crâne qu’elle n’était là avec lui qu’en tant que professionnelle.
Tandis qu’elle cherchait parmi les rangées de bocaux une inspiration pour répondre à sa demande, elle réalisa que celle-ci était très floue. Elle se tourna vers le concerné d’un air interrogatif :
- Tu cherches à envoûter un familier ? demanda-t-elle.
Le regard de son interlocuteur était fixé sur ses travaux étalés sur ses plans de travail, concentré sur ses ouvrages et son matériel d’alchimie, à mille lieux d’elle pourtant censée répondre à sa requête :
- Je pensais à une créature un peu plus grosse… répondit-il d’un ton absent.
Eweleïn fronça les sourcils et quitta sa démarche de recherche pour se retourner vers l’étranger, se demandant soudain s’il ne se payait pas sa tête :
- Je ne te suis pas, dit-elle d’un ton peut-être un peu trop sec pour être professionnel.
Elle ne savait pas si elle était agacée parce qu’il lorgnait un peu trop indiscrètement sur ses travaux, ou si c’était parce qu’une fois qu’il s’était décidé à faire le premier pas à son égard, il se détournait maintenant totalement d’elle, au point de ne plus lui porter qu’un intérêt très secondaire.
Elle tâcha de se convaincre qu’il s’agissait de la première raison.
L’homme dût sentir son ton puisqu’il ancra à nouveau ses yeux dans les siens :
- Pardon si je t’ai blessée. Je regardais ces livres, dit-il en désignant les ouvrages que lui avait confié le professeur le matin-même. Ça me surprend de les voir en ta possession alors même que je ne t’ai jamais vue à la bibliothèque.
Eweleïn se montra une nouvelle fois déstabilisée :
- La bibliothèque ?
- Bien sûr, répondit-il calmement. La bibliothèque. Ces livres viennent de la bibliothèque.
Et en lui répétant le mot, il lui indiqua la cote discrète, BDA75-189C, inscrite à l’encre bleue sur la tranche d’un des livres, une marque à laquelle Eweleïn n’avait jamais prêté attention auparavant.
- Et… Où est-elle ?
- La bibliothèque ? Dans les quartiers nord, au bout de l’allée de Sadam, on ne peut pas la rater.
A peine eut-il terminé sa phrase que le professeur fit irruption dans la pièce.
- On ferme, lâcha-t-il d’un ton plus bourru que d’habitude.
Eweleïn le dévisagea avec surprise dédier un regard plein d’animosité au visiteur. Celui-ci s’exécuta sans rechigner, se dirigeant vers la sortie sans un mot de plus. Elle le rattrapa in extremis alors qu’il allait quitter la boutique :
- Mais… Et ta potion ? balbutia-t-elle, prise au dépourvu sous le feu de son regard.
Elle n’était pas encore habituée à cette flamme dans ses yeux noirs qu’elle avait longtemps cherché à croiser et qu’il lui permettait enfin de dévisager tout son soûl.
En réponse, il eut à nouveau cette légère inclinaison de buste, qui la fit frémir. Oserait-elle-même relever la façon dont la commissure de ses lèvres s’était légèrement relevée ?
- J’ai trouvé ce que je cherchais, se contenta-t-il de dire avant de disparaître dans la nuit.
Il ne revint pas le lendemain, ni les jours suivants. Comme si ses dernières paroles n’étaient pas que du vent.
Elle replia son bras sur elle-même et frissonna. Il y avait beaucoup trop de magnétisme, qui se dégageait de cet homme si banal. Elle ignorait la cause de ce sentiment qui l’étreignait.
La fascination. C’était la première fois qu’elle rencontrait quelqu’un qui lui semblait digne de son intérêt depuis que le professeur Van Helsing l’avait engagée dans sa routine.
Eweleïn avait dix-neuf ans, le corps d’une jeune adulte qui murissait doucement et un esprit de plusieurs siècles carencé en affectivité. L’envie de vivre lui rongeait l’âme aussi sûrement que de l’acide. Dans cet homme qu’elle ne connaissait pas, dans son attitude, sa voix, son regard, elle avait senti quelque chose de sauvage, quelque chose qu’elle ne [i}connaissait pas[/i]. Et elle avait aimé ça.
Et maintenant, il était parti, ne lui laissant que les évanescences du mot qu’il lui avait offert.
« Bibliothèque ». Ce terme ne faisait que très peu écho en elle. Mais de savoir qu’on pouvait y trouver des livres était un argument qui lui suffisait largement pour décider de partir à sa recherche.
- Eweleïn, où vas-tu ? l’interpella le maître alchimiste tandis qu’elle franchissait le seuil de la porte.
La concernée se retourna vivement.
- A la bibliothèque ! s’exclama-t-elle en tâchant d’avoir l’air dégagé et de ne pas buter sur le mot.
Le professeur la dévisagea d’un drôle d’air. Il n’avait pas l’habitude que sa protégée s’éclipse pour autre chose que partir à la chasse aux ingrédients. Son visage se ferma et il ronchonna :
- Rentre avant midi, j’aurai besoin de toi ! se contenta-t-il de lâcher avant de lui tourner le dos.
Déjà des clients poussaient les portes du magasin, et Eweleïn s’empressa de se mettre en route.~
A la lueur aussi faible que fière de la bougie, Eweleïn déchiffrait les caractères en cursive, les yeux presque collés sur le parchemin, tant elle était concentrée.
Elle était seule, ce matin-là, dans la haute bibliothèque. Comme tous les matins à cette heure-ci, indécemment matinale. Depuis qu’elle avait découvert l’endroit quelques semaines plus tôt, elle ne cessait d’y aller, de plus en plus fréquemment, dans quelque chose qui était très vite devenu quotidien.
Assise dans la solitude d’une petite table, à côté des étagères plein d’ouvrages écrasants par leur multitude, Eweleïn déchiffrait un ancien manuscrit, non sans difficulté tant celui avait d’âge.
Plongée dans sa lecture, un grincement lointain la fit sursauter. Le son bref se répercuta en écho sur toute la longueur de l’allée qui donnait sur l’entrée, et la jeune femme vit un nouveau visiteur pénétrer l’antre de livres.
Elle jeta un coup d’œil à l’horloge. Sans doute aurait-il été le lecteur le plus matinal, si elle ne l’avait pas précédé d’une demi-heure. Pour ne pas déranger l’activité de son tuteur tout en satisfaisant sa soif de lecture et de connaissances, elle avait trouvé cette solution qui était de fréquenter la bibliothèque dès l’ouverture, aux premières lueurs du jour.
Elle se replongea dans son livre, qui exposait des noms d’arbres et la description d’écosystèmes qu’elle ne connaissait pas. Pour le moment, elle ne s’attardait que sur les ouvrages aux images envahissantes, consciente que ses connaissances langagières lacunaires ne lui permettraient pas pour l’instant d’avoir la rapidité d’engloutissement qu’elle aurait souhaité atteindre.
Au bout d’une heure passée sur le climat et les conditions de pousse des conifères, elle se redressa pour s’étirer en baillant, fourbue.
La jeune femme papillonna des paupières d’un air absent pour reprendre pied avec la réalité, jeta un dernier coup d’œil à l’horloge, puis se leva pour ranger son livre.
Tandis que son pas se presse vers la sortie, sa curiosité est tiraillée par la rangée d’étagères « Civilisations et cultures », comme à chaque fois qu’elle passe devant cette catégorie d’ouvrages. Systématiquement, elle ne peut s’empêcher de ralentir pour laisser son regard dériver vers la lettre E.
Son esprit tâtonne, s’égare. Elle passe devant et sort.
Elle passe, Eweleïn, elle passe. Elle a la sensation que tout passe, en ce moment. Les clients dans la boutique, les remontrances du vieil homme, les discussions au-dessus de sa tête, les potions qui s’enchaînent.
Est-ce que c’était ça, la routine ? C’était une chose bien ennuyeuse, pour quelqu’un qui était censé être heureux.
Alors, un matin, elle s’arrête.
E. E comme Eweleïn.
E comme Elfes.
Oui, un beau matin, son regard s’égare, et son corps avec elle. Sa main frôle les tranches des livres avec autant de tendresse que lorsqu’elle avait, jadis, découvert la réserve de fioles d’ingrédients.
La rangée est presque vide, peut-être l’une des plus avares dans ce rayonnage. Pourtant, ils ne font pas le moindre bruit lorsqu’elle les sort de leur abri, comme s’ils étaient manipulés régulièrement.
De toute évidence, cette race excitait la curiosité presque autant qu’elle ne faisait pas parler d’elle. Eweleïn songea avec un sourire amer qu’elle ne devait pas en savoir beaucoup plus que le commun des mortels à leur sujet. Qu’elle était là, tout comme eux, parce qu’elle avait cédé à l’envie d’en savoir plus. L’ironie la fit grimacer.
Elle ouvrit le volume le plus épais, Traité des Faans à travers les âges, le seul titre qui mentionnait le nom qu’ils s’étaient donnés à eux-mêmes dans leur langue, plutôt que le terme elfes vulgarisé par les autres peuples.
Prudemment, elle ouvrit le livre comme s’il allait lui sauter au visage. Elle fut néanmoins déçue du contenu. Les pages étaient recouvertes de symboles minuscules aux caractères rapprochés. Imbuvable. Elle le referma, presque avec agacement, et observa d’un air dépité l’étagère remplie de livres qui lui faisait face. Il lui restait encore tant à apprendre… Elle ne se sentait guère plus capable que de lire les légendes accompagnant des imagiers.
- Bonjour.
Eweleïn manqua de sursauter. Pourtant, avant même qu’elle n’ait besoin de se retourner, elle savait déjà de qui il s’agissait, lui qui avait attisé son intérêt pendant des jours. Lorsqu’elle lui fit face, elle eut des difficultés à masquer son trouble.
- Je te cherchais, poursuivit l’homme, comme s’il ne percevait pas son malaise.
Elle sentit son cœur se gonfler comme un ballon stupide. La jeune femme crispa les mâchoires, tentant de se reprendre :
- Vraiment ?
- En fait, je t’avais trouvée depuis longtemps, mais j’attendais que tu te décides à faire ce que tu viens précisément de réaliser.
- Fermer un livre ? tenta-t-elle d’humoriser.
Elle le vit esquisser pour la première fois un sourire.
- En ouvrir un, en fait. Un de ceux-là, plus précisément, poursuivit-il en désignant la rangée de volumes d’un signe de tête. Tu as besoin de plus. De changement.
Il avait ses yeux ancrés dans les siens, et aurait-elle voulu s’en dégager qu’elle ne l’aurait pas pu. Elle ne répondit rien. Attendant qu’il parle à sa place.
- Je gère une petite communauté, et je cherche les services d’un alchimiste, déclara-t-il de but en blanc.
Eweleïn fronça les sourcils.
- Pourquoi n’en parles-tu pas directement avec lui ? demanda-t-elle.
- Parce qu’il ne m’intéresse pas. C’est de toi que je parle.
Les pensées de l’elfe se figèrent dans son crâne. Elle ? Alchimiste ? Elle ouvrit la bouche pour contester. La referma.
Etait-elle alchimiste ?
Elle resongea à toutes les fois où elle avait expérimenté, avec plus ou moins de succès, dans le domaine. Au panel de connaissances en sa possession. Aux moments où son tuteur, alchimiste reconnu, comptait sur elle pour l’aider et faisait désormais confiance en ses choix après avoir surveillé ses premières expériences balbutiantes.
- Si tu es prêt à engager une apprentie… Mais il faudra quand même en référer au professeur Van Helsing pour ce qui concerne les contrats.
Elle ne s’était pas encore vraiment intéressée à cet aspect possible de leur travail, mais gardait en mémoire des moments déplaisants qui comprenaient beaucoup de parchemins noircis d’encre qui passaient d’une main à une autre.
L’homme secoua la tête :
- Tu ne comprends pas. Je ne te parle pas d’engagement, encore moins de contrats. Il s’agit d’une invitation. A rejoindre notre communauté, à vivre avec nous, œuvrer pour notre but commun, poursuivit-il en réponse à son regard interrogateur.
Eweleïn ne put s’empêcher de froncer les sourcils. Il avait parlé de communauté. Elle avait une mauvaise expérience des communautés.
Il dut sentir son trouble puisqu’il explicita :
- Il ne s’agit pas d’être sous la houlette de qui que ce soit. Tu seras libre de nous rejoindre et de nous quitter quand tu le souhaites, sans avoir de comptes à rendre à qui que ce soit. Je te parle d’un ensemble de personnes qui œuvrent en cohésion dans un même but. Je ne te propose pas une cage, mais une ouverture. Des amis.
Le cœur d’Eweleïn se serra. Il avait visé juste. Néanmoins, elle secoua la tête.
- Le professeur a besoin de moi, objecta-t-elle. Je ne me vois pas le quitter comme ça.
- Il n’est pas ce dont tu as besoin. Tu as besoin d’expériences, pas de t’encroûter avec un vieillard qui a fait son temps. Il s’enorgueillit de ses compétences et de son succès, alors qu’il te le doit en partie, et qu’il te tient en laisse comme si tu étais sa propriété. Tu ne lui dois rien ! s’exclama-t-il.
C’était la première fois qu’elle l’entendait hausser le ton, rompant sa nonchalance. Elle fronça les sourcils et se sentit même crisper les poings. Qui était-il pour les juger, lui dire des mots si rudes alors qu’elle ne connaissait même pas son nom et qu’il ne savait rien d’elle, d’eux ?
Il dût sentir qu’il avait dépassé une limite puisqu’il relâcha la tension dans son cou en soupirant.
Sans ajouter un mot, il lui tendit un petit manuel, qui faisait néanmoins une épaisseur conséquente, dont la seule particularité visible était qu’il avait l’air remarquablement neuf, par rapport à ce qu’elle avait l’habitude de lire. Eweleïn fronça à nouveau les sourcils, guettant une explication qui ne vint pas. Elle céda et le prit pour l’ouvrir. Il s’agissait d’un de ces imagiers de plantes dont le laboratoire du professeur fourmillait et qu’elle avait tant lu. Elle le feuilleta d’abord d’un air absent, ne comprenant pas où l’inconnu voulait en venir, puis ralentit la vitesse à laquelle elle tournait les pages. La jeune femme fronça un peu plus les sourcils, si cela était possible.
Elle connaissait ces plantes, réalisa-t-elle au fur et à mesure que son regard balayait l’ensemble de l’ouvrage. Chacune d’entre elles. Et même intimement, puisqu’il ne s’agissait pas de n’importe quelles plantes : c’étaient toutes celles qu’elles avaient recensées elle-même lorsqu’elle était dans la forêt. Dans chaque légende sous les schémas de feuilles séchées, elle retrouvait l’écriture concise qui était la sienne, tous les détails qu’elle avait pu noter au fur et à mesure de ses explorations lorsqu’elle était encore au village, presque mot pour mot.
Elle ouvrit la bouche sans savoir que dire, hésitant entre l’émerveillement et la surprise. Elle allait refermer le livre pour davantage explorer la couverture lorsque l’homme – dont elle avait presque oublié la présence tant elle était absorbée - sortit quelque chose de sa poche et lui tendit cette fois une simple coupure de journal.
Sur la brochure, elle reconnut le professeur, l’air sérieux, ainsi que son nom quelque part dans la marée de mots. Elle jeta un œil vers le visage de l’homme, guettant une explication de sa part, mais celui-ci se contenta de lui renvoyer un regard indéchiffrable. Rongée par la curiosité, elle prit le papier et en déchiffra les premiers mots, lettre après lettre, de cette lecture ardue lorsqu’il s’agit d’un lexique auquel elle n’était pas familière - autrement dit tout, hormis les noms scientifiques et spécialisés de l’étude des plantes. Lassée de la lenteur dont elle faisait preuve, qui plus est devant lui qui dardait sur elle son regard ardent, elle laissa échapper un juron elfique.
Comme s’il avait compris, il lui reprit l’article et se mit alors à lire, de sa voix grave et posée.
Il était question des découvertes exceptionnelles qu’avait fait le professeur Van Helsing concernant certaines variétés tout à fait inédites de plantes, aux propriétés curatives.
Pour beaucoup considéré comme l’ancienne génération par ses pairs, ce vieillard de 80 ans avait réussi là où aucun ne s’était risqué : il était allé lui-même étudier des échantillons d’espèces propres à la Forêt Syandal, autrement dit en plein territoire elfique, terres que les elfes gardait pourtant si farouchement. Il s’agissait là d’un véritable pied-de-nez à cette race si secrète, et ne serait-ce que pour cela, son livre, sortit aujourd’hui, devrait avoir un succès immédiat. Peut-être même, qui sait, l’ouverture d’une nouvelle ère où la supériorité des elfes ne serait qu’un lointain souvenir ?
A mesure qu’elle comprenait tout ce que cet article et l’existence de cet ouvrage impliquait, le regard d’Eweleïn s’assombrit, et gagna en colère. L’inconnu, lui, se contenta de lui offrir la froide impassibilité qui le caractérisait tant :
- Alors ?
Acte III :La flamme est montée, dans un tourbillon étourdissant.
Le vent a tourné, les voiles ont été levées,
Laissant cette nouvelle danse se forger au gré d’un nouvel environnement.
Une nouvelle musique, plus douce, feutrée, aux enjôleurs accents.
- Voyou ! Voleur ! Tu vas voir ce que…
- Repose ça tout de suite. Dans ton intérêt.
Le villageois stoppa son bâton en cours de vol et tourna un visage bovin et courroucé pour jauger celle qui venait de l’interrompre. Eweleïn lui retourna un visage imperturbable. Son interlocuteur l’ignora et fit volte-face, mais l’intervention de l’elfe avait suffi à ce que le gamin se fasse la malle sans demander son reste. Vaincu, l’homme ne put qu’aboyer à la jeune femme :
- Toi ! Fais attention à tes arrières ! gronda-t-il sourdement avant de s’en retourner.
Eweleïn, de marbre, l’observa retourner derrière son étal. Quelques secondes plus tard, le brouhaha du marché reprenait ses droits et envahissait l’espace, comme si l’incident ne s’était jamais produit.
La jeune femme haussa les épaules. Les chapardeurs ne manquaient pas, ici. C’était inévitable, lorsque la misère côtoyait aussi ostensiblement l’aisance. Les faeries avaient appris à mépriser les gens des quartiers pauvres et leur manque de savoir-vivre, en même temps qu’une facette de l’évolution les avait rendus aveugles à ceux qui se risquaient à faire la manche. Et elle, elle avait appris à les mépriser eux. Ce n’était pas par bienveillance, qu’elle était intervenue, mais bien parce que leur comportement à eux la répugnait.
Elle eut un reniflement de dédain, tout en retournant vers son propre présentoir.
Ses potions avaient eu leur succès habituel, elle ne se faisait pas de soucis pour sa réputation, que ce vieux bonhomme pensait pouvoir atteindre. Cela faisait plus d’un an qu’elle avait pris l’habitude de venir à la ville la plus proche de leur village toutes les semaines, jour de marché, et qu’elle en repartait la bourse bien garnie.
Iliankar, modeste par son nombre d’habitants (en tout cas par rapport au port où elle avait développé ses premières compétences d’alchimie), mais incontournable. La région boisée où Eweleïn avait désormais élu domicile laissait difficilement place à une société faery bien construite, et là où Iliankar était parvenue à rassembler en son sein les bases d’une société structurée, avec ses commerces et sa bourgeoisie, il ne fallait guère en attendre autant des contrées environnantes. La ville était le seul endroit où l’elfe pouvait espérer se faire un peu d’argent grâce à son savoir-faire.
Utiliser l’égoïsme des riches. C’était devenu une habitude.
Il n’en fallait pas beaucoup pour qu’elle soit synonyme de lassitude.
Jetant un œil critique au soleil déjà bas dans le ciel, elle entreprit de ranger son matériel et ses marchandises afin de se remettre en selle, sur une monture sensiblement plus légère qu’à l’aller.
Lorsqu’elle atteignit l’entrée du village, le garçon dont elle avait sauvé la mise un peu plus tôt se présenta à elle d’un air penaud, et Eweleïn secoua la tête :
- Tu manques encore d’entraînement, Afiann, je ne serai pas toujours là pour te tirer de là, tu sais. Allez, grimpe, finit-elle par céder devant le regard contrit qu’il lui lançait.
Aussitôt que le jeune garçon fût en place derrière elle, elle fit décoller sa monture au galop tandis que le garçon retrouvait sa gaieté pour lui faire un bilan enjoué de son butin de la journée.
Eweleïn, elle, ferma les yeux tandis que le cheval fendait l’air. Le vent dans les cheveux, le sentiment de liberté que lui procurait un galop endiablé était parmi les choses qu’elle appréciait le plus au monde.
Et surtout, elle ne se lasserait jamais de ce sentiment, qui la prenait à chaque fois : le plaisir de rentrer à un endroit qu’elle pouvait appeler chez elle.
- A feu et à sang !!
- AAARH !
Les épées s’entrechoquèrent avec violence, ce qui ne déstabilisa qu’à peine les deux adversaires. Les passes d’armes s’enchaînèrent bientôt à un rythme héroïque. Les combattants se donnaient à leur maximum, affichant des mines concentrées, sourcils froncés, enchaînant les passes d’armes avec une technicité époustouflante, dans une aura de lutte sauvage et impitoyable. A la moindre faille dans leur concentration, ils le savaient tous deux, c’était la fin. Dramatique, irrésistible, mortell…
- Touché ! s’exclama le plus jeune dans un grand éclat de rire.
Il bondit de joie, désengageant aussitôt le combat, et jeta son épée en bois dans l’action. Celle-ci dessina une courbe dans l’air avant d’atterrir dans l’herbe un peu plus loin.
Son adversaire, une jeune femme rousse et plantureuse approchant de la quarantaine d’années, observa son manège avec un large sourire, massant d’un air absent là où la pointe de l’arme l’avait touchée.
- Ce n’est que partie remise, moussaillon ! s’exclama Lyya, accompagnant son rire.
Tandis que celui qu’elle tâchait d’entraîner se perdait dans une nouvelle joute impitoyable avec un buisson, la guerrière se tourna vers la silhouette qu’elle voyait approcher.
- Eweleïn, enfin rentrée ! La journée a été fructueuse ?
Lyya s’approcha de son amie, qui hocha la tête à son intention :
- Comme d’habitude. Afiann s’est amélioré, lui signala l’elfe.
Lyya opina du chef d’un air appréciateur :
- Croc devient meilleur aussi. Il pourra sans doute partir avec nous lors de la prochaine expédition.
Eweleïn se contenta d’opiner, observant les cavalcades enthousiasmées du concerné. Elle savait que Croc serait plus qu’heureux de pouvoir entrer en fonction.
- Ses parents seraient fiers de lui, souffla Lyya, la mine sombre.
- Tu veux que je m’occupe de lui ? demanda Eweleïn, son regard glissant de Croc à la générale.
- Ce n’est pas une urgence, mais tu dois l’avoir en tête, oui.
Son visage avait perdu toute trace de légèreté et affichait désormais la mine inflexible qui était propre à sa fonction de commandante générale des factions.
Eweleïn, elle, se contenta de hocher sèchement la tête. Lyya lui faisait confiance pour savoir qu’elle avait déjà noté l’information dans un coin de son esprit. Le zèle de l’elfe l’avait toujours impressionnée, au point d’en être parfois effrayant.
La guerrière s’étira bruyamment, tandis que sa compagne prenait congé. Elle laissa Croc à ses occupations pour s’engouffrer entre les bâtisses de leur village. Laissant le terrain d’entraînement derrière elle, elle évolua entre des constructions en bois sec et en pierre brute, dont on pourrait remettre en cause l’esthétisme. Certes, elles ne payaient pas de mine, mais s’il y avait une chose dont les berserks se fichaient pertinemment, c’était bien l’esthétique. Les odeurs de terre qui montaient aux narines de la combattante lui rappelaient ce qu’ils avaient construit de leurs propres mains, ensemble. Cet endroit, c’était leur foyer. Et lorsqu’elle laissait sa main courir sur le flanc des bâtisses, lorsqu’elle laissait les murs rugueux tracer des couloirs poussiéreux sur sa paume, elle songeait à tous les efforts qu’ils avaient fournis pour en arriver là, et à toute la chaleur humaine qu’abritait les pierres anguleuses.
Les pas de la jeune femme la menèrent vers une construction plus aboutie que les autres, dont la particularité était de bénéficier de très peu d’ouvertures vers l’extérieur.
C’était quelque chose qui se remarquait : les berserks aimaient le contact avec les leurs et laissaient en abondance leur demeure ouverte aux autres.
Une autre de ses particularités était qu’elle était la plus en arrière des maisons, en retrait sous le couvert des bois qui bordaient le village. Elle était la seule à avoir été bâtie intégralement en pierre et sur trois étages, un exploit de fondation pour les berserks dont les connaissances en maçonnerie étaient on ne peut plus rudimentaires : la plupart de leurs bâtiments se contentait d’un seul étage de plein pied, quand il ne s’agissait pas de murs bancals quasiment à ciel ouvert.
Ainsi, ce bâtiment dominait le village, et se donnait presque l’allure d’une tour. Hormis cette caractéristique, l’extérieur était on ne peut plus sobre : aucune pierre ne dépassait de la régularité de la construction, aucune fioriture dans une quelconque décoration. Seules une porte et deux fenêtres s’offraient aux visiteurs : une au rez-de-chaussée et une au premier étage. Le dernier était dépourvu de toute ouverture sur l’extérieur.
Sans s’embarrasser d’un quelconque cérémonial pour s’annoncer, elle ouvrit la porte pour entrer dans une pièce plongée dans une semi-obscurité. Seuls les derniers rayons du soleil couchant pénétraient par la fenêtre et ne suffisaient pas à éclairer la pièce, ce dont personne ne semblait se formaliser. La rousse passa devant l’alcôve sombre abritant l’escalier qui donnait au-dessus. Elle n’était jamais montée au-delà du rez-de-chaussée, et comme toujours, ne pouvait s’empêcher de se demander ce qu’il y avait là-haut.
Ce n’était en revanche pas le motif de sa visite, et elle passa devant sans s’y arrêter pour se diriger vers le fond de la salle, tandis que les dernières traces de légèreté quittaient son visage. Là, une silhouette solitaire était plongée dans des documents qui recouvraient une table massive en chêne.
- Lyya, la salua l’homme sans lever le nez de ses parchemins.
La concernée ne s’en formalisa pas et se contenta de se planter à côté de lui pour jeter un regard critique à la pile de paperasse, et en particulier au parchemin qu’était en train de dévisager son chef. Elle sortit de sa poche le briquet à silex qu’elle prévoyait systématiquement, connaissant l’acuité visuelle de son supérieur et qui n’était pas la sienne, pour allumer une bougie d’un geste rompu par l’habitude. La flamme éclaira alors, entre autres choses, une carte déroulée sur toute la largeur de la table sur laquelle s’étendait la région Est d’Eldarya, de ses étendues de jungle inhabitée plus au sud jusqu’aux interminables étendues de plaines au nord, en passant par la chaîne de montagnes Ykk qui bordait le continent à l’ouest.
La commandante désigna deux points rouges au nord de leur position, une avancée de forêt qui tentait de dévorer les collines verdoyantes du Fa.
- Notre escouade a été un succès, et la plupart des nôtres ont pu revenir. Nos frappes isolées sont arrivées à éclaircir la position de nos cibles. Une percée va pouvoir avoir lieu, et ils ne s’inquiètent pas plus que si nous étions des brigands non organisés.
- Le plan fonctionne, alors. Très bien.
- Donnez-vous l’autorisation pour que Croc se joigne aux nôtres ?
La silhouette, jusque-là penchée sur les documents, déroula sa colonne vertébrale pour fixer intensément Lyya, gênée comme toujours lorsqu’il la regardait dans les yeux.
- Pourquoi aurais-tu besoin de mon autorisation ?
- Eh bien… Il est très jeune et je ne…
Elle fut coupée par le profond soupir de son interlocuteur, dans lequel elle devinait une exaspération à peine dissimulée.
- Je te l’ai déjà dit, Lyya. Je n’ai que faire de l’âge de mes combattants. Vous êtes une race de guerriers, il serait temps de cesser ces considérations.~
- Faites place à la grande Reine Elfe !
- Ne fais pas l’imbécile, Aaldio.
Eweleïn secoua la tête d’un air las, mais cela ne suffit pas à faire disparaître le sourire des visages amusés de ses compagnons. Tous connaissaient assez bien la jeune femme pour se permettre de la taquiner avec ce surnom qu’elle détestait. C’était d’ailleurs la seule chose qu’ils se permettraient avec elle. Même si ces guerriers préfèreraient se couper un bras plutôt que de l’admettre, jamais l’un d’entre eux ne se risqueraient à lui chercher sérieusement des noises.
Comment une femme fluette avait pu se faire respecter de puissantes armoires à glace ? Sans doute la vivacité d’esprit de l’elfe, son charisme naturel avait fait le reste.
Cette dernière s’installa sur le banc aux côtés de ses pairs, qui faisaient autant de bruit qu’une meute d’Alcopafels en colère. Mais elle ne s’en formalisait pas. Elle avait fini par considérer ce brouhaha comme une manifestation naturelle du lien authentique qui les liait tous, et s’y était habituée. Et puis, demander à un berserk d’être silencieux à l’heure du repas du soir ?
Quelle drôle d’idée.
- Frères !
Une voix avait soudain découpé la trame des conversations, provoquant la décroissance progressive du tumulte, un vrai exploit. Certains cessèrent même de manger (les plus réalistes utiliseraient davantage le terme de « dévorer »).
Eweleïn dût carrément se lever sur le banc pour parvenir à y voir quelque chose au-dessus de ses compagnons bien plus grands qu’elle. Son regard se porta au fond de la longue salle qui leur servait de réfectoire, composée de quatre longue tables de banquet autour desquelles une armada de guerriers s’en donnait à cœur joie dans la bonne humeur.
Lyya, qui surplombait tout ce petit monde, prit la parole à nouveau :
- Un mot pour boire à l’honneur et au courage ! Rien n’aurait été possible sans vous, mes frères, et nous devons compter sur notre union ! Nous progressons, et les pleutres ne pourront plus se cacher longtemps derrière leurs murs !
Les berserks hurlèrent d’une seule voix tandis que Lyya les rejoignait, un sourire fier aux lèvres.
Tandis que la marée se calmait peu à peu et qu’Eweleïn allait pour se rasseoir, elle captura dans la foule des reflets de cheveux bleus-noirs qu’elle reconnaîtrait entre mille. Quand elle retrouva la table, elle affichait une mine sombre.
- Aaldio, interpella-t-elle son voisin de table. Il est revenu de mission ?
A son intonation de voix, son interlocuteur sut immédiatement de qui elle parlait, et tourna un visage souriant vers elle :
- Oui, et c’est principalement grâce à lui que les nouvelles sont si bonnes ! s’exclama-t-il. Belleran est décidément vraiment fort pour ramener des gens compétents, rajouta-t-il avec un clin d’œil à son intention.
L’elfe resta sourde au compliment qui lui était adressé pour reporter son regard vers son assiette. Elle se serait bien passée de la présence de celui-là encore une semaine ou deux…
Désormais dénuée d’appétit, elle se força à grignoter un peu avant de prendre congé de ses compagnons, quittant le bâtiment en bois et le brouhaha de la fête donnée en l’honneur du retour parmi eux de l’escadron bêta.
Deux ans…
Cela faisait deux ans qu’elle était ici. Qu’elle avait accepté de suivre Belleran, comme elle devait apprendre qu’il s’appelait. Qu’elle avait rejoint cette communauté grandissante et grouillante, composée d’individus liés par quelque chose d’autrement plus fort que l’honneur de faire partie d’un même bataillon et l’usure de l’entraînement.
Le désespoir.
Ils avaient tout perdu, et cela les avait trempés dans un feu bien plus vif que n’importe quelle autre épreuve de la vie. Un feu qui les avait rendus aussi chaleureux entre eux que tranchants envers leurs ennemis.
Eweleïn s’en était d’abord sentie étrangère. Elle n’avait pas été forgée dans le même métal que ces berserk, les derniers de leur race depuis que les faeries avaient rasé leurs villages. C’étaient les seuls survivants d’une classe de guerriers ancestraux. Et tandis qu’ils auraient pu s’entretuer en de vaines batailles intestines, seulement guidés par la fureur de leur animal-totem, ce fut Belleran qui parvint à les rassembler, à canaliser leur colère dans un dessein autrement plus constructif :
La vengeance.
Oui, Eweleïn s’en était d’abord sentie étrangère. Avant de réaliser que la haine n’était pas un moteur si inaccessible.
L’elfe prit une grande bouffée d’air régénératrice en entrant dans sa chaumière, retrouvant avec délice les senteurs boisées et plus relevées qui caractérisaient son univers. La plus grande partie de la pièce était sans aucun doute possible occupée par les étagères pleines d’ingrédients, de livres, ainsi que par d’imposants plans de travail, minutieusement agencés le long des murs. L’un était consacré à la préparation des ingrédients, un autre à ses expérimentations les plus hasardeuses, loin de celles qui nécessitaient la plus grande rigueur. Un autre meuble, un peu plus loin, était dévoué aux préparations qu’elle devait laisser reposer. Sur ce dernier, un amas indistinct de cellules à la couleur irisée pulsait à la manière d’un cœur, laissant entrapercevoir en rythme de minces faisceaux de lumière.
A côté de tous ces éléments méticuleusement ordonnés, une simple paillasse en désordre et une petite table de chevet étaient abandonnés dans un coin de la pièce, reflets parfaits du peu de repos qu’elle s’accordait à côté de l’alchimie qui occupait tout l’espace de ses préoccupations.
Eweleïn changea rapidement de tenue, troquant son haut et son short d’extérieur pour des habits et un tablier d’expérimentation. Elle remonta ses manches et se mit au travail.
Tout cela, elle le devait uniquement à elle-même. Lorsqu’elle avait accepté de s’ouvrir à ce nouveau mode de vie, encouragée par la rancœur, elle s’était promis de ne plus jamais dépendre de personne. Alors tout ce qui faisait ses outils et son matériau de travail, elle l’avait acquis d’elle-même, partant de rien si ce n’était de ses connaissances avidement accumulées. Elle avait commencé par les mixtures les plus simples, rendues possibles par la quantité d’ingrédients que recélait la forêt entourant leur village. C’est en s’ouvrant au commerce à Iliankar qu’elle avait pu au fur et à mesure acquérir des outils et des ingrédients plus complexes.
Oui, tout cela, elle le devait seulement à elle-même. Plus jamais elle ne se permettrait de dépendre de quelqu’un.
Non, la haine n’était pas un moteur si inaccessible.
Derrière les chalumeaux et la verrerie, l’esprit d’Eweleïn glisse dans son univers où tout est maîtrisé, rien n’est à penser. Concentrée sur sa tâche, la mine dure et froide, les étincelles de son mélange se reflètent dans ses yeux glacés.
A chaque fois qu’elle verse un ingrédient ou remue une mixture, elle le fait avec une détermination brute, comme pour reprendre ce qui lui revient de droit : son savoir, son expertise. Sa curiosité d’enfant découvrant le monde se muant petit à petit en efficacité mécanique. Ce n’était pas pour le plaisir de ses beaux yeux, qu’on lui avait permis de faire partie du camp. Comme Aaldio venait de le lui rappeler, ses compagnons avaient besoin de ses talents, et pas qu’à moitié.
Plongée dans sa préparation, elle sentit un bras se glisser tout contre sa hanche, intimiste.
Aussitôt, l’elfe crispa les mâchoires :
- Nevra, si tu ne recules pas immédiatement, je te jette cette potion au visage, grinça-t-elle.
Lorsqu’elle se retourna, l’homme aux cheveux corbeaux lui faisait face avec un demi-sourire tentateur :
- Ca y est ? Tu arrives enfin à me reconnaître à mon odeur suave ? glissa-t-il d’une voix mielleuse.
- Aussi suave que les vapeurs toxiques de ce chaudron, rétorqua Eweleïn, acide. Tu es le seul qui puisse se montrer assez stupide pour me déranger en pleine expérience. Et je te rappelle que tu n’as pas exactement la même discrétion qu’un berserk.
Nevra pencha la tête sur le côté :
- Je ne sais pas si je peux prendre ça pour un compliment, qu’on me compare avec des grookhan croisés avec des sitourches.
- Le jour où tu en mériteras un de ma part n’est pas arrivé, rétorqua-t-elle sèchement. A peine revenu de mission, il faut déjà que tu viennes m’imposer ta présence ?
- Je ne raterais pour rien au monde une occasion de t’annoncer moi-même le plaisir de mon retour dans tes parages, Reine Elfe.
Elle haïssait le vampire. Viscéralement. Il avait peut-être assez de talent et d’habileté pour se faire apprécier de façon générale, mais ce n’est sûrement pas à elle qu’il parviendrait à faire apprécier ses manières surfaites et sa lourdeur de charme. Elle ignorait pourquoi Belleran l’avait « embauché » au même titre qu’elle l’avait été, tant il se montrait exécrable.
Bon, d’accord, elle n’était pas d’aussi mauvaise foi, il faisait un voleur hors pair dans son domaine, les célébrations de ce soir n’en étaient qu’une énième preuve.
Mais il lui ressortait par les yeux.
- En fait, je suis venu t’entretenir de quelque chose de plus sérieux, reprit Nevra, mais d’un ton dépourvu de légèreté, cette fois, ce qui la fit consentir à lui reporter son attention.
- A la bonne heure.
- Qu’est-ce que c’est que ça ?
Il désignait la chair putréfiée qui battait comme un cœur artificiel, s’agitant de lui-même sur une des surfaces en bois sur laquelle travaillait l’alchimiste, entre les nombreux récipients.
Le regard glacé de l’elfe se ficha dans celui du vampire, qui resta imperturbable.
- Depuis quand t’intéresses-tu à mes expériences autrement que pour les gêner ?
Le concerné balaya l’accusation d’un geste :
- Parce que ça dégage quelque chose de différent de d’habitude.
L’elfe croisa les bras, peu convaincue. Il dût le sentir, puisqu’il poursuivit :
- Belleran m’a demandé de garder un œil sur… Ta tâche. Celle qu’il t’a donnée.
Eweleïn le trouva inhabituellement prudent dans la façon dont il choisissait ses mots. En savait-il plus qu’elle sur ce à quoi allait servir ce que Belleran lui avait demandé ? Cette idée l’agaça profondément. Qu’il puisse davantage considérer Nevra qu’elle lui était insupportable.
- Ca concerne quelque chose qui n’est pas dans tes attributions, répliqua-t-elle sèchement avant de se retourner vers ses expériences, décidée à l’ignorer tout en bouillant intérieurement.
- Sur ce point, je dois te détromper. C’est pour ça que je suis venu te voir : à partir de maintenant, je serai en binôme avec toi.
Le bras d’Eweleïn resta suspendu au-dessus de son récipient :
- Pardon ?
- Décision de Belleran.
- Depuis quand j’aurais besoin d’un binôme ? Et pourquoi toi ? protesta-t-elle vivement.
Mais lorsqu’elle se retourna vers lui pour le prendre à témoin de sa colère, il s’était déjà esquivé pour se fondre dans les ténèbres et le silence.
Bien plus tard dans la nuit, ce fut quelqu’un d’autre qui s’avança derrière elle tandis qu’elle finissait sa préparation. Mais cette fois, elle en reconnut le pas et le bruit, que le nouveau-venu ne cherchait pas à dissimuler. Aussi, lorsque deux bras puissants vinrent se loger autour de sa taille, ne protesta-t-elle pas, et se laissa-t-elle aller contre le torse de l’homme.
- Tu devrais vraiment faire plus attention à ton sommeil… souffla-t-il doucement à son intention.
Eweleïn ferma les yeux, se concentrant sur la chaleur rassurante dans son dos pour ne pas avoir à répondre. Le travail, c’était là que se concentrait sa manière de vivre, avec acharnement. Produire toujours plus, trouver une utilité à ce qu’elle confectionnait, afin de trouver elle aussi sa propre utilité. C’était là l’équilibre qu’elle avait trouvé, ou bien qu’elle se convainquait d’avoir trouvé, peut-être. Et Turyig l’aidait à cela.
Elle se laissa aller dans son étreinte, et retrouva un semblant de paix. Ce fut lui qui la porta jusqu’au lit, et il la dévisagea avec tendresse.
- Tu es rentré sain et sauf, lui sourit-elle.
- Toi, tu n’es pas partie, mais tu as l’air en plus piteux état que moi.
- Tu exagères toujours… répliqua-t-elle avec un soupir.
- Tu ne veux pas dire ce qui te préoccupe ?
Eweleïn se détourna de lui dans le lit pour tourner des yeux dans la vague vers le plafond.
- Je vais voir Belleran demain.
Elle sentit son compagnon se raidir imperceptiblement.
- Pourquoi ?
L’elfe souffla doucement, en espérant qu’il ne l’entendrait pas. Elle ne savait pas pourquoi elle avait abordé le sujet avec lui. Ou plutôt si, elle le savait : si elle appréciait autant sa présence, c’est que tout était simple avec lui. Il lui offrait de l’affection et la sécurité qui allait avec sans arrière-pensée, et la vision qu’il avait du monde était brute et simple, sans nœuds au cerveau. Avec lui, elle savait où elle allait, et pouvait se laisser aller à lui faire confiance sans avoir à craindre la moindre once d’hypocrisie de lui. Il était d’une limpidité rafraîchissante dans les miasmes de ses réflexions interminables.
Mais voilà, elle savait aussi qu’il y avait un sujet avec lequel elle marchait sur des braises avec lui, et elle avait plongé en plein dedans : Belleran.
Turyig n’était pas seulement un des nombreux berserks du village, il était aussi un puissant guerrier aimé des siens, reconnu pour sa bravoure et son sens de l’honneur envers ses pairs, les plus hauts mérites au sein de sa race. Ses faits d’arme étaient devenus des modèles, et lui avaient valu son statut de commandant, aux côtés de sa sœur.
A ce titre, il vouait une fidélité sans failles à son chef, Belleran, à qui il avait fait allégeance. Mais à côté de cette considération honorifique, il ne pouvait pas non plus ignorer le lien ambigu qu’il devinait entre lui et Eweleïn. Et s’il y avait une chose dont elle ne voulait pas être à l’origine, c’était d’un conflit d’allégeance entre elle et lui.
- Il a décidé de me mettre Nevra dans les pattes, finit-elle par lâcher dans un grognement.
Elle ne pouvait s’empêcher de déverser ses pensées hors d’elle, et, surtout, elle était incapable de lui mentir.
En réaction, elle sentit Turyig se détendre, ce qui l’agaça, comme à chaque fois que quelqu’un semblait faire preuve de bienveillance envers le vampire qu’elle abhorrait tant.
- Mais encore ? la reprit calmement Turyig, du même ton paisible dont il usait toujours lorsqu’elle se laissait déborder par ses sentiments.
Il resserra son étreinte, l’englobant de chaleur, l’aidant à reprendre un peu de sang-froid.
- Il nous a mis en binôme, lui et moi, reprit-elle plus posément. Je ne comprends pas pourquoi.
- Ce que je comprends, moi, c’est que tu ne seras plus seule pour assumer la tâche qu’il t’a confiée.
- Tâche dont j’ignore toujours les tenants et aboutissants, s’obstina-t-elle dans sa mauvaise humeur.
Turyig était le seul auprès de qui elle se permettait de montrer sa faiblesse. C’était auprès de lui qu’elle s’autorisait à déverser son trop plein de sentiments, lorsqu’elle n’avait plus à faire bonne figure.
- Ils sont pourtant évidents : la guerre, répondit le colosse.
Eweleïn ferma les yeux, lasse. Elle avait beau apprécier Turyig du fond du cœur, souvent, sa façon de voir les choses, aveugle, lui était inaccessible.
Elle se blottit contre lui, renonçant à lui faire adopter son point de vue. Elle avait fini par comprendre que leur façon de voir le monde différait trop pour que quoi que ce soit de constructif ne ressorte de leurs parfois longues discussions, où leur point de vue différait.
Ils n’avaient pas été élevés de la même façon, tout simplement. Elle avait grandi à contre-courant, lui faisant adopter une profonde et irrémédiable indépendance. Lui avait grandi parmi les siens, une famille aimante, et avait toujours pu compter sur eux. Et s’il avait été trahi et avait tout perdu, comme elle, il avait néanmoins toujours pu compter sur une figure autoritaire pour lui montrer la voie et la conduite à tenir.
Alors elle se contentait de se laisser aller dans sa douceur et d’oublier, le temps d’une nuit, ses tracas et ses problèmes.
Il l’embrassa doucement. Un baiser tendre et simple, qui lui suffisait simplement. Et son souffle contre sa peau lui permit de se laisser sombrer dans un sommeil réconfortant.
Malheureusement, l’apaisement qu’avait le don de lui inspirer Turyig, et pour quoi elle lui était si reconnaissante, avait tendance à disparaître aussi vite qu’il était apparu, une fois l’intéressé retourné aux missions qui lui étaient propre. Comme si l’aura d’apaisement qu’il lui apportait ne lui était pas donnée, mais restait attaché à son compagnon. Ainsi, lorsque l’elfe ouvrit la porte à son amie de bon matin, elle était de fort méchante humeur.
- Belleran t’a commandité un nouveau stock de poisons.
- Il envoie Nevra me surveiller, et maintenant encore une requête ? lâcha-t-elle dans un mouvement d’humeur.
- Nevra, te surveiller ? cilla Lyya.
- Réponds plutôt à ça : pourquoi aurait-il encore besoin d’autant de fioles ? Je lui ai déjà fait plus de poisons mortels ce dernier mois que sur toute la durée des trois précédents !
Une étincelle malicieuse perça le visage sérieux de la commandante :
- Il a demandé à ce que tu les lui portes en personne, il aurait apparemment des choses importantes sur lesquelles t’entretenir… souffla-t-elle sur le ton de la confidence. Tous les moyens sont bons pour te voir, apparemment…
Eweleïn leva simplement les yeux au ciel sans relever le sous-entendu. Elle s’en retournait avec détermination, mais Lyya n’en avait pas fini avec elle, et lui cria, tandis qu’elle s’éloignait :
- Depuis qu’il t’a ramenée il y a deux ans, personne n’ignore comment tout ça va finir, tu sais !
Eweleïn balaya la remarque d’un mouvement de la main tout en faisant volte-face.
Depuis son arrivée, cela amusait follement le camp de les voir comme un chat et une souris qui se tournaient autour. Lui si ombrageux et elle si différente que ce dont ils étaient habitués, chacun menant des expériences dont ils ignoraient tout, cloîtrés dans leur laboratoire respectif. Eweleïn soupira. La situation lui inspirait quelque chose entre l’amusement et l’agacement. Sans y accorder plus d’attention, elle se mit en marche à grand pas.
Lorsqu’elle ouvrit la porte de la tour de Belleran, elle y mit toute la force d’une colère déterminée.
- Eweleïn, monte ! entendit-elle depuis l’étage supérieur.
Lorsqu’elle monta les escaliers, elle fut frappée comme à chaque fois qu’elle venait. En contraste parfait avec l’extérieur et le rez-de-chaussée sobres de la bâtisse, le premier étage était nourri par un haut feu dans l’âtre qui crépitait bruyamment face à un tapis épais et des fauteuils moelleux. On aurait pu croire à un salon confortable, si ce n’était l’espace de travail dépourvu de tout mobilier à l’arrière de la pièce, qui rappelait le rôle avant tout fonctionnel qu’elle avait.
- Belleran, je peux savoir à quoi rime ce cirque ? demanda-t-elle de but en blanc, cinglante.
Il s’approcha d’elle depuis le fond de la pièce jusqu’à ce que son visage ne soit plus qu’à quelques centimètres du sien. Eweleïn ne céda pas à sa tentative d’intimidation et ne cilla pas sous son regard, gardant la tête droite, sourcils froncés. Belleran leva la main vers son visage comme s’il allait lui caresser la joue :
- Il est rare de te voir perdre ton sang-froid, Eweleïn.
- Je ne te dois rien, Belleran, et sûrement pas du sang-froid, grinça-t-elle sans se démonter. Tu comptes encore te moquer de moi longtemps en tournant autour du pot, ou vas-tu enfin me dire le fond de l’histoire ?
Le concerné recula, comme s’il était peiné que son interlocutrice ne se soit pas calmée par sa simple injonction. Il lui tourna le dos et se dirigea vers la fenêtre, par laquelle il observa le village en contrebas d’un air absent :
- La seule qui tourne autour du pot, ici, c’est toi, Eweleïn. Je veux des faits.
Il avait toujours l’air paisible, mais sa voix avait pris des accents inflexibles, signe qu’il commençait à s’agacer. Il n’aimait pas que les gens se laissent déborder par leurs sentiments, surtout chez certaines personnes.
Surtout chez la jeune elfe.
Cette dernière crispa les mâchoires :
- Tu me mets Nevra sur le dos alors que j’ai toujours fonctionné en solo. Et à quoi rime ces innombrables poisons que tu me demandes ?
- Ewe’, Ewe’… Nous entrons en guerre. Et si tu ne le ressens pas forcément parce que tu restes en arrière-garde, il n’en demeure pas moins que des hommes meurent à chaque expédition. Que chaque bataille que nous engageons n’est pas à négliger. Que derrière tout ce que je te demande, de vrais enjeux sont là. Pas seulement pour te permettre d’affiner ta technique, mais pour faire pencher la balance en notre faveur lors de vraies batailles.
Il avait forcé le ton et la dévisageait de son regard glacé.
Elle n’aimait pas ce regard. A chaque fois qu’il semblait se comporter avec elle d’une manière chaleureuse, il savait lui rappeler quand son jugement s’égarait en reprenant sa mine froide, celle qu’elle lui avait connu au début de leur relation. Elle la connaissait autant qu’elle la détestait, tout en sachant pertinemment que c’était pour cela, au fond, qu’il la fascinait autant.
Eweleïn détestait cela.
- Toutes ces choses que tu me demandes de faire, ces expériences que je mène, je ne sais toujours pas à quoi ça rime, lâcha l’elfe, loin de se démonter.
Elle ne supportait pas être en position de faiblesse, et comptait bien profiter de sa diatribe pour lui faire cracher le morceau : à chaque fois qu’elle lui demandait à quoi servaient ses expériences sur le manaa, qu’elle menait de front à côté de ses potions, il ne répondait pas, ou se défilait.
Cette fois-là ne devait pas faire exception.
- Nous sommes en guerre, reprit-il d’un ton plus doux. Et de ce fait je me dois de prendre certaines mesures. Les temps changent, la phase finale approche, un remaniement doit avoir lieu dans les troupes. J’ai décidé de garder Nevra en garnison quelques temps, ainsi que de lui demander de former un binôme avec toi. Il n’est en aucune façon question de surveillance, mais de travail. Comme il me l’a suggéré, cela te permettra de mieux cerner ses besoins sur le terrain, et d’agir plus efficacement.
Eweleïn ne trouva rien à dire. Il n’y avait rien à dire. Elle était toujours frustrée, mais ses raisons de rejeter la présence de Nevra n’étaient malheureusement pas assez professionnelles pour qu’elle puisse les exposer à Belleran. De plus, il avait visé juste dans son discours : elle ne se rendait pas forcément compte des combats qui faisaient rage ailleurs, tandis qu’elle restait toujours confortablement installée au camp, se contentant de fournir poisons et potions d’illusion sans en voir appliqués les effets dans la réalité des batailles.
- Et puis, reprit-il impitoyablement, j’ai agi ainsi parce que je sais que tu ne supportes pas ce vampire.
- Tu…
- Je voulais savoir si tu parviendrais à rester professionnelle dans un autre contexte que la sécurité de ton laboratoire. Je constate que ce n’est pas le cas.
- Tu me prends pour une enfant ?! Je…
- Eweleïn, Eweleïn, au lieu de poursuivre une discussion que nous savons tous les deux stérile, et si nous nous mettions au travail ? Que ta mine puisse reprendre cet air impassible de parfaite maîtrise qui te caractérise si bien.
Les lèvres de l’elfe se pincèrent. Elle bouillonnait, comme à chaque fois que Belleran lui donnait l’impression d’être une poupée en porcelaine précieuse, mais se reprit rapidement, glissant d’une situation bancale qui la mettait mal à l’aise à la position professionnelle qu’elle maîtrisait :
- Soit, finit-elle par lâcher.
Il sourit. Un sourire doux comme elle les aimait. Sa face dure avait fondu comme neige au soleil.
- Lyya m’a dit que tu avais encore besoin de poisons, reprit-elle en appuyant le fait qu’elle avait des poisons à faire par-dessus la tête en ce moment.
- En fait, non, répliqua posément Belleran.
- Mais…
- C’est bien ce que j’ai dit à la générale, précisa-t-il, mais ce n’est pas pour ça que je t’ai fait venir.
- Tu savais que me transmettre cet ordre me ferait venir ? cilla Eweleïn.
Si le comportement de Belleran ne l’avait particulièrement agacée pour qu’elle vienne en personne lui faire savoir le fond de sa pensée, elle se serait contentée de faire ce qu’il lui avait demandé sans juger nécessaire de le déranger.
Pour seule réponse, le concerné lui adressa un fin sourire :
- Ta question est une parfaite introduction à la vraie raison pour laquelle j’ai voulu te parler. Mais avant ça, dresse-moi un rapport de tes avancées sur le manaa.
Sa curiosité piquée, l’elfe se mordit la lèvre inférieure, frustrée. Belleran ne se comportait pas comme d’habitude, et elle n’arrivait pas à comprendre son attitude. Encore moins que d’habitude, en tout cas. Elle tenta de le sonder du regard, mais il lui renvoya le même visage de marbre qu’à chaque fois qu’elle essayait d’imaginer ce qu’il pensait. Une nouvelle fois, elle capitula à contrecœur.
- Le ‘’cœur’’ est encore en phase de test, mais je n’ai relevé à ce jour aucun signe d’instabilité, les probabilités de réussite sont donc bonnes, même s’il ne faut pas sauter aux conclusions trop vite. J’espère que ce premier test réussi, je pourrai passer à l’étape suivante. Mais pas avant de voir si contenir cette petite quantité d’énergie est sûre.
Belleran afficha une mine satisfaite.
Emprisonner le manaa. Apprivoiser cette mystérieuse forme d’énergie pour permettre ensuite de s’en servir. Telle était l’obsession de Belleran. Eweleïn avait été heureuse qu’il lui confie de tels travaux, qui changeaient de ses expériences habituelles et lui permettait de s’exercer à de nouveaux savoirs. En revanche, elle n’aimait pas ignorer la finalité de tout cela. Mais elle trouvait que c’était un joli pied de nez à ceux qui vénéraient cette énergie comme une divinité. Elle, elle la mettait en bouteille.
Belleran était le seul du camp (et qu’elle avait jamais vu) à savoir maîtriser le manaa en utilisant son corps comme vecteur. C’était une partie de l’énergie qu’il avait lui-même canalisé qu’elle avait pu enfermer dans le ‘’cœur’’, comme elle l’avait appelé, afin de pouvoir tester sa capacité de contenance de cette énergie instable.
Ceux qui maîtrisaient le manaa au point de pouvoir l’utiliser comme une forme de magie à proprement parler étaient rarissimes, et ne pouvaient en général se passer d’un objet, qui étaient catalyseurs et vecteurs de cette énergie. En revanche, il arrivait que le manaa se montre capricieux, et se manifeste de manière anarchique auprès de certains individus lambda de manière impromptue et incontrôlée, souvent isolée. Ce phénomène semblait lié en partie aux émotions de la personne, mais ne répondait à aucun test reproductible d’ordre strictement scientifique et quantifiable. C’était pour pallier à cela qu’ils réalisaient toutes ces expériences.
- Je compte sur toi pour faire au plus vite, répondit-il. J’ai besoin de résultats. Sous peu.
Les yeux d’Eweleïn s’étrécirent. Elle faillit le provoquer à nouveau en ce qui concernait l’utilité de ces expériences dont elle n’avait pas connaissance, mais s’abstint. Belleran avait beau être patient, elle savait reconnaître les limites à ne pas dépasser.
- Et quel est ce sujet sur lequel tu souhaitais m’entretenir ? revint-elle à la charge, impatiente.
- Je pense que tu as du potentiel, Eweleïn. Du potentiel que je veux t’aider à exploiter. A partir de maintenant, tu me retrouveras ici chaque soir, et je t’entraînerai.
Je vais t’apprendre à dépouiller les affres de la pensée humaine.Pas à pas, chacun parfaitement calculé,
Une autre danse entre en scène. Maîtrisée.
Sans fioritures, les gestes s’exécutent,
Petit à petit, prennent le pas sur la lutte.
Berserkers. Vieux de plusieurs centaines d’années. Des individus à l’origine taillés dans le sang des faeries vivants dans les âpres régions du nord, glacées et inhospitalières. Ils s’en sont ensuite dégagés pour former leur propre clan, unis par la même soif de combattre.
Race à la particularité inscrite dans leur sang, ou simple regroupement d’individus hors normes ? Les débats ont cessé, surtout depuis qu’on les croit éteints.
Quelle que soit leur nature, les berserks ont longtemps fait parler d’eux, surtout à cause de la crainte qu’ils inspiraient. On parlait de brutes épaisses et sans subtilité, ne sachant pas se contrôler. On murmurait qu’ils étaient aussi grands qu’une maison, et aussi forts qu’une armée entière de guerriers chevronnés. On disait qu’ils ne vivaient que pour combattre, et ne connaissaient rien d’autre.
Un portrait peu réjouissant, qui expliquait pourquoi certaines autorités avaient jugé bon de les rayer de la carte.
Presque tous. Mais ça, ce n’était pas dû à leur volonté, mais à leur incompétence.
Si certaines personnes avaient pris le temps de s’intéresser davantage à eux sans les voir sans cesse sous le prisme du risque de mortalité prématuré, ils auraient pu voir davantage que des guerriers sanguinaires et sans pitié.
Peut-être. Il est vrai qu’on ne pouvait jamais vraiment prévoir le comportement d’un berserk envers quelqu’un qu’il ne considère pas comme appartenant à son clan.
En tout cas, la moitié des historiens d’Eldarya donnerait cher pour voir ce à quoi Eweleïn était en train d’assister.
- Non, Croc, l’interpella l’elfe d’une voix qu’elle s’efforçait de garder posée. Essaie de te concentrer sur la cible. La touffe d’herbe n’est pas ton ennemie.
- Ni le tronc d’arbre ! Ni la terre ! Ni les pissenlits !
Eweleïn se retourna pour jeter un regard noir à Nevra, qui quant à lui affichait un sourire goguenard. La situation était déjà suffisamment difficile sans en plus avoir à supporter les moqueries d’un vampire stupide.
Tâchant de l’ignorer, elle reporta son attention sur Croc, qui n’en menait pas large. Le garçon se démenait avec son épée en bois à faire sa fête à à peu près tout ce qui passait dans son champ visuel. Et comme il virevoltait partout, ça faisait beaucoup de choses. Eweleïn estimait déjà heureux qu’il parvienne à toucher la cible de temps en temps.
Au bout de quelques instants de ce spectacle, le jeune commença à s’essouffler avant de s’effondrer au sol, sans transition. Eweleïn et Nevra y reconnurent le signe qu’il avait épuisé toute sa furie. L’elfe quitta aussitôt la distance minimale de sécurité pour le rejoindre et s’accroupir près de lui.
- Alors ? se contenta-t-elle de lui demander, la mine sérieuse.
Croc fronça les sourcils :
- C’était… Bizarre. J’arrivais à voir les choses autour de moi, mais ça passait très vite, j’en voyais qu’une à la fois, j’arrivais pas à rester sur la même, c’était… C’était… Je sais pas, bafouilla-t-il.
- Le soir tombe, on a assez travaillé pour aujourd’hui, on reprendra demain.
Pas malheureux de reprendre des occupations plus ludiques, Croc s’échappa en courant, comme à son habitude, tandis qu’Eweleïn le scrutait alors qu’il s’éloignait.
- Maintenant que le cobaye est parti, j’ai le droit de comprendre les subtilités ?
La jeune femme soupira. Elle avait toujours travaillé seule, elle oubliait toutes les cinq minutes qu’on lui avait refourgué Nevra sur les bras.
De mauvais gré, elle se tourna vers lui pour se lancer dans les explications :
- Comme tu le sais sans doute, les berserks ont la capacité redoutable d’encaisser une somme de coups monstrueuse sans qu’il ne leur soit fait de dommages mortels. C’est en subissant ces coups qu’augmente ce que nous avons appelé la « furie », par soucis de praticité pour décrire le phénomène. C’est une fois cette furie étant suffisamment élevée que les berserks atteignent un autre état, l’état du berserker, où la puissance et la vitesse de leurs coups est augmentée d’une façon phénoménale. En contrepartie, leur résistance diminue drastiquement et ils sont incapables de contrôler leurs coups, et de discerner leurs ennemis de leurs alliés. Cela fait d’eux des armes redoutables, mais incontrôlables et vulnérables. C’est ma mission de pallier à ça.
Concernant leur résistance, c’est assez facile de donner des potions permettant de réparer ça. Pour le reste en revanche… Leur principal problème est un problème de concentration. Dans l’état berserker, ils sont incapables de percevoir clairement leur environnement. Ceci, avança-t-elle en désignant la potion qu’elle avait fait boire à Croc, permet de focaliser leur attention. Malgré tout, comme tu as pu le voir, ce focus peut s’avérer volage, c’est pour ça qu’il demande un entraînement, une appropriation par le sujet, ainsi que quelques ajustements d’ingrédients au cas par cas.
Elle achevait ses explications lorsqu’elle vit une silhouette qu’elle connaissait bien se découper un peu plus loin du terrain d’entraînement. La surprise de le voir là la fit précipiter le congé qu’elle prenait de Nevra :
- Maintenant je te laisse, on m’attend.
L’œil perçant du vampire fit aussitôt la navette entre elle et la silhouette :
- Belleran t’attend ? releva-t-il, ne dissimulant pas sa surprise.
- Ca, mon cher, ça ne rentre pas dans tes attributions de binôme imposé. Bonsoir, dit-elle, davantage pour mettre fin à l’entrevue que par politesse.
Elle n’aima pas beaucoup son regard à ce moment-là, surtout qu’elle gardait en tête que leurs rendez-vous avec Belleran devaient garder leur motif secret. C’était le deal. « Au bout de quelques jours, tu seras toi-même en mesure de savoir pourquoi je te demande ça », lui avait-il promis. Et si ça ne la dérangeait pas le moins du monde de n’en rien dire à Nevra, il y avait une autre personne auprès de qui ça allait poser problème…
- Je peux savoir pourquoi tu rentres à cette heure-ci ? gronda Turyig de sa voix grave tirée du sommeil lorsqu’Eweleïn se glissa à côté de lui dans le lit, beaucoup plus tard dans la nuit.
- Dors, se contenta-t-elle de murmurer du bout des lèvres.
Si le sommeil de Turyig parvint à lui faire oublier l’altercation, il n’en fut pas de même pour les soirs suivants.
« La maîtrise. Ton visage est un livre. Heureusement pour toi, celui des autres l’est aussi. Il ne s’agit pas simplement d’interpréter chaque micro-mouvement d’expression de ton voisin, mais aussi de savoir totalement gommer les tiens. C’est ce que je vais essayer de t’enseigner, et ensuite nous l’appliquerons sur les autres. »
Les leçons de Belleran l’aidaient. Sonder les gens, parvenir à les cerner par leur démarche, leur manière de respirer, lui permettait d’anticiper son environnement et de le maîtriser. Elle parvenait à étudier les gens comme des sujets d’expérience et cela lui plaisait.
Elle parvenait à repérer la rigidité de Turyig lorsqu’il la rejoignait le soir, à comprendre pourquoi il se comportait ainsi sans chercher à se remettre en question quant à sa cause. Elle arrivait à considérer Nevra avec plus de recul que le mépris qu’elle lui vouait aux premiers abords.
- Je m’inquiétais un peu de ça.
- Le poison dont tu enduis tes lames ?
Elle se saisit du flacon d’un œil critique.
- Quoi, il n’est pas assez efficace ?
- Oh si, il n’y a pas de soucis, y’en a une qui a succombé en deux coups de poignard, dit le vampire en ne pouvant s’empêcher de sourire. Mais je me disais justement que si il est aussi dévastateur, ça me fait un peu peur de me toucher moi-même par accident.
- J’ai du mal à comprendre… Comment tu manies tes lames ?
Eweleïn apprenait beaucoup. Avec Belleran et aussi, même si elle l’avouait moins, avec Nevra. Avec ce dernier, elle touchait au plus près à la réalité du terrain et pouvait ainsi se montrer plus efficace afin de répondre aux besoins de ceux qui partaient régulièrement en missions, qu’elles soient d’éclairage ou d’attaque. Grâce à Belleran, elle parvenait à prendre toujours davantage sur elle pour se montrer infaillible envers les autres. Cela l’aidait grandement à réguler ses débordements émotionnels et ainsi, sans réellement qu’elle le conscientise, contribuait à l’éloigner de Turyig.
Oh, le guerrier était toujours là. Il aurait donné la lune et le soleil pour elle, si elle l’avait voulu, et même si il la sentait moins loquace et qu’elle lui cachait à quoi elle passait son temps chaque soir, il était toujours là lors de ses mouvements d’humeur, pour la rassurer dans son étreinte. D’une manière assez cruelle, c’était dans ces moments qu’il se sentait le plus proche d’elle.
Eweleïn devinait tout cela qui se jouait sous le crâne du puissant guerrier, mais n’en disait rien. Elle n’avait rien à dire à Turyig.
Celui qui occupait ses pensées à la mesure d’un gros poisson qu’elle ne parvenait pas à pêcher, c’était Belleran.
Elle oscillait entre la chaleur et la glaciation, lorsqu’il s’agissait de lui. A chaque fois qu’elle semblait s’en rapprocher, il s’éloignait, et à chaque fois qu’elle abandonnait l’approche, c’était lui qui la rappelait.
C’était un équilibre instable. Tous deux étaient conscients qu’il suffisait d’un rien pour tout faire basculer. Et finalement, un matin, le fil se rompit.
Eweleïn avait fini par se sentir en confiance, dans la tour dans laquelle elle allait désormais quotidiennement. Belleran venait de s’éclipser le temps de quelques minutes lorsque le regard de l’elfe s’attarda sur un endroit de la pièce où elle n’avait jamais mis les pieds. C’était dans un coin qu’un petit escalier montait au deuxième et dernier étage de la tour. Elle s’était toujours demandée où il menait.
Elle s’en rapprocha prudemment. Il était discret, tapi dans la pénombre, et comme pour souligner que son but était de ne pas être beaucoup emprunté, il n’était même pas relié à l’escalier qui montait du rez-de-chaussée au premier étage. Lorsqu’elle leva le nez vers le deuxième étage, seule des ténèbres encore plus prégnantes lui répondirent.
Une pièce sans fenêtre… Que diable pouvait-elle bien contenir ?
La jeune femme n’avait pas réalisé que, toute à sa curiosité, elle avait déjà commencé à monter la première volée de marche.
- Eweleïn !
La voix avait claqué, sèche, derrière elle. Belleran était revenu, et ce qu’il voyait ne lui plaisait manifestement pas.
La première réaction de l’elfe fut de se sentir honteuse, et ce fut ce sentiment qui l’agaça, plus que la figure glaciale de Belleran, sourcils froncés, qui se rapprochait à grands pas d’elle dans une démarche de fin du monde :
- Est-ce parce que je t’ai accordé ma confiance que tu te sens libre d’aller et venir chez moi comme bon te semble ?
De colère, elle le vit serrer le poing et son manaa crépiter. Ce fut l’eau qui fit déborder le vase.
Eweleïn bouillonna :
- Pour la énième fois, je n’ai pas de compte à te rendre, Belleran ! Je ne suis pas un objet que tu peux promener à ta guise, ni un Jeanylotte que tu peux appeler en sifflant !
Ses propres mots la surprirent, ils dépassaient de loin la situation de la remontrance qu’il venait de lui faire, elle le réalisa au moment où elle les prononçait. Elle comprit dans le même temps que ces paroles couvaient en elle et que c’était de voir Belleran perdre son sang-froid qui l’avait fait réagir avec un comportement semblable. C’était lorsque Belleran perdait son sang-froid qu’il avait l’air touchable. Humain.
Mais comme s’il avait suivi ses pensées, il se détourna aussitôt d’elle et reprit son éternel faciès figé. Cela aurait dû la rassurer, montrer qu’il avait retrouvé sa contenance, mais incompréhensiblement, cela ne fit que l’agacer davantage.
Il ne pouvait pas toujours garder cette distance avec elle, rester de marbre en l’observant de loin, dans ce simulacre de relation. A chaque fois qu’elle pensait le toucher du doigt, lui et non sa façade, il se retirait aussitôt.
- A quoi tu joues, Belleran ?
Il esquissa à peine le frémissement d’une paupière.
- Réponds-moi !
Il darda sur elle son regard impassible.
Les poings d’Eweleïn se crispèrent. Elle n’en pouvait plus de cette passivité.
Elle pouvait supporter la distance que les autres mettaient entre eux et elle, considérée comme supérieure intellectuellement, parce que c’était ici qu’elle se sentait vivante, qu’elle pouvait parler d’égal à égal. Pourquoi alors n’en pouvait-elle plus de son impassibilité à lui, qui la considérait à chaque fois d’un air absent ?
Pourquoi cela l’agaçait-il particulièrement ? Chez lui ?
- Tu ne peux pas juste… Tu ne…
La jeune femme serra les mâchoires. Belleran lui renvoyait son propre agacement puissance mille.
- Dis-le, dit-il d’une voix sans timbre.
- Tu es infect, cracha-t-elle.
Elle fit brusquement volte-face, à bout, et sortit en claquant la porte derrière elle.
Belleran était un dominant, elle le sentait dans chacune des fibres de son corps.
Mais elle n’était pas du genre à se laisser dominer.
Les jours qui suivirent la virent d’une humeur massacrante. Elle se sentait agressive, mais personne ne se montrait apte à lui permettre d’extérioriser ce trop-plein bouillonnant. Lyya s’inquiétait, Turyig cherchait à l’apaiser, ses camarades l’évitaient.
Elle, la seule chose dont elle avait envie, c’était de frapper quelque chose.
Même si elle tentait de le nier, la cause de sa colère tourbillonnante était trop évidente pour que sa conscience puisse se défiler, et cela ne faisait qu’ajouter à son agacement. Le seul destinataire mérité de sa colère ne l’avait pas convoquée depuis leur dernière rencontre, et elle était trop fière pour aller le voir d’elle-même.
Il lui manquait. Cela s’imposait comme une évidence.
Ce n’est que lorsqu’elle ne le vit plus qu’elle réalisa l’importance qu’elle accordait à leurs rendez-vous quotidiens. Que c’était même la personne qu’elle voyait désormais le plus fréquemment au camp, avant que tout ça ne cesse brutalement.
Plus de discussions intenses et passionnantes sur leurs expériences. Plus de tests de réactions faciales et de sondages de visage. Plus rien. Elle ne faisait plus que briser des fioles, mener des expérimentations infructueuses et vouloir insulter toutes les recrues qu’on avait le malheur de vouloir lui confier.
Elle enrageait. Elle aurait voulu monter jusqu’à chez lui, pénétrer le plus bruyamment possible son repère, le trouver et lui dire…
Lui dire quoi ?
Elle secoua la tête en le maudissant.
La malchance (ou une opportunité inespérée, selon les points de vue) se présenta trois semaines après l’altercation, soit une éternité où elle n’avait pas vu l’ombre d’un petit bout de cape de leur chef tout puissant.
Une de ses expériences explosa.
Les gens crurent à une attaque. En plus du bruit assourdissant, la fumée monta à l’arrière du village, à l’emplacement de la bâtisse de Belleran.
Eweleïn blêmit en reconnaissant la couleur ocre qui s’élevait vers le ciel, on ne peut plus caractéristique. C’était l’une de ses propres manipulations que Belleran avait voulu garder en observation quelques semaines plus tôt. L’accident éclipsa aussitôt ses ressentiments, et l’elfe se saisit d’un stabilisateur pour courir en catastrophe vers la tour. Quelques berserks avaient déjà commencé à s’attrouper sur le pas de la porte de l’entrée, et Belleran était occupé à les rassurer, ou peut-être simplement à les dissuader de monter.
Sans prendre gare à eux, elle se faufila à l’intérieur et grimpa.
L’echnoquisphère était littéralement en train d’enfumer la pièce. En espérant que la sphère n’avait pas changé de place, elle se dirigea vers l’espace de travail à moitié en tâtonnant, et put ainsi contempler le désastre. La sphère, qu’elle avait conçue pour absorber d’elle-même le manaa en stationnement autour d’elle, venait de littéralement s’ouvrir en deux, laissant échapper une quantité impressionnante de particules brunes.
Eweleïn l’avait appris, c’était cette couleur que prenait le manaa une fois qu’il était accroché à un transporteur chimique, en l’occurrence des particules de gaz de Lemnitz. Elle se disait qu’au moins, la quantité de fumée représentait beaucoup de manaa absorbé, et donc une petite victoire malgré tout.
Soupirant pour toute cette quantité d’énergie gâchée qui s’échappait maintenant, mais consciente de la dangerosité de la situation (elle n’avait aucune idée de ce que pouvait provoquer une telle concentration de manaa instable libéré dans un environnement par essence imprévisible), la jeune femme versa dans la source le contenu de la fiole du stabilisateur. Elle venait à peine d’isoler la réaction en l’enfermant dans un contenant clos qu’elle entendit les bruits de pas derrière elle.
Aussitôt, comme par réflexe, elle se raidit. Lorsqu’elle se retourna, elle vit Belleran s’approcher d’elle à grands pas, la mine sombre, sourcils froncés et lèvres pincées, lui renvoyant en plein visage son attitude de la dernière fois.
Son sang ne fit qu’un tour, et la colère qu’elle n’avait pas pu lui exprimer tout ce temps éclata :
- Quoi, j’aurais peut-être dû te demander la permission pour éviter que ta si précieuse tour n’explose ? Tu ne…
Arrivé à sa hauteur, Belleran plaqua brusquement ses lèvres sur les siennes.
Ce n’était pas un baiser doux, ni tendre, c’était une encolade impétueuse. Dont elle avait furieusement envie, besoin.
Ce soir-là quelque chose se rompit ; ou se délivra. Eweleïn céda, se laissa emporter.
Ils se laissèrent emporter. Dans une chorégraphie à deux corps, sauvage et désespérément nécessaire.
Elle se laissa dominer, déversa toutes ses pulsions et sa colère. Il la reçut avec tout autant de violence.
Alors enfin, elle le sentit. Le doux et irrésistible lâcher-prise. Parce qu’il serait toujours là pour elle.Le rythme est monté, sauvage et puissant,
La flamme a violé corps et âme, dans les accents telluriques d’une danse.
Deux êtres emportés dans la même tornade impétueuse.
Pour suivre au plus près le son de ce deuxième cœur. Impérieux.
Se laisser engloutir dans quelque chose de plus vrai, plus fort.
Le temps filait. Les mois s’enchaînèrent, tandis qu’Eweleïn s’enchaînait à Belleran. Leur relation avait pris une nouvelle dimension, plus vraie, plus forte, et c’était tous les jours que l’elfe pouvait se délivrer de ses peurs et de ses craintes.
Nul besoin qu’il soit son tout, il était déjà un tout, inflexible et indestructible. Il savait tout, devinait chaque chose d’elle, et elle avait fini par s’y habituer. Non pas comme quelque chose qui rebellait son indépendance, mais comme la garantie que rien ne pouvait lui arriver, qu’il serait toujours là comme un étau protecteur. Elle n’avait jamais connu quelque chose d’aussi savoureux que ce délicieux lâcher-prise de son âme.
Elle s’était remise au travail, avec la force d’une possédée. Son binôme avec Nevra fonctionnait admirablement bien pour gagner toujours plus en efficacité, le manaa était toujours à l’étude et elle enchaînait les poisons. Chacun de ses gestes était plus méthodique, chacune de ses relations plus maîtrisée. Son existence était toute entière tournée vers l’expérimentation, qu’elle soit avec les éléments ou les gens. Elle voyait chaque jour avec plus de discernement à quel point le faery n’était guère plus qu’une mécanique bien huilée, mais on ne pouvait plus prévisible. Et elle savait que le temps saurait faire son œuvre. Les tics d’agacement de Turyig s’étaient calmés, il s’était fait à son absence. Le fait que leur relation ne soit plus qu’un statut déclaré sans fondement ne semblait poser de problèmes à personne.
Ce n’était pas de la cruauté, dont faisait preuve Eweleïn, mais de la négligence, ce qui était peut-être pire encore. Mais la tendresse de Turyig ne pouvait être qu’éclipsée par les étreintes de Belleran.
Et puis, Eweleïn fit quelque chose de dangereux. Elle se mit à se mentir.
Elle restait persuadée qu’elle ne trompait pas le berserk. Qu’il avait toujours son cœur, que Belleran n’avait que sa fougue, sa rancœur, qui se déchaînaient le temps d’une nuit..
Ce qui n’était pas totalement faux.
Seulement, du cœur, Eweleïn en perdait chaque jour en peu plus.
~
- Je te présente Osha. Je me porte garant d’elle.
Les yeux d’Eweleïn balayèrent rapidement la nouvelle venue. Petite et fine, sa stature était proche de celle de Nevra. Ses petits yeux gris la fixaient sans ciller ni dissimuler leur curiosité, encadrés par des cheveux noirs coupés courts. Aucun artifice, son corps ne témoignait que d’une silencieuse efficacité.
L’elfe décida qu’elle l’aimait bien.
- Je suis ravie de faire ta connaissance, Nevra m’a beaucoup parlé de toi ! s’exclama Osha d’un ton enjoué.
Son enthousiasme faisait plaisir à voir, et Eweleïn lui sourit en retour.
- Belleran a admis qu’un voleur de plus jouant sur la discrétion ne feraient pas de mal à nos forces. Elle est en binôme avec Turyig.
- Oh, fit l’elfe, ne marquant qu’une légère surprise. Très bien. Tu aurais pu tomber sur pire, sourit-elle à l’adresse d’Osha.
- Hé, je dois le prendre pour moi ? répliqua Nevra avec un coup de coude.
- Ça dépend, tu te sens concerné ? Maintenant si ça ne vous dérange pas, j’ai du travail.
- Tu travailles sur quoi ? intervint Osha. Ça en fait du matériel, dans un si petit laboratoire !
Auparavant, la question l’aurait mise en position défensive, mais elle était davantage sûre d’elle désormais, et Osha lui inspirait confiance.
- Je travaille sur le manaa, répondit l’elfe de bonne grâce d’un ton joyeux, tant ses expériences lui semblaient sur la bonne voie. La rupture dans l’organisation spécifique des particules d’énergie !
- Eh bien, glissa le vampire, félicitations Osha, tu viens de lui tirer les vers de nez plus que je n’y suis parvenu depuis que je la côtoie !
- Je ne suis pas sûre que vous y compreniez grand-chose de toute façon. Nevra, il faut que je te rappelle la tête que tu faisais quand j’ai essayé de t’expliquer ce qu’il se passait dans la tête des berserks lorsqu’ils combattent ?
Nevra grimaça à ce souvenir.
- J’ai compris l’essentiel : sans la fiole personnalisée que tu conçois à chacun et qu’ils doivent garder sur eux, ils ne font pas long feu.
Eweleïn se retint de lever les yeux au ciel. Nevra et ses déformations professionnelles : rien ne comptait plus que les failles à dénicher chez ses ennemis… Et même chez ses alliés, visiblement !
- En tout cas, moi, j’aimerais bien que tu m’expliques, intervint Osha avec un regard éloquent vers ses travaux.
- Le manaa est une énergie, mais ce terme englobe beaucoup de chose. Avec des transporteurs spécifiques, j’ai pu me rendre compte qu’il était possible d’isoler certaines, disons… Particules, qui composent cette énergie. C’est de la cohésion, de l’alignement de ces particules que dépendent l’état du manaa. C’est ainsi par exemple qu’il peut servir de champ protecteur : par la parfaite cohésion de ses composants. Ça, c’est ce que j’ai découvert récemment. Ce que je suis en train de faire, c’est trouver une modalité pour rompre cette cohésion de l’extérieur.
Elle vit les deux voleurs ouvrir de grands yeux, impressionnés.
- Mais, pour quoi faire ? demanda Osha.
Eweleïn haussa les épaules. Cela faisait longtemps qu’elle avait abandonné l’idée de faire comprendre qu’elle aimait seulement manipuler les lois physiques du monde sans autre finalité.
- Qui sait ? Ma quantité de travail a doublé dernièrement, un grand coup est en préparation, ton embauche en est la preuve, Osha. Il faut se préparer du mieux qu’on peut.
Oui, son travail avait doublé, c’était le moins qu’on puisse dire, et Eweleïn s’y était jetée corps et âme, profitant de cette légèreté d’esprit qui était son état depuis quelques temps. Avec l’aide de Nevra, elle avait pu former une dizaine de jeunes à être indépendants sur un champ de bataille, et ils étaient impatients d’entrer en fonction. Elle avait développé un nouveau type de poisons à retardement, et leurs travaux sur le manaa étaient on ne peut plus prometteurs.
Elle n’était pas la seule à être entrée dans un état d’exaltation : Osha faisait un excellent travail avec Turyig, ils étaient sur la même longueur d’onde et elle les voyait souvent rire ensemble, entre deux échanges sur leurs techniques respectives.
En effet, Osha avait un caractère admirable et enjouée, et elle avait très rapidement su se faire apprécier au camp. Tout cela contribuait à faire du village une extraordinaire fourmilière, joyeuse, au point qu’on aurait été tentés de penser que la guerre à venir était lointaine.~
- Je vous sens moins présent, chef.
Belleran claqua la langue contre son palais.
- J’ai l’impression que ça a un rapport avec ce qu’il y a là-haut. Je me trompe ? insista Lyya.
Les yeux de son interlocuteur s’étrécirent en dévisageant sa générale en chef.
- Tu dois ton poste et ma confiance à ton absence de curiosité. Ne me fais pas regretter mon choix.
Il perçut Lyya se raidir.
- Je m’interroge simplement sur votre investissement lors de la prochaine opération, chef. Il est capital.
- Et je suis le mieux placé pour le savoir. Quel est l’état des lieux ?
- Ils risquent d’un moment à l’autre de s’organiser, je suis d’avis que c’est maintenant ou jamais, avant qu’ils cessent de sous-estimer la menace que nous représentons.
- Alors il est temps de porter le grand coup. Rassemble les unités.
Tandis que Lyya se retirait, Belleran traça une nouvelle croix rouge sur la carte. Une croix rouge qui vint s’aligner avec les autres, nombreuses.
Toutes convergeaient dans une même direction vers une région bien spécifique d’Eldarya :
La cité d’Eel.~
- Mais ce que tu perds en vitesse, tu le gagnes en force !
- Combien de fois faudra-t-il te dire que je ne suis pas une machine de guerre comme ces brutes épaisses ! Je joue sur la furtivité et les attaques-éclair, moi, j’ai l’air d’être pétri de muscles ?
- Tu fais vraiment ton délicat, grogna Eweleïn. J’ai passé des heures sur ce filtre.
- Ca ne serait pas arrivé si tu écoutais un peu ce que je disais de temps en temps. Au fait, ajouta Nevra avec un coup d’œil sur le soleil qui se couchait, tu ne rejoins pas le patron comme d’habitude ?
- Il n’est pas là.
- Pas là ?
Eweleïn jeta un regard surpris au vampire devant son exclamation surprise plus virulente que ce à quoi elle s’attendait.
- Pas là ? reprit-il plus calmement. Pourtant le grand départ est prévu dans seulement trois jours.
- Eh bien, il a pris les devants, voilà tout, répondit Eweleïn en haussant les épaules d’un air désintéressé. C’est Lyya qui prendra le commandement des troupes, elles n’ont pas besoin de lui.
- Oh, je vois, répondit-il, perdu dans ses pensées.
- La nouvelle n’a pas l’air de t’enchanter.
- C’est rien. Par contre, moi, il faut que j’y aille ! reprit-il d’un air plus guilleret.
- Où ça ?
- Pourquoi, tu veux venir avec moi ?
Le vampire se leva tout en lui faisant un clin d’œil charmeur, ce qui eut le don d’exaspérer la jeune femme :
- Ça va, j’ai compris, va-t’en, soupira-t-elle.
Elle s’étira en quittant elle aussi leur lieu de travail. Cela lui était étrange de pouvoir profiter de sa soirée. Cela faisait une éternité que cela ne lui était pas arrivé. Et comme les préparatifs de la bataille étaient terminés, elle n’avait plus aucune tâche à honorer.
Pour la première fois depuis longtemps, Eweleïn se permit d’errer sans but. Elle laissa ses pas la mener machinalement où ils le souhaitaient, et fut presque surprise de voir qu’ils la guidaient vers son compagnon.
Il était avec Osha, comme à son habitude. Sans qu’ils ne la voient, elle les surprit en train de rire de bon cœur. Proches.
Alors que cela avait déjà été le cas ces dernières semaines, cette vision lui souleva cette fois un pincement au cœur inexplicable.
Ils étaient tous deux sur le terrain d’entraînement, en train d’enchaîner des passes d’armes qui tenaient davantage de la chamaillerie que du véritable entraînement. Turyig était plus fort, mais Osha plus rapide, et elle se retrouva devant la parfaite illustration de ce que Nevra tentait de lui expliquer. Ne pouvant cacher son admiration, elle voyait la jeune voleuse profiter des moindres failles dans la garde de son adversaire pour s’y couler comme de l’eau, les amenant parfois à se retrouver torse contre poitrine, haletants.
Ils étaient dans un mouvement perpétuel. Lorsque l’un balayait sa hache dans un mouvement circulaire, l’autre bondissait comme pour toucher les étoiles. Lorsqu’elle se glissait au sol pour le prendre au dépourvu, il savait profiter de sa formidable allonge pour la tenir à distance.
Ils étaient beaux. Indubitablement beaux. Et Eweleïn ne pouvait qu’admirer leur danse, resplendissante, baignant dans la lumière du soleil couchant, à seulement quelques mètres d’elle.
Oui, ils étaient magnifiques. Et inaccessibles.
Le cœur soudain lourd, Eweleïn tourna les talons.~
La première vague était partie à l’aube. Il régnait un silence inhabituel sur le village. Bien plus que la moitié de leur troupe qui les avait quittés, c’était surtout le poids de l’attente qui dominait. Le reste des berserks devait partir peu après midi, Turyig et Osha en faisaient partie. Eweleïn n’ayant aucune envie de se faire contaminer par une nervosité qui ne la concernait pas, elle avait préféré s’isoler.
Elle s’était installée dans ce qu’elle appelait « l’avant-poste de son laboratoire ». En périphérie du village, il était profondément enfoncé dans les arbres, pour des raisons pratiques. En effet, les six premiers mois qu’elle avait passés au camp lui avaient fait comprendre que lorsqu’on cohabite avec des guerriers aussi bruyants, il fallait se ménager son propre espace de travail dans un endroit hors de portée, pour se protéger un minimum de leurs hurlements bestiaux. Surtout lorsque ledit travail nécessitait une absence totale de brusquerie.
L’elfe entendit une sourde rumeur s’élever brusquement au-dehors et se mordit les joues. Ils partaient déjà ? Elle avait perdu le compte du temps depuis lequel elle était ici.
Eweleïn prit une profonde inspiration. Sa manipulation était des plus délicates, elle ne pouvait pas permettre la moindre perturbation sans que cela ne déstabilise totalement la préparation.
Lorsqu’elle se pencha sur le côté pour récupérer un flacon, elle surprit une ombre du coin de l’œil. Surprise, elle remarqua Osha à l’entrée du petit atelier. Elle ne l’avait pas entendue arriver, ce qui la rassura sur le silence qu’elle pouvait lui imposer.
- Pas de bruit, murmura Eweleïn en désignant explicitement son plan de travail. Je suis à toi dans cinq minutes.
L’elfe n’attendit pas de la voir acquiescer pour retourner à sa manipulation.
Le réservoir de manaa était là, palpitant comme un cœur artificiel. Les muscles raidis par la tension, les yeux exorbités par la concentration, elle brancha le mécanisme à une structure étanche doté d’un système complexe de pompage. Si elle parvenait à isoler le fluide conducteur…
- EWELEÏN ! hurla soudain une nouvelle voix dans son dos. Le camp…
Elle entendit quelqu’un entrer en trombe de la pièce, remplacé brutalement par une absence totale de son, en même temps que la phrase qui avait été suspendue.
Lorsqu’elle se retourna, avec un mélange d’affolement et de colère, Eweleïn ne parvint pas à suivre toute la chaîne de mouvements qui découlaient de cette nouvelle entrée en scène.
Même si leur style différait du tout au tout, Osha et Turyig étaient des combattants de terrain farouchement entraînés.
Quand Turyig se précipita dans le laboratoire, il avait son arme déjà dégainée et à la main, et ce fut uniquement cela qui lui permit de réagir assez vite. Il eut le temps de voir Osha juste derrière Eweleïn, un poignard à la main, avant de voir la voleuse se tourner vers lui.
La posture de la jeune voleuse ne laissait aucune place à l’ambigüité : c’était une position de combat comme elle en avait le secret : sans fioriture.
Le sang du berserk ne fit qu’un tour. Il connaissait déjà l’issue du combat, mais ce n’était pas le genre de paramètres dont il avait l’habitude d’accorder de l’importance pour engager son arme. Sans marquer la moindre hésitation, dans un rugissement mêlant martialité, fureur et désespoir, il se jeta sur elle. Son arme décrit une courbe qui aurait pulvérisé les côtes d’Osha si elle n’avait pas profité de son assaut pour se faufiler comme une anguille sous sa garde. Irrésistible.
Lorsqu’elle se retourna, avec un mélange d’affolement et de colère, Eweleïn vit deux corps s’effondrer sur le sol du laboratoire.
Au premier regard, elle en balaya les tenants. L’épaule d’Osha était grossièrement et profondément entaillée, en une artère sanguinolente qui descendait vers la naissance de son cou. L’elfe devinait sans mal la clavicule brisée, les os de l’épaule pulvérisés, son bras gauche pendant mollement comme celui d’un pantin désarticulé.
A ses côtés, une plaie s’ouvrait dans le ventre de Turyig. Moins large mais visiblement plus profonde, aux yeux du sang qui inondait déjà. La lame avait commencé à remonter jusqu’au cœur sans parvenir à son but, laissant sur son passage une bouillie de chair et de sang.
Eweleïn sonda la chair lacérée, les muscles déchirés, les vaisseaux rompus. Elle ne sourcilla pas. L’espace était rempli par leur respiration laborieuse, bruyante.
Turyig essayait de se redresser mais il n’y parvint pas. Ce fut le premier étonnement qu’Eweleïn marqua. Lorsqu’il était en état de berserker, un guerrier pouvait agir, combattre, dans un détachement total par rapport aux coups subis, même si ceux-ci devaient s’avérer mortels. Si le contrecoup était si grand, cela voulait donc dire que Turyig n’était pas dans son état de transe. Or, celui-ci allait de pair avec l’utilisation de sa hache. Quelle était cette anomalie ?
Tandis qu’il hoquetait, l’elfe vit une nouvelle fois une lame briller. Osha venait de lui plonger son poignard en plein cœur.
Dans un même soupir, la vie de Turyig s’échappa et Osha se laissa de nouveau totalement aller à terre, comme si elle avait utilisé ses dernières forces dans cet ultime geste. Seule sa poitrine se soulevait de façon chaotique, comme affolée. Pourtant, comme si elle n’était pas en danger vital, le regard que la voleuse posa sur Turyig était infiniment tendre.
- J’aurais aimé que les choses se passent autrement, souffla-t-elle.
Sans accorder un regard à l’elfe, elle poursuivait déjà d’une voix sans timbre :
- Ainsi, la sauvagerie légendaire propre aux berserkers avait malgré tout elle aussi son point faible… Les sentiments semblent au-dessus de n’importe quelle arme guerrière, aussi dévastatrice et imprévisible soit-elle. Être incapable de déclencher leur furie sur quelqu’un qu’ils aiment… Qui l’eut cru ? Quelle terrible malédiction. Ils auraient encore tant pu nous apprendre… Quel gâchis…
Elle éclata d’un rire sinistre, le visage tourné vers le plafond.
Eweleïn observait le cadavre par terre avec détachement. Elle avait l’impression d’être soudain coupée de ce monde-là. Qu’elle devait éprouver quelque chose qui ne venait pas.
La mare de sang grandissait à vue d’œil. Eweleïn ne comprenait pas.
-… Pourquoi ? pût-elle seulement murmurer.
Lorsqu’Osha daigna enfin poser ses pupilles sur l’elfe, ils luisaient cette fois d’une rage incandescente qui l’effraya.
- « Pourquoi » ?
Elle rit, de ce nouveau rire sans la moindre once de joie, mais cette fois-ci il s’étouffa dans une toux qui lui fit cracher du sang.
- Ce serait plutôt à vous que je devrais demander pourquoi. Ou plutôt non, tiens. C’est à toi.
La haine dans ses yeux s’était encore durcie tandis qu’elle transperçait l’elfe du regard. Une elfe qui avait de plus en plus de mal à garder une contenance.
- Je te le demande, Eweleïn, pourquoi ? Pourquoi toutes ces expériences, chaque jour ? Pourquoi tout ce poison ? Dans quel but ?
Elle dut voir le regard désœuvré de l’elfe puisqu’un rictus déforma un peu plus son visage que la colère ne l’avait déjà fait :
- Tu ne sais pas. Tu as tant tué, Eweleïn. Tué aussi sûrement que si tu les assassinais toi-même, de ta propre main. Des centaines des miens sont morts. Tu as tué des enfants, tu as détruit le grand Crystal, tu as brisé tout ce que nous avions bâti, et tu ne le sais même pas.
Son ton avait perdu de sa hargne, il avait maintenant des accents éteints. Sa tête avait basculé à nouveau vers l’arrière pour fixer le plafond d’un œil morne, absent. Le moindre mouvement, le moindre mot, devait lui coûter davantage à chaque seconde. Pourtant, elle ne s’arrêtait pas de parler, avec la même résistance dont aurait témoigné un berserker, ironiquement. Et Eweleïn aurait voulu qu’elle se taise, elle l’aurait tant voulu. Quelque chose n’allait pas. Quelque chose n’allait pas du tout.
Elle dévisagea le cadavre au sol, au milieu de la mare de sang qui ne cessait de grandir. Et Osha, dont le sang coulait, coulait, et qui ne cessait de parler, parler, la noyer de mots qu’elle ne voulait pas entendre. Elle ne voulait rien entendre, elle voulait s’endormir, et tout oublier. Rien ne se serait passé.
- Je devais te tuer. Ça aurait pu être tellement simple. Couper le mal à la racine. Mais même pour ça, il a eu tort de me faire confiance.
Elle ferma les yeux, et son visage se peignit d’une lassitude immense.
- Tue-moi. Vu ma blessure, je mettrai des heures à mourir. Si tu as encore la moindre once d’humanité, tue-moi.
Eweleïn n’écoutait pas. Elle n’écoutait plus. La voix d’Osha la berçait à la manière d’un enfant qui se raccroche aux dernières parcelles de vie de cette pièce envahie par un vide morbide. Ce ne fut que lorsque la voleuse se tut qu’elle quitta sa torpeur. Observa une nouvelle fois le cadavre. Osha dont la poitrine se soulevait toujours avec difficulté.
Pourquoi… ?
Elle se laissa chuter au sol, à genoux dans le lac de sang. Le contempla recouvrir ses jambes, tâcher ses paumes, qu’elle fixa d’un air absent.
« Tu as tant tué, Eweleïn. Tué aussi sûrement que si tu les assassinais toi-même, de ta propre main. »
C’était la première fois qu’elle voyait autant de sang. La première fois qu’elle était confrontée à des cadavres. Et il n’y avait rien d’intéressant à cela. Rien de bien. Absolument rien.
C’était donc ça, après tout ? La mort ?
Eweleïn regarda le visage de Turyig. Son absence d’expression, son corps qui ne se mouvrait plus jamais.
Pourquoi ? Pourquoi ne parvenait-elle pas à pleurer ?
Elle entendit une violente détonation au-dehors. Juste derrière elle, il y eut une vive étincelle, puis le laboratoire explosa.
Elle comprit rapidement la raison de l’affolement de Turyig lorsqu’il avait surgi.
Ou plutôt non, elle ne comprit pas. Eweleïn ne comprenait plus rien. Elle vit. Et cela avait suffi.
Elle vit les cadavres. Ou bien les regarda-t-elle sans les voir ?
Non, Eweleïn ne comprenait plus rien. Il y avait quelques temps encore, le village résonnait des rires et des chants. Désormais, il n’y avait plus que le néant. Où que ses yeux se posent ils n’avaient à lui offrir que la vision de corps sans vie, que ce soit des guerriers, des enfants, des berserks qu’elle connaissait ou des faeries qui ne lui disaient rien, équipés d’épées, de haches et de marteaux. Amis ou ennemis, il n’y avait aucun survivant.
Elle resserra sa prise sur Belleran, qui l’avait tirée des décombres et la portait désormais en bordure du camp. Lui au moins était vivant. Eweleïn s’y raccrocha, autant physiquement que mentalement. Mais alors qu’elle l’agrippait davantage à mesure que sa conscience et sa détresse la rattrapaient, Belleran la lâcha. Elle tituba un peu, sans repères, avant de se résigner à rester assise au sol, le temps de pouvoir digérer la bile amère dans sa gorge.
Elle empêcha ses yeux d’errer sur les corps qu’elle connaissait et qui gisaient immobiles, pour s’ancrer sur Belleran, le seul à se tenir debout dans tout ce chaos. Les poings serrés, la mine fermée, elle attendait désespérément qu’il prenne la parole pour lui expliquer.
- Nous avons été trahis. Ils savaient quel était notre plan d’attaque et ont profité qu’une bonne partie des nôtres soient partis pour mener une attaque-éclair ici.
« Je te présente Osha. Je me porte garant d’elle. »
Son ton sonnait étrangement, parmi le néant dans lequel Eweleïn avait l’impression de baigner. Elle eut la sensation que Belleran disait cela pour se réapproprier la situation, bien plus que par égard pour elle. Il reprit d’une voix sans timbre :
- Nous n’avons pas le temps de nous morfondre. Il n’y a plus rien pour nous, ici.
Eweleïn releva les yeux vers lui. Son visage revêtait un masque d’impassibilité, comme toujours. Pourtant, lorsqu’il daigna tourner la tête vers elle, elle parvint à le voir. Un frémissement de ses sourcils. Une attente dans son regard.
Il voulait partir.
Et il voulait qu’elle vienne avec lui.
- Comment peux-tu… Comment… souffla-t-elle. Comment peux-tu… On ne peut pas juste… Turyig… Tous ces… Ces…
Elle ne parvenait pas à parler. A formuler à quel point la situation était catastrophique, et qu’elle n’était pas apte à réaliser totalement encore. Ce ne serait que la rendre plus vrai, et son esprit s’y refusait. Tout s’était passé trop vite, trop fort, trop dramatiquement, sans qu’elle n’en saisisse rien. Sans qu’elle n’ait de prise sur rien.
- Ces gens morts ? formula Belleran à sa place. Tu es aussi responsable que moi, Ewel’. Nous sommes liés, désormais, tu ne peux pas t’appesantir ici, beaucoup de grandes choses attendent d’être accomplies encore.
Les yeux de la jeune femme s’élargirent. Jamais elle n’avait réalisé encore à quel point l’absence de mimiques sur le visage de son interlocuteur le rendait aussi peu humain. Elle sentit une graine de colère germer en elle, fruit de l’hébétude, de la douleur, de la culpabilité.
- Comment peux-tu parler d’eux comme s’ils n’étaient qu’un détail de l’histoire ?! C’est un… Un génocide ! s’écria-t-elle, le visage déformé, c’étaient ses mots qui parvenaient à ses pensées de s’organiser. Turyig était un homme brave et fort, il ne méritait pas de mourir, pas comme ça ! Je l’aimais !
Ce dernier mot s’étrangla dans un gargouillis dans sa gorge. Elle s’attendait à tout, mais pas à ce que Belleran éclate de rire. Un rire sinistre, dur, glaçant, qui lui tira un long frisson le long de l’échine.
- Tu l’aimais ? Oh Ewel’, Ewel’, tu peux te mentir à toi-même, mais tu ne peux pas me mentir à moi. Tu n’aimais pas Turyig. Turyig était un homme simplet et stupide. Le genre d’homme dont l’âme est tellement aisée à mettre à nu qu’il ne représente rien de plus qu’une larve.
Ton âme à toi est retorse et pleine d’obscurité. Si je t’ai laissée le fréquenter, c’est parce qu’il ne te servait pas davantage qu’à te sentir en sécurité, face à un homme prévisible que tu pouvais aisément manipuler. Avec qui tu pouvais être telle que le destin t’a sculptée : dominatrice et dominante. Mais ne me fait pas l’affront de pouvoir croire que tu l’aimais.
Eweleïn se sentit tanguer, perdre pied. Elle ne savait pas ce qui éveillait le plus d’horreur en elle. La façon dont il parlait des êtres qui lui avaient été chers comme des objets, ou la justesse avec laquelle elle s’y reconnaissait. Avec une effroyable exactitude.
Elle pressa sa main sur sa poitrine comme si elle voulait en extraire son cœur. Comme si elle le cherchait. Désespérément.
Elle ne ressentait rien. Elle se remémora la face figée baignant dans le sang de son compagnon sans qu’elle n’en tire aucune peine.
- Pourquoi…Pourquoi je ne suis pas capable de pleurer ?
- Parce que tu vois les choses brutes telles qu’elles doivent l’être, répondit-il, implacable. Dépourvues d’émotion.
Elle chercha les réminiscences d’instants qu’elle avait pu passer avec Turyig qui lui permettraient de nier ces paroles, qui s’infiltraient en elle comme du poison. Elle sentit ses souvenirs s’effriter, s’échapper, comme du sable qui glisse, s’écoule, tandis qu’elle tente désespérément de le retenir entre ses doigts.
- C’est donc à cause de ça que tu te mets dans cet état ? A cause de Turyig ? appuya Belleran, cinglant, impitoyable. Les morts ne méritent pas que l’on gâche un instant de sa vie pour eux, je pensais que tu le savais mieux que personne ! As-tu oublié la pieuvre, Eweleïn ? As-tu oublié le vieillard qui te servait d’ancêtre ? Te montreras-tu aussi lâche que ces paysans qui éveillaient jadis ta colère ?
La jeune femme ouvrit les yeux plus grands, effarée. Insensible, Belleran continuait, la face tordue lui aussi par la colère, cette fois. Elle n’avait jamais vu ce brasier qui s’animait dans ces yeux si noirs. Il n’y avait plus de tranquille chaleur, qui émanait de son être. C’était un incendie. Aussi dévorant que dévastateur.
- Je te connais, Ewel’ ! Je te connais mieux que personne, et tu ne trouveras jamais personne qui te connaît mieux que moi ! Tu ne vaux pas mieux que ce que je suis, s’exclama-t-il, criait-il presque. Nous sommes pareils, toi et moi. Ne te voile pas la face. Ne tourne pas le dos à ce que tu es. Ne te fais pas cet affront !
Eweleïn secoua la tête. De la graine de colère et de l’horreur en elle naquit la rage. La haine. Et de la haine découla une lucidité soudaine et presque effrayante.
Ce n’était pas en se montrant si agressif avec elle qu’il parviendrait à la convaincre de quoi que ce soit. Et Belleran le savait pertinemment. S’il avait été encore en pleine possession de ses moyens, il ne se comporterait pas ainsi, elle le réalisa soudainement. Il se serait adouci, aurait employé sa voix douce et veloutée, se serait employé à recoller patiemment les morceaux de son âme brisée.
Mais Belleran n’était plus en pleine possession de ses moyens. L’incendie dans ses yeux, c’était de la peur. Dévorante. Et elle eut l’impression de se retrouver dans le regard de celui qui avait été son grand-père avant qu’elle ne le rejette. Cette crainte que jadis elle trouvait si abjecte.
Peut-être qu’elle ne valait pas mieux que lui. Mais il ne valait pas mieux qu’elle.
Il était faillible. Terriblement faillible. Mortellement faillible, même, comme n’importe qui ici-bas.
Continuerait-elle à se bercer lâchement d’illusions ? Continuerait-elle à détourner le regard, à se convaincre que l’homme dont elle était sous la coupe était tout-puissant ?
- Non.
Son visage était tordu par la douleur et par la colère, son corps tendu et ses yeux écarquillés par le désespoir.
Sa voix, elle, était ferme.
Elle n’avait jamais été aussi ferme.
- Non. Je ne viendrai pas avec toi.
Elle discerna avec clarté la légère crispation de son poing. Ce mouvement imperceptible qu’elle avait vu, une seule fois, juste avant qu’il n’emploie sa magie.
Ce fut le geste de trop. Sa rage et sa haine lui enserrèrent les tripes, s’emparèrent de son bras. Un geste circulaire et son énergie à elle éclata.
Eweleïn ne chercha pas à comprendre, elle avait soudain conscience que c’était inutile, lorsqu’il s’agissait du manaa. Tout est-il que celui-ci, celui qui lui était propre, se déchaina comme un instinct de survie pour empêcher que mal ne lui soit fait.
« Les sentiments semblent au-dessus de n’importe quelle arme guerrière, aussi dévastatrice et imprévisible soit-elle. »
… Pourquoi se sentait-elle si vide ? Pourquoi n’arrivait-elle pas à pleurer ? Est-ce que les seuls sentiments dont elle était capable, c’était la colère ?
Belleran fut projeté sur plusieurs mètres, et seuls son habileté et son entraînement l’empêchèrent de se retrouver au sol. Eweleïn savait parfaitement qu’elle ne faisait pas le poids face à quelqu’un comme lui. Son acte eut seulement l’avantage d’appuyer sa détermination et l’inutilité d’user de la force sur elle, comme il dut le comprendre, désormais furieux.
- Très bien, lâcha-t-il.
Sa voix avait repris un ton inflexible et implacable, tranchant de manière effrayante avec son visage déformé dans la colère. Eweleïn le trouva pire encore que lorsqu’il criait.
- Tu entendras à nouveau parler de moi. Tout le monde saura qui je suis. Ou plutôt personne ne saura qui je suis, et ils en auront peur. Je suis déterminé. Avec ou sans toi.
Tu peux oublier mon existence, oublier celui que tu crois avoir connu. Tu peux même oublier mon nom.
Sa main se leva à nouveau, mais cette fois devant son visage, et laissa écouler entre ses doigts un écran de magie mineure. Celui-ci épousa parfaitement l’intégralité de son crâne, déposant sur son épiderme une illusion opaque. Sa face était désormais dissimulée sous l’apparence d’un masque noir aux rainures rouges, de la même couleur que les orbites de ses yeux, tandis que deux tubercules de cornes se dressaient sur son front. Noir et rouge, ténèbres et colère en un masque de démon immuable et éternellement impassible.
Ce qui le représentait le mieux, au fond.
Un homme au masque.
Un clignement d’yeux, et il avait disparu. La laissant seule, avec ses yeux remplis de peur et ses mains couvertes de sang.
Plus personne ne s’occupe d’elle, Eweleïn.
Alors elle part.
Elle fuit.
ACTE IV :La flamme tentatrice a tout dévasté.
L’esprit a été piétiné.
Les éclats de lucidité se sont consumés.
Le cœur a brûlé.
Il était en expédition loin de chez lui lorsqu’il la vit.
Là, à l’orée du bois, en bordure du chemin qui menait à l’un des nombreux villages en périphérie de la cité, il faillit ne pas reconnaître un être humain en lieu et place de l’amas de terre et de boue avachi par terre.
Doucement, il s’approcha et s’accroupit à côté de la silhouette, presque avec délicatesse, tant la détresse physique de cette personne irradiait d’une horreur psychique palpable.
Vu de près, il distingua une jeune femme aux yeux clos, les vêtements usés, déchirés, à la peau couverte de plaques de terre séchée et aux cheveux baignés d’humus. Il n’eut pourtant aucun mal à la reconnaître.
- Eweleïn… Que t’es-tu laissée subir ? souffla-t-il.
Les yeux qui s’ouvrirent en réaction à sa voix étaient vides de toute étincelle de vie.~
- Je me porte garant d’elle.
- Comment peux-tu laisser ta manie de conter fleurette passer devant le danger qu’elle représente, Nevra ?
- Le danger ?! Allons, un peu de bon sens ! C’est une elfe brisée !
- Raison de plus, qu’en ferions-nous ? Panser ses plaies ? Lui offrir notre protection et nos soins ? Alors qu’elle est responsable de tant de morts parmi les nôtres ?
Le vampire crispa les mâchoires. Si c’était dans la Salle du Crystal que Leiftan lui avait accordé une audience avec le Conseil, ce n’était pas un hasard : ils avaient sous les yeux ce qu’il restait du dernier assaut des insoumis : des cendres. Le Crystal avait été brisé, leurs troupes décimées. Et Eweleïn en était on ne peut plus responsable. Ce n’était que le temps que l’elfe se réveille de son état comateux qu’on lui avait laissé un répit dans les geôles.
Mais Nevra se refusait à se dire que tout ce qu’il avait fait, c’était offrir l’elfe sur un plateau à ceux qui avaient toutes les raisons de la détester.
- Vous ne comprenez pas, rétorqua-t-il. Elle a du potentiel, et c’est tout ce dont nous avons besoin à l’heure d’aujourd’hui ! Elle est brillante en alchimie, brillante pour cerner les gens, bri…
- Dangereuse. Définitivement dangereuse, l’interrompit un vieillard, implacable.~
Les yeux de l’elfe s’ouvrirent sur un monde flou, transpercé de part en part par plusieurs barreaux gris.
Eweleïn fronça les sourcils. Qu’est-ce qui l’avait tirée de sa demi-inconscience ? Elle captura l’ombre d’une silhouette dans le cachot et frémit.
Nevra, pensa-t-elle immédiatement.
C’était la dernière personne qu’elle avait envie de voir. La première qu’elle détestait du fond du cœur. Parce qu’il avait trahi. Et pire, parce qu’il avait eu raison de le faire. Parce qu’il l’avait tirée de la flaque de désespoir dans laquelle elle s’était laissé engloutir. Au nom de quoi s’était-il arrogé ce droit ?
Mais elle réalisa rapidement son erreur, et se surprit d’avoir pensé au vampire : si ç’avait été lui, elle ne l’aurait jamais perçu arriver. Sans doute était-ce parce que c’était lui qui occupait toutes ses pensées depuis des semaines.
En réalité, c’était un faery aux longs cheveux bleus noués en une natte étroite qui lui faisait face. D’ailleurs, il ne faisait aucun effort pour se cacher dans la pénombre, comme s’il était conscient de l’inutilité que cela représentait pour sa vision elfique. Elle se crispa imperceptiblement lorsqu’elle perçut la pointe de ses oreilles qui dépassait de sa chevelure.
Un Faan. Le premier qu’elle voyait depuis qu’elle avait quitté son village. Et cela ne l’enchantait pas.
- Alors c’est de toi, dont ils parlent avec tant d’entrain, lâcha son visiteur.
Ses accents moqueurs la firent prendre une position encore plus défensive qu’elle ne l’était déjà, crispée en boule dans sa cage suspendue à plus d’un mètre du sol.
Losqu’il reprit la parole, ce fut des paroles aux accents Faan qui en sortirent, mais dans un dialecte qu’elle peinait à reconnaître. Il se tut, attendant sa réponse.
Son silence sonna comme un aveu.
Il sourit. Un sourire insupportable qui la fit le détester :
- Alors j’ai vu juste. Il n’y a qu’une sans-patrie qui aurait pu permettre au patrimoine des Faans d’être entre les mains des Ichlak. Le manuel de classification des plantes de notre forêt-mère, c’est toi, n’est-ce pas ? Il semblerait qu’en plus de l’extermination de nos gardiens, tu te sois employée à ruiner la crédibilité de notre race.
Eweleïn fronça les sourcils, et son cœur se serra quand la trahison se rappela à elle, tressaillit au mot Ichlak qui était un mot aux sonorités rudes et pleines de mépris désignant les races de faeries non-elfes. Elle aurait préféré qu’il se mette en colère contre elle, plutôt qu’il affiche cet air indolent et moqueur si détestable.
- Je n’ai rien à te dire, cracha-t-elle. Aucune leçon à recevoir d’un Faan qui s’est mis à leur service.
Intérieurement, elle bouillonnait. Extérieurement, déjà les réflexes acquis grâce à Belleran reprenaient le dessus, même si sa voix rauque de n’avoir pas parlé pendant tant de temps avec quelque peu émoussé sa répartie.
Elle avait bluffé, elle ignorait tout ce qu’il faisait ici, mais elle supposait, au vu de l’absence d’elfes qu’elle avait croisé jusque-là et du phénomène qu’elle avait provoqué en compagnie du professeur, qu’il n’était pas bien considéré pour un elfe de se mêler aux autres races hors de leur forêt.
Elle avait bluffé, mais cela avait fait mouche, elle le vit dans ses yeux. Il vacilla légèrement, son sourire perdit de sa superbe.
Eweleïn jubila.
- J’ai appris plus ici en quelques mois, répliqua-t-il, que je ne l’aurais pu en des années entières passées à lire à la Bibliothèque de Ma’ävir.
Ces paroles auraient dû la réjouir. Il s’était placé en position défensive, ce qui la mettait en posture de force. Pourtant, ce qu’il dit la choqua, et l’incompréhension fissura sa figure d’impassibilité.
Cet elfe était-il fou, pour pouvoir considérer le bruit, la foule et l’asservissement comme autre chose qu’une distraction ?
- Quelles inepties me chantes-tu là, elfe ? laissa-t-elle échapper.
« Ne jamais poser de questions dont tu ne connais pas déjà la réponse. Ne jamais présenter la moindre faille à laquelle ton adversaire pourrait s’accrocher. Tu es lisse. Lisse et infaillible. »
Eweleïn se mordit la joue en se maudissant. La surprise l’avait prise de court, elle était déstabilisée. Le fait d’être physiquement dans une position de faiblesse ne faisait que rendre important l’enjeu de s’imposer verbalement, elle n’avait pas droit à l’erreur.
Déjà l’inconnu reprenait contenance en souriant devant son désarroi :
- Rien de plus ni rien de moins que la vérité.
Il laissa planer un silence avant de reprendre, d’un air plus sérieux :
- Tu pourrais l’expérimenter aussi, tu sais ? Nevra semble t’accorder beaucoup de crédit. C’est pour ça que je suis venu voir ce que tu avais de si exceptionnel. Il a même dit qu’il était prêt à se porter garant de toi, et si certains ont l’air de prendre ça comme une provocation, moi je le connais assez pour…
Eweleïn s’était aussitôt braquée. Si elle avait pu être prête à l’écouter lorsqu’il avait adopté un ton d’égal à égal, ce n’étaient pas les mots qu’ils auraient dû prononcer.
« Voici Osha. Je me porte garant d’elle, vous pouvez lui faire confiance. » Les paroles de Nevra se superposèrent avec la vision de la face ensanglantée de Turyig et les cadavres qu’elle connaissait.
- Personne ne se portera garant de moi, répliqua-t-elle rudement. Et j’empêcherai quiconque d’être responsable de moi et de mes actes.
Au vu de la façon dont il avait agrandi ses yeux, elle aurait dû sans doute davantage contrôler sa hargne, mais déjà elle avait replongé dans son mutisme.
Recroquevillée dans sa cage, repliée sur elle-même, c’était un mutisme duquel, cette fois, personne ne parvint à la tirer. Ni les visites dans le cachot de certains membres du Conseil qui tentaient de la cerner, ni sa parution devant le Conseil de Justice qui tentait de la juger.
La façade d’amorphisme d’Eweleïn était à la fois à l’image et à l’opposé de ce qui se jouait en elle.
En effet, alors qu’elle avait passé les semaines précédant sa captivité à être uniquement motivée par la haine qu’elle vouait à Nevra, elle commençait seulement à réaliser que celle-ci n’était qu’une façade. Qu’après avoir été trahie, c’était en ne trahissant pas qu’elle avait fait une erreur. Maintenant qu’elle était là, au même endroit que son pire ennemi, tandis qu’il se battait pour la sauver et qu’elle faisait tout pour qu’il n’y parvienne pas… Qu’était-elle censée faire ?
Qu’était-elle censée être ?
Et tandis que dans la bouche des faeries, son mutisme se transformait en insolence, tandis que hurlait à la porte de la cité des familles de victimes criant vengeance, on commença alors à évoquer la peine de mort.
Et Eweleïn, elle, ne sortit pas de son amimisme.~
- Yonuki !!
- Miiko ? répondit la concernée avec un calme tranchant avec la panique de sa disciple.
- L’elfe ! Elle a ouvert sa cage ! Elle s’est échappée !
Yonuki Kazehe tâcha d’apaiser la kitsune d’un mouvement des bras :
- Voyons, Miiko, fais preuve de discernement, ne laisse pas la précipitation t’embrouiller l’esprit, je n’arrête pas de te le répéter.
- Excusez-moi maître, mais… rétorqua Miiko qui ne semblait pas s’excuser du tout.
- Est-il possible qu’elle ait ouvert sa cage ? l’interrompit Yonuki d’une voix plus ferme.
- Je ne…
- Est-il possible qu’elle se soit enfuie au nez et à la barbe d’Enthraa ? poursuivit la cheffe de l’Etincelance, impitoyable.
Face à l’insistance de son mentor, Miiko consentit enfin à marquer un temps d’arrêt.
-… Tu es en train de dire que nous avons été trahis par quelqu’un de la Garde ? avança prudemment la kitsune en fronçant les sourcils.
Kazehe lui tourna le dos pour avancer près d’une fenêtre et jeter son regard vers l’horizon, les plaines qui se fondaient en forêt compacte :
- C’est moi qui ai ouvert la porte de sa cage. Mais cela ne signifie pas que je l’ai libérée. Un individu qui s’est lui-même enfermé l’esprit ne peut s’en défaire que par lui-même.
Toi aussi, tu comprendras cela, un jour.
ACTE V :« Qui n’est jamais tombé n’a pas une juste idée de l’effort à faire pour tenir debout. »
« L’existence est un combat. La vie, c’est de la victoire qui dure. »
Elle aimerait se fondre dans l’écorce. Envie mille fois, à chaque minute qui s’écoule irrésistiblement, l’innocence des feuilles et du bois sur lequel elle a trouvé appui.
Sans doute aurait-elle mieux fait de ne jamais quitter sa forêt. Sans doute aurait-elle mieux fait de se contenter de vénérer la vie, en ignorant tout de son piment et son imprévisibilité. Sans doute aurait-elle mieux fait d’ignorer que creuser un peu trop l’essence de l’existence, c’était trouver la mort.
Sans doute aurait-elle mieux fait de ne jamais exister.
Son visage tourné vers le ciel nocturne, indifférente aux percées d’étoiles et à la lune qui la baigne d’un halo blanc, Eweleïn a cessé de rêver.
Elle n’a pas de larmes pour abreuver le sol. Plus de cris pour nourrir le silence.
La seule chose qu’il lui reste, c’est son sang. Et elle n’a même plus le courage de le laisser partir.
Maudit mille fois sa faiblesse.
Lorsqu’elle perçoit deux yeux rouges qui la fixent dans la nuit alors même qu’elle n’a pas entendu le moindre bruit, elle ne réagit même pas. Que ce soit la mort qui vient la chercher ou son ennemi qui vient la tuer, bien peu lui importe désormais.
Pourtant, contrairement à ce à quoi elle s’attend, une voix pénètre le silence sans déranger la nuit. Une voix caverneuse aux accents grondants, qui lui évoque l’écho de la forêt elle-même.
- Qu’es-tu venue chercher ici ?
- La mort, répond-t-elle sans réfléchir.
Eweleïn réalise à quel point ces mots sont vrais au moment où ils franchissaient la barrière de ses lèvres.
Elle sent plus qu’elle ne voit la bête – parce qu’elle est certaine qu’il s’agit d’une bête, sans savoir comment – pencher la tête sur le côté, la contemplant d’un air méditatif.
- Ton aura t’accuse. Tu as offert bien trop d’enfants à la mort.
Son ton est neutre. Il suffit pourtant pour qu’Eweleïn ne trouve rien de plus tentant que de cesser d’exister.
- Il n’est pas dans l’ordre des choses que tu capitules. La mort ne veut pas d’un nouvel enfant. Et sûrement pas d’un enfant qui n’est plus ce qu’il est. Les âmes qui ne sont plus des âmes n’ont aucune valeur.
Elle n’est pas sûre de comprendre, sans que cela ne la trouble. Elle a l’impression que le regard rouge qui est plongé dans le sien la marque au fer rouge, qu’elle se souviendra de ce moment pour toujours.
- Tu as trahi l’ordre bien trop de fois, tu as quitté la route. Pour permettre au cours naturel des choses d’avoir à nouveau une prise sur toi, tu devras te montrer digne de ton sang.
Sans cela, même la mort ne te prendra pas.
Le cœur d’Eweleïn se serre douloureusement. Elle est totalement perdue, reflétant parfaitement le dessin d’elle qu’est en train de peigner la voix. Mais elle a l’intime sentiment que ces paroles énigmatiques tâchent de lui ouvrir une voie.
Cependant, alors qu’elle attend de la créature une explication, un guide, elle la voit lui tourner le dos, comme pour repartir.
- Je ne sais pas quoi faire ! s’exclame-t-elle sur une impulsion, en désespoir de cause.
Elle ne veut pas que son interlocuteur la laisse là, avec ses questions sans réponses. Sa voix s’étrangle dans sa gorge sèche. Il n’y a plus de vie en elle. Plus rien que du désespoir, et les mots sont encore trop faibles pour le véhiculer hors d’elle.
Elle croit que la bête ne se retournera pas. Elle le fait pourtant, et ses yeux rouges fixent aussitôt les siens :
- Qu’es-tu ? se contente-t-elle de demander.
La jeune femme l’observe sans comprendre :
- Eweleïn.
- Je ne te demande pas qui tu es, mais ce que tu es.
- … Une Faan ?
Seul un grognement lui répond, manifestant le mécontentement de son interlocuteur.
- Aucun nom générique n’a d’utilité pour décrire ta nature. Ne te raccroche pas aux noms que tu as appris, écoute ton âme. Je te demande ce qui te fait exister, avancer. Ce qui te porte, te fait pulser, te sentir vivante.
L’elfe fronce les sourcils. Un instant, elle caresse la possibilité d’ignorer ce qu’il lui dit, de faire volte-face et de s’enfoncer à nouveau dans le désespoir.
Une petite flamme l’en empêche. A contrecœur, elle replonge dans des souvenirs douloureux.
La première réminiscence est une voix. « Ton âme à toi est retorse et pleine d’obscurité ».
Eweleïn secoue la tête. Il fallait remonter plus loin. Aux origines.
Dès l’enfance, elle avait été à contre-courant des traditions de son village. C’était sa soif de connaissances, à laquelle elle s’était raccrochée pour exister, avancer. Pourtant, elle avait le sentiment que ce n’était pas exactement ça. Elle aurait pu simplement se contenter d’apprendre ce que son peuple aurait été ravi de lui enseigner. Non, ce n’était pas ça. Lorsqu’elle avait trouvé le professeur Van Helsing, source intarissable de savoirs, elle n’avait pas trouvé ce qu’elle voulait. Sa vie était riche, mais manquait de… Vie. Là où elle s’était sentie la plus heureuse, c’était avec les berserks. Parce qu’elle avait un but, qu’elle les aidait, mais pas seulement. Elle les aidait à lutter. Tout comme elle avait lutté pour son insoumission. Lutté pour donner un sens à sa vie. Comme elle l’avait toujours fait et continuerait à le faire.
- La lutte, finit-elle par lâcher faiblement, les yeux rivés au sol.
- Qu’es-tu ? répète la bête.
Elle lève à nouveau les yeux vers lui pour le fixer sans ciller :
- Je suis une combattante.
Et sa voix, cette fois, a repris de sa fermeté.
Elle voit la silhouette hocher la tête d’un air appréciateur, avant de lui tourner le dos une nouvelle fois. Elle s’enfonce à nouveau silencieusement entre les arbres, mais tandis qu’Eweleïn s’attend à ce que le silence s’empare à nouveau du lieu, la voix caverneuse s’élève une dernière fois :
- Oui, tu es une combattante. Alors lutte contre la mort : apprends à lui dérober la vie.
L’elfe reste longtemps dans la clairière, baignée par lumière de la lune, les yeux dans la vague, toujours portés vers l’endroit où la créature a disparu.
Quand enfin elle bouge, c’est pour grimper souplement le long d’un arbre, monter jusqu’à en atteindre la cime. Là, son regard se porte vers l’horizon, dévisageant la haute tour effilée de la Garde.
Apprends à dérober la vie à la mort.
Lorsque le jour se lève, il éclaire une mince silhouette traversant à nouveau les plaines d’Eel. Mais cette fois, son pas est déterminé. Une petite fille a décidé d’apprendre à pleurer.
Elle n’est pas seule, Eweleïn. Autour d’elle gravite des gens, des souvenirs, des traces.
Et elle a une dette à payer. Alors elle part. Vers un nouveau chemin.
Et cette fois, elle ne fuirait plus.
C’était un matin, je m’en souviens comme si c’était hier,
Un matin rude recouvert de rosée, un matin inhabituel.
Le matin qui me convainquit que le destin avait un douteux sens de l’humour,
Lorsque, du paisible lac, surgit un brusque remous.
Ses premiers pas étaient frivoles,
De ceux qui craignaient de ne jamais pouvoir prendre leur envol.
Sans cesse à contretemps, jamais ne comprenant un quelconque référentiel,
Elle devait s’inventer son propre rythme, bien à elle.
Bouge, foule, roule, coule,
Tels vont les mouvements, tremblants encore.
Petit à petit, commence à se laisser mener par la houle,
L’éclat hésitant d’une palpitation qui s’ignore.
La flamme est montée, dans un tourbillon étourdissant.
Le vent a tourné, les voiles ont été levées,
Laissant cette nouvelle danse se forger au gré d’un nouvel environnement.
Une nouvelle musique, plus douce, feutrée, aux enjôleurs accents.
La flamme tentatrice a tout dévasté.
L’esprit a été piétiné.
Les éclats de lucidité se sont consumés.
Le cœur a brûlé.
C’était une danse étrange,
Une danse où le moindre geste peut conduire au faux pas,
Où la moindre erreur provoque une chute dont on ne revient pas.
C’était plus qu’un mouvement, en somme, c’était une vie.
La vie.Parce que la danse est vie. Et la vie est combat.
Commentaire post-lecture
Je pense que c’est le premier OS aussi long que j’écris, mon endurance motivationnelle a été mise à rude épreuve, si je ne l’avais pas fait pour toi j’aurais facilement eu le temps d’abandonner une dizaine de fois (et ç’aurait été fort dommage, parce que c’était un vrai plaisir !), donc merci à toi de m’avoir permis d’écrire tout ça ^^
Le fait que j’y ai passé autant de temps a en effet ses désavantages : j’ai eu le temps de bien douter de moi et d’où j’allais, et de vouloir re-modifier des dizaines de fois des dizaines de passages… Maintenant plus qu’une chose à faire : espérer que ça te plaise malgré tout !
Pour cet OS, je suis partie avec comme axe de départ l’indomptabilité, le charisme, la capacité à sonder les gens et l’altruisme qu’on connaît à Eweleïn pour imaginer l’origine de tout cela. Après coup, je me rends compte que je me suis nettement plus laissée entraînée par mon imagination que je ne me suis employée à respecter les consignes de ta commande, j’espère donc que ça correspond quand même un minimum avec ce que tu demandais >_<
Tu l’auras peut-être deviné, l’idée d’inclure Ashkore comme élément maître du OS m’est arrivée bien avant qu’on en sache davantage sur lui (c’est d’ailleurs le premier truc que j’ai voulu - je savais même pas qu’il s’appelait Ashkore). Donc bon, maintenant c’est plus du tout cohérent avec ce qu’on sait de son passé de gardien dans le jeu. Tant pis. xD (je préfère ma version 8D)
Dans la même lignée, j’ai toujours du mal à capter tout le background d’Elda du coup niveau chronologie j’suis pas bien sûre de moi xD (notamment le crystal brisé et Yonuki encore vivante, je les ai quand même placés pas mal antérieurement à l’arrivée d’Erika).
Je précise que les citations entre « » en intro de l’acte V ne sont pas de moi (je sais pas de qui par contre, je les avais dégoté y’a un moment dans un dictionnaire de citations).
Le passage d’Ewe’ au camp, et en particulier la construction de la relation Ewe/Tur & Ewe/Bell ne me satisfait pas vraiment, j’aurais dû y accorder plus de temps mais c’est le dernier morceau que j’ai écrit et ce texte traînait depuis déjà trop longtemps, je n’avais pas spécialement envie de le boucler l’année prochaine ^^
Je pense que ça aurait été réellement intéressant d’écrire les début d’Eweleïn dans la garde, parce que c’est une phase importante, celle de la guérison ! J’ai fait le choix de ne pas le faire – même si c’était prévu à la toute base - , pourquoi ?
Déjà parce que j’avais plus le temps (raison principale, et pas des moindres xD), mais aussi parce que ça me tenait à cœur de finir sur cette fin-là et pas une autre. Je me suis tâtée à faire une espèce d’épilogue mais je ne voyais pas comment résumer tout le processus de façon succincte, et cette idée ne me plaisait pas de toute façon. Et finalement ma passion pour les fins ouvertes m’a convaincue de laisser ton imagination travailler à ma place 8D (eh ouais, j’suis comme ça moi).
Plus sérieusement, tous les pions sont en place pour essayer de voir comme Ewe’ a pu s’en tirer : le début de complicité avec Ez’ qui partage sa fascination pour l’alchimie, la relation mi-figue mi-raisin avec Nevra, la bienveillance/sagesse de Yonuki et la méfiance de Miiko qui, on le devine, finira par se laisser impressionner par les talents de cette qu’on connaît désormais comme une infirmière ! Sans compter le contexte chaotique qui nécessite ses dons, et qui peut enfin non seulement la rendre utile, mais pour une cause juste (je crois).
J’espère sincèrement que ça te plaira au moins un peu, je te remercie encore et toujours pour ta patience et ta bienveillance. Si il y a des choses qui restent obscures pour toi, n’hésite pas à me le dire, je n’ai sans doute pas laissé tous les indices pour répondre à toutes les questions que j’ai soulevé dans ce texte x)
Je t’embrasse bien fort et te remercie une nouvelle fois !
Lay.
Que votre plume reste acérée !
Dernière modification par Layssira (Le 29-07-2017 à 09h55)

Ce que j’aime par-dessus tout en Gwendalavir, outre la salade de champignons, c’est l’inutilité du mot impossible.
Présentation | Ma Gardienne
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#1588 Le 29-07-2017 à 18h56

Hello ! Je passe rendre la commande de Lizoupop.
J'espère qu'elle te plaira et si jamais il y a quoique ce soit n'hésite pas

Une après-midi mouvementée
C’est une après-midi comme les autres, ensoleillée. Karenn m’a proposé ce matin même une promenade au bord de l’eau pour passer du temps avec moi, étant donné sa récente absence à cause d’une mission. J’ai évidemment accepté. Je l’attends donc actuellement devant la Grande Porte du QG pour partir. Je la vois arriver tranquillement avec son sourire habituel. Nous nous dirigeons donc vers la plage alors qu’elle me raconte sa mission.
« Je suis bien contente d’en avoir fini, c’était d’un ennui mortel. Je devais débarrasser un village d’un soi-disant monstre alors qu’il s’agissait simplement d’un pauvre Alcopafel qui voulait juste manger et qui ne trouvait plus de nourriture alors les habitants ont eu peur en le voyant une nuit roder près du village. Mais assez parlé de moi, qu’est-ce qui t’arrive Lizoupop ?
- Moi ? Mais rien enfin…
- Arrête, je te connais à force. Dis-moi ce qui ne va pas.
- Et bien… c’est à propos de Valkyon. Je n’arrive pas à aller lui parler pour d’autres raisons que les missions ou la Garde. Et puis, il est si peu bavard que je ne sais pas comment aborder le sujet avec lui ou même essayer de voir s’il éprouve les mêmes sentiments que moi.
- Hmm, je vois. Si tu veux mon avis, il faut que tu fonces ma grande. Valkyon ne mord pas tu sais et puis…
- Et puis ?
- Je pense que ça peut marcher ! »
Nous avons continué à parler quelques minutes. Elle s’arrête cependant en me faisant signe de me taire. J’essaie d’écouter à mon tour mais n’entend que le bruissement du vent dans les feuilles. Soudain, je vois surgir un énorme serpent à trois têtes. On aurait dit Cerbère mais en version reptile, c’était quelque peu… effrayant. Cependant, étant de la garde Obsidienne, je me devais de m’occuper de ce monstre.
« Karenn ! Va prévenir le QG pendant que je m’occupe de lui !
- Tu es sûre ? J’acquiesçai. Très bien, je me dépêche ! »
Je me place face au monstre et engage le combat avec mon épée.
Pendant ce temps, au QG.
PDV Valkyon
« Quelque chose ne va pas Valk’ ? Me demande Nevra.
- J’ai un mauvais pressentiment… Je sens que Lizoupop est en danger je ne sais pas pourquoi.
- Tu n’as qu’à la rejoindre, elles sont sur la plage avec Karenn. »
Je me dirige donc assez rapidement vers le lieu que m’a indiqué Nevra. Entre temps, je croise Karenn qui m’explique la situation, affolée.
PDV Lizoupop
Je tente de tenir tête au monstre avec un peu de mal. Je reste tout de même concentrée comme me l’a appris mon chef de garde lors de nos entraînements. Avec ses trois têtes, il a réussi à me toucher plusieurs fois mais je tiens bon.
Soudain, j’entends quelqu’un crier mon nom derrière moi. Je me retourne en ayant reconnu sa voix. Malheureusement, le monstre en profite pour m’attaquer et m’envoyer au loin avec l’une de ses têtes. Je heurte un rocher et reste un moment dans les vapes. J’entends tout de même plus que je ne vois Valkyon se battre et tuer le monstre. Je le vois également sortir une pierre bleue que je suppose être un morceau de cristal. Je le sens me prendre dans ses bras avant de sombrer dans les ténèbres.
Je me réveille avec un mal de tête et l’impossibilité d’ouvrir les yeux à cause de la luminosité trop forte. J’entends des voix tout autour de moi.
« Eweleïn ! Je crois qu’elle se réveille.
- J’arrive Valkyon, je vérifie si elle va bien et je vous laisse.
- Que…
- Non, je sais. Je vous laisse seuls et c’est tout. »
Entre temps, j’ai réussi à ouvrir les yeux et Eweleïn m’ausculte. Une fois satisfaite, elle quitte l’infirmerie, nous laissant Valkyon et moi.
« Je suis contente que tu sois venu me voir… Dis-je en rougissant.
- C’est normal, je suis ton… non je m’inquiétais pour toi. Je t’aime beaucoup tu sais…
- Ah bon ? Oh je… moi aussi Valkyon. »
Il me fixe quelques secondes avant de saisir mon menton en se penchant doucement vers moi, guettant ma réaction. Je ferme les yeux et il réduit la distance entre nos deux visages pour m’embrasser. Je sens qu’il n’est pas à l’aise alors je pose à mon tour mes mains sur son visage tout en profitant de ce moment. Il finit par rompre le baiser, un peu trop tôt à mon goût et pose son front contre le mien.
« Je t’aime Lizoupop, je veux te garder auprès de moi.
- Je n’ai pas l’intention de partir… »
Il me sourit avant de m’embrasser à nouveau puis m’aide à me lever avant de me raccompagner jusqu’à ma chambre. Cette journée était vraiment parfaite.

"Le ridicule est comme le loup
Il ne tue que ceux qui ont peur de lui."
Diane de Beausacq

Dernière modification par LanaMD (Le 03-08-2017 à 22h54)
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#1589 Le 30-07-2017 à 00h09
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Bien le bonjour,
Je viens apporter une réponse et un avis au texte que m'a écrit Layssira. Et comment dire que je suis ravie ?
L'attente ne m'a pas du tout dérangé. Si pour avoir la qualité,
il me faut être patiente, aucun problème. Je préfère largement attendre des mois et des mois pour un tel rendu que peu de temps pour un OS médiocre et bâclé. Dès lors que j'ai appris tout le temps que tu y passais et le travail que tu fournissais, Lay...
je n'ai pas douté un seul instant que la commande me satisferait !
D'autant plus que j'ai toujours apprécié ton écriture, de ce que j'ai pu en voir sur le forum.
J'aime beaucoup ta narration et la façon dont tu as structuré l'histoire. Il y avait parfois des découpes que je ne comprenais pas, mais ça ne m'a pas posé problème et la mise en page était sinon très bien faite. Tout était fluide et bien agencé, c'était un vrai régal et les mots glissaient tous seuls les uns à la suite des autres. Ce n'était pas plein de richesse et étouffant de beauté,
mais fluide et délicat, et pas moins agréable, d'autant plus que tu ne fais que peu de fautes.
Ah, ma Eweleïn... ! J'avais oublié avoir demandé du sombre pour son passé, mais je n'ai pas été mécontente d'en trouver, haha. J'ai particulièrement apprécié le côté « sans-cœur » que tu lui as donné, qui tranche avec son altruisme (ce qui est un peu paradoxal pourtant !). Cela s'est un peu vu que tu n'es pas très à l'aise avec la romance, mais rassure-toi, j'ai tout de même bien apprécié les relations qu'Eweleïn a eues avec Tyurig et Belleran !
n.n Je n'ai pas tout de suite deviné que Belleran était ta version de l'homme masqué, mais je l'ai soupçonné au fur et à mesure et quand il est dit qu'il l'est, je me suis dit : "Ah, oui ! Ce que ça colle bien !" Il était vraiment traité, dommage qu'on n'ait pas pu voir plus de sa relation avec Ewy.
Il y a certaines phrases qui faisaient écho parfois dans mon esprit, j'apprécie beaucoup cela lors d'une lecture. Aussi, les citations que tu as choisies pour commencer le dernier acte étaient vraiment belles, je les ai beaucoup aimées !
Le début de relation que tu montres avec Ezarel et Nevra m'a fait sourire. Je t'avoue que je m'attendais presque à un début de romance avec Nevra... pour le bien de l'histoire, je pense que c'est mieux qu'il n'y en ait pas eu, mais mon côté fleur bleue enfantin n'y aurait pas dit non, huhu. D'ailleurs, concernant Nevra, il m'a un petit peu insupportée lors de sa première (et peut-être deuxième, je ne sais plus) apparition, mais par la suite,
je l'ai beaucoup apprécié ! J'ai particulièrement aimé le moment où Eweleïn entend résonner ses paroles dans sa tête qui témoignent de sa trahison. Ouuh, j'ai vraiment aimé, oui.
Comme je commente dans tous les sens, je reviens plus haut dans le texte. Christopher Van Helsing, si j'ai bien retenu son nom,
ne m'a pas trop marquée mais c'était un chouette personnage.
Mais j'ai été aussi surprise qu'Eweleïn d'apprendre sa "trahison",
je le voyais comme un vieux papi mêlé à un rude instructeur...
mais le pire, c'est que finalement, j'ai trouvé que ça lui collait bien de faire ça x)
Je reviens au tout début cette fois, haha. En m'imaginant le moment où Eweleïn déchiquette la pieuvre rien que pour l'étudier...
j'ai presque eu peur, haha, ça rendait vraiment une image horrifique ! Quelque part, c'est comme si cela signifiait que le savoir était terrifiant. J'aime bien cette interprétation. Le savoir est aussi attirant qu'horrifiant... hinhin ~
Un passage que j'ai beaucoup aimé également, c'est celui vers la fin, quand je-sais-pas-qui (Yunoki, Belleran, le subconscient d'Ewy ? D8 ) demande à Eweleïn ce qu'elle est, et qu'après réflexion,
répond qu'elle est la lutte et qu'elle est une combattante.
J'ai vraiment beaucoup aimé cette partie, je l'ai trouvée très belle. J'aime quand les personnages doivent réfléchir et répondre à ce type de questions.
Pour répondre un peu à ton commentaire post-lecture, sinon !
Déjà, tu peux être rassurée, comme tu as pu le constater, le texte me plaît, haha ! Ensuite, tu n'es pas fière du passage au camp,
mais moi je l'ai beaucoup aimé personnellement, j'ai apprécié suivre la vie d'Eweleïn dans cet environnement, j'ai trouvé ça très plaisant. Alors oui, comme je l'ai dit précédemment, c'est vrai que peut-être les relations Ewe/Tyu et Ewe/Bell auraient mérité un plus grand développement, mais honnêtement, c'était déjà très bien comme ça et j'en suis très satisfaite !
Quant à cette fin ouverte, aaaargh. En tant qu'auteure, j'aime beaucoup les fins ouvertes, en tant que lectrice... c'est une autre histoire 8') En fait, je trouve les fins ouvertes toujours très belles, et la tienne ne déroge pas à la règle, néanmoins, il n'empêche que ça me laisse sur ma faim, j'aurais beaucoup aimé voir les débuts d'Eweleïn dans la Garde. Du moins, ta version, car moi,
des versions, j'en ai des tonnes, et je peux m'en faire des tonnes après ce background que tu m'offres... Je ne sais pas si je dois ou non t'en remercier, uf.
Et ne me remercie pas voyons ! Je n'ai eu qu'une attitude normale.
C'est toi que je dois remercier pour tout ce travail qui allie quantité à qualité ! Merci infiniment de m'avoir pondu un pavé aussi magnifique, je le conserve bien précieusement dans mes documents pour pouvoir le relire si l'envie m'en prend.
Bonne continuation et merci encore, tu es géniale ♥
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#1590 Le 31-07-2017 à 12h32
Je vien de finir la commande de Serena ^^
[spoiler Spoiler=Une amitié inattendus]
Une jeune femme sur un balcon, une jeune femme faisant partit a part entière de la garde et acceptée par tout le monde, elle se sentait enfin chez elle, elle avait du se battre pour obtenir le respect d'aujourd'hui, seulement le respect est une récompense qui se mérite plus chez certaines personne,notamment Ezarel
"Bonjour tout le monde" dit Serena en entrant a la cafétéria, tout le monde lui sourit en lui disant bonjour, puis au moment de mordre dans un toast, une voix derrière elle la fit sursauté "Ne croyais vous pas que la nourriture devrait être réserver pour les personnes utiles ?" dit l'Elfe qui avait chiper le toast des mains de Serena, tout en arborant un sourire radieux. "Dans ce cas pourquoi mange-tu ? dit Serena d'un ton agacée. Serena connaissait bien l'elfe qui, pour une raison qui restait inconnue, avait bien décidé de tourmenter la jeune faelienne. Seulement la jeune Kitsune avait un plan afin de rabattre le caquet d'Ezarel, ce dernier avait échouer a sa dernière mission, étant devenus une grande amie avec Miiko, elle sait qu'elle sera prise d'office pour tenter sa chance,
et quand Ezarel verra qu'une sois disant "bonne a rien de faelienne" peut réussir là où il peut échouer, il n'aura d'autre choix que de lui donner le respect pour le quelle elle se bat.
Une fois le repas terminé, Miiko vint annoncer qui s'occupera de ramener le fragment de cristal que Ezarel ne réussit pas a ramener. La jeune chef de la garde étincelante décréta que celui qui réussira a lui prendre la pierre dans sa main, pourra partir a la recherche du fragment de cristal. Nevra et Valkyons tentait de maintenir Miiko en place pendant que Alajéa tentait de sauter plus haut que le bras de la Kitsune, Serena,elle, utilisât la magie celtique afin de faire une cage où Miiko se retrouva enfermer et Serena lui arrachât la pierre des mains. Miiko choisit donc Serena pour aller chercher ce fragments et Miiko passera plus tard dans sa chambre pour lui donner les détails.
Alors que Serena préparât tout un tas de potions et d'armes, Miiko entra dans sa chambre, "Miiko ? Pourquoi tu n'a pas ton bâton ?" fit remarquait Serena. Miiko, qui semblait nerveuse, ne répondit pas et dit juste que le fragment se trouvait dans une grotte sous marine, puis elle tendit deux fioles, l'une pour la transformation en sirène, l'autre pour revenir dans le hall, en cas de problèmes, Serena ne comprenant pas, demandât pourquoi le fragment se trouvait maintenant dans une grotte sous marine, au lieu d'une forêt, comme pour Ezarel. Miiko fit mine de n'avoir rien entendus et s'en allât
Serena arrivât au bord de la plage, étant aux coordonnées conseiller par Miiko pour boire la potion, elle but le contenus du flacon et se transformât en sirène, elle nageât pendant près de 10 minutes et trouvât la grotte dont il était question une fois a l’intérieur, elle retrouvât ces jambes a la seconde ou elle sortir de l'eau, il lui suffit d'un mouvement de la main pour récupérer ces habits, puis une armée de monstres des ténèbres apparut et s’attaquât a Serena qui sortit des armes et tua tous les monstres, puis elle vit une pierre violette au fond de la grotte.
Au même moment dans le hall, Nevra demandat a Ezarel de voir ou se trouvait Miiko, Ezarel cherchait, et entendit Alajéa hurlait dans la chambre de Miiko, Ezarel vit Miiko, attachée de la tête au pieds, Alajea aidant la jeune Kitsune, demandât ce qui c’était passer, Miiko dit d'aller avec Serena, qui courait un grand danger...
Quand Serena s’approchât de la pierre, elle remarquât qu'elle ne ressemblait pas a un fragment normal, mais sans se poser de question, elle pris la pierre et but la seconde potion, qui devait la ramener dans la salle du cristal. Seulement il ne se passa rien, puis, Serena fut distraite par Miiko, en plein fou-rire, elle se moqua de Serena et très vite, "Miiko" était devenus un homme ténébreux avec un sourire sadique, quand Serena comprit qu'elle c’était fait avoir, elle tentât d'utiliser la magie pour s’échapper, mais c'est comme si sont pouvoirs avait disparut, d'un simple claquement de doigts, Serena fut téléporter dans une cage, relier a une machine, "Tu crois vraiment que toi, une Kitsune blanche, je ne t'aurai pas concocter une potion qui étoufferais ton pouvoirs ?" dit l'homme, qui se rapprochait lentement, "Qui êtes vous ? Que me voulez-vous ?"demandât Serena, de plus en plus paniquer, "Ce que je veux, c'est ton pouvoirs, et tu vas me le donner grâce a cette machine" chuchota l'homme, qui activât un levier, a ce moment, Serena fut parcourut d'une immense douleur, et l'ont pouvait voir ces pouvoirs la quitter.
Quand Ezarel arrivât sur les lieu, il vit la jeune Kitsune, inconsciente, dans une cage et l'homme, qui le regardait avec un grand sourire aux lèvres, "Qui êtes-vous ? Vous lui voulez quoi ?" hurlât Ezarel en se préparant au combat, l'homme, riant aux éclats,dit d'un ton solennelle, "Une Kitsune blanche sur notre continents, je ne pouvais quand même pas passer a coter, j'ai besoins de ses pouvoirs, avec ses pouvoirs, je serai enfin immortelle !!!!!!". L'homme se ruât sur Ezarel qui esquivât de justesse et lançât une potion explosif sur la machine, se qui ouvrit la cage de Serena, qui reprit ses esprits mais n'arrivée pas encore a tenir debout, l'homme fou de rage hurlât et une lame de ténèbres fut lancée sur Ezarel qui transperçât la jambe d'Ezarel. Au moment de porter le coup fatal a Ezarel, Serena, toujours privée de ces pouvoirs et toujours faible, se jeta de tout son poids sur l'homme qui tombât, "Une Kitsune blanche privée de ses pouvoirs et
ne sachant quasiment pas marcher et un Elfe qui n'est même pas capable de se lever, vous pensez vraiment que vous avez une chance ?" ricanât l'homme qui se relevât d'un coup, "Je suis blesser mais je sais quand on me vole une potion d'isolement de pouvoirs, et je sais quand je dois prévoir un antidote" sur ces paroles, Ezarel lançât une fiole a Serena qui but le contenu d'un coup. Elle récupérât ces pouvoirs et d'une petite phrase, Serena fit exploser l'homme dont il ne restât que des cendres.
Serena, complètement épuisée par tout ça s'évanouit et lorsqu'elle se réveillât, elle était en présence d'Ezarel, a l'infirmerie, "Ezarel...que fais-tu ici ? Je croyais que je n'était pas utile..." dit Serena, d'un ton triste, "Serena je...je suis désolé...je n'ai jamais était très gentil avec qui que se sois, mais toi tu est arriver a un grade aussi important que moi en l'espace de quelque mois, au fond de moi je savais que ce que je faisais était mal, mais je voulais juste te démoraliser, mais maintenant j'ai compris, et tu n'a pas hésité une seul seconde a te jeter sur lui alors qu'il était clairement fou et qu'il voulait notre mort, tu n'a pas hésiter a me protéger et ceux, peut importe ton état ou ce que j'ai put te dire, tu m'a ouvert les yeux, je te promet qu'a partir de maintenant, plus jamais je ne remettrais ton efficacité ou ton courage en doute." Serena le remerciât et Ezarel riait de bon cœur, " Mais sa ne veux pas dire que je ne pourrais pas te taquiner" dit Ezarel d'un grand sourire et aujourd'hui encore, la jeune Kitsune et l'Elfe qui se détestait, était maintenant de grands amis... [/spoiler]
La fille des Sept Mers
Hors ligne
#1591 Le 31-07-2017 à 19h12

Il y a deux réponses à ta question,
Comme à toutes les questions...

Heya Sistris
Je viens rendre la commande de KotoriNyan, en m'excusant pour le temps que ça a prit. Vraiment, je pensais que j'aurais le temps avant mes partiels, mais finalement non et après ça a été compliqué, alors pardon >.<. Enfin bref, voilà, si tu as quoi que ce soit à changer, que tu veux une modif, et caetera, je suis disponible et promis, ça ne prendra pas plus de deux jours ! Enjoy !
Rappel ^^
Pseudo: KotoriNyan
Genre du one-shot souhaité: Humour ; Romance ; Psychologie
Description plus ou moins précise: L'héroïne est une humaine qui a traversé un cercle de champignon et se retrouve coincée à Eel. (Tiens, comme c'est original, jamais entendu parlé d'un tel scénario avant, bravo Kotori !) Le hic, c'est qu'elle fait une phobie des vampires à cause des histoires de Dracula dont on l'a nourrie quand elle était petite. (Pour elle, Twilight et Vampire Diaries, c'est juste des fantasmes de détraqués qui mèneront les jeunes à leur perte s'ils continuent de croire à ces absurdités.) S'ensuit tout un tas de quiproquos avec Nevra. Et j'aimerais qu'au final, elle soit capable de surpasser sa peur, et avoir une joli romance avec le vampire (a)
Personnages principaux: L'héroïne, Alma, et Nevra.
Personnages secondaires: Libre choix ~
Point de vue désiré: Libre choix ~
Autre: Pour le genre, bien que ce soit supposé être plus humoristique qu'autre chose, j'aime bien aussi quand c'est sérieux, donc si vous pouvez écrire quelque chose de plus psychologique, je vous bénirai ! En revanche, je sais que ce n'est pas évident à faire, donc ça me va si ça reste purement de la comédie romantique.
En ce qui concerne son caractère, j'aimerais que l'héroïne soit du genre amicale, gentille et souriante, qui n'aime pas faire du mal aux autres. (Donc si Nevra est franchement blessé par ses réactions, elle sera touchée et fera plus attention, par exemple). Elle est aussi bornée, et tête en l'air. En revanche, que ce soit plutôt une gamine timide, ou une fille calme et mature (sauf quand elle voit des dents pointues), ça m'est complètement égal. Quant à Nevra, je voudrais que son personnage soit vraiment étudié, pas que ce soit juste un dragueur obsédé par les femelles. J'aime les caractères complexes, donc si quelqu'un prend cette commande, je voudrais que les personnages soient vraiment travaillés et voir une vraie évolution au niveau de leur relation. Les réactions d'Alma vis à vis de Nevra doivent avoir du sens, elle fait vraiment une phobie, l'évolution doit être logique et prendre du temps ; elle ne se fera pas en un claquement de doigt !
J'ai une préférence pour les OS longs et détaillés, et j'avoue pouvoir me montrer assez exigeante x)
Pour plus de renseignements, ma messagerie est ouverte à vous, Gardiens & Gardiennes \o
Sanguivoriphobique
Quand on vous dit vampire, vous pensez immédiatement à un homme grand, beau, mystérieux, ténébreux, avec des canines un peu longues et un régime alimentaire particulier. Si vous êtes un peu tordu, vous imaginez Edward Cullen et son corps brillant au soleil, ou encore Stefan Salvatore et sa bague magique, deux vampires torturés, sympas et mignons tombés amoureux de deux humaines cruches et à l'instinct de survit peu développé. Voilà ce que le mot vampire vous inspire. Mais voilà, Alma, elle, quand elle entend ce mot... eh bien... Elle est prise d'une sorte de peur panique viscérale que rien ne peut stopper. Elle imagine les vampires comme des êtres monstrueux, terrifiants, dévoreurs de vierges effarouchés, destructeur de vie... Bref, le fléau de l'humanité. Enfant, Alma raffolait de ces histoires de monstres. Elle lisait Poe, Shelley, Maupassant, et tout un tas de livres que les enfants normaux regardent de travers. Et puis un jour, elle était tombée sur ce livre. Dracula, de Bram Stoeker. Et alors que les fantômes, banshees, loup-garous et autres créatures n'effrayaient pas Alma, les vampires devinrent son obsession. Certains ont peur des clowns, du vide, des espaces clos. Eh bien Alma, elle, était sanguivoriphobique. Oui, oui, elle avait la phobie des vampires. Elle lisait des tas d'articles sur eux, notant dans un carnet qu'elle portait toujours sur elle les informations cruciales à connaître pour se défendre. Ainsi, Alma avait-elle toujours un crucifix accroché autour du cou, une gousse d'ail dans son sac et de l'eau bénite en bouteille. Elle possédait également plusieurs objets en aubépine et en bois de rose, qui repoussaient ces créatures malveillantes. Comprenez bien. Alma ne voyait pas les vampires comme les voit le commun des mortels. Dans son esprit, les vampires étaient d'horribles monstres aux mâchoires dégoulinantes de bave mêlées à des morceaux de chair et de sang, les yeux globuleux, rouges et brillants dans le noir, la peau blafarde, plissée, recroquevillés comme de vilaines gargouilles, attendant leur heure dans des grottes sombres et humides... Vilain portrait, je l'admets. Mais Alma ne pouvait s'en empêcher. Elle était incapable de regarder un film portant sur ces créatures sans terminer en larmes au bout de la première demi-heure, cauchemardant pendant des jours après ça. Vous imaginez donc sa terreur, quand elle était tombée sur ce livre racontant l'histoire d'une fille nommée Bella, qui tombait amoureuse d'un vampire. Elle avait vu, alors, l'engouement que suscitait les créatures buveuses de sang, et comprit que la fin de la race humaine était arrivée si tous les jeunes continuaient de croire à ces absurdités. Alma menait donc une vie plutôt tranquille, tant qu'elle ne croisait pas de sanguivorifanatiques, qui ne courent finalement pas les rues, et qu'elle ne voyait pas de films dans lesquels le héros avait un quelconque rapport avec Dracula. Sa vie sur Terre aurait pu continuer ainsi, sans jamais croiser l'objet de ses terreurs nocturnes. Seulement voilà, un jour, en se promenant dans la forêt, Alma avait fait la bêtise de marcher dans un cercle de champignon. Or, tout le monde sait que les cercles de champignons sont en réalité des portails vers d'autres mondes, dans lesquels les fées, les dragons et les elfes côtoient les nains et les licornes. Alma avait donc débarqué soudainement dans une grande salle au milieu de laquelle trônait un immense cristal bleu, autour duquel discutaient tranquillement un homme licorne, une femme renarde et un ogre monstrueux. Envoyé directement en prison, Alma avait tenté de s'échapper. C'est en remontant les escaliers qu'elle était tombée sur lui. Le monstre de ses cauchemar. Eh oui. En traversant ce cercle de champignon, Alma avait rencontré son premier vampire.
*
* *
Alma tremble de tous ses membres. Ezarel marmonne des choses incompréhensibles à propos de potions magiques qui ne fonctionnent pas, tandis que Miiko la regarde bouche bée. En effet, la Kitsune ne s'attendait absolument pas à ce que la potion réagisse, et elle déprime à l'idée de garder cette humaine bizarre dans la garde d'Eel. Valkyon reste impassible, comme à son habitude. Mais ce n'est ni l'elfe aux cheveux bleus, ni la Kitsune aux quatre queues, ni le géant faelien que la jeune fille craint. C'est le troisième homme, caché dans l'ombre, qui l'observe avec attention. Elle sent son regard glisser sur ses bras nus et imagine déjà ce qu'il pense de sa chair douce et tendre, rêvant probablement déjà de la dévorer vivante. Les larmes commencent à couler sur ses joues, incontrôlables. Miiko soupire et pose une main sur sa jambe :
- Tout va bien, personne ne te fera de mal, Alma. La potion indique que tu es une faelienne, nous allons donc te garder ici. Mais avant, il faut t'attribuer une garde.
Mais Alma ne l'écoute pas, les yeux fixés sur le vampire borgne qui lui adresse un sourire sans joie. La jeune fille recule brutalement et pousse un léger gémissement. Miiko, qui a déjà eu l'occasion d'observer ses réactions, grimace et ordonne à Nevra de sortir. A contrecœur, le vampire quitte donc le laboratoire, et Alma se détend instantanément. Elle n'y peut rien, Nevra lui fait peur. Quand elle lui était rentrée dedans, dans le couloir, elle avait cru sa fin arrivée. Le vampire lui avait sourit et s'était incliné, tandis qu'elle poussait un hurlement digne des plus grandes castafiores. Attirant la moitié de la garde dans ledit couloir, par la même occasion. Nevra – elle avait appris son nom après – avait cligné des yeux, interloqué, et avait tendu la main vers elle pour la toucher. S'en était trop pour Alma, et elle avait eu une réaction digne du plus grand survivaliste mondial. Elle s'était évanouie. Elle a un peu honte, maintenant, mais comme un claustrophobe qui ne maîtrise pas ses pleurs et ses mouvements dans un placard, la sanguivoriphobe ne maîtrise pas ses réactions face au suceurs de sang. Miiko grimace et entraîne la jeune fille dans la bibliothèque, en prenant soin de lui faire éviter Nevra, caché derrière un pilier. Le vampire trouve vraiment curieuse cette humaine-pas-humaine qui s'évanouit de terreur rien qu'en l'apercevant. C'est bien la seule femme du QG à le faire, les autres hésitant entre le frapper avec un pieu et se pieuter dans le sien. Non pas qu'il n'aimait pas cet engouement autour de sa personne, même si ça lui causait quelques soucis auprès de Miiko quand elle l'apprenait, mais il passait pour un intenable coureur de jupon, ce qui lui valait une sacrée réputation de Don Juan. Et ça n'aidait pas, quand une fille lui plaisait vraiment. Il regarde donc passer cette fille qui n'agit pas du tout comme il s'y attendait, et la voit disparaître dans la bibliothèque. Il est impatient de savoir quelle garde sera attribuée à la jeune fille...
*
* *
Évidemment, il fallait que ce soit celle-là. Miiko regarde avec effarement le papier indiquant la garde d'Alma, qui la fixe avec un mélange de candeur naïve et d'impatience. Elle se voit mal lui annoncer qu'elle se retrouve dans la Garde de l'Ombre. Soit celle de Nevra. Aka le vampire. Aka sa phobie la plus profonde. Les yeux de la kitsune vont et viennent entre le papier et Alma, qui commence à comprendre que quelque chose ne va pas. Miiko, en soupirant, lui montre le papier. Comme elle s'y attendait, la jeune fille se met à trembler, à suer, à blanchir, verdir, rougit puis de nouveau pâlir, tout en malaxant ses doigts entre eux. Miiko observe avec intérêt cet arc-en-ciel de nuances, avant de grimacer quand Alma se met à parler d'une voix très aiguë :
- Je... je... Il... moyen... autre garde... pas celle-la... Miiko... non... je... Lui... je....
Miiko secoue la tête, tranchant net ses espoirs à la racine. Alma sent les larmes monter, et sans pouvoir se retenir, elle se met à pleurer. Miiko, qui ne voulait surtout pas en arriver là, s'agite dans tous les sens en tentant de la rassurer :
- Aaaah... Te mets pas dans cet état... Je t'assure que Nevra est très gentil, il n'est pas du tout effrayant... Bon, d'accord, il a tendance à vouloir mettre toutes les filles de la garde dans son lit, mais...
Alma manque de défaillir en l'entendant, et Miiko maudit son manque de diplomatie. Elle se reprend en bégayant un peu :
- Non, enfin, je veux dire qu'il est très dragueur... Mais il ne ferait pas de mal à une mouche, je t'assure... Alma... arrête de pleurer, ça me gêne...
- Mais...., gémit la jeune faelienne.
- D'ailleurs, je ne comprends pas ce qui te fait si peur. Nevra est un vampire, mais ce ne sont pas des monstres...
Alma lui lance un regard pleins de reproche, s'essuie les yeux et commence alors un long monologue sur la dangerosité de ces créatures suceuses de sang. Peu à peu, elle reprend de l'assurance, ce qui étonne la Kistune : à force de parler du vampire, on dirait qu'elle en oublie sa peur... La jeune femme écoute attentivement sa nouvelle subordonnée, mais ne peut s'empêcher de rire quand Alma annonce d'un air vindicatif que les vampires ne supportent pas les lieux saints. Elle lui demande gentiment de s'asseoir et de se calmer, puis sort un livre d'une des étagères. Exemple à l'appui, la Kitsune présente alors à Alma les vampires eldariens : ne craignant ni le soleil, ni l'ail, ils ne se nourrissent de sang uniquement s'ils sont blessés, ou quand la victime est consentante. Mais jamais contre son avis, et encore moins pour la tuer. Ils peuvent manger de la vraie nourriture. La seule chose qui les différenciaient des humains, c'était leur capacité à ne pas respirer. Elle sourit à Alma, et ajoute qu'en plus, Nevra n'a que vint-trois ans. La jeune humaine, extrêmement dubitative, refuse de croire la femme-renard, mais accepte finalement d'entrer dans la garde de l'ombre. A une seule condition : elle ne sera jamais en contact avec Nevra, qui n'aura pas le droit de l'approcher à plus de deux mètres.
*
* *
Nevra regarde avec attention la nouvelle arrivée. Miiko lui avait expliqué le problème : apparemment complètement phobique des membres de sa race, la jeune fille refusait le moindre contact avec lui. Ça n'allait pas faciliter les choses quant à son intégration dans la garde, mais Nevra respectait son souhait. Il trouvait ça un peu étrange, cependant, car il avait entendu dire que les humains adoraient les vampires. Il sourit à la fille devant lui, qui manque de s'évanouir. Son charme n'était absolument pas dû à sa nature, mais la nouvelle ne semblait pas de cet avis. Elle lui lançait de terribles regards à chaque fois qu'il souriait à une fille... Cela l'attristait un peu, car il aimait, malgré les rumeurs, être proches de ses gardiens, pour être sûr qu'ils s'intégraient bien à Eel. Ça allait être compliqué d'approcher celle-là... Malgré tout, le vampire ne perdait pas espoir. Il se disait qu'elle finirait bien par changer d'avis, et par venir lui parler. Il se fourvoyait. Mais il ne le savait pas encore...
Quelques jours plus tard, il croisa Alma dans un couloir -un parfait hasard, jura-t-il. Elle hurla aussi fort qu'un nouveau-né, effrayant tous les gardiens présents et détruisant les oreilles sensibles du vampire pour deux jours.
La semaine suivante, elle réussi à lui balancer de l'eau salé dans les yeux, alors qu'il se rendait aux jardins et qu'elle lavait son familier. Il cru devenir aveugle – étant déjà borgne, ça aurait été compliqué...
Plus tard, il se retrouva sous sa fenêtre, avec une gardienne – qui ne l'approche plus depuis – et Alma, dérangée par le bruit, faillit faire une attaque en l'apercevant. Elle lui balança sur la tête tout ce qui lui passait sous la main en hurlant des paroles en latin. Il avait essayé de lui expliquer ensuite que ça ne servait à rien de vouloir l'exorciser, mais elle s'était évanouie quand il l'avait touchée. Miiko en avait été furieuse.
Le mois suivant, voulant se rabibocher avec cette humaine étrange, il acheta des fleurs et de nouveaux vêtements, puis alla toquer à sa porte. Il ne pouvait certes pas savoir qu'elle était allergique aux tournesols gelés, mais de là à se faire traiter d'empoisonneur sans âme...
Le QG suivait avec intérêt les efforts de Nevra pour se faire accepter de l'humaine. Laquelle, finalement, s'intégrait très bien, et dans sa garde, et dans les autres, ayant quelques amis fidèles et de plus en plus de connaissances. Gentille, drôle et joyeuse, Alma faisait l'unanimité. Enfin, sauf quand Nevra était dans les parages. Là, une sorte de double maléfique apparaissait, et elle devenait exécrable. Une fois, elle avait même brandit une sorte de croix en métal sous les yeux du vampire médusé, qui avait éclaté de rire en comprenant le geste. Alma avait finit par se dire que Miiko disait vrai, et que les vampires de ce monde ne craignaient pas les armes du sien. Oui, parce qu'elle n'avait retenu que cette partie. Le reste, elle n'y croyait pas du tout. Elle se mit alors à chercher ce qui pourrait éloigner définitivement le vampire d'elle. En effet, à force de vivre à ses côtés – loin, mais à ses côtés quand même – la jeune fille en était venue à une seule conclusion : soit elle quittait la garde, ce qui ne lui plaisait pas vraiment, soit elle trouvait un moyen de neutraliser le vampire, pour éviter les incidents désagréables du genre de ceux qui s'étaient déjà produit. Elle en avait parlé à Ykhar, qui avait cru à une blague. Elle le croyait d'ailleurs toujours. Mais Alma redoutait de mettre son plan à exécution. En effet, prenons par exemple une personne apiphobe : à chaque fois qu'elle voit une abeille, elle hurle, se sauve, se fige... bref, elle est prise d'une terreur telle qu'elle ne peut absolument rien faire pour se débarrasser de cette créature maléfique qui lui tourne autour. Alors, une fois en sécurité, l'apiphobe va réfléchir à une stratégie : un piège à abeille. Une fois le piège – une bouteille remplie de sirop sucré – en place, l'apiphobe le dépose dans un endroit à la fois proche de la zone de danger, mais assez éloigné pour que les abeilles la laisse tranquille. Mais, alors que la zone est dégagée, l'apiphobe sera sans cesse attirée par le bruit des abeilles qui meurent dans sa bouteille. Et, immanquablement, elle finira par faire une crise de panique à cause de la présence croissante des bestioles ailées. Et bien Alma, c'était pareil : elle imaginait des plans pour éloigner Nevra, et quand il fallait les mettre en place, elle se dégonflait, terrifiée par le vampire. Mais quelque chose allait changer... Pour le meilleur, et surtout pour le pire.
*
* *
Miiko avait eu vent de la présence d'une entité maléfique dans la forêt profonde, et avait décidé d'y envoyer des gardiens en reconnaissance. Alma, désireuse d'aider cette garde qui lui fournissait manger et literie – bien que c'eut été un peu compliqué pour cette dernière – se porta volontaire. Miiko, désireuse, elle, d'éviter un désastre, lui attribua Chrome comme coéquipier. Le jeune loup-garou s'entendait plutôt bien avec Alma, malgré des débuts difficiles. Bah oui, Alma n'allait tout de même pas accepter l'existence des créatures fantastiques en claquant des doigts... Les deux jeunes gens partirent donc tous les deux pour la forêt profonde. Ils n'étaient évidemment pas le seul duo, mais ils se retrouvèrent bien vite seuls au monde, Chrome ayant cru voir quelque chose. Tout le monde sait à quel point le sens de l'orientation fait défaut aux gens de son espèce... Eh bien, grâce à Chrome, et bien que le jeune loup peinait à le reconnaître, Alma et lui s'étaient perdus. Ce que la jeune fille ne manqua pas de lui faire remarquer. Si une petite souris s'était glissée dans le sac à dos d'Alma, elle aurait pu entendre ce genre de chose :
- Chrome.
- Quoi ?
- On est perdus.
- C'est pas vrai.
- Menteur.
- Non. Je sais où je suis. Je sais toujours où je suis.
- Ah oui ? Et on est où alors ?
- Euh... On... Je... Dans la forêt profonde ! Voilà !
- Ce qui m'aide énormément... Tu nous as encore perdu ! Pourquoi j'ai dit oui, moi ?
- Parce que tu es une fille naïve et gentille, et que tu crois que Miiko est comme toi.
- Miiko est une sale garce, mais elle me nourrit, elle.
- De toute façon, c'est trop tard.
Ainsi que quelques insultes bien senties comme sale truc poilu complètement désorienté ou humaine dégénérée et je vais appeler Nevra. Mais cela ne les aidaient pas à retrouver les autres. Chrome, désireux de se rattraper – il faut se méfier de ses désirs – décida alors de partir en éclaireur. Alma était bien évidemment contre, mais il n'écouta pas, et avant qu'elle n'ait pu dire un mot, le loup avait filé. Alma se retrouvait donc seule, sans défense, au milieu d'une forêt hostile. Et en plus, elle avait faim.
A l'autre bout de la forêt, pendant qu'Alma tournait en rond, les autres duos étaient rentrés. Nevra, équipier de Valkyon, comptait ses troupes. Et se rendait bien compte qu'il lui manquait quelqu'un. Il vit alors arriver un Chrome complètement affolé, hurlant des choses incompréhensibles à propose d'un amas coincé dans les bois. Une fois le loup-garou calmé, Nevra compris que ce n'était pas un amas, mais une Alma que le jeune gardien avait laissé seule dans la forêt. Le vampire manqua commettre un meurtre, puis se résonna. Les papiers à remplir lui prendraient trop de temps, et Alma avait besoin d'aide. Il reforma les équipes illico presto, comme disaient les humains, et courut vers la forêt sans même attendre Valkyon, qui informait Miiko. Sans comprendre pourquoi, Nevra voulait être celui qui trouvera Alma. Il savait que cela paniquerait la jeune fille, de le voir arriver ainsi, mais il voulait la trouver. Non. Il avait besoin de la trouver. La vampire, perdu, s'arrêta soudainement – causant la peur de sa vie à un minaloo qui chassait là – et réfléchit à ce besoin impérieux qui le prenait soudain. Il essaya d'imaginer un monde sans Alma. Un monde où il pourrait se promener dans le QG sans avoir peur de provoquer un mouvement de panique. Et il se rendit compte qu'il ne voulait pas de ce monde. Il ne voulait pas que la garde redevienne terne et ennuyante. Alma mettait du piment dans leurs vies. Le vampire, alors, sentit battre son petit cœur de cendre – car le cœur des vampires est fait de cendres – et comprit. Après tous ces mois à tourner autour de l'humaine, après avoir essayé tous les stratagèmes connus pour s'en faire accepter, après toutes ces plaisanteries, toutes ces railleries, toutes ces blagues, il avait fini par tomber amoureux. De la seule personne qui ne l'aimerait jamais. Nevra se laissa tomber au milieu des broussailles, et poussa un long soupir. Il l'aimait. Le regard emplit de détermination, Nevra se redressa soudain. Il l'aimait, et il la retrouverait. Quoi qu'il lui en coûte.
*
* *
Loin de ces considérations sentimentales, Alma se disait que finalement, l'expédition dans les bois n'avait pas été une perte de temps totale. En effet, elle avait trouvé la créature de Miiko. Et priait ardemment pour que quelqu'un arrive, parce que son misérable couteau ne suffirait pas à éloigner l'horrible bête qui se tenait devant elle. Des crocs aussi longs que ses avants-bras, des yeux rouges et brillants de haine, de la bave coulant le long de son menton crochu, la bête était tout simplement terrifiante. Alma déglutit et recula lentement, en priant l'Oracle et tous les dieux des deux mondes de lui venir en aide. La bête, qui n'était manifestement pas versée dans la théologie, se jeta sur elle pour la dévorer. Alma poussa un hurlement de terreur et tomba au sol en trébuchant sur une racine. Elle ferma les yeux, attendant le coup fatale. Mais rien ne vint. Prudente, les larmes coulant sur ses joues rougis par la peur, Alma rouvrit les yeux. Et songea que les dieux avaient vraiment un humour particulier... Devant elle, faisant rempart de son corps, se tenait le chef de la garde de l'Ombre. Il l'avait retrouvée. Et elle se rendit compte que le soulagement primait sur la peur. Pour la première fois depuis son arrivée à Eldarya, sa première impulsion n'était pas de fuir. Certes, Alma était tiraillée entre sa terreur pour la bête, et sa phobie des vampires, mais elle hésitait entre courir pour échapper à Nevra, qui venait pour la sauver, et s'avancer pour l'aider à vaincre la bête, qui venait pour la manger. Le vampire mit fin à ses interrogations en se jetant sur le monstre. Alma, soulagée, recula encore pour se mettre à distance de ces deux combattants. Nevra, bête sauvage en puissance, mordait, griffait et rugissait en frappant la chose de ses lames aiguisées. Alma, terrifiée, ne vit plus que le monstre et oublia le sauveur. Son soulagement initial avait disparut, laissant place à une terreur primaire et pure. La jeune humaine ne contrôla plus rien. Elle se releva en gémissant de terreur, et se mit à courir. Elle voulait simplement échapper à ce vampire. Elle courut, loin, toujours plus loin, les larmes laissant un goût salé sur sa langue, les branches lui griffant le visage et les racines la faisant trébucher. Mais elle ne s'arrêta pas. Elle fuyait, elle fuyait le monstre de ses cauchemars. Après plusieurs minutes d'une course effrénée, une petite voix se fit entendre dans la tête de la jeune fille effrayée. Il essayait de t'aider. Elle secoua la tête et continua de courir. Il n'est pas si terrifiant. Elle hurla et continua de courir. Il était même plutôt gentil. Elle trébucha, tomba et cessa de courir. Alma serra ses bras contre son ventre, les larmes coulant sur son visage et gouttant sur le sol. Elle avait peur. Elle était même terrifiée. Mais Nevra voulait simplement l'aider. Il est peut-être blessé. A cette pensée, Alma sentit son cœur se serrer. Le vampire souffrait peut-être en ce moment même, priant pour que quelqu'un l'aide, et elle, elle fuyait vers la garde. Peut-être serait-il trop tard quand les autres arriveraient. Peut-être qu'elle ne se souviendrait même pas du chemin. Alors Alma se releva. Elle souffla un grand coup et fit lentement demi-tour. Elle était peut-être froussarde et faible, mais elle ne laisserait jamais un ami dans le besoin. Et, oui, Alma pouvait se persuader que Nevra était un ami. La jeune fille, dans un effort presque surhumain, posa un pied sur le chemin qu'elle avait tracé en courant. Les broussailles aplatis par sa course lui indiquaient la route à suivre. Alors elle posa son deuxième pied, et un pas après l'autre, Alma prit la direction de la clairière dans laquelle elle avait laissé le vampire.
Elle le trouva au bout d'une dizaine de minute. La clairière était sombre, la nuit tombait. Elle vit d'abord le monstre. Une lame dans le cœur, il ne bougeait plus. Elle le contourna avec prudence, et son regard tomba sur une forme allongée, à quelques mètres d'elle. Nevra. Sa première impulsion fut de courir dans l'autre direction. Mais elle serra les poings et fit quelques pas en direction du vampire. Elle murmura son nom. Il resta immobile. Elle le dit un peu plus fort. A la troisième tentative, Alma sentit son cœur se figer. Le vampire était manifestement inconscient. Avant qu'elle n'ait pu comprendre, elle se retrouva agenouillée à ses côtés. Elle resta ainsi quelques minutes, puis se secoua les puces et posa une main tremblante sur l'épaule du vampire. Il ne bougea pas. Rassemblant tout son courage, elle le tourna vers elle, tremblant de tous ses membres. Le visage du vampire lui apparut, bien plus pâle que d'ordinaire. Elle déglutit et baissa les yeux. Sous son gilet noir, réduit en charpie, une énorme plaie suintait d'un sang noirâtre. Du poison. Alma se sentit blanchir. Elle secoua légèrement le vampire, du bout des doigts. Le visage crispé par la douleur, elle le sentit respirer. Comme attirée par une force invisible, elle passa les doigts sur son nez, sa joue, son front, ses lèvres... Puis se reprit soudain. Non. Il était peut-être très beau, comme ça, endormit, semblant inoffensif, mais il restait un prédateur terrifiant et cruel. Alma se releva. Elle allait courir chercher de l'aide. Elle ne pouvait pas l'aider toute seule. Mais à peine avait-elle fait un pas qu'un gémissement s'éleva de la bouche du vampire. Et un terrible sentiment de culpabilité envahit Alma. Même si cet homme représentait tout ce qu'elle avait toujours craint, même s'il était sa phobie personnifiée, elle ne pouvait pas l'abandonner. Mais comment l'aider, alors ? Elle était trop faible pour le porter jusqu'au QG, et lui trop mal en point pour attendre son retour. L'idée lui vint si naturellement qu'Alma comprit qu'elle le savait déjà en pénétrant dans la clairière. Elle pouvait aider le vampire. Elle pouvait lui donner son sang. La terreur la figea sur place. Puis elle regarda le visage de Nevra, qui semblait atrocement souffrir. Alors, glacée, les larmes brouillant sa vision, elle s'approcha du vampire inconscient. La main tremblant si fort qu'elle cru lâcher le couteau plusieurs fois, elle l'approcha de son poignet, et posa la pointe sur sa peau gelée. Il lui fallut plusieurs secondes pour avoir le courage d'appuyer. Mais elle le fit. La douleur lui arracha un gémissement, mais elle essayait de garder en tête que Nevra souffrait probablement plus qu'elle. Elle garda le poing fermé, le sang gouttant au-dessus du vampire, sans pouvoir bouger. Elle respira un grand coup, et avant de changer d'avis, plaqua sa plaie contre les lèvres exansues de Nevra. Les yeux fermés, attendant le coup de croc mortel qui la laisserait soit morte soit sous l'emprise du monstre, elle ne vit pas ce dernier ouvrir les yeux et contempler la scène, le précieux liquide rouge glissant lentement dans sa gorge sèche. Il écarquilla les yeux en voyant Alma, plus pâle que lui, en pleurs, la main collée contre sa bouche. Et il comprit que la jeune fille avait prit la décision la plus courageuse de sa vie. Pour lui. Son cœur affaiblit se mit à battre plus vite, et il décida de remercier Alma comme il se devait. Délicatement, il entrouvrit les lèvres et aspira juste ce qu'il lui fallait de sang pour combattre le poison. Puis, toujours aussi doucement, il lécha la plaie, sans la toucher avec autre chose que ses lèvres. Prit d'une envie subite, il embrassa légèrement le poignet d'Alma. Et alors seulement, il releva les yeux. Et croisa ceux de l'humaine, dans lesquels se mêlaient dégoût, terreur, mais aussi soulagement. Et ce dernier sentiment donna des ailes au vampire. Elle lui avait sauvé la vie, au péril de la sienne. Le vampire, en se reculant doucement pour ne pas effrayer Alma, déjà en passe de défaillir, songea que, peut-être, la chance lui souriait enfin. Peut-être allait-il réussir à séduire cette humaine sanguivoriphobique, finalement.
*
* *
Bien évidemment, la transition ne fut pas immédiate. Alma rentra au QG en restant à trois pas de Nevra, qui lui adressait un visage radieux à chaque fois qu'il se retournait pour voir si elle suivait. Elle semblait persuadée qu'il allait se jeter sur elle pour la dévorer, aussi s'assura-t-il de ne faire aucun mouvement brusque et de paraître aussi innocent que possible. Une fois rentrés au QG, les deux gardiens furent convoqués par Miiko, furieuse, pour donner des explications. La Kitsune, malgré sa colère, ne put s'empêcher de remarquer qu'Alma se tenait dans la même pièce que Nevra, et ce, sans crise de larme, sans hurlement et sans évanouissement intempestif. Les deux gardiens racontèrent leur mésaventure, sans rien omettre, et Alma fut envoyée à l'infirmerie. Nevra la suivit, car il était encore faible, et il fut installé sur le lit le plus éloigné du sien. Alma put quitter l'infirmerie dans la journée qui suivit. Pas lui. Et pendant que Nevra se remettait de ses blessures, Alma réfléchissait. Elle avait eu la peur de sa vie en donnant son sang au vampire, mais quelque chose en elle avait changé. Elle ne le trouvait plus si effrayant que ça. Peut-être, après tout, que Miiko avait raison et que les vampires eldaryens étaient différents des siens.
Nevra sortit de l'infirmerie la semaine suivante. Et la vie reprit tranquillement son cours au QG. Il offrait des fleurs à Alma. Elle hurlait en le traitant de pervers psychopathe. Il lui proposait une balade dans les jardins. Elle criait au meurtre. Il toquait à la porte de sa chambre. Elle lui jetait des livres. Il toquait à sa fenêtre. Elle lui renvoyait ses pierres. Et les gardiens souriaient, car dans les hurlements d'Alma, la terreur avait laissé la place à l'amusement. Même si elle ne s'en rendait pas encore compte, Alma s'était habituée au vampire, et elle avait même fini par éprouver un peu d'attachement pour lui. Et c'est l'arrivée d'une petite nouvelle qui lui en fit prendre conscience. Car du jour au lendemain, Nevra cessa de l'ennuyer. Elle ouvrit la porte de sa chambre sans y trouver de cadeau. Elle alla manger sans se faire aborder sur le chemin. Elle flâna dans les jardins sans être importunée par son parfum. Et elle alla se coucher sans que personne ne lui déclame de poème – Nevra faisait dans le vieux jeu, n'étant pas très au fait des tendances actuelles chez les humains. Le vampire, trop occupé par sa nouvelle gardienne, une fille aux cheveux blonds et aux yeux azurs, n'avait plus de temps pour elle. Au début, Alma s'en trouva soulagée. Et puis, au matin du deuxième jour, elle sentit comme une pointe de tristesse, en pensant qu'elle allait passer une autre journée sans Nevra. Alors elle marcha dans les jardins pour se changer les idées, effrayée par les pensées qui lui traversaient l'esprit. Et, coïncidence ou non, elle tomba sur Nevra – littéralement, elle n'était pas très adroite. Le vampire, la nouvelle accrochée au bras, faisait le tour des jardins. Et Alma, ébahie par cette vision, en oublia de hurler. Et ressentit une grande jalousie à l'égard de cette fille qui se promenait au bras de Nevra. Lequel ne comprenait rien à la situation... Alma, sans un regard pour lui, se releva et marcha droit devant elle. Et Nevra eut le temps d'apercevoir une larme couler le long de sa joue gauche. Le vampire comprit. Un grand sourire illumina son visage, et il lâcha la nouvelle – qu'il ne faisait en fait qu'accompagner – pour rattraper Alma. Il agrippa son poignet – la faisant frémir – et la tourna vers lui. Le vampire, sûr de lui, plaqua alors ses lèvres contre celle de la fille qu'il aimait. Laquelle, phobique jusqu'au bout des ongles, s'évanouit.
Alma ne resta pas longtemps inconsciente. A son réveil, Nevra lui fit remarquer qu'elle avait un drôle d'instinct de survit. Puis il lui sourit. Et lui déclara sa flamme. Alma lui fit remarquer qu'elle avait comprit la première fois, et que s'il pouvait s'abstenir de l'embrasser encore, elle lui en serait infiniment reconnaissante. Le vampire sourit. Et lui demanda sa réponse. Alma resta longtemps silencieuse. Puis, lentement, elle hocha la tête. Avant de stopper Nevra de sa main tendue. Alors, elle lui fit un long discours, pour lui expliquer pourquoi. Pourquoi elle craignait les vampires plus que tout. Pourquoi elle l'avait fuit pendant si longtemps. Pourquoi elle ne le trouvait plus si effrayant. Et pourquoi elle était prête à lui laisser sa chance. Nevra lui assura qu'il comprenait. Et que ça lui suffisait. Il promit de ne pas la toucher sans son accord. Et le QG entier trembla en entendant la nouvelle. Nevra sortait avec Alma. Au départ, tout le monde voulait voir les deux tourtereaux. Puis on se rendit compte que le spectacle n'était pas très intéressant. Alma et Nevra ne faisaient que parler, à la cantine, dans les jardins, à la bibliothèque. Jamais plus. Mais Nevra était patient. Il donna le temps qu'il fallait à Alma, tout en lui parlant de sa race. Sans rien omettre. Les vampires étaient violents et cruels. Ils pouvaient aussi être les plus loyaux des alliés. Il lui parla des guerres, des accords de paix. Il lui décrivit les châteaux, leur mode de vie. Il lui expliqua pourquoi il était partit. Petit à petit, Alma oublia sa peur. Et un jour, elle ne vit plus Nevra comme un vampire, mais comme un homme avec des canines un peu longues. Ce jour là, Nevra l'embrassa pendant de longues heures, comme pour rattraper le temps perdu. Mais pas plus. Il attendrait le temps qu'il fallait, pour ça aussi. Et Alma oublia sa peur des vampires. Quand elle y repensait, cela la faisait rire. Puis elle regardait Nevra, et ne voyait que l'amour dans ses yeux. Elle n'avait plus peur des vampires.
Et Alma rencontra Karenn. Ce jour-là, les gardiens du QG grimacèrent. Non, Alma n'avait plus peur de Nevra. Mais elle était, et serait probablement toujours, sanguivoriphobique. Et les membres du QG auraient la lourde tâche d'éviter les catastrophes que provoquait la rencontre entre Alma et un membre du clan des DDD. Descendants De Dracula. Miiko, assise dans son bureau, écoutait les hurlements de l'humaine qui aimait un vampire, et soupirait de désespoir. Un jour, son beau QG serait calme et tranquille. Un jour. Peut-être...
Leida ai op yu dena

Je ne reviendrais peut-être jamais.
Elle est nulle cette réponse.
Donne moi celle du poète.
Dernière modification par MayaShiz (Le 31-07-2017 à 19h16)
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#1592 Le 31-07-2017 à 19h54
Conteuses dont la prise de commande date de plus de deux mois, vous recevez votre premier avertissement et avez encore 2 mois avant d'être interdîtes de post durant un mois:
-@Cathalinda ==> commande de Misakilya (au vu de ta date de prise de commande, tu as jusqu'au 01/09)
-@Clafadrac ==> commande de LittleNox
-@Coeurex ==> commande de Nuit
Vous vous voyez retirer votre commande et vous recevez une interdiction de poster d'un mois.
Rappel ! Vous avez jusqu'au 24/08 pour poster votre commande avant d'être interdites de poster durant un mois.
-@Ichigo89100 ==> commande de ReinaSolo
-@Katelyna ==> commande de Ody78
-@sasakura2003 ==> commande de TheBlueWolf29
-@Edhellsa ==> commande de Araminta -> demande de modifications le 19/04
Si certaines commanditaires souhaitent reposter leur commande car leur conteuse appartient à cette liste, elle le peut si elle l'indique dans son post. Merci d'avance et désolée pour cette attente.
Dernière modification par Ayaneee (Le 01-08-2017 à 20h21)
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#1593 Le 31-07-2017 à 23h46
Je viens remercier @MayaShiz pour son OS ! J'AI ABSOLUMENT A.D.O.R.É !
MERCI INFINIMENT C’ÉTAIT EXACTEMENT CE QUE JE VOULAIS ! J'AIME J'AIME J'AIME !
J'éditerai ce message dans la semaine pour te donner mon avis détaillé, promis ! Attends-toi à un roman, heheh >v>
Bisouus
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#1594 Le 01-08-2017 à 21h13

Pseudo: Fleur31
Genre du one-shot souhaité: Aventure et amour
Description plus ou moins précise: J'aimerais bien une sorte de mini mission en amourette avec Leiftan !
Personnages principaux: Ma gardienne et Leiftan
Personnages secondaires: Tu intègre qui tu veut !
Point de vue désiré: Comme tu le souhaite
Autre: Je remercie d'avance celle qui prend ma commande

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#1595 Le 02-08-2017 à 00h09
Bonsoir, je voudrais passer une commande pour un OS qui serait en rapport avec le passer de ma gardienne
Pseudo:TheMoonChild
Genre du one-shot souhaité:Amitié
Description plus ou moins précise:Raconté la tranformation de Claudia en vampire par Lestat, après que celui-ci est transformé Nicolas.
Personnages principaux:Claudia/Lestat
Personnages secondaires:Nicolas
Point de vue désiré:Omnicient
Autre:
Spoiler (Cliquez pour afficher)
Elle est issue d'une famille noble. C'est en 1796, l'année de mes 17 ans qu'elle connue sa seconde naissance, lorsque Lestat, le meilleur ami de son frêre, fit d'elle un vampire, c'est également ce jour là qu'elle décida de changer son nom de famille pour prendre celui de se dernier.
Qualités : Honnête, loyale, fidèle, courageuse, ambitieuse et réfléchit.
Défauts : Méfiante, peu sociable, fière, parfois hautaine voire méprisante, rancunière et sans pitié avec ses ennemis. Son caractère change selon les personnes avec qui elle se trouve, ellee sais très bien s'adapter et se montrer discrète quand il le faut tout comme ellee peux se montrer très têtue et donner de la voix quand c'est nécessaire.
Le sarcarsme est sa manière principale d'exprimer son agacement face aux personnes de son entourage.
Visage : Les traits fin et délicat, un petit front, des sourcils naturellement peu fournits, son nez est légèrement retroussé et elle à les lèvres pulpeuses. Ses yeux en amandes sont naturellement bleu. Elle possède de long cheveux légèrement ondulés d'un noir ébène naturel
Spoiler (Cliquez pour afficher)
Jeune homme aux yeux bleus et à la magnifique chevelure blonde platine frisé,le vampire Magnus fait de lui un vampire avant de se suicider par immolation. Lestat cherche en permanence la rédemption, son salut et veut dans sa paradoxale vanité devenir un saint. Il est narcissique et imbu de sa personne mais a peur de la solitude. Il est secrètement amoureux de Nicolas.
Spoiler (Cliquez pour afficher)
Il est surnommé Nicki. Violoniste virtuose, compagnon inséparable de Lestat pendant leur jeunesse, c'est le grand frère de Claudia. Il fût transformé par Lestat quelques heures avant Claudia mais la suite de sa transformation vampirique, il ne devient plus que l'ombre de lui-même. Il se jettera dans un brasier pour se tuer quelques semaines plus tard. Il est grand, musclé, son visage à des traits assez fins, avec de long cheveux noir ébène légèrement ondulés et des yeux bleu en amande. C'est un poète romantique dans l'âme, il n'aime pas être le centre de l'attention.
Dernière modification par TheMoonChild (Le 02-08-2017 à 13h26)
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#1596 Le 02-08-2017 à 01h09
Je passe ce soir(/cette nuit ?) pour annoncer que je prends la commande de Coeuràlamer !
Je me sens quand même obligée de me justifier pour le choix de ma commande étant donné que je n'ai pas pris les premières qui sont prioritaires, donc :
- Tout d'abord, il n'y avait pas de commandes avec Eza (enfin apparemment il y avait celle de Nuit, mais je ne l'ai pas vue 0_0 sinon je me serais jetée dessus :P et quelques autres que je n'aurais pas réussi à développer)
- MinaOffice, je ne connais pas les persos dont tu parles :/
- Equinoxe, ta commande est très intéressante mais ce n'est pas mon style d'écrit et j'aurais trop peur de te décevoir et de me décevoir moi-même :/
Ta commande, Coeuràlamer était donc une commande de type "drame" ce qui m'a attiré, et de plus elle me semblait assez accessible étant donné qu'il n'y avait pas beaucoup de restrictions.
Alors, déjà je préviens, mon titre est nul ! Ensuite j'avoue avoir eu un peu de mal avec ta commande car elle n'avait que très peu de précisions !
J'ai donc fait au mieux du moins je l'espère, et n'hésite pas à me le dire si ça ne te convient pas !
Après je m'excuse d'avance, (préparez les lancers de tomates)...
J'ai réalisé cette commande en point de vue omniscient (honte sur moi). J'étais PER-SU-A-DEE que c'était ce que tu désirais, et là,
en écrivant le message et en incluant un rappel de ta commande je me suis rendue compte de mon erreur 0_0 J'ai donc essayé de le réécrire en interne mais je trouve qu'il apparaît alors très "fade" néanmoins si tu le souhaites je le réécris entièrement !
Petit rappel de la commande
Pseudo: Coeuràlamer
Genre du one-shot souhaité: Drame.
Description plus ou moins précise: Je voudrais avec Nevra (<3) une histoire dramatique genre accident.
Personnages principaux: Lilou et Nevra
Personnages secondaires:/
Point de vue désiré: Interne
Autre: Prenez votre temps.
Echec de la mission
Il ne l'avait pas entendu.
Non il n'avait pas entendu les pas feutrés de ce dernier qui faisaient crisser les quelques feuilles mortes de la lisière de la forêt. Non, il n'avait pas entendu les grognements que produisait la créature en se rapprochant de leur position. Il n'avait pas non plus entendu ses griffes raclant la terre, comme aurait pu le faire un taureau, synonyme d'une prochaine attaque. Il n'avait entendu que le cri de la jeune gardienne qui marchait derrière lui, la gardienne qu'il n'avait pas su protéger, la gardienne dont il s'était épris, Lilou.
Pourtant, plus il y réfléchissait, plus il ne comprenait cette absence soudaine dont il avait fait preuve. Car oui, en temps normal, son ouïe plus que développée due à sa nature de vampire lui aurait permis de percevoir ses sons annonciateurs d'attaques, et ici, conséquences de drame. Non, il ne comprenait décidément pas ce qui l'avait plongé dans cet état second.
Avait-il repensé à leur mission qui avait été un échec cuisant par sa faute ?
A la soirée qu'il prévoyait de passer avec les autres chefs de garde à boire leurs boissons favorites en se taquinant entre eux ?
Ou au contraires à toutes les soirées qu'il avait gaspillées à enchaîner conquête sur conquête pour noyer le mal-être qui naissait en lui ? Ah, et ce mal-être, parlons en.
Cela avait commencé il y a quelques mois déjà. L'apparition de réactions qu'ils ne se connaissaient pas, une timidité soudaine, une accélération de son rythme cardiaque, des difficultés à s'exprimer, et des dizaines d'autres « symptômes » en présence d'Elle, causés par une seule et même raison. Ou plutôt une perte de raison. Un sentiment qui lui était, lui semblait-il jusque là, impossible à ressentir. Oui, vous l'avez deviné, Nevra était tombé amoureux. Amoureux de la jeune gardienne qui avait intégré sa garde dernièrement. L'élue, Lilou.
Lilou est ses cheveux bleus roi aux milles reflets. Lilou et ses yeux améthystes dans lesquels il adorait se perdre et se plonger. Lilou à qu'il pouvait associer mille et unes qualités sans pour autant lui trouver le moindre défaut. Lilou qui a ses yeux était devenue la perfection même.
C'est ce mélange confus qu'avaient formé ses pensées qui l'avait mené à perdre l'usage habituel de ses sens pour avoir la même capacité d'audition qu'un humain, si ce n'est moins. Et par ce manque d'attention, il s'était retrouvé là, à courir au beau milieu du QG, sa jeune protégée dans les bras, le ventre ensanglanté.
A peine avait-il entendu son cri que ses sens s'étaient à nouveau réveillés et qu'il avait immédiatement compris la situation. Il s'était alors saisi de sa dague et avait fait fuir le blackdog aisément avant de se précipiter auprès de la gardienne qui l'accompagnait. De longues griffures avaient déchiré son abdomen, à présent ensanglanté. En plongeant son regard dans le sien, il avait immédiatement perçu la douleur qu'elle ressentait, les mots d'excuses qu'elle rêvait de lui formuler pour son manque d'attention, alors que tout était de sa faute.
Il l'avait alors prise dans ses bras avant de s'élancer vers le QG, qu'il avait d'ailleurs rejoint à une vitesse phénoménale.
A peine pénétré dans l'infirmerie, il avait hurlé le nom de l'infirmière, faisant manquer de peu une crise cardiaque à cette dernière, avant de la déposer sur l'un des lits de l'infirmerie.
Son hystérie était telle qu'Eweleïn, n'arrivant pas à se concentrer avec un énergumène dans une situation de panique pareille, avait dû avoir recours à l'aide de Valkyon pour le faire sortir de l'infirmerie de force, malgré ses nombreuses protestations.
Suite à cela, Nevra avait dû patienter en dehors de l'infirmerie, adossé contre l'un des murs du bâtiment, la tête entre ses mains, les larmes dévalant ses joues, se maudissant intérieurement le manque de sérieux qui avait été la cause de l'accident.
Il ne sut combien de temps il était resté ainsi, la notion du temps lui ayant faussé compagnie afin d'être remplacée par un stress qui semblait lui lacérer le ventre comme le blackdog l'avait fait à sa protégée. Il se sentait absent, absent de son propre corps, comme si toute notion de vie lui était impossible tant que l'état de la jeune gardienne ne se serait pas arrangé.
Au bout de ce qui lui semblait être des heures et des heures, il perçut des bruits de pas se rapprocher de son emplacement avant qu'une main compatissante ne se pose sur son épaule. Il ne voulait pas de compassion. Et encore moins de la pitié. Il ne voulait pas non plus entendre ces banalités que l'on ressort à chaque accident « Ce n'est pas de ta faute ! », « Tout va s'arranger ! », « Tu n'y es pour rien ! ». Toutes ces phrases qui semblaient être un amas de bêtises, pour être polie, à ses yeux actuellement.
Non il ne voulait absolument rien entendre. Mais la culpabilité qui le rongeait n'était pas l'unique raison de ce refus. Nevra avait peur. Peur de ce qu'on allait lui annoncer.
Et s'il n'avait pas réagi à temps ? Et s'il l'avait amenée trop tard ? Et si elle ne se réveillait jamais ? Oui, et si elle mourrait ? Voilà le flot de questions qui l'avait assailli en l'espace de quelques secondes, lui procurant un mal de tête infernal. Les larmes roulaient le long de ses joues alors qu'il redoutait mais attendait désespérément des nouvelles de Lilou.
- Nevra... murmurra l'elfe, son meilleur ami qui se trouvait à ses côtés, d'un ton doux dont on percevait néanmoins des nuances de tristesse, je... je suis désolé.
Le cœur du vampire sembla s'arrêter le temps d'une seconde. Ce ton n'était jamais annonciateur de bonnes nouvelles, il le savait. Et les mots commençaient à prendre leur sens dans la tête du vampire, à son plus grand désarroi. Ses épaules se relachèrent soudainement, synonyme de sa perte d'espoir. Il eut l'impression que son corps tout entier se réduisait en lambeaux alors qu'il se sentait tomber dans un néant infini dont la seule issue serait de tout abandonner. Il se recroquevilla un peu plus sur lui même et fut parcouru de tremblements incontrôlables, rythmés par ses sanglots qu'il tentait vainement d'étouffer dans son écharpe. Il avait l'impression d'avoir été amputé de la plus grosse partie de son cœur.
Il ne serait plus jamais lui-même, il ne serait plus jamais heureux sans elle. Elle avait pris une place conséquente dans sa vie, sans même le savoir. Elle était devenue sa raison de se battre, sa raison de croire en l'avenir et en lui-même, sa raison de croire en ce sentiment qui paraissait si idéal aux yeux des autres et qui lui avait été inconnu durant tout ce temps : l'amour.
Oui, elle était devenue sa raison de vivre. La raison qu'avait son cœur de continuer à battre, son cerveau de continuer à réfléchir, son sang de continuer à couler dans ses veines, sa respiration d'alimenter ses poumons. Elle lui était devenue vitale, un besoin, une drogue.
Comment survivrait-il sans ce parfum qui emplissait ses poumons à chacun de ses passages, ses yeux si profonds et sincères, sa moue rieuse, l'ensemble de ce qui faisait d'elle la personne qu'il aimait ?
Il avait l'impression de tomber au beau milieu d'un gouffre, de tomber encore et encore, sans qu'il n'y ait jamais de fin. Ce gouffre n'aurait jamais de fond, alors que la vie de sa jeune gardienne venait de prendre fin. La vie lui semblait alors plus injuste qu'elle ne l'avait jamais été. Pourquoi certaines personnes vivent-elles plus que d'autres ? Voilà une des questions que devait se poser la quasi totalité de ceux qui perdent ou ont perdu un être qui leur était cher. Et Nevra semblait en faire apparemment partie, à présent.
Quand soudain, alors qu'il se sentait ravagé par la vague de ses émotions, une brusque tape sur ses épaules suivie d'un rire tonitruant le sortit de ses pensées. Il dévisagea alors Ezarel avec des yeux ronds, mais encore remplis de larmes, marques de son étonnement mais aussi de son désespoir.
L'elfe osait très clairement se moquer de lui. Ne comprenait-il pas l'ampleur que cette perte représentait pour lui ? Ne saisissait-il pas qu'il donnerait sa vie pour qu'elle lui revienne ? Est-ce que tout cela, n'était pour lui qu'une vaste plaisanterie ?
- Nan mais t'aurais vu ta tête sans rire ! E-PI-QUE. Elle va bien ta petite protégée ! Elle est juste un peu sonnée !
L'elfe continua de rire de lui sans s'apercevoir que les poings de son ami étaient tellement serrés que ses phalanges viraient au blanc. Oh oui, l'elfe avait fort intérêt à courir vite, car l'émotion qu'affichait à présent le visage du vampire ne lui annonçait rien de bon. Oui, Ezarel risquait de passer un très, très mauvais moment en compagnie de son meilleur ami.
NDA : Je n'ai pas pu m'empêcher (honte sur moi) de finir cet OS de manière relativement comique, mais si cela te dérange, signale-le moi et j'essaierai de te modifier la fin au possible pour que cela te convienne !
Au final j'ai vraiment honte de ne pas avoir entièrement respecté ta commande :( ... Franchement si cela ne te convient pas n'hésites pas, je recommencerai.
Dernière modification par nutellAlice (Le 12-08-2017 à 23h20)
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#1597 Le 02-08-2017 à 10h00
Je viens remercier @Lauramalaurie pour avoir fait ma commande ^^ Je lui ai donnée toute les précisions par mp ^^
[color=]S[color=#B3CDD3]eul un idiot sourit comme un idiot en rêvant idiotement à des rêves idiots.[/color][/color]
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#1598 Le 02-08-2017 à 17h42
" Je ne te déteste pas. "
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Bonjour,
Je passe prendre une commande, vu que ça fait un petit moment. Je prends donc la commande de Nuit qui m'inspirais depuis pas mal de temps.
Bonne fin de journée.
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" C’est juste que je ne suis pas
particulièrement ravie que tu existes."
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#1599 Le 02-08-2017 à 21h32
Je passe en coup de vent pour annoncer que je prends la commande de Fleur31 qui arrivera d'ici peu.
Attends-toi à recevoir une demande de ma part !
Bonne soirée !
Dernière modification par CalixtaxX (Le 02-08-2017 à 21h32)
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#1600 Le 03-08-2017 à 16h54
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Au feu de la passion, on peut risquer
de se brûler les ailes...
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Hellow !
Je prend la commande d'Equinoxe. ^-^
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Mais rester de glace
est-ce vraiment une solution ?
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